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Formes de la souffrance

Ce que les gens appellent l’expérience, n’est souvent que des conclusions et des généralisations autobiographiques à propos de certains évènements. En effet, chaque expérience est subjective et sélective. Sur la base d’un très petit nombre d’observations très imparfaites, on arrive souvent à des conclusions d’ordre général concernant les hommes ou la vie. Ce sont des schémas simplistes qui répondent à notre besoin de clarté et de prévisibilité. Tout comme les convictions à propos de sa propre identité, des conclusions à propos de l’expérience, la soi-disant « expertise expérientielle », peut faire preuve d’un entêtement autobiographique. Quelqu’un qui a été mordu par un chien peut, pour le restant de sa vie, garder une peur des chiens. Quelqu’un qui a vécu un malaise dans un avion, peut, pour le restant de sa vie, garder une peur des avions. Une personne qui a été malmené par un homme, peut pour le restant de la vie garder une peur des hommes. C’est le piège de l’expérience. L’expérience est précieuse dans la nature. En effet, dans la nature, où l’homme est né, les choses sont souvent semblables et prévisibles. Si vous avez été pourchassé par un ours ou si vous avez été mordu par un serpent, il est prudent d’assumer que tous les ours peuvent vous pourchasser et que tous les serpents peuvent vous mordre. Ces formes de généralisations favorisent la survie dans la nature. Mais c’est beaucoup moins le cas en société humaine parce que chaque être humain est, en principe, unique. En plus, l’expérience n’éclaire que le passé, pas le présent ou le futur. Mais si on regarde le futur avec les yeux du passé, il y a beaucoup de chances que le futur ressemblera effectivement au passé. Les émotions ou les intuitions peuvent être des sources d’information précieuses, mais ne peuvent pas simplement être considérés comme des préceptes de vérités. Ceci vaut, d’ailleurs, également pour des cognitions dites « rationnelles » car même la science s’est souvent trompée.

L’art de vivre

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Apprenez à penser plus raisonnablement !

Est-il bien vrai que tous les chiens sont dangereux ? Est-il vrai que tous les hommes sont des violeurs ? Sur quel nombre d’expériences, cette conviction est-elle basée ? Se baser sur l’expérience, c’est admettre que le passé jette son ombre sur le présent et sur le futur.

Lao Tse(604-507 av. J-C) disait : « L’expérience est comme une lanterne qu’on porte dans le dos : elle n’éclaire que le chemin parcouru. » Pour Heidegger, une vie authentique, est une vie qui ne se laisse pas guider par le passé mais qui s’oriente sur le futur.

Le rôle de la victime

Se considérer soi-même comme bon et l’autre comme mauvais est l’un des principaux schémas de pensée de l’ego. ECKHART TOLLE

Plus un homme est bon, plus il lui est difficile de penser que les autres sont mauvais. CICERON (106 – 43 av. J-C.)

Plus ton ego est fort, plus il est probable que tu penses que les autres sont la première cause des problèmes dans la vie. ECKHART TOLLE

On n’est victime qu’une seule fois , ensuite on est volontaire. NOMI JUDD (1946 - )

Pour tout ce qui arrive aux gens sans qu’ils l’aient demandé expressément, on parle très facilement de victime. On entend très souvent : « Je n’ai pas demandé cela… Je ne l’ai pas mérité… Ce n’est pas juste… ». Le rôle de la victime est très souvent adopté et est socialement souvent considéré comme « normal ». Cela s’explique en partie parce que ce rôle est biologiquement préprogrammé et est par conséquent très intuitif et même instinctif. En effet, on peut l’observer chez les enfants en bas âge comme chez les animaux. La scène de l’enfant frustré qui se jette par terre et qui hurle parce qu’il n’obtient pas ce qu’il veut, comme le font les jeunes singes qui ne sont plus allaités par leur mère, est bien connu de tous. Si l’enfant en agissant ainsi reçoit de l’attention, il va reproduire ce comportement pour obtenir de plus en plus d’attention. Être victime est, en fait, une relation de « non », une logique qui est entretenu par la récompense. En effet, le statut de « victime » confère immédiatement une certaine identité

