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La force du lien

P : Que dois-je faire alors ? T : Penser vos pensées jusqu’au bout, les terminer pour que vous puissiez les laisser reposer. P : Comment dois-je faire ? T : En acceptant la réalité à laquelle ces pensées réfèrent. P : Mais c’est quoi donc, accepter? T : C’est comme vous acceptez, par exemple, la pluie. Quand vous acceptez la pluie, vous ne vous faites pas du mauvais sang. Tant que vous vous énervez à propos de la pluie, vous ne l’avez pas accepté. Vous l’aurez acceptée quand vous n’en avez plus aucune émotion de résistance. Quand il n’y a plus de pensée de « non ». P : Comment puis-je accepter mon passé ? T : En l’examinant de façon approfondi et en transformant toutes vos pensées « non » en « oui ». Oui est le mot de l’acceptation. C’est aussi le mot de la paix. Vous acceptez le passé en faisant la paix avec celui-ci. P : Comment sais-je si je suis en paix ? T : Si cela ne vous affecte plus d’y penser ou pas. Aussi longtemps que vous espérez que la pensée ne viendra plus, vous ne l’avez pas acceptée. P : Oui, mais le passé a quand-même encore des conséquences sur le présent ? T : ça, c’est une loi incontournable de la vie. Avec ça, aussi, vous allez devoir faire la paix. En effet, tout le monde subit les conséquences des choix qui ont été fait dans le passé, aussi bien ses propres choix que ceux des autres. P : Mais cela continue à me torturer ! T : La torture n’est que la conséquence de votre « non », votre lutte, votre combat contre le monde tel qu’il est. C’est votre refus d’accepter le monde et de l’habiter tel qu’il est maintenant. P : Donc il s’agit d’accepter ? T : Oui il s’agit d’une attitude totalement pacifiste par rapport aux choses que vous ne pouvez, de toute façon, pas changer. P : Oui mais c’est facile à dire ça … T : Alors là, vous me sortez à nouveau un cliché ! La question n’est pas de savoir si c’est facile à dire ou non, la question est : est-ce que cela vous fait avancer ou non…

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La force du lien

Les effroyables événements du 20ème siècle ont fait que l’être humain a perdu sa croyance en la religion, la politique et la science. Cette soi-disant fin des grandes narratives (avec les mots du philosophe François Lyotard) a mené à un segmentation de la société. Les gens ne se sentent plus unispar un grand récit religieux, social, politique, artistique ou scientifique, donnant du sens et de l’enthousiasme.

Ces notamment à cause de la débâcle du 20ème siècle, avec les camps de concentration nazis comme triste apogée, malheureusement suivi par, entre autre, le Rwanda, la Bosnie, le Kosovo, le Congo, la Syrie et autres, que ces récits ont perdu leur crédibilité. La raison de la modernité, qui promettait à l’homme le paradis, a en réalité apporté l’enfer.71 Ce fut la base pour la réaction de la post-modernité. A la place d’un grand récit, il n’y a plus que de petits récits(chacun sa vérité) par lesquels chacun essaye de conquérir pour soi une place au soleil. Il ne s ‘agit plus de nousmais de moicontre eux. Il n’y a plus de sentiment d’unitéavec un ordre plus grand parce qu’il n’y a plus de récit qui crée une appartenance. La science n’est plus un récit unifiant mais un récit explicatif de la terre, de la nature et du cosmos comme terrains à exploiter. La vision scientifique du monde a contribué à une attitude froide, distante, objective, chosifiant envers la terre qui est devenue un objet de recherches. La science est en effet basé sur le secare(séparer), sur une recherche critique et objective, et pas sur le ligare(lier). La société devient un terrain à exploiter. L’autre et son travail deviennent des ressources humainesà exploiter. Les possibilités et la maximalisation de cette exploitation sont le sujet des diverses sciences humaines. Même les religions monothéistes y ont contribuées en mettant le divin, le saint, le sacré dans l’au-delà, en dehors la terre. Ces religions modernes ont pris la place des religions primitives mystiques qui considéraient la terre et la nature comme divin. Par cela la terre n’est plus sacrée et nous pouvons sans souci la considérer comme un terrain à exploiter. Aussitôt l ‘attitude de vénération et d’émerveillement cède le pas à la tronçonneuse et au bulldozer.72

