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Stratégies d’évitement
de courte durée. Cela n’a pas beaucoup à voir avec un vrai deuil. Faire un deuil signifie que la personne concernée doit de toute manière apprendre à vivre dans le monde tel qu’il est maintenant et accepter des faits qui ne peuvent pas être défaits. Il est, pour cette personne, beaucoup plus important et thérapeutique d’apprendre à se défaire de la haine et de la négativité, que de s’accrocher à la punition de l’auteur du préjudice. (Voir ce qui est écrit plus haut sur le pardon). L’avocat pénal Belge Jef Vermassen expliquait dans une interview que la victime d’un crime ne peut se libérer de l’auteur du crime qu’en mettant de côté ses sentiments de vengeance. En outre, dans beaucoup de cas, il n’y a pas d’auteur qu’on peut incriminer (qui serait, par exemple, responsable d’un cancer ou d’une catastrophe naturelle ?) Le fait de trouver un coupable ne peut en rien rétablir les certitudes et la confiance ébranlées. La confiance dans la vie a reçu un coup et ne peut pas être récupérée en incriminant un coupable. Il est, plutôt, nécessaire de réinventer une nouvelle forme de confiance existentielle.
L’art de vivre
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Votre bien-être ne peut et ne doit pas dépendre de la punition d’un coupable.
Ce n’est pas votre mission de juger les autres. Inventez une nouvelle forme de confiance en vous. Comment l’événement difficile a fait de vous une personne plus adulte, plus sage, ayant plus de compassion ? Peut-être qu’avec votre expérience, vous pouvez aider d’autres personnes qui traversent une épreuve similaire ? Comment est-ce que la société pourrait en devenir meilleure ?
« J’ai quand-même droit à… »
De plus en plus souvent les gens trouvent qu’après un événement difficile, ils sont « victimes » et qu’ils ont « droit » à une reconnaissance, une assistance, un accueil, un accompagnement, une compensation. Dans la société moderne de consommation il semble qu’on a acquis l’idée que l’on doit pouvoir choisir et échanger sa vie, comme on peut choisir sa voiture et l’échanger si elle ne plait plus. On semble de plus en plus croire qu’on a quand-même un « droit » à vie une aussi « bonne » ou à un corps aussi « joli » que celui du voisin ou de la voisine, comme les autres. Le credo actuel semble être : « Si je ne me sens pas bien, c’est que j’ai besoin de quelque chose. Si j’ai besoin de quelque chose, j’y ai droit. Si j’y ai droit, quelqu’un (l’état, les parents, le conjoint, un groupe d’entraide…) doit me le donner. Si personne ne me le donne, je vais me pourvoir en justice. » Cette attitude mène à un nombre croissant de litiges, de conflits, de procès et de procédures de médiation.
Cette attitude d’arrogance (le « entitlement » en Anglais), dans le sens de s’arroger des droits, revient évidemment à une stratégie de déresponsabilisation et mène à une attitude
d’impuissance. Au lieu de s’appliquer à intégrer le problème et le résoudre, on se tourne de plus en plus vers l’État et les autres pour obtenir de l’aide. En la matière, il est particulier notable que la constitution américaine ne parle pas de droitau bien-être, mais de droit à la recherchedu bien-être (« the pursuit of happiness»).
L’Art de vivre
On ne peut pas trouver le bien-être en exigeant des droits. Cela peut vous donner une certaine satisfaction, mais cela ne peut pas faire de vous un homme heureux. La souffrance d’une autre personne ne peut pas soulager votre propre souffrance. Le bien-être est le choix d’une attitude interne et ça on ne peut le faire que pour soi-même.
« Je ne pourrai être heureux que lorsque tous mes problèmes seront résolus ! »
Souvent nous entendons dire: « Je dois d’abord faire ou accomplir ceci ou cela…, et après je serai heureux. »
Si nous admettons qu’être heureux est une compétence personnelle, pourquoi alors croirionsnous que quelqu’un qui n’a pas cette compétence maintenant, l’aurait soudainement plus tard quand certains problèmes auront disparus ? Rien n’est moins vrai que cette conviction que vous ne pouvez être heureux que quand tous les problèmes seront résolus. La présence de problèmes n’empêche pas qu’on peut choisir d’être heureux. Au contraire, le choix d’être heureux nous met dans le meilleur état d’esprit pour résoudre les problèmes, aussi bien de nature physique que relationnelle, professionnelle ou sociale. Quand on est dans une attitude de bien-être, on peut résoudre les problèmes sans gaspiller son énergie à des formes de résistance ou de résistance contre la résistance.
Etre heureux est possible ici et maintenant sans qu’on ait besoin de trouver ou d’accomplir quoi que ce soit au préalable. Le bonheur n’est pas conditionnel. Tous les problèmes ne seront jamais résolus. L’équilibre et la tranquillité sont des illusions. La vie est constamment en déséquilibre et posera toujours de nouveaux problèmes. Etre heureux n’est pas le résultat de la résolution de tous les problèmes, mais de l’accueil les défis avec élégance et dignité.
L’art de vivre
Le bien-être ne peut pas dépendre de la « résolution » de tous les problèmes. Le bonheur n’est pas circonstanciel. Le bien-être suppose la confiance sereine que nous pourrons faire face à tous les problèmes avec dignité et élégance.
Ce choix ne peut venir que de vous.
« Mais n’est-ce pas vouloir tout justifier ? N’est-ce pas de la naïveté ? N’est-ce pas de la faiblesse ? »
Souvent la question est posée si de cette manière on n’est pas en train d’embellir ce qui est laid.
A celui qui pose cette question, on peut rétorquer s’il n’est pas en train d’enlaidir ce qui est beau.
Abandonner la résistance ne signifie pas simplement vouloir tout justifier. Cela ne signifie pas non plus qu’on se sentirait mieux parce qu’on approuverait l’inacceptable. Cela signifie seulement refuser de se rendre encore plus malheureux en continuant de vivre dans une logique de « non », parce que cela ne change strictement rien aux faits. Ajouter notre propre souffrance à la souffrance dans le monde, n’apporte pas le moindre bénéfice à quiconque. Nous ne pouvons faire le bien qu’en ajoutant quelque chose de bien. C’est bien ça l’amour. Cela signifie donc d’arrêter de se battre contrequelque chose et de commencer à s’investir pourquelque chose et donc de le promouvoir. Quand on est contre la guerre, on est toujours en guerre. Il est mieux de promouvoir la paix. Ce n’est certainement pas une position de faiblesse, mais une position de force parce que c’est une attitude qui ne dépend de rien ou de personne et dont les autres ou les circonstances peuvent bénéficier. Si vous allumez une lumière pour vous-même, vous ne pouvez éviter que les autres en soient également éclairés.