et donne plusieurs « droits ». Ainsi, par crainte de porter atteinte à leurs « droits », les juges tiennent de plus en plus souvent compte des victimes. Ainsi les victimes acquièrent un pouvoir de jugement, notamment à propos de la question de la sincérité du repentir et à propos de la lourdeur de la sentence qui peut ou non donner « satisfaction » à la « victime ». En effet, la « victime » a droit à ses sentiments de « vengeance », communément dénommés sentiments de « justice ». Les sentiments de vengeance sont dus à l’esprit narcissique de l’enfant en nous qui considère que seul ce qui lui donne satisfaction est acceptable. C’est ce que Robert Ornsteinappelle la pensée du vieux cerveau, les vieux schémas de pensée (« old mind thinking »). D’un adulte, par contre, on pourrait s’attendre à un comportement moins instinctif, plus réfléchi, témoin de sagesse. C’est ce que Ornsteinappelle la pensée du nouveau cerveau, les nouveaux schémas de pensée (« new mind thinking »), qui ne sont malheureusement pas spontanés ni intuitifs mais qui demandent un plus grand effort de réflexion et de conscience. 121

L’usage fréquent de la qualification de victimedonne lieu à des situations absurdes. Quand les habitants de certaines régions, il y a quelques années, avaient à faire face à des pluies torrentielles et à des inondations, les médias parlaient tout de suite et avec beaucoup de facilité de « victimes ». Si, dans des cas pareils, on est victime de quelque chose, c’est bien du pouvoir hypnotique de ce mot exagéré. La seule personnalité publique à utiliser un autre langage, était le premier ministre de l’époque, qui parlait des « personnes concernées ». Voilà une description beaucoup moins chargée émotionnellement de ces personnes qui, en fin de compte, avaient simplement à vivre avec ce phénomène naturel. Des phénomènes naturels ne sont pas des actions hostiles et ne sont pas une atteinte aux personnes concernées. Ils font partie de la vie. Mais parler de « personnes concernées » demande du courage car les « victimes » exigent de la reconnaissance. Refuser de qualifier les personnes concernées comme des « victimes », risque d’être fortement désapprouvé et expose à des accusations d’insensibilité et même d’indifférence. A une conférence de presse dans le cadre de l’abus d’enfants dans l’église belge, le président de la commission d’instruction, le professeur Peter Adriaenssens, proposait de ne plus utiliser le terme « victime » parce que « être victime » est toujours dans le moment même. Il proposait, dès lors, de remplacer le terme « victime » par le terme « personne ayant un passé de… ». En effet, en utiliser le terme « victime », les gens concernées sont, avec les meilleures intentions, maintenus dans une position de victime par un entourage qui a peur d’être jugé comme insensible ou indifférent. Comme des parents qui,

121 Robert Ornstein. New World, New Mind. New York: Simon and Shuster, 1989.

avec les meilleures intentions, maintiennent leurs enfants dans le rôle d’enfant, par peur d’être vus comme de « mauvais parents ». Ainsi la société devient de plus en plus puérile et narcissique. On est victime tant qu’on se dit victime. L’expérience de la victimisation est, comme toute expérience, créée par l’utilisation de ces mots, de façon consciente ou automatique, à haute voix ou en pensée. En fin de compte on n’est « victime » que du fait qu’on est né à un certain endroit à un certain moment. Récemment les médias rapportaient qu’une certaine marque de voitures (chères) avaient dû rappeler quelques-uns de leurs modèles pour vérification. Le journaliste parlait des « victimes ». Qui était alors victime de quoi ? Est-ce que Nelson Mandelaétait une victime ? Il a passé 27 ans en prison, ce qu’il n’a certainement pas demandé. Mais quiconque l’a vue quand, ce jour mémorable, il quittait la prison, presque en dansant, n’avait pas l’impression de regarder une victime. Le rôle de la victime est souvent invoqué dans le contexte d’une « perte ». On oublie trop souvent que tout ce que l’on peut « perdre », a d’abord dû être reçu comme un cadeau. On ne peut perdre que ce qu’on n’a jamais vraiment possédé. Nous n’avons aucun « droit » à la vie, ni à celle de nous-même, ni à celle des autres. On ne peut perdre que l’illusion que quelque chose nous appartenait. Ce que l’on possède vraiment, on ne peut jamais le perdre. Ainsi, on ne peut pas perdre sa dignité, sa sagesse, son amour, c'est-à-dire sa capacité à dire « oui » à la vie. On ne peut pas non plus se perdre soi-même. Au contraire : en se perdant on se découvre justement. En effet, comme on l’a vu plus haut, le « je » est ce qui reste quand le « non-je » a disparu. Chaque « perte » nous révèle qui on est vraiment.