Une observation simple montre que les gens sont, spontanément et sans effort, aimables, attentifs et courtois envers ceux qu’ils considèrent comme faisant partie de nous. De celui qui est à nous, on connait le visage et le nom. On se comportera facilement de façon hostile, destructive et délinquante envers une personne ou des possessions d’un autre, inconnu et anonyme. Nos sociétés sont devenues tellement complexes qu’on ne peut plus connaître le nom et le visage de tout le monde. Les conflits et les guerres naissent avec ceux qui sont considérés comme étant dans l’erreur, comme menaçants, qui sont non acceptés et non

71 Voyez par exemple la critique sur la modernité de Horkheimer et Adorno.Voyez également H. Marcuse, E. Fromm et lesautres de la soi-disante Frankfurter Schule. Voyez aussi lesétudes de Max Weber et le merveilleux The Reentchantement of the World’ de Morris Berman.

72 Cf. Piet Nijs. Je werk je leven? Leuven: Garant, 2009. Zie ook: Douglas Rushkoff. Life Inc. How the World became a Corporation and how to take it back. New York: Random House, 2009.

désirés, ou qui sont même considérés comme à rejeter et à exterminer. Comme dit avant, même dans la bible il était permis de voler les biens de ses ennemies et de prendre ses femmes et enfants comme esclaves.

La brutalisation de la société, la nébulisation des normes et la recrudescence de la violence ont des sources très archaïques et ne peuvent pas être éliminés par d’avantage de règles, d’avantage d’obligations ou d’interdictions, d’avantage de répression, d’avantage de police ou d’avantage de places en prison. La violence peut seulement être réduite en stimulant l’altruisme et le lien aux autres, c'est-à-dire en favorisant le sentiment du lien avec l’autre et un espace où l’autre est accepté en tant que « autre ».73 Si on est animé par un sentiment de « nous », on ne pense pas en termes de maximalisationdu bénéfice pour soi-même, mais en termes d’optimalisationde la vie pour tous. Une éducation à la non-violence envers les gens et envers la nature suppose une éducation à l’appartenance, non seulement vis-à-vis de groupes et d’idées locaux, mais aussi vis-à-vis de l’humanité entière et de toute la terre. C’est le rôle d’une dimension spirituelle. Celle-ci doit dépasser les religions traditionnelles, car, elles aussi, ont souvent dans le passé été la cause des séparations, des conflits et des guerres. Cette éducation à la non-violence ne pourra se faire que par des éducateurs et des parents qui, eux-mêmes, ont appris ce langage (par opposition au langage très répandu dans notre société : le combat, la lutte et la guerre !), et pour qui la non-violence n’est pas seulement une matière à enseigner, mais une attitude de vie, dont ils seraient eux-mêmes un exemple. Il suffit d’ouvrir les yeux dans la société pour comprendre combien nous sommes éloignés de cet idéal (le pouvoir, la compétition, le sport commercial…). Selon l’auteur américain Jeremy Rifkin nous sommes à la veille d’une nouvelle civilisation : l’époque de l’empathie. Dans son livre récent The Empathic Civilization il émet l’idée que, durant des siècles, l’être humain a été mal compris. Des chercheurs en neurobiologie et en sciences sociales ont démontré ces dernières années que les gens sont des êtres fondamentalement empathiques. Selon Rifkin : « Nous devons nous débarrasser de l’idée du temps du siècle des lumières qui dit que nous sommes rationnelles, égoïstes, autonomes et utilitaires. » L’époque nouvelle de l’empathie se développe, selon Rifkin, à grande vitesse grâce à la communication par l’internet. Des réseaux sociaux tels que Facebook et des sites

73 Cf. évidemment Levinas. Mais aussi Marshall Rosenberg, Thomas d’Ansembourg, The Arbinger Insitute e.a.

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