L’art de vivre
Observez contre quoi vous vous débattez. Ce sont toutes des sources potentielles d’amertume, de frustration et d’autres formes de déplaisir. Essayez de remplacer ces points par quelque chose dont vous êtes pour. Si vous êtes contre la guerre, vous pouvez essayer d’être pour la paix. Et dans cette hypothèse, que feriez-vous ? Comment est-ce que cela influencera votre état intérieur ? Quel effet est-ce que cela aura sur le monde autour de vous ?
L’addiction : l’art desexcuses
Rien au monde ne peut empêcher un homme ayant la bonne attitude mentale d’atteindre son objectif. Rien au monde ne peut aider un homme n’ayant pas la bonne attitude mentale. THOMAS JEFFERSON (1743-1826)
Celui qui veut vraiment faire quelque chose, trouvera toujours un moyen ; celui qui ne veut pas faire quelque chose, trouvera toujours une excuse.
CONSTANCE BAKER MOTLEY (1921-2005)
Une addiction est une relation, jugée ou vécue comme problématique, avec une substance ou une activité. Le terme « addiction » est cependant un terme purement descriptifpour une série de comportements et ne dit rien sur l’origine de ces comportements. Les personnes ayant un comportement addictif, le vivent comme s’ils n’avaient pas de liberté et pas de choix. Comme il l’a été écrit avant, Sartre qualifiait cette façon de penser « la mauvaise foi », c'est-à-dire se comporter comme si l’on n’était pas responsable de son propre comportement. En effet, dire qu’on ne peut pas arrêter de boire ou de fumer parce qu’on a une addiction, est une manière de présenter certains choix comme une maladie qu’on ne peut pas maîtriser. C’est comme dire qu’on n’a pas d’argent parce qu’on est pauvre. Après tout, cela n’explique toujours pas les choixque ces personnes ont faits et qui ont contribués à leur pauvreté. (Un raisonnement similaire vaut pour la dépression, cf. supra.) Ce n’est pourtant pas « l’addiction » mais bien sa propre main qui porte chaque cigarette ou chaque verre vers la bouche. Ce n’est pas l’addiction qui a pris le contrôle des muscles du bras et de la main. En plus, c’est sa propre volonté qui pilote la main et pas une maladie ou une instance mystérieuse qui s’appellerait « addiction ».
C’est toujours sa propre main qui amène chaque cigarette et chaque verre àla bouche.
Socratedisait: « Un vrai savoir mène à une action. Un savoir qui ne mène pas à une action n’est pas un vrai savoir mais une information. » Si par exemple quelqu’un déclare qu’il voudrait bien s’arrêter de fumer mais qu’il n’y arrive pas, ce n’est pas à cause du fait que son corps ou ses émotions « vont à l’encontre » ou « se rebellent » ou parce qu’il serait « victime » d’une maladie bizarre, appelée « addiction », mais bien parce que dans sa conscience il y a un autre savoir qui donne d’autres messages : par exemple « j’ai besoin de fumer pour me donner une attitude ou pour gérer mon stress ». Ceci est alors le vrai « savoir », souvent inconscient, qui, lui, pilote le comportement. Tout ce qu’on fait habituellement devient une habitude. Le philosophe américain William James comprenait que notre faculté de créer des habitudes nous donne souvent un avantage important sous la forme d’une économie de réflexion, d’énergie et de temps. Puisque notre pilote automatique peut exécuter une série d’opérations de façon automatique et sans réflexion, nous pouvons nous concentrer sur d’autres choses plus importantes. Quand nous avons appris à jouer du piano suffisamment bien pour que les doigts aillent automatiquement vers les bonnes touches, alors nous pouvons nous concentrer sur l’émotion et l’interprétation. Nous pouvons conduire une voiture et en même temps penser aux entretiens futurs. Mais il se peut aussi que nous arrivions, par manque de réflexion, à une autre destination que celle qu’on s’était fixé au départ.
Pourtant, ne pas faire quelque chose est toujours plus simpleet demande moins de compétences que de le faire. On doit apprendre à fumer, tandis que ne pas fumer ne requiert aucune compétence spéciale. Pourquoi, alors, arrêter le tabagisme, l’alcoolisme ou d’autres addictions semble si difficile ? Il est tout de même incompréhensible et surprenant que des personnes qui sont capables de piloter des machines complexes et de gigantesques avions et bateaux, ne seraient pas capables de diriger leur propre comportement. Ces comportements sont souvent « expliqués » en se référant à une addiction qui serait une maladie dont on souffrirait. Pourtant il s’agit toujours du comportementd’une personne, pas d’une conséquence automatique et inévitable d’une maladie.
La consommation de certaines substances est l’expression de la recherche universelle du plaisir. La quête du plaisir et d’expériences agréables est une donnée humaine universelle. Dans toutes les cultures et de tous les temps l’être humain a cherché et trouvé des moyens (drogues) pour susciter facilement et rapidement des expériences agréables ou d’atténuer des expériences désagréables. Les gens ont du mal à abandonner de tels comportements, parce que le plaisir a une emprise tellement forte sur nous, même s’il s’agit d’un plaisir négatif qui consiste à soulager un état de stress ou de déplaisir dû aux circonstances de la vie.
