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L’amour de la floraison du prunier

Synthèse: l’amour comme émotion

- a besoin de l’autre pour se sentir complet et heureux - est l’attente et l’exigence que l’autre va satisfaire nos besoins - est la projection des attentes sur l’autre - est par conséquent aveugle pour la réalité de l’autre - peut facilement se transformer en haine si l’autre ne satisfait pas nos besoins

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L’amour comme valeur

L’amour spirituel n’est pas un cadeau de la vie mais est le choix de vivre la réalité d’une certaine manière, notamment avec une attitude de « OUI». C’est l’attitude d’une acceptation dans la joiede ce qu’il y a. Cette forme d’amour n’est pas attendre qu’on soit tout d’un coup envahi par une expérience qui fait jaillir en nous un « OUI ! », comme quand on est amoureux. Cette forme d’amour, par contre, c’est créer et cultiver un état d’âme. C’est un choix, un acte conscient. Si l’état amoureux peut être comparé à un phénomène naturel, l’amour spirituel décrit ici est plutôt une œuvre d’art, une création de la conscience humaine. Cet amour est dans celui qui aime. Il est remarquable que, dans les pays ou les mariages sont arrangées, il n’y a pas plus de divorces ou de mariages malheureux que dans nos pays ou on a le libre choix. Cela est dû à une différence d’attitude. Nous évaluons si ce qu’on a reçu est satisfaisant et si cela correspond à nos souhaits et à nos attentes. Dans d’autres cultures, on apprend plutôt à apprécier ce que l’on a reçu, ce qu’il y a. Ainsi, on apprend à être heureux avec ce qu’on a, au lieu d’apprendre à juger si ce qu’on a, peut nous rendre heureux. Recevoir de l’amour des autres, est largement en dehors de notre pouvoir. On a très peu d’autorité sur le fait que les autres nous aiment ou pas. Mais on a toute l’autorité nécessaire pour être une personne aimante, pour être plein d’amour, pour devenir amour, pour être amour. Nous pouvons décider de devenir une personne pleine d’amour, au lieu de chercher à trouver de l’amour. Alors on ressent l’amour en nous, au lieu de devoir attendre l’amour des autres. Bien que concrètement on ne donne rien, on a néanmoins l’impression de donner de l’amour…

Vous n’êtes pas seule parce que personne ne vous aime, vous êtes seule parce que vous n’aimez personne.

L’amour n’est pas une marchandise que les individus peuvent se « donner»l’un à l’autre, mais il est plutôt un contexte, un espace, où des individus peuvent s’inspirerl’un l’autre. L’amour permet de vivre le mystère de la vie et de son propre être, afin d’y participer. Ce que

l’on ressent pour une personne aimée, a en soi moins à voir avec cette personne qu’avec nous-même. L’amour c’est comme découvrir le soleil. Les êtres humains ne peuvent pas se donner le soleil, mais ils peuvent s’inspirer l’un l’autre pour ouvrir les yeux et voir le soleil qui est toujours là, même s’il est caché derrière des nuages épais. Quand nous sommes amoureux, nous projetons nos désirs sur l’autre, qui devient donc un autre idéal.49 En réalité nous n’avons pas de relation avec l’autre, mais avec notre rêve, notre représentation de cet autre. Cette illusion narcissiqueest souvent prise pour de l’amour. Mais même si on a pu conquérir l’autre, il subsiste toujours un désir. D’une manière ou d’une autre, le désir semble infini. C’est comme essayer de combler un trou abyssal : il reste toujours un vide à combler… Nous ne pouvons que faire la paix avec cette infinitude de notre passion en apprenant à voir l’objet véritable de notre désir. Nous pouvons concrètement le découvrir en examinant des expériences sublimes que nous avons déjà vécues. Aussi longtemps que nous continuons à croire que quelque chose ou quelqu’un d’externe dispose d’un pouvoir particulier ou d’une force magique que nous devons essayer d’attirer dans notre vie, nous créons une obsession, une addiction à ce quelque chose ou ce quelqu’un. Si je me souviens d’un moment où j’étais profondément touché et ému, par exemple par un quatuor à cordes de Mozart, je pourrai en conclure que j’ai vraiment besoin de Mozart pour éprouver de l’amour et du bonheur, et que ma vie n’aurait de sens que si je pouvais écouter Mozart tous les jours et qu’il ne me serait pas possible de vivre sans lui. Mais je peux aussi me réaliser que le contexte dans lequel on a une expérience, n’en est pas nécessairement la cause. En effet, il ne s’agissait pas vraiment de Mozart. Il s’agissait de quelque chose ou de quelqu’un – Mozart, une rose, un paysage, une personne aimée – qui a crée un contexte, un espace, et qui m’a montré un chemin vers mon monde intérieur, qui a activé quelque chose en moiet qui m’a aidé à m’ouvrir et à entrer en contact avec l’amour et le mystère de mon propre être, qui est à la fois l’amour et le mystère de la vie même. La vraie force et la vraie magie se trouvent dans ce qui a jailli en moi, dans une source activée en moi-même. Seul ce qui est en moi peut me rendre heureux ou malheureux.

