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Une courbe évolutive de la conscience

Figure 1

La conscience supérieure est une conscience qui – avec l’aide de la raison – s’est éveillée du sommeil magique-mythique de la conscience primaire (fig. 3). Elle comprend les discours narratifs et les stratégies de l’ego. La conscience supérieure est la liberté d’être affranchi du désir de posséder et de vouloir s’agripper ou de vouloir repousser des objets, des êtres ou des circonstances.

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La conscience supérieure est la perspicacité et la clairvoyance par rapport aux discours et stratégies de l’ego.

Se détacher de quelque chose est facile quand on n’essaie pas de s’y identifier et d’y construire l’estime de soi. Quand on est conscient du fait que toute possession est un récit, une illusion et qu’aucune possession n’a rien à voir avec ce qu’on est, alors on est libéré de tout attachement et de toute addiction. La conscience supérieure est une conscience qui s’est libérée des revendications de l’ego. On pourrait aussi l’appeler l’âme. Mettre fin aux lamentations et aux souffrances est facile dès lors qu’on comprend que toute lamentation et toute souffrance est une construction mentale, une élaboration du cerveau, une histoire que notre ego a inventée et dans laquelle on croit, une histoire intitulée : « Pourquoi je ne peux pas être heureux. » Pardonner à l’autre est facile si on comprend que se plaindre n’a rien à voir avec l’autre, qui ne fait que suivre son propre chemin et sa propre évolution. En effet, se plaindre n’a aucun

autre objectif que de renforcer son ego en se trouvant soi-même mieux que l’autre. Estimer qu’on est bien et l’autre mauvais est une des stratégies les plus importantes de la construction et du renforcement de l’ego. Quand on comprend tout cela, quand on comprend qu’on n’a pas à être quelqu’un de très spécial et qu’on n’a pas à savoir qui on est, on est libéré et tout ce qui reste est la pure joie de l’existence. La conscience supérieure ne parle donc pas un langage de lutte et de combats, mais plutôt d’attention, de prise de conscience, d’acceptation, de joie, de gratitude, d’enthousiasme, de bienveillance, de respect, d’émerveillement, d’appréciation et de célébration. C’est le langage de l’âme.

La conscience supérieure parle le langage de l’attention, de l’acceptation, de l’admiration, de la bienveillance et de la joie.

Figure 2

Une conscience spirituelle

Un enfant est par nature égocentrique. Un adulte peut démanteler le mythe d’être le centre du monde et peut par la raison comprendre que tous les êtres sont égaux et arriver ainsi à devenir conscient de l’existence des autres et du monde. En effet, la conscience s’étend graduellement : d’une conscience égocentrique vers une conscience cosmique, en d’autres termes, une conscience spirituelle qui englobe toute la nature, toute la vie et tout l’univers. Ceci donne lieu à une expérience mystique, à l’idée d’appartenance à une structure plus vaste du sens de la vie et à une toute autre forme de bonheur. Un enfant ne connaît pas ce bonheur adulte. Un enfant connaît des expériences de plaisir. Un plaisir est l’expérience que

des biens du monde viennent vers vous : de la bonne nourriture, une maison, une relation satisfaisante, un voyage. Le plaisir est la satisfaction d’un besoin. Le bonheur, par contre, est le mouvement inverse : l’expérience d’un bien qui va de soi vers le monde extérieur. Cet élan vers le monde extérieur n’est possible que si on est en paix avec ses émotions et ses besoins. En effet, on ne peut rien faire pour le monde extérieur si l’attention est accaparée par son monde intérieur, si on est pris en otage par ses propres émotions. Comme le disait Jules Barbey d’Aurevilly : le plaisir est le bonheur des fous, le bonheur est le plaisir des sages.

Le plaisir est l’expérience du bien qui vous arrive. Le bonheur est l’expérience du bien que vous faites.

JULES BARBEY D’AUREVILLY (1808-1898)

L’éveil spirituel n’est pas s’imaginer qu’on a une âme immortelle ou qu’on n’est qu’un esprit, car ce ne sont là finalement que des idées. L’éveil spirituel veut dire qu’on comprend clairement qu’on n’est pas ses perceptions, ni ses pensées, ses expériences ou ses sensations. Ecarté cela, il reste la conscience comme un espace dans lequel les perceptions, les expériences, les pensées et les sentiments peuvent être observées. La conscience est le silence derrière la musique, l’espace derrière les choses. C’est ça notre identité essentielle. Nous pouvons attribuer cette conscience à une entité virtuelle que nous pouvons alors appeler l’âme, tout comme nous pouvons attribuer un autre comportement à une entité virtuelle que nous pouvons appeler « l’enfant en nous ».