Dans cette optique, la prétendue « lutte contre les drogues » est une entreprise désespérée. 124 Les gens sont simplement toujours à la recherche de stimulants, particulièrement dans notre époque contemporaine, portée sur le plaisir facile. La seule différence est qu’il y a des stimulants permis et non-permis, des stimulants prestigieux pour les gens aisés (bijoux, objets d’art..) et des stimulants banaux pour les gens moins aisés (l’alcool, le tabac…). Précisons que dans certains cas le plaisir peut être un plaisir négatif, c’est à dire le plaisir de mettre fin à une condition désagréable (comme le manque, le « craving ») qui se produit après une abstinence prolongée. Le désir d’allumer une cigarette est simplement une manière de soulever le déplaisir comme conséquence d’un taux de nicotine abaissé et de le rehausser. C’est comme le « plaisir » d’enlever des chaussures trop étroites. Le plaisir de fumer est le
124 Er ontstaat langzamerhand een internationale consensus over het depenaliseren van drugs. Men vergelijke de (grotendeels onbekende) ervaring in Portugal waar drugs sinds 2001 gelegaliseerd zijn, met zeer positieve resultaten, en het desastreuze bilan van de al vele decennia gevoerde ‘strijd’ tegen drugs. Zie o.a. Books Magazine nr. 15, sept 2010.
plaisir du retour vers un état normal de quelqu’un qui ne fume pas. Beaucoup de toxicomanes réalisent que leur consommation ne leur donne plus aucun plaisir « positif », hormis celui de soulager le manque. Dans des tentatives d’arrêt définitif, c’est justement ce comportement négatif qui cause problème. Dans un certain nombre de cas, le fait de s’enivrer peut servir à « résoudre » un autre problème ou déplaisir dans la vie. Ainsi, l’alcoolisme peut être un moyen pour noyer des problèmes liés au travail ou à une relation bancale. Il est clair que les enfants ont plus de mal à réguler leurs impulsions. En effet, c’est le cortex préfrontal qui est responsable de la régulation des affects,de l’intelligence émotionnelle. La maturation du cortex préfrontal ne s’achève que vers l’âge de 25 ans.125 Une fois qu’un enfant a goûté de quelque chose de délicieux, il en voudra toujours plus, et cela vaut aussi pour « l’enfant » qui serait en nous.
Dans beaucoup de cultures traditionnelles l’utilisation de telles substances est strictement réglementée. Les méthodes de plaisir et d’ivresse y sont toujours utilisées en groupe, sous l’autorité d’un chaman ou d’un sage. Dans la plupart des cas il y a même un tabou sur l’utilisation en solitaire par les membres de la communauté. La raison de ce tabou semble être que la possibilité d’un plaisir solitaire effréné fait que l’individu n’aurait plus besoin de rien ou de personne et qu’il peut se soustraire du groupe.
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Tout ceci explique que pour changer ou arrêter une habitude de plaisir facile comme une consommation (fumer, boire, se piquer, sniffer ou manger des substances illégales ou autorisées comme les médicaments) ou une activité (le jeu, le porno, le sport, le shopping, les voyages, collectionner de l’art, des antiquités …) il faut une motivation solide de « l’adulte en nous ». Pour cela il n’y a pas de recette universelle. Odyssée se faisait encorder au mât de son navire pour résister aux chants des sirènes. Plus proche de chez nous, l’échec de la plupart des programmes de désintoxication montre l’importance d’une motivation solide. Les consommateurs n’ayant pas une telle motivation, semblent toujours particulièrement
125 Les cervaux n’ont fini de grandir qu’à l’âge de 24-25 ans et le cortex préfrontal se développe en dernier. Le cortex préfrontal est responsable pour des compétencescomplexes tels que le travail organisé ? la régulation des impulses, la réflexion sur les conséquences de ses propres actions, la fixation des priorités, et la réflexion à long terme. Ceci explique que beaucoup de jeunes et de jeunes adultes se comportent souvent de façon imprudente, immature et irresponsable.
126 La ressemblance avec le tabou sur la masturbation est remarquable et s’explique d’ailleurs de la même façon.
résistants à quelque forme de « traitement » que ce soit. De ce fait, les « rechutes » sont fréquentes.
127 Aussi longtemps qu’il y a une motivation, même externe (comme une grossesse ou un séjour en clinique) on arrive à arrêter sans trop de problèmes, mais dès que la motivation externe disparaît, l’individu reprend vite ses mauvaises habitudes. Car il ne s’agit pas d’une « maladie », dont on pourrait « guérir » durablement. Aussi longtemps qu’il y a une motivation externe (par exemple une grossesse ou un séjour dans une clinique/en institution) on arrive à arrêter sans trop de problèmes, mais aussitôt que la motivation externe disparaît, l’impliqué reprend vite ses anciennes habitudes. Car il ne s’agit pas d’une « maladie », dont on serait « guérie »
Cela explique aussi que les consommateurs sont bien capables d’arrêter leur consommation dès qu’ils en ont une raison suffisante, c'est-à-dire une bonne motivation. Il est bien connu que la plupart des femmes peut immédiatement arrêter de fumer sans trop de problèmes, dès qu’elles sont enceintes. Est-ce que cela signifie que ce qui était « difficile », voire « impossible », est soudainement devenu « facile » ? Bien évidemment que non ! C’était toujours facile. Il fallait juste avoir une bonne raison, une motivation solide. Le modèle de l’addiction comme maladie peut par conséquent, être remis en question, tout comme celui de la dépression (cf supra). Dans ce modèle de « maladie », l’addiction serait due à un dysfonctionnement cérébral, organique ou fonctionnel. Pourtant, la plupart des jeunes qui ont expérimenté l’usage de drogues ou qui y ont été exposés, ne les utilisent plus à l’âge de 30 ans et au-delà. Ils ont donc arrêté cet usage sans aucune forme d’accompagnement thérapeutique. Il y a chaque jour des personnes qui décident d’arrêter de fumer ou de boire, souvent après lecture d’un livre ou après un échange informel. Ces personnes arrêtent leur habitude indésirable et simplement continuent leur vie. La plupart des personnes qui ont arrêté de fumer, se sont, par la suite, étonnées que c’était finalement tellement simple. Ils en font peu d’histoires, on ne les entend plus. Ceux qui entretiennent la polémique, les excuses et les prétextes, ce sont ceux qui n’y arrivent pas. Ce sont ces
127 La résistance aussi est la description d’un comportement et pas une « maladie » particulière. Si un patient n’arrête pas l’utilisation de certaines substances, ce n’est pas parce qu’il souffre de la « résistance », mais parce qu’il n’a pas encore trouvé une bonne motivation pour changer son comportement.
derniers qui répandent le bruit qu’arrêter de fumer ou de boire est difficile, que c’est un combat de tous les jours qu’il est presque impossible de gagner, etc. Chaque habitude peut être changée s’il y a une raison suffisante. La motivation est un concept clé. Les personnes qui vont pour la première fois en voiture en Grande Bretagne, ont le choix : elles peuvent constater que la conduite à gauche est beaucoup trop difficile pour eux et retourner à la maison, ou elles peuvent avoir une raison suffisante pour décider quand-même de s‘adapter. Quand ils font le dernier choix, comment doivent–ils procéder ? En exécutant les actions au début très lentement, de façon très attentive. Tout dans leur esprit et leur corps est prêt à/fixé sur la conduite à droite. Toutes leurs habitudes, qui étaient bien sur le continent, sont soudainement devenues une erreur. Et pourtant, les personnes y arrivent. Tout ce qui est nécessaire, est une raison suffisante pour y commencer.