49 C’est le processus inverse de projection de traits négatifs sur l’autre, qui devient ainsi le « mauvais » qui peut être considéré comme un ennemi. Voir ci-dessus.

La vraie force et la vraie magie se trouvent dans ce qui a jailli en moi, dans une qualitéen moi-même.

Cette expérience est donc un enrichissement permanent, qui ne peut plus jamais être perdu, pas même si la relation avec un partenaire particulier devait se terminer. Tout comme on est durablement enrichi par un beau voyage ou une bonne conversation, même si ce voyage ou cette conversation est terminé.

Si nous nous concentrons sur l’expérience mêmeau lieu du contexte plus ou moins fortuite dans lequel nous l’avons eu, ou sur les stratégies qu’on pourrait mettre en œuvre pour essayer de le retenir, ou sur les récits qu’on s’en construit, nous pouvons toujours éprouver cet amour comme une source bienveillante et toujours présente, comme une mère qui toujours nous embrasse et nous enlace. Alors on peut s’y détendre et comme s’y dissoudre. On peut, donc, transformer notre désir en amour et ainsi y avoir toujoursaccès. De la sorte on peut considérer les autres facilement avec compassion parce que les gens qui se sentent bien désirent partager ce sentiment, tout comme les gens qui souffrent veulent faire souffrir les autres. Ce n’est que lorsqu’on n’a plus besoin des autres pour son bien-être, qu’on peut les libérer du poids de nos attentes et de nos illusions narcissiques et qu’on peut vraiment les considérer avec compassion et amour. Le désir est comme une boussolequi pointe vers la source interne de l’amour.50 En voulant être aimé nous cherchons l’expérience de l’amour. Mais l’amour n’est pas quelque chose que nous devons essayer d’arracher aux autres. En réalité l’amour est toujours disponible, tout comme la lumière et la chaleur du soleil sont toujours disponibles, même dans un temps nuageux et pluvieux et même si les nuages épais de nos émotions égocentriques peuvent temporairement le cacher. Le soleil est toujours au-dessus des nuages. De la même manière l’amour est toujours au-dessus de la haine. Le bien est toujours plus robuste et résistant que le mal. Le mal n’est que l’absence du bien. Nous n’avons qu’à ouvrir les yeux, être humble et peu exigeant par rapport à la vie.

Mes nuages de deuil dans l’obscurité, oublient que se sont eux-mêmes qui cachent le soleil.

50 Cette idée est basée sur la thérapie remarquable décrite par Connirae et Tamara Andreas dans leur livre remarquable : « Core Transformation ». Real People Press, 1994.

