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La force du lâcher prise

Il est inutile de vouloir « lâcher prise » des événements puisqu’ils ne sont plus présents. Ce qui, par contre, peut être présent, ce sont nos idées sur ces événements. Il existe beaucoup de malentendus sur les idées noireset le soi-disant lâcher prise de celles-ci. Les pensées et les émotions qui y correspondent sont une conséquence des scénarios évolutionnaires, sociaux et individuels qui se jouent en nous. Nous ne pouvons pas éviter qu’il surgissent en nous. De même que le passé et le futur n’existent qu’en tant que pensées dans notre imaginaire. On n’a jamais observés des pensées qui «poursuivent» des personnes. Les pensées, en soi, ne sont jamais un problème, ce n’est que la réalité qui peut poser un problème. Un tigre imaginaire ne peut pas être un problème. Même un vrai tigre n’est pas un problème mais peut en poser un. Les gens ont seulement un problème quand ils confondent leurs pensées et leurs représentations avec la réalité, quand ils les prennent pour vrai et les croient. Alors ces pensées mènent à des émotions telle l’angoisse. Les émotions primaires sont en effet des réactions qui ont comme raison d’être d’initier une action qui, elle, a comme but de modifier la réalité. Les émotions, comme réaction à des représentations et des scénarios imaginaires, peuvent tout au plus avoir un rôle dans l’évaluation de ces scénarios et dans la prise de décisions les concernant. Ils incitent à la prudenceet à la prise de mesures nécessaires. Les émotions peuvent, toutefois, être la cause d’angoisse et de paniques, voire de comportements déraisonnables. Plus vous comprenez que nous n’êtes pas vos pensées mais l’observateur de vos pensées, moins vos pensées seront capables de vous causer toute sortes d’émotions ou de vous rendre malheureux. Les pensées sont des simulations de la réalité avec l’intérêt qu’on peut examiner cette réalité en toute sécurité, de même qu’un pilote apprend à piloter dans un simulateur de vol. Quand on se rend compte qu’on est dans un simulateur, on peut examiner en toute sécurité toutes les différentes possibilités sans l’angoisse d’un réel danger. Il n’y a pas de pensées qui poursuivent les personnes, il n’y a que des pensées qui reviennent à chaque fois tant qu’elles n’ont pas reçu de réponse adéquate, parce que nous ne leur avons pas données une place et que nous continuons à leurs résister. De cette façon, justement, on les maintiendra. Les pensées qui surviennent « spontanément » en nous et que nous attribuons d’habitude à un « je », sont généralement des idées non examinées, qui prennent leurs sources dans le discours social. Elles font partie des conversations et récits de notre société, avec le verbiage de celle-ci, que avons appris pendant notre éducation. Les pensées que nous appelons des pensées noires, sont seulement celles auxquelles on résiste. Mais ce sont, justement, nos efforts de ne pas les avoir, qui font elles continuent à persister. Ce à quoi on donne son énergie, on le maintien. Ce à quoi on résiste, persiste. Essayez donc de ne paspenser à un éléphant rose avec des raies vertes.

Ce à quoi vous essayez de ne pas penser, de fait vous le maintenez.

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Aussi longtemps que nous n’avons pas vraiment examinés certaines pensées et que, de cette manière, nous leurs avons données leur juste place, elles vont revenir. Ce n’est pas parce que

quelque chose « est plus fort que moi », mais parce que nous n’y avons pas donné une attention correcte. On a vu plus haut que de telles pensées pouvaient être comparées à un meuble qu’on laisse traîner et contre lequel on continue de se heurter, tant qu’on ne lui a pas attribué une place. Par sa conscience l’homme peut comprendre que son identité véritable, son être véritable, est bien plus que les phénomènes qui s’y passent. Ces phénomènes ne sont, en effet, pas des fatalités inévitables. L’homme peut prendre du recul et devenir le véritable auteur de son propre scénario au lieu d’être un jouet de forces impersonnelles. Confucius nous apprend : « Quand il est temps de lâcher prise, alors lâchez prise. » Par ceci vous vous donnez beaucoup plus d’espace.

Deux moines descendirent de leur cloître de la montagne pour aller mendier.

Quand ils vinrent auprès de la rivière, ils virent une fille qui n’osait pas la traverser. Le vieux moine dit à la fille : « Je vais te porter sur mon dos et te faire traverser » et il la porta vers l’autre rive. Le jeune moine en était tellement choqué qu’il en restait muet d’étonnement. Mais il n’osa toutefois rien dire. Presque dix kilomètres plus loin, le jeune moine finalement ne pouvait plus se retenir et demanda au vieux moine : « Maître, nous sommes des moines, nous avons promis de vivre de façon célibataire. Comment en êtes-vous arrivé à porter cette fille sur votre dos en traversant la rivière ? »

Le vieux moine répondit un peu froidement : « Tu as vu comment je l’ai portée vers l’autre rive et l’ai déposé. C’était il y a deux heures. Mais toi, tu la portes encore dans ton esprit. »

Ceci est un exemple de la façon dont nous pouvons nous paralyser. Nous ne pouvons pas vouloir ne pas penserà quelque chose, car, pour cela, nous devons justement y penser ! C’est est une tâche paradoxale dans laquelle notre cerveau s’empêtre. De plus nous ne pouvons pas faire disparaître notre passé mais, comme avec l’angoisse, nous devons examiner nos pensées jusqu’au bout et y prêter une justeattentionpour pouvoir les laisser en paix.

Patient : Mais comment puis-je alors lâcher prise de mon passé ? Thérapeute : Que signifierait ce lâcher prise pour vous? P : Que les pensées concernant le passé n’y sont plus, qu’ils ne me poursuivent plus et ne me torturent plus ! T : Ceci n’est pas lâcher prise, c’est espérer qu’il se passera un miracle. P : Oui mais, comment puis-je lâcher prise du passé alors? T : En réalisant qu’il n’y a rien à lâcher. Le passé est déjà passé. Vous ne devez plus le lâcher. Il est déjà lâché. L’idée de lâcher prise est un malentendu. P : Mais les pensées du passé me torturent encore ! T : Ce n’est pas parce que vous n’avez pas encore lâché vos pensées, mais parce que vous n’avez pas encore fait la paix avec elles. Vous ne les avez pas encore achevées. Elles ne sont ni poursuivies, ni abouties. Les pensées restent actives aussi longtemps que vous n’en êtes pas en paix. P : Que dois-je faire alors pour cela ? T : Arrêter d’essayer de ne pas y penser ! P : Oui mais elles me torturent ! T : Les pensées ne peuvent pas vous torturer. La torture est seulement votre propre tentative de ne pas les avoir !

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