Certaines personnes ont besoin d’un infarctus ou d’un cancer du poumon comme raison suffisante pour arrêter de fumer. Même cela n’est pas toujours suffisant et un certain nombre de personnes vont quand-même continuer, malgré cette raison qui aux yeux de beaucoup d’autres, serait suffisante pour arrêter. Cela montre bien qu’aucune motivation n’est universelle. Malheureusement, on peut toujours ne pas se sentir concerné. Les personnes ayant une addiction sont exceptionnellement habiles pour se convaincre eux-mêmes et les autres qu’ils sont une exception à la règle. Ils sont passé maître dans l’art de trouver des excuses. C’est la liberté de l’homme.
Les personnes ayant un comportement addictif sont passé maître dans l’art de trouver des excuses.
Il est donc essentiel que la personne impliquée se convainqueelle-même et qu’elle puisse concrètement s’imaginer être capable d’arrêter le pilote automatique pour reprendre le contrôle de ses actions. Elle doit s’imaginer qu’elle assume à nouveau ses responsabilités et qu’elle ne se cache plus derrière l’idée d’une maladie. Ce qu’on peut s’imaginer, on peut en faire une réalité. Et ce n’est que lorsque cette imagination s’accompagne d’une idée de gain, sous la forme d’une meilleure qualité de vie, qu’elle mènera vers un changement de comportement durable. Pour comprendre l’idée de motivation, il suffit de penser aux personnes qui décident d’aller en vacances. Ces personnes n’ont jamais de manque de motivation, de volonté ou de discipline. Comment font-ils ? En projetant des images tellement attirantes, que rien ne peut les arrêter. Il n’y a pas de cas connus de personnes qui « essayent » de partir en vacances mais qui n’y arrivent pas. Malgré tous les détournements de la route, les embouteillages et autres désagréments, ils vont faire l’impossible pour atteindre leur destination de vacances. Rien ne peut les arrêter. Mais les personnes qui envisagent d’arrêter de fumer ou de boire, entendent les clichés et convictions sociaux tels que : « j’ai peur que je n’y arriverai jamais », « cela n’a pas de sens d’essayer, je ne serai pas capable », « vous avez besoin d’énormément de volonté pour réussir », « avec seulement de la volonté, cela ne marchera pas », ou « vous voyez bien que je n’y arrive pas ». Les clichés mentionnés sont hélas souvent confirmés par les professionnels et l’industrie pharmaceutique. L’arrêt d’une habitude est présenté comme un combat quotidien. Si la vie quotidienne est un combat, on perdra. Personne n’est motivé par
une vie qui est un combat permanent. Il sera donc important de remplacer ces convictions par d’autres, plus libératrices et qui suscitent une remise en pouvoir (« empowering »). Cela demande au début de l’attention et une prise de conscience. Aussi longtemps qu’on s’accepte avec ce comportement d’addiction, il n’y aura pas de motivation suffisante pour le changer. Ceux qui, en revanche, ne se trouvent plus acceptable avec leur comportement, seront motivées pour le changer. Un vrai savoir mène à une action. Nous pouvons toujours débrancher le pilote automatique et prendre en main notre destin au lieu de le subir. Et cette action peut mener vers une nouvelle habitude. Les bonnes habitudes se créent aussi facilement et de la même manière que les mauvaises habitudes : par la répétition. Selon William James, cité antérieurement, seulement une forme de « surveillance vigilante » est nécessaire amorcer le changement.
Les gens attendent ou espèrent souvent une « guérison » par un moyen miraculeux ou une thérapie miraculeuse. Ou bien ils attendent que l’envie passera et sera mis de côté pour ne plus jamais revenir. De nombreuses tentatives pour arrêter échouent dès que le corps réclame sa friandise quotidienne auquel il s’est habitué. Cela est alors vu comme le « signe » que « la maladie, l’addiction » n’est pas encore guérie. C’est comme les parents qui attendent que leurs enfants arrêtent d’eux-mêmes de réclamer des glaces et du chocolat pour demander une nutrition plus saine. Cela ne se passera pas comme ça ! Le corps va continuer à demander sa friandise favorite. Heureusement, il est communément admis que ce phénomène se présente surtout dans les 48 premières heures et qu’au-delà d’une semaine cela aura déjà considérablement diminué. Une certaine résolution et persévérance sont donc bien requis (voir plus loin : L‘art du Changement).
D’autres difficultés sont l’abaissement sociétal du seuil de frustrationet l’angoisse de l’inconfortqui y est associée (« je ne vais pas pouvoir supporter le manque physique ») ainsi que l’anxiété de l’atteinte de l’ego(« ce serait terrible si les gens pensaient quelque chose de désagréable sur moi »). Chaque petit problème ou inconfort qui se produit peut alors être attribué au fait qu’on a arrêté la consommation et peut être vu comme une preuve qu’on n’est pas encore « guéri ». La tentation est alors grande de recommencer à consommer afin de retrouver un soulagement pour ces difficultés. Le problème de l’addiction est finalement le problème de la gestion du plaisir. Le seul « combat » à livrer, se situe dans la conscience. La réponse à l’addiction ne peut pas être une croisade contre le plaisir, mais doit être son accroissement par le développement de formes de plaisir plus diversifiées et plus différentiées. Finalement, le problème de l’addiction est précisément que la vie s’est rétrécieà une seule forme de plaisir. La réponse doit être l’ouverture à d’autres formes de « se faire plaisir », pas seulement comme « substitut » mais comme un plaisir d’un ordre supérieur. En effet, personne ne veut tout simplement abandonner un plaisir. Mais abandonner une forme de plaisir est facile si, en échange, on trouve une autre forme de plaisir, une forme supérieure. Comme le plaisir de fumer perd tout
son intérêt à côté du celui, bien supérieur, de porter un bébé. Certaines personnes arrivent de cette manière à arrêter une addiction en échange du plaisir supérieur, existentiel de se voir comme une personne plus libre, plus autonomeet plus mature.