On ne peut jamais se perdre. Le «je»estprécisément ce qui reste quand tout le «non-je» a disparu.

Quand après un évènement malheureux, un traumatisme, les gens reçoivent d’une personne d’autorité le « diagnostic » qu’ils sont « traumatisés », qu’ils sont porteurs de « plaies » ou de « cicatrices » qui mettront longtemps à « guérir » ou qu’ils sont « borderline », il s’agit d’une

forme d’agression verbale qui dévalorise et invalide les personnes concernées et les condamne presque à une carrière de victime. Ainsi, les gens sont souvent « victimisés » deux fois : une première fois par les faits euxmêmes, et une deuxième fois par l'étiquette qu’ils se donnent ou qu’ils reçoivent des autres. En plus, l’impression est créée que « victime » est une caractéristique personnelle bien déterminée et que toutes les « victimes » sont porteurs de caractéristiques communes et de besoins communs. C’est ignorer les caractéristiques uniques de chaque personne. Ce n’est certainement pas une bonne manière de créer une qualité de vie. Même une « victime » est en premier lieu un être humain et non pas le produit d’un évènement. Ceci est amplement démontré dans les livres de Boris Cyrulnik, un des rares auteurs à parler d’expériences traumatisantes dans un langage non traumatisant. 122

En réalité on ne peut pas être victime d’évènements du passé. En effet, toute souffrance est dans le présent. Les évènements du passé ne sont plus là et ne peuvent plus faire souffrir. Les seules « plaies » ou « blessures » sont des souvenirs et la seule souffrance est la réaction à ces souvenirs, qui est toujours dans le présent. S’il y a souffrance, il s’agit d’une opposition, un « non » à ces souvenirs. La solution n’est donc pas d’essayer de ne plus penser au passé. La solution est d’y penser d’une manière qui permet de dire « oui » au présent. Cela ne signifie pas qu’il faut approuver le passé, cela signifie seulement qu’on accepte que certains évènements se sont produits. Ils deviennent comme des images du passé qu’on peut apprendre à regarder sans émotion.

- Mais je sens quand-même que la blessure est toujours là ? - Vous ne pouvez pas la sentir parce qu’une « blessure » est une idée, une image, pas une réalité. - Mais je ressens quand-même la douleur du passé! - Quand ressentez-vous cette douleur ? - Eh bien, chaque fois que j’y pense! - Exactement, quand vous y pensez ! Et que sentez-vous alors ? -Que je ne le veux pas, que je n’avais pas mérité ça, que c’étaittellementinjuste! - Précisément : c’est ça la douleur ! Vous ne sentez pas une plaie, vous sentez la douleur qui fait suite à votre opposition à certains souvenirs. Votre douleur est dans le présent et n’a plus rien à voir avec le passé. -Mais, alors, est-ce que je dois approuver ce qui s’est passé?

