Le lendemain le fils de l’agriculteur tenta de dompter l’un des chevaux sauvages, mais l’animal rua, le fit tomber et le garçon se fractura la jambe. De nouveau les voisins et les amis revinrent pour exprimer leur compassion pour tant d’infortune. Mais l’agriculteur répondit seulement : « Peut-être bien, peut-être pas. » Un peu plus tard les militaires vinrent dans le village pour recruter les jeunes hommes pour l’armée. Le fils de l’agriculteur, handicapé, put rester à la maison, car l’armée ne recrutait pas les invalides. « Quelle chance! » dirent à nouveau les voisins et les amis. Mais l’agriculteur répondit seulement : « Peut-être bien, peut-être pas. »
L’agriculteur refusait de laisser déterminer ses émotions et ses expériences par les circonstances et les jugements des autres. Il acceptait les évènements qui se produisaient tels quels, sans jugements et sans qualifications de bon ou de mauvais. Il maintenait sa tranquillité d’esprit et sa sérénité, quoi qu’il arrive. Cette histoire met bien en lumière que les émotions ne sont pas induites par le monde extérieur ou par les autres. Les émotions sont des réactions sur nos propres représentations et pensées. Nous pouvons appeler cette dimension de notre pensée : notre paysage symbolique, notre paysage de significations. A l’opposé de la pensée sensorielle-descriptive ou conceptuelle-explicative, c’est surtout cette dimension qui détermine nos réactions émotionnelles. Pour comprendre soi-même ou les autres, il suffit d’écouter le vocabulaire et les métaphores. Pour avoir un autre ressenti, il suffit de cultiver un autre paysage symbolique interne.
L’art de vivre Les deux tournures coperniciennes dont il a été question, sont donc: - la source de toutes nos émotions se trouve en nous, pas dans le monde extérieur ou dans les autres - nous voyons le monde tel qu’il est dans notre représentation, pas tel qu’il est dans la réalité. Parce qu’elles vont tellement radicalement à l’encontre de notre intuition, nous ne pouvons jamais assez réfléchir à ses deux notions (ou même les méditer) pour en faire une réalité vivante, un savoir actif. Pour peu que nous les prenions aux sérieux, ces notions peuvent donner à notre vie une toute autre couleur, comme nous allons le voir ultérieurement. Cela revient en effet à ce que la source de notre bonheur ou de notre malheur se trouve également en nous…
La couleur du modèle du monde