En effet, le plaisir le plus haut pour une personne, c’est l’idée d’être un homme libre qui prend sa vie en main. La vraie liberté c’est l’autonomieet on est autonome quand on n’est plus déterminé par des facteurs externes mais par soi-même, particulièrement par ce qui est de plus élevé en soi-même, c'est-à-dire la raison et les valeurs à long terme. Celui qui comprend que fumer nuit à la santé et qui, pour cette raison, décide d’arrêter, est un homme libre. Dans cet exemple, la valeur est sa santé, la raison le mène à la décision d’arrêter. Celui qui dit qu’il comprend bien mais qu’il est incapable d’arrêter, est moins libre parce qu’il ne se laisse pas diriger par la raison. Mais cela est tout sauf évident dans une société où l’on valorise surtout des formes corporelles et émotionnelles de plaisir et où on valorise très peu le plaisir intellectuel, social, existentiel etspirituel, qui est souvent considéré comme « difficile ». Cela illustre la liberté fondamentale de quelqu‘un qui est vraiment motivé. Cela illustre aussi que la dépendance de substances ou d’activités – la nicotine, l’alcool, les drogues, le sucre, le sexe – est toujours dû à l’incapacité d’engager une relation rationnelle avec une consommation ou une activité. Cette incapacité est un trait de personnalité qui a une valeur prédictive pour la susceptibilité à l’addiction, qui se présentera également dans d’autres terrains de la vie, par exemple dans des « addictions constructives » comme le sport ou collectionner des objets d’art onéreux.
Celui qui est motivé, trouve toujours un moyen d’atteindre son objectif. Celui qui n’est pas motivé, trouve toujours une excuse.
Les quantités de substances euphorisantes ou de médicaments de confort que prend quelqu’un, en dit long sur le degré de liberté et de responsabilité de celui-ci. Nombre de gens prennent chaque jour des substances et des médicaments pour rendre la vie supportable. De cette manière ils se dédouanent de la responsabilité pour leur propre vie. La prise des médicaments est, bien entendu, souvent lié à une ordonnance d’un professionnel. En effet, prescrire un médicament est tellement plus facile que d’essayer de motiver un patient qui ne cherche qu’un remède facile et rapide et qui n’est pas prêt à se remettre en question ou de faire un effort de réflexion. Cela entretient, à coup sûr, l’idée de dépendance.
L’art de vivre
Une addiction n’est pas un ennemi qu’on pourrait combattre. C’est le pilote automatique qu’on peut apprendre à débrancher. Les bonnes habitudes se font de la même manière que les mauvaises : par la répétition. Le bien-être ne peut pas dépendre de la résolution de tous les problèmes. Le bien-être suppose la confiance solide qu’on sera capable de faire face à tout problème, d’une façon digne et élégante.
Le sourire duBouddha
Ce dont nous avons besoin pour être plus compassionnel et plus bienveillant est une autre vision sur la vie et ses contingences, qui nous permet de nous libérer de nos tourments et de nous rapprocher de notre source interne de bien-être. Cela devient possible dès qu’on comprend qu’un événement ou un traumatisme n’est toujours qu’un élément d’une longue chaîne de contingences. L’homme est choqué et traumatisé par une perteinattendue et non justifiée, mais il est très rarement traumatisé lorsqu’à l’inverse il reçoitquelque chose de façon tout autant inattendue et non justifiée. Personne ne m’a jamais dit : « J’ai du mal à accepter que j’ai reçu un si beau corps et un si bon cerveau » ou « Comment se fait-il que j’ai pu mériter d’avoir un si merveilleux partenaire ? » ou encore : « Ce n’est quand-même pas juste que j’ai de si beaux enfants». Ce que nous avons reçu, nous le considérons rapidement comme un droit acquis qui ne peut plus jamais disparaître ou être mis en question car il fait partie de notre patrimoine émotionnel. Des personnes traumatisées débutent leur récit à un certain niveau d’acquis (qu’ils ont dû, bien sûr, d’abord recevoir) et qu’ils considèrent comme normal, après quoi ils considèrent avoir subi une perte. Mais quand on regarde un peu plus loin que l’événement immédiat, on ne peut que constater qu’on ne peut perdre que ce qu’on a d’abord reçu. L’être humain vient sur terre nu et sans rien et la quittera également sans rien. Entre temps il est dépositaire de certains bien de cette terre, dont il n’a qu’un droit d’usage. L’homme peut se mettre à croire que certains biens lui appartiennent. Qu’est-ce que cela signifie ? Selon Eckhart Tolle la possession n’est qu’un récit dans lequel la notion du jeest mis en rapport avec l’idée d’ un bienqu’on appelle possession.128
128 Eckhart Tolle. A New Earth. London, New York: Penguin Books. 2005.
La possession n’est qu’un récit dans lequel la notion dujeest mise en rapport avec l’idée d’un bien, appelé possession.
ECKHART TOLLE
Quand vous avez de la malchance, ne vous demandez pas : « Pourquoi cela devait m’arriver ? » sauf si vous vous posez la même question quand vous avez de la chance.