122 Boris Cyrulnik. Un Merveilleux Malheur. Paris: Odile Jacob, 1999. Zie ook de andere boeken van deze auteur.

- Pas du tout, il faut juste accepter qu’il s’est passé. -Mais je ne peux quand-même pas accepter cela! - Si, vous le pouvez. En réalité vous n’avez même pas le choix ! Seulement vous essayez de le repousser, et c’est ça précisément votre douleur. Pensez-y très consciemment, dans le calme, sans jugement, simplement comme un endroit où vous avez été. Acceptez que vous y avez été. -J’essaye de le voir commevous dites. - Très bien. Et pensez alors que vous n’y êtes plus. Que maintenant vous êtes ici et que le passé n’existe plus. -C’est ça, vivre dans le moment présent? - Oui ! Et alors, vous ressentez quoi ? -Cela me rend plus calme. Le passé y est toujours, mais il a moins d’effet sur moi. - Le passé sera toujours là. Personne ne peut l’oublier ou l’effacer. Mais ce passé n’a plus de pouvoir sur le présent. Le présent t’appartient. Y a-t-il une raison qui vous empêche de vous sentir bien en ce moment ? -Non, il n’y pas de raison. - Donc vous pouvez vous sentir bien maintenant. -Oui, mais comment puis-je empêcher que ces idées me reviennent ? - Ça, vous ne pouvez pas l’empêcher. Vous pouvez simplement apprendre à les regarder chaque fois calmement comme une photo du passé, une photo qui, à chaque fois qu’on la regarde, se ternit un peu plus. En plus, si vous arrêtez d’essayer de repousser ces idées, elles vont d’elles-mêmes revenir moins souvent.

Boris Cyrulniknous explique que, même pour les enfants, il n’y a aucun argument qui permet de croire qu’il y aurait des dégâts permanents (les prétendues « blessures »). Des enfants ont survécus les évènements les plus affreux et paraissent souvent avoir beaucoup plus de souplesse et de résilience que les adultes avec leurs schémas de pensées rigides. Mais les enfants sont tout à fait désemparés et donc « victimes » vis-à-vis des schémas de pensée et des conclusions à propos d’eux-mêmes et des autres qui leur sont suggérées par les adultes. Cyrulnikparle dans ce contexte de « normopathes » qui décident pour les autres quelle est la signification des expériences, quel en est le « diagnostic » et quelles en seront les conséquences ultérieures. Ainsi, sous le prétexte de l’empathie et du soin pour le bien de l’autre (ainsi que, évidemment, par peur d’être considéré comme insensible ou indifférent) on emprisonne un individu dans le lit de Procuste d’un schéma de pensée invalidant et dans une qualité de vie fortement réduite. Fort heureusement et en dépit de toute « aide professionnelle », un individu peut, à tout moment décider de penser pour lui-même, de

changer ses schémas de pensée et de ne plus être l’otage ou la « victime » du passé. Et cela ne doit même pas prendre des années, comme il est illustré par quelques « victimes » bien connues. Les personnes concernées pourraient se rendre un vrai service en ne se considérant plus comme des « victimes ». L’expérience de ne plus être victime est, comme celle d’être victime, créée par la présence des mots concernés, à haute voix ou en pensée. On peut, à ce propos, lire par exemple le récit de Natascha Kampusch, la jeune autrichienne qui, en 1998, à l’âge de 10 ans, a été enlevée et a été séquestrée pendant 8 ans avant de pouvoir s’échapper.123

On peut, dès lors, plaider pour un usage plus prudent et plus judicieux de mots comme victime ou perte. On pourrait limiter cet usage aux personnes étant confronté à une hostilité consciente de la part de quelqu’un contre sa personne, par exemple des enfants abusés ou assassinés, les victimes d’une agression personnelle ou les victimes d’un génocide. Mais personne n’est victime de forces impersonnelles comme la force de la gravité quand on trébuche ou du climat quand il y a eu des pluies exceptionnelles. La vie est loin d’être juste et est pleine d’injustices. C’est une réalité de la vie. Seul un enfant ne le sait pas ou ne peut pas « l’accepter ». C’est un état des choses inhérent à l’existence. C’est une « souffrance » existentielle, comme dirait Lacan. Il n’est pas nécessaire d’en faire une souffrance personnelle, névrotique.