Rien aumonde ne peut te rendre plus complet que tu ne l’es déjà. Rien aumonde ne peut te rendre moins complet que ce que tu es déjà.

Synthèse: la conscience supérieure

- est spiritualité - n’est pas contrela raison mais est au-delàde la raison - est un courant d’être et ne peut qu’exister exclusivement dans le présent - est une conscience de l’unité fondamentale de la vie - est une conscience d’abondance et de plénitude - ne connaît ni manque, ni besoin - accepte par conséquent tout et tout le monde - parle un langage d’acceptation, de joie, de gratitude, d’enthousiasme, de bienveillance, d’émerveillement et de célébration.

La transition vers une conscience supérieure

La conscience supérieure peut parfois jaillir chez des personnes qui, ayant tout perdu, comprennent que cela n’a quand-même rien changé d’essentiel à leur authentique identité. Alors peut apparaître une paix et une acceptation sur le moment incompréhensible et irréelle. Un tel moment, où l’ego est littéralement sidéré, hébété, peut être en réalité un moment de lucidité, de clarification et de bonheur. Un moment d’amour aussi, parce qu’on peut se sentir uni avec tous, avec la nature et avec le cosmos. Ce moment ne peut être que dans l’instant présent. Cette expérience éphémère peut, hélas, aussi soudainement disparaître pour faire réapparaître les schémas de pensées familiers. La transition entre les phases se produit par un processus de différentiation, de « désidentification» et d’intégration. Ce à quoi le moi s’identifie dans un stade particulier – par exemple au corps ou aux émotions - est dépassé, transcendé vers un stade supérieur. C’est comme quelqu’un qui rêve et qui rêve aussi longtemps qu’il ne sait pas qu’il rêve. Aussitôt qu’il devient conscient qu’il rêve, il ne rêve plus: il est éveillé et se trouve donc sur un niveau plus élevé. De ce niveau plus élevé, l’état existentiel précédent (le rêve) peut être observé de façon objective, avec un certain recul. Le moi comprend qu’il n’est pas ce qu’il pensait être. Il se différentie et se « désidentifie » du rêve et par conséquent il accède à une nouvelle conscience, un nouveau moiqui peut observer avec recul le moiprécédent. En d’autres mots, cette transition fait du sujetdu stade précédent, le rêveur, l’objet du nouveau stade. Le nouveau sujet se trouve à un niveau plus élevé. Le moiéveillé réalise que le moiprécédent était un moirêveur.

Aussitôt qu’on sait qu’on rêve, on ne rêve plus, on est éveillé.

Un bébé doit d’abord se différencier littéralement du corps de sa mère, en naissant, mais reste complètement identifié avec son propre corps. A mesure que sa conscience verbale et conceptuelle se développe et croît, il peut aussi se différentier de son propre corps et l’observer avec recul. Le corps est maintenant devenu un objet pour le sujet mental. En même temps ce corps est intégré dans ce sujet, il en est devenu une partie intégrante. Ce processus permet aussi de pouvoir gérer activement le corps. De la même façon l’enfant doit également se différentier et se « désidentifier » de ses émotions et finalement de sa pensée. Il est important de comprendre que, certes les étapes préalables sont dépassées, transcendées, mais que pour autant ils ne disparaissent pas. Il y a seulement une strate qui s’ajoute à chaque fois. Les stades préalables et les stratégies correspondantes sont évolutionnairement plus anciens et biologiquement gravés plus solidement. Cela veut dire qu’il y a toujours l’option, par un choix conscient ou inconscient, ou, ce qui est plus fréquent, par habitude, de fonctionner à un stade antérieur. Un adulte, même à un âge avancé, a toujours la possibilité de se comporter comme un bébé qui vit dans un monde magique ou mythique et qui essaie en pleurant ou en se mettant en colère d’obtenir ce qu’il désire. C’est le comportement névrotique: un fonctionnement correspondant à un stade de développement antérieur à l’âge réel. Vivre consciemment, être éveillé, signifie justement donner une direction consciente à la vie correspondant à un stade plus élevé. Mais la propension de retourner à un comportement irréfléchi, automatique, reste toujours présent. Les exemples ne manquent pas.

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