PHILIP S. BERNSTEIN
Quand l’entreprise Renault vînt s’installer à Vilvorde en Belgique, les habitants de la région n’étaient pas du tout traumatisés par cette bonne nouvelle. Par contre, ils l’étaient bel et bien quand cette même entreprise en reparti. De même, vous ne pouvez perdre votre conjoint, parce qu’un jour vous l’avez reçu, vous ne pouvez perdre vos enfants que parce que vous les avez reçu… Vous ne pouvez perdre vos biens matériels que parce que vous êtes né dans une société où vous avez eu la chance de pouvoir les acquérir. Finalement, contrairement à l’idée reçu, le lâcher priseest facile car la seule chose qu’on doit lâcher est l’idée qu’il y ait quelque chose à lâcher. Celui qui ne veut jamais faire face à une perte, n’a qu’à s’interdire de recevoir quoi que ce soit ou au moins ne pas s’y attacher. Finalement, on n’est victime que du fait qu’on est né par hasard, à un endroit aléatoire. C’est cela l’ironie, la tragi-comédie de la vie. Une autre vision sur le traumatisme peut être développé à partir de l’idée, apaisante, qu’un événement particulier n’est pas dû à une action hostile contre sa propre personne, mais est dû à des lois invariables et des imperfections immuables, comme les lois biologiques en cas de vieillesse, maladie ou décès, ou des imperfections de la société comme la distribution inégale des richesses à l’échelle mondiale. Ainsi, on peut comprendre que la souffrance est, dans beaucoup de cas, de nature existentielle et pas de nature personnelle. Cela introduit une nouvelle vision sur sa personne et sur la vie. Einsteindisait: « On ne peut pas résoudre un problème avec la même pensée que celle qui l’a causé. » Dire « non » dégage une grande force. Dire « non » fait qu’on se sent vivre en tant qu’individu. On se distingue et on fait preuve d’une identité. Mais il s’agit d’une identité qui montre seulement ce que l’on n’est pas. Dire « oui » est le signe d’une force supérieure. On se met dans le courant et la force de la vie, qui, par ce fait, devient sa propre force.
Il faut de la force pour démolir. Il en faut davantage, et en plus de la créativité et de la sagesse, pour construire. Dire « non » rend bougon et rigide. C’est la force de l’opposition. Dire « oui » donne la force de l’enthousiasme, de l’émerveillement, de l’élan. C’était la force de Victor Frankl, de Nelson Mandelaet de mère Thérèsa. A la question de ce qu’elle faisait tous les jours dans les rues de Calcutta, mère Thérèsa répondait: « Je rencontre Jésus tous les jours, sous une apparence misérable. » Victor Frankl arrivait à voir la beauté dans un seau d’eau sale avec des têtes de poisson. Nelson Mandela, dans son autobiographie The Long Walk to Freedom, 129 écrivait que ce qu’il devait faire pour survivre en prison, était identique à ce qu’il devait faire pour survivre en dehors de la prison, c'est-àdire, chaque jour, trouver une raison de dire « oui». Les évènements ne sont que des évènements. Ils ne sont ni bons, ni mauvais, « ils sont » tout simplement. C’est notre jugement qui les fait bons ou mauvais.
Hakuin, le maître Zen, était très apprécié par son entourage, comme quelqu’un qui menait une vie pure et irréprochable. Il avait une grande réputation et beaucoup de gens venaient lui demander conseil. Dans la même rue habitait une belle jeune fille, la fille de l’épicier. A un moment donné, la fille s’avérait enceinte. Les parents en étaient grandement consternés et voulaient savoir qui était le père. Mais la fille refusait de révéler le nom du père de l’enfant. Les parents, n’avait de cesse d’interroger fille qui finalement désignait Hakuin comme le père, bien que celui-ci n’y était pour rien. Les parents de la fille, excédés, se présentaient chez le maître. « C’est un scandale, » lui disaient-ils, qu’un homme comme vous fait semblant d’être irréprochable, alors qu’en même temps il est le père de l’enfant de notre fille!” “Ah, bon ?” se contentait de répondre le maître Zen. Le maître avait perdu sa réputation auprès de tout le monde, mais il ne s’en inquiétait nullement. La nouvelle du scandale se rependait même en dehors de la ville et plus personne ne venait lui demander conseil. Le maître restait immuable. Lorsque l’enfant était né, les parents l’apportaient chez maître Hakuin: « Vous en êtes le père, vous n’avez qu’à en prendre soin. » Le maître prit soin de l’enfant. Il acheta du lait et tout ce dont le petit avait besoin, chez son voisin, l’épicier.
129 Nelson Mandela. The Long Walk to Freedom. Little Brown and Company, 1994. Traduction en néerlandais: De lange weg naar vrijheid. Uitg. Contact, 1994.
Mais après un an, la jeune mère avait un sursaut de conscience. Elle annonçait à ses parents ce qui s’était réellement passé et désigna le vrai père de l’enfant. Une nouvelle fois, les parents de la fille étaient grandement décontenancés et se rendirent de nouveau chez maître Hakuin. Ils lui demandèrent très humblement pardon et s’épuisèrent en excuses. « Vous êtes vraiment un saint homme, pour, en dépit de votre innocence, avoir pris soin de l’enfant de notre fille » dirent-ils. Ils demandèrent de récupérer l’enfant pour s’en occuper. Le maître Zen disait simplement: « Ah, bon ? » Et il rendait l’enfant, dont il avait pris soin tout ce temps.
Maître Hakuin réagissait exactement de la même manière à la bonne nouvelle comme à la mauvaise. A aucun moment il était victime des événements. Il acceptait à tous moments ce qui se passait. Il ne vivait pas dans la résistance et l’opposition mais à chaque instant il était en complète acceptation et se contentait de prendre les mesures nécessaires. Il vivait toujours dans sa propre force. La seule chose qui reste, alors, c’est le sourire du Bouddha. Le sourire du bien-être de l’existence. Le sourire de la sagesse.
L’art de vivre
En Occident la souffrance est traditionnellement glorifiée. La grande icône en Occident est le Christ souffrant sur la croix. Cela construit l’idée que la souffrance aurait une fonction rédemptrice, voir purificatrice. L’Orient, par contre, a l’icône du Bouddha souriant, comme expression de l’idée de la sagesse qui délivre de la souffrance. En Orient, la souffrance est considérée comme une erreur, une conséquence de la méconnaissance de la logique de la vie, du fait qu’on ne peut jamais totalement comprendre et expliquer la vie. Que pourrait signifier que quelque chose soit « à moi » ? Comment est-il possible qu’une parcelle de terre soit « à moi », alors que je me rends compte que cette parcelle était déjà là pendant des millions d’années avant même que j’y sois arrivé, et qu’elle sera encore là pendant des millions d’années après ma disparition ? Que pourrait signifier que mes enfants soient « à moi » ? Que mon conjoint soit « à moi » ? Que mes parents soient « à moi » ?