Imaginez-vous que vous marchez dans la rue et qu’un enfant s’approche de vous et vous donne un vilain coup de pied qui vous fait bien mal. Vous seriez probablement sérieusement dérangé, mais est-ce que vous allez donner à votre tour un bon coup de pied à l’enfant ? Allez-vous exiger une punition ? Si vous réfléchissez un peu, vous comprenez que cet enfant agissait à partir d’une frustration qui n’avait rien à voir avec vous. C’est simplement ce que font les enfants en colère et malheureux : ils donnent des coups de pieds, aux gens comme aux meubles. Si vous rendiez ce coup de pied, vous feriez exactement la même chose et vous vous comporteriez comme un enfant en colère. Même si vous avez mal, vous allez plutôt essayer d’expliquer à cet enfant que ce comportement n’est pas acceptable. On peut même aller un peu plus loin dans ce mode de penser. Imaginez que vous êtes avec votre enfant en train de vous promener tranquillement dans une forêt et que vous y vivez une expérience merveilleuse. Mais soudain, un coup de vent fait tomber un arbre qui tombe sur votre enfant. Votre enfant meurt. Contre qui votre colère va-t-elle se diriger ? Allez-vous

123 Natasha Kampusch. De diefstal van mijn jeugd. Amsterdam: De Boekerij, 2010.

porter plainte contre le vent ? Contre l’arbre ? Contre la nature ? L’univers ? Qui va répondre à votre question du « Pourquoi ? » et qui sera puni pour que vous puissiez « enfin commencer votre deuil » ?

Le seul pas qu’il convient de faire en plus, c’est d’apprendre à voir ceux qui vous font du mal comme des enfants frustrés, malheureux, qui ne connaissent pas d’autre manière de se défaire de leur colère et de leur mal-être. Si vous choisissez le rôle de la victime, vous vous comportez à votre tour comme un enfant frustré, malheureux. Souvent la souffrance est due au fait que, par hasard, on se trouvait à un endroit où des forces inconnues et aveugles se sont produites et nous ont atteints. Les êtres humains aussi, se comportent souvent comme des forces aveugles. Pourquoi, pour votre souffrance, il y aurait-il une différence entre la force du vent ou le comportement d’un psychopathe ? Votre souffrance n’est-elle pas la même dans les deux cas ? Ils sont tous les deux « inacceptables ». Pourquoi, alors, l’un est-il quand-même plus facile à « accepter » que l’autre ? Et pourquoi enfin, une « punition » pourrait-elle alléger votre souffrance ?

L’art de vivre

Vous êtes victime tant que vous vous considérer comme une victime. Tant que vous vous qualifier de victime, votre existence se rétrécit à l’identité de victime. Votre vie sera prise en otage par l’évènement ou par les auteurs de l’évènement. Vous vous libérez du schéma de la victime en déclarant que vous n’êtes plus une victime, en redevenant le régisseur de votre vie, en ne permettant plus que votre vie soit réduite et prise en otage par l’évènement ou par son auteur. (Voir plus haut : le pardon, pour davantage d’idées.) La vieille logique, le vieux schéma de penser, est une logique archaïque, narcissique, caractérisée par le doute et l’angoisse de ne pas être assez bien, par l’impuissance (« Je ne peux pas... , Je ne supporte pas que... , J’ai besoin de... ») et par la colère, le mécontentement, la déception et le mal-être parce que vous n’avez pas obtenu ce dont vous croyez avoir besoin. Cela mène à une vie de la peur de ne pas avoir assez en général et de manquer de reconnaissance, d’amour et de bonheur en particulier. La nouvelle logique, le nouveau schéma de penser, est une logique de vie active, consciente, où tout et tout le monde est accepté (ce qui n’est pas la même chose qu’être « approuvé » !). Il ne s’agit pas d’une acceptation passive mais d’un accueil actif. C’est une attitude de compassionet d’amour. L’amour n’est pas l’admiration de ce qui est parfait, mais l’acceptation de ce qui est imparfait. Cela ne vaut pas uniquement pour l’acceptation des êtres humains imparfaits mais aussi pour l’acceptation de la vie imparfaite. L’homme n’est pas le juge suprême qui peut juger si la vie est juste ou non, si elle lui donne ce dont il a « droit », et si, par conséquent il peut l’accepter ou non. L’homme est plutôt un visiteur sur cette planète, un chercheur, un joueur que le hasard a invité à participer au jeu de la vie. Il est trop facile de participer joyeusement au jeu de la vie tant qu’on a reçu de bonnes cartes et de s’indigner quand on n’a pas reçu de bonnes cartes. Celui qui ne peut jouer qu’avec de

bonnes cartes, est un débutant. Un vrai joueur, un professionnel, prend plaisir au jeu et peut jouer avec toutes les cartes. Un artiste existentiel peut toujours faire de la vie une œuvre d’art.