Une attitude compassionnelle est une attitude de « oui ». La prochaine fois que vous vous trouvez dans une file, que vous êtes rejeté par quelqu’un, ou que vous passez à côté d’une sollicitation, exercez-vous dans une attitude positive, une attitude de « oui ». Si vous apprenez simplement à dire « oui»à tout ce qui se présente, au lieu d’être dans l’opposition, dans le combat, vous êtes dans l’acceptation du moment-même et vous devenez conscient d’une dimension de paix et de libertéqui est plus profond que l’événement lui-même. Ainsi, vous devenez conscient de l’espace derrière l’événement, comme du silence derrière la musique. Dites-vous attentivement : « Ceci est ce qu’il y a maintenant, et ce n’est seulement ce qu’il y a. Rien en moi n’est changé par cet événement. Je suis toujours la même personne que j’ai toujours été. »
A partir de cette attitude vous pouvez vous engager à faire le bien et prendre les mesures nécessaires pour éventuellement changer ce qui peut et doit être changé.
Chapitre 6: Dire « oui » à la vie
Quand je porte une branche verte dans mon cœur, l’oiseau viendra chanter. Dicton CHINOIS
Le «non» affirmatif
Souvent il y a confusion à propos du « oui»et du « non». En effet, dans ce qui précède, il s’agissait d’une attitude, d’une logiqueinterneet non d’un messageà l’autre.
Celui qui n’arrive pas à dire « non» et se laisse piétiner, le fait en général par peur d’être rejeté. Il s’épuise afin d’être accepté et même approuvé par les autres qu’il a peur de « blesser ». Cette angoisse s’explique par son enracinement biologique chez tout animal, en particulier chez tout mammifère, d’être écarté du nid ou du groupe. Être accepté est, pour les enfants aussi, d’une importance vitale. Les adultes, par contre, peuvent comprendre que cette acceptation reste, bien-sûr, agréable, mais n’est plus vitale. Quoi qu’on fasse, ils comprennent qu’ on ne sera jamais accepté par tout le monde. Celui qui a l’habitude de toujours dire « oui»aux autres, même en pensant « non», en subit les effets négatifs sous la forme d’une soumission insupportable, d’un chantage émotionnel écrasant, ou d’autres formes de comportements contrariants. Dans des cas extrêmes, de révolte et de désespoir, il peut même recourir à des formes pathologiques du « non», telles que l’addiction, l’anorexie, l’automutilation, la dépression ou même le suicide. Les thérapeutes d’orientation systémique parlent, dans ce cadre, de familles pathogènes. Selon S. Minuchinn130, un des penseurs éminents de la théorie systémique, les familles psychosomatiques sont caractérisées par : - La symbiose, la fusion, l’entrelacement émotionnel: les frontières entre les individus sont vagues et imprécises. Les sentiments « flottent », pour ainsi dire, librement d’un
130 Napier, A.Y. & Whitaker, C. The Family Crucible. The intense experience of Family Therapy. New York: Harper & Row, Perennial Library, 1988. Voir également: Elkaïm, Mony. Si tu m’aimes, ne m’aime pas. Paris: Seuil, 1989.
individu à l’autre. Comme tout le monde compatit avec tout le monde, personne n’est capable de se soustraire de ce marais émotionnel, d’en donner un sens, et d’apprendre aux enfants à gérer les émotions. - La rigidité: dans ces familles règnent des règles explicites et implicites. Surtout la règle de la fidélité à la famille et au mythe familial131 (nous sommes différents, spéciaux, plus sensibles, mieux que les autres…) est tellement important et pesant que l’individu n’arrive pas à se différencier, à s’individualiser et à réaliser ses propres ambitions. Les schémas comportementaux et la structure d’autorité sont figés: les parents restent les parents et les enfants restent des enfants.
- La surprotection:la famille entière est mobilisée et va s’impliquer pour protéger et aider « le malade ». Il y a souvent des mensonges pour éviter que la vérité puisse blesser l’un ou l’autre. Il n’est pas autorisé de montrer ses vrais sentiments. - L’évitement des conflits: Les conflits sont implicitement interdits et soigneusement évités pour ne pas mettre en danger l’unité familiale et l’harmonie apparente.
De telles familles, qui sont souvent vues comme des exemples de chaleur, d’amour et d’attention, n’offrent pas aux enfants un environnement où ils peuvent apprendre des compétences adultes telles que la communication, l’affirmation de soi et la gestion des conflits. Ce sont des familles où les enfants sont tellement cajolés qu’ils en étouffent. Se rebeller est, dans ces familles, encore plus difficile que dans des familles où il y a une violence ouverte et donc plus reconnaissable. Beaucoup de comportements pathologiques, comme la consommation de drogues, l’anorexie132 , le stress, jusqu’à la délinquance et le suicide, peuvent être vus comme des formes pathologiques de dire « non ». Le symptôme (la consommation de drogues, l’anorexie, la délinquance…) est alors un dernier stratagème d’être entendu et une forme d’expression du « non ». Cela peut également être un moyen d’obtenir quelque chose sans devoir le demander, dans des familles où se sacrifier
131 Les mythes familiaux créent une image de la famille, qui est partagé par tous ses membres. Ils donnent un sens et justifient les obligations et les interdits. Le but premier des mythes familiaux est évidemment d’être un récit structurant, une façon d’ organiser la vie familiale et d’en assurer le bien-être. Si, par contre, ces mythes deviennent tellement rigides que le changement n’est guère possible, ils deviennent un facteur de mal-être.
132 Hilde Bruch. Conversations with anorexics. New York: Basic Books. 1988.
pour l’autre est fortement valorisée. C’est un langage non verbale, une manière de parler (de soi-même, des autres) sans parler, indiquant la difficulté de verbaliser des tensions émotionnelles. La « maladie » est alors la seule solution, la seule possibilité d’ouverture vers l’extérieur, vers un médecin, un travailleur social ou un autre professionnel de santé. A l’université de Californie, le Dr Salomon et ses collaborateurs ont effectué une recherche importante sur le lien entre certains types de personnalité et la probabilité de la survenu de maladies tels que le cancer ou le sida. 133 Ils sont arrivés à la conclusion qu’il y a un lien entre la soumission, le conformisme, l’autosacrifice, le déni de l’hostilité ou de la colère et la nonexpression des émotions, et un pronostic défavorable du cancer. Une telle personnalité refoulé pourrait également être plus vulnérable au sida.
Le Dr Salomon affirme que les patients souffrant du sida peuvent se poser une simple question dont la réponse est déterminante pour la survie au long terme : « Est-ce que vous accorderiez une faveur à un bon ami qui le demanderait, si vous n’aimiez vraiment pas le faire ? » Selon le Dr Salomon, une réponse négative, aurait une signification plus positive pour la survie à long terme que tous les autres traits de personnalité. Pouvoir dire «non» est donc extrêmement important. Mais il est tout aussi important de ne pas le faire dans une logique de «non»,c’est à dire dans une attitude de colère, de combat et d’opposition. Cela veut dire qu’on doit pouvoir dire « non » gentiment et avec le sourire. On doit, pour ainsi dire, pouvoir dire «non» à partir d’une attitude de «oui». Le « oui » signifie : « J’accepte que cette personne existe, qu’il peut me demander certaines choses mais que je peux dire « non » sans me mettre dans une attitude d’opposition, de combat et de stress, sans me laisser inonder par des sentiments négatifs (par exemple la peur d’être rejeté). » Le « oui » est à l’intérieur de soi-même. Le « non » est la communication à l’autre. L’autre pourra accepter plus facilement cette communication si le « non » est dit d’une manière gentille mais déterminée. L’attitude du « oui » est perçu comme une attitude de force intérieure et de maîtrise, qui ne manquera pas son effet sur l’autre. Exprimer ses émotions est important, mais il est préférable de vivre de telle manière qu’il n’y a tout simplement pas d’émotions agressives à exprimer. Plus on a d’émotions positives, moins l’expression des émotions pose problème.
133 Cité dans Bernie. S. Spiegel. Peace, Love and Healing. London: Arrow Books, 1990.
C’est est la base de la vraie affirmation de soi, c’est à dire la compétence de dire « non » sans agressivité et sans s’en sentir misérable et coupable.134 Pouvoir dire « non » à partir d’une attitude de « oui » fait toute la différence (et le malentendu) entre l’agressivité et l ‘affirmation de soi.
L’affirmation de soiest la compétence de dire « non » à partir d’une attitude de bienveillance. De la même manière on peut (et souvent on doit) dire « non » à un enfant, sans que cela signifie qu’on rejette cet enfant, qu’on est en colère ou qu’on ne l’aime pas. Bien au contraire : c’est précisément parce qu’on l’aime, qu’on doit dire « non ». De cette façon on peut également dire « non » aux événements sans se mettre dans une attitude de négativité, d’opposition et de stress. L’affirmationc’est dire « non » à partir d’une attitude de « oui ». L’agressivitéc’est dire « non » à partir d’une attitude de « non », c’est à dire d’opposition et de combat. L’affirmation est nécessaire et est saine, l’agressivité est la cause de stress et de conflits.
Nelson Mandelaécrivait: « Si quelqu’un pense que je suis un pacifiste, il n’a qu’à essayer de voler mes poules, alors il comprendra bien combien il s’est trompé sur ma personne. »
Un « oui » malhonnête est un « non » à soi-même.
BYRON KATIE
134 Voyez les nombreuses œuvres sur l’affirmation de soi, notamment le livre classique: Smith, Manuel J. When I say No, I feel Guilty. New York: Bantam Books, 1975. Voyez également: Dyer, W.W. Your Erroneous Zones. New York: Avon Books, 1976. Dyer, W.W. Pulling your own Strings. London: Hamlyn Books, 1979. Tannen, D. That's not what I meant! New York: William Morrow & Company, 1986.
Une attitude de compassion
Si vous vivez en harmonie avec ce qui est, il se produit dans votre vie une intelligence qui est beaucoup plus grande que le savoir que le cerveau a accumulé. Si vous accueillez le moment présent avec un « oui » vous accédez à la véritable créativité.
ECKHART TOLLE (1948 - )
Si vous vous demandez quelles seraient les circonstances idéales pour vous, regardez votre vie en ce moment.
SAMARPAN
C’est la quête qui est le problème, car chercher signifie que le moment présent n’est pas bien. Chercher veut toujours dire qu’il y a une opposition à ce qui est, que cette vie actuelle n’est pas suffisante. Mais comment « ceci » pourrait ne pas être suffisant? C’est tout ce qu’il y a ! JEFF FOSTER
Il n’est pas difficile de dire « oui » à une vie sans problèmes et dans la prospérité. Cela ne demande pas beaucoup de conscience et pas beaucoup d’effort. Il est plus difficile de dire « oui» quand la vie montre son côté rugueux et nous propose des défis que nous ne comprenons pas. Alors nous nous mettons à hurler « non»,à résister et à ne pas accepter. De cette manière nous créons un combat en nous-mêmes. Les personnes qui luttent contre eux-mêmes ou contre la vie affichent un visage contrarié et sont en permanence insatisfaits et dans la résistance. Cette résistance ne change strictement rien à la vie, tout ce qu’elle fait c’est créer un mal-être. C’est comme un poison pour l’esprit, comme semer de mauvaises herbes dans son jardin. C’est cette résistance qui nous épuise et qui est responsable des problèmes et symptômes tels que le stress, les maux de tête, la migraine, des ulcères d’estomac et finalement l’épuisement (burn-out) et la dépression. La vie est comme une excursion en canoë. Sur une rivière, nous ne pouvons pas changer le courant, mais si nous nous obstinons d’aller à contre-courant, nous serons vite épuisés. Si nous nous opposons, nous risquons de chavirer et de nous retrouver sous l’eau. Si, par contre, nous suivons le courant, nous pouvons faire une belle excursion en utilisant l’énergie du courant.
La vie devient agréable et plaisante si nous faisons attention aux changements et mouvements de notre vie et si nous nous laissons porter au lieu nous opposer et d’exiger que la vie se comporte selon nos désirs ou que les choses redeviennent « comme avant ». La vie est en continuelle mouvance. La vie est un partenaire incontournable. Nous avons tout intérêt