La nouvelle logiquemène à un pouvoir personnelparce que rien ou personne ne peut s’opposer au choix personnel pour l’amour, la sérénité, la dignité, la compassion et le bonheur. C’est une déclaration d’indépendance existentielle et d’autonomie émotionnelle. On découvre sa force morale le moment où on s’en sert, comme on découvre la force de ses muscles quand on les utilise. Tant qu’on ne le fait pas, on peut croire qu’on n’a pas de force. On utilise sa force physique, sa puissance quand on est dans l’opposition et qu’on se débat. Cela n’engendre que la guerre. On utilise sa force morale d’une façon positive et dirigée quand on fait du destin son compagnon, son ami. Quand on dit « oui » à la vie. La nouvelle penséeest une attitude de bien-être personnel parce que ce bien-être n’est plus dépendant du comportement des autres ou des possessions. On se rend compte qu’on a tout le nécessaire pour être heureux ici et maintenant. On doit juste apprendre à accepter et à apprécier activement la vie ici et maintenant. C’est ce que la philosophie Zen nous enseigne : si vous mangez, mangez. Si vous dormez, dormez. Faites tout en pleine attention et évitez la distraction et la dispersion de la conscience. Et n’oubliez pas l’humour et l’ironie : « Faites tout comme si l’avenir de l’univers en dépendait, mais souriez en même temps parce que vous croyez que ce que vous faites puisse avoir la moindre importance ».

Le rôle du sauveur

Si on fait quelque chose pour quelqu’un, il faut le faire pour la réponse que cela suscite en nous, pas pour la réponse qu’on espère susciter en l’autre. Et la réponse en nous doit être une vraie expérience de qui on veut être. Sinon il ne faut pas le faire. NEALE DONALD WALSCH

Se mettre, dans toute circonstance, à la première place engendre le plus haut bien pour tout le monde si l’idée derrière chaque acte est que le meilleur qu’on puisse faire pour soi-même, est ce qui est le plus grand bien pour les autres. NEALE DONALD WALSCH

Ce que nous pensons donner aux autres (l’angoisse, la colère, l’amour…) on le donne en vérité à nous-mêmes. MARIANNE WILLIAMSON (1952 - )

Dès que tu rends quelqu’un responsable de ton malheur, la clé de ton bonheur n’est plus entre tes mains.

ISAAC SHAPIRO (1950 - )

Souvent, après un événement difficile, on cherche une nouvelle valeur dans la vie. On ne veut plus vivre une vie futile. Souvent on veut se concentrer sur l’aide aux autres. On ne veut plus exister que pour les autres. Celui qui fait le meilleur pour les autres, fait le meilleur pour soi-même. Bien que ce soit une bonne évolution en soi, cet altruisme peut quand-même aussi être un piège. En effet, cet altruisme cache souvent une forme subtile d’égoïsme. Celui qui a besoin de l’autre pour être un sauveur et se sentir mieux, a un propre agenda et est motivé par le manque. Une aide réelle est une tâche difficile et doit s’orienter sur l’acquisition de l’autonomie et de la responsabilité de la personne aidée. De même qu’une vrai parentalité doit avoir comme finalité l’autonomie des enfants et de ce fait rendre les parents superflus. Bien qu’ils restent accessibles, ils ne sont plus indispensables, comme un bon conseiller doit se rendre superflu. Ceci sera difficile pour des aidants forcenés qui ont cette obsession de leur rôle de sauveur pour leur propre équilibre psychique et leur bien-être. Ce sont les aidants qui peuvent finir dans des états de frustration, de stress et même de burn-out, quand leurs efforts n’aboutissent pas. Cela ne signifie pas que la personne aidé ne pourra pas en première instance en bénéficier. Mais chaque relation d’aide donne aussi un message implicite : « Je vais vous aider parce que je vois que vous n’en êtes pas capable. » Ceci est un message qui enlève à l’autre son pouvoir, le dévalorise et l’invalide. Si l’aidant ne peut pas lâcher l’aidé, ce dernier va tôt ou tard se rebeller. Il va vivre l’aide comme infantilisant et de ce fait des frictions et de l’irritation se produiront. Finalement les sauveurs (ou parents) bien intentionnés n’auront après des années d’efforts et de bonnes intentions, pas de remerciements mais un retour de manivelle. Cela peut mener, chez les soignants, à terme à un épuisement (ou burn-out), parce qu’ils ont tellement donnéet tellement peu reçu en retour. Alors tout devient clair, le diable sort de sa boite : ils avaient donné pour recevoir. Ils avaient un agenda caché. Le soignant tombe alors de son rôle de sauveur pour jouer le rôle de victime. C’est ce changement de rôle, cette danse des chaises, qui révèle de la façon la plus claire l’agenda secret. Le même schéma se retrouve dans beaucoup de relations de couple et dans beaucoup de relations entre des parents de bonne volonté et leurs enfants.

L’art de vivre

Demandez-vous si vous aidez par nécessité, par manque existentiel ou par plénitude existentielle ?

Aidez-vous sur la base d’un état de mal-être ou de bien-être ?

Voulez-vous aider l’autre ou voulez-vous vous aider vous-même ?

Il n’y a que vous qui pouvez répondre à ces questions !

Le rôle du persécuteur

Tant que vous vous battez contre quelque chose, vous y êtes attachée. Aussi longtemps que vous vous battez, vous lui donnez un pouvoir. Le pouvoir que vous donnez est proportionnel à la force que vous utilisez pour y résister.

ANTHONY DE MELLO (1931-1987)

Ce que nous combattons nous définit aussi clairement que ce pour quoi nous nous engageons.

ANONYME

« Je ne veux que de la justice ! » Derrière ce crie se cache beaucoup de souffrance. Beaucoup d’impliqués qui ont eu à faire avec l’injustice dans le passé, pensent en effet, en partie sous l’influence du discours social, que les coupables doivent d’abord être punis avant qu’on puisse commencer un processus de deuil.

Dans ses actions l’auteur montre qui il est. Dans notre réaction nous montrons qui nous sommes.

La colère des personnes ayant vécues des évènements dramatiques, comme, dans certains cas, la colère du peuple, est de nos jours canalisée via les médias et les réseaux sociaux tels que Facebook. De ce fait une sorte de culture moderne de vengeance et de lynchage est née par laquelle les auteurs doivent reconnaître ouvertement (dans les médias ou dans un procès) leur faute et doivent être punis, pendant que les dupés, les abusés et le public scrutent (via des lettres de lecteurs et les réseaux sociaux) les évènements et jugent si l’auteur de l’acte est bien suffisamment puni et s’il a assez souffert et si les dupés ont bien eu satisfaction. Bien sûr que la « punition » ne suffit jamais. En effet, quelle punition pourrait être satisfaisante ? Un acte, ayant causé une souffrance, ne pourra jamais être défait par la souffrance de son auteur.

Dans un état de droit la sanction, la peine des prévenus est une affaire de la justice et non des parties civiles. Les personnes ayant été confrontées à de l’injustice, doivent en premier lieu rétablir une qualité de vie. Elles doivent prendre l’événement comme une possibilité d’améliorer leurs compétences de vie, comme une tempête est une possibilité d’améliorer ses compétences de navigation. Elles doivent s’arrêter de donner aux évènements ou aux acteurs des évènements un pouvoir sur leur vie. Ils doivent reprendre pouvoir sur leur propre bienêtre et ne plus se laisser prendre en otage par le passé.

Des recherches montrent, d’ailleurs, que les « victimes » ne se sentent finalement pas vraiment mieux lorsque le prétendu criminel est arrêté et que justice a été faite. Arrêter et punir l’auteur d’un acte, tout comme obtenir « satisfaction », ne garantit qu’une satisfaction

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