RABINDRANATH TAGORE (1861-1941)

Rien à donner

L’amour valeur, contrairement à l’amour émotion, n’est pas une attente de la satisfaction des besoins et n’est pas une récompense de l’autre parce qu’il s’est montré bienveillant ou aimable. Donner et recevoir appartiennent à une logique de la satisfaction des besoins et du mercantilisme. La satisfaction des besoins n’a évidemment rien d’immoral, mais ce n’est pas de l’amour. L’amour n’est pas une économie de besoins, ni un commerce pour la satisfaction mutuelle des besoins. Le mythe du « donner et recevoir » est une métaphore intéressante, qui peut néanmoins induire en erreur parce que dans l’amour rien n’est donnéet rien n’est reçu. L’idée de « donner » est une métaphore, une façon d’exprimer qu’il se passe quelque chose qui ressemblepeut-être à l’acte de donner. Mais rien n’est donné dans le sens que le donneur en serait appauvri et le bénéficiaire en serait enrichi. Il n’y a rien, en effet, qu’on peut véritablement donner. Les seules choses qu’on puisse donner seraient des choses qui ne nous appartiennent pas, comme la nourriture, les vêtements ou l’argent, qui ne représentent, de ce fait, rien de nous-mêmes. En revanche, on ne peut pas donner son temps, on peut seulement décider comment on va l’employer. Même sa présence ou son attention ne peuvent pas être données.Essayez de vous imaginer comment vous pourriez le faire ! Tout ce qu’on peut faire c’est choisir une certaine forme d’être. On peut êtreprésent et on peut êtreattentif. On pourrait même dire que l’autre vous donne l’occasion de l’être! Même ça n’est pas vrai ! L’occasion se présente tout simplement et c’est vous qui décidez de l’utiliser. Il n’est donc pas possible d’avoir donné trop d’amour ou de ne pas en avoir reçu assez ! L’amour est une attitude d’être avec l’autre d’une façon consciente et attentive sans l’agenda caché de ses propres besoins. Et ça c’est possible, même si l’autre se comporte d’une façon déplaisante ou que nous ne comprenons pas, même si l’autre ne nous aime pas ou se montre malveillant ou hostile envers nous. L’amour est une attitude qu’on peut toujours choisir, indépendamment de ce que l’autre fait ou ne fait pas.

L’amour est une attitude qu’on peut toujours choisir.

D’après Spinozal’amour est la joie pour l’existence de l’autre. On est rempli de joie parce qu’on peut être témoin de l’existence de l’autre. On peut penser à la contemplation d’une fleur : on n’en veut rien, on n’en attend rien, on n’a pas de besoin qui doit être satisfait. Si on estsimplement pleinement conscient, on est emparé par la beauté de la fleur, c'est-à-dire par l’existencemême de la fleur. Il n’y a que joie et gratitude pour le privilège de pouvoir êtreprésent à l’êtrede la fleur et de pouvoir en êtretémoin. On n’a rien dû faire ou donner, on a dû seulement être.

Simplement être

L’amour valeur n’est pas une récompense pour un bon comportement de l’autre, mais une reconnaissance de la beauté, de la valeur de l’existence de l’autre. L’amour n’est pas en premier lieu une émotion, mais un état existentieldans lequel on s’ouvre pour le mystère

de l’existence de l’autre. Le mystère est l’indicible, ce pourquoi il y a pas de mots, ce qu’on peut appeler le divin. L’amour est le choixde voir le divin dans l’autre, même et surtout si cela n’est pas immédiatement évident. On peut « donner » de l’amour à des personnes qui ne vous en « donnent » pas et qui peut-être ne vous apprécient même pas ou qui sont même agressifs ou hostiles. Même en ces gens, on peut voir une incarnation du mystère de la vie, comme on peut aussi voir le mystère dans la nature, des animaux, des plantes, une rose et même les épines de la rose. Un maître Zen disait :

La fleurdu prunier donne son odeur, même à la main qui la brise.

C’est la base des expériences mystiques. L’expérience de la beauté de la rose est, en effet, indicible. Elle ne peut se produire que dans le silence. Quand on n’a plus rien à dire sur la rose, quand notre fonction rationnelle se tait, il reste alors une ouverture pour la beauté. L’indicible, peut, avec un mot ainsi neutre que possible, être nommé « le mystère ». L’expérience mystique est l’expérience du mystère et les mystiques tentent de dire l’indicible. Le bouddhisme appelle cette expérience le vide : il s’agit d’un vide conceptuel, une expérience où l’ego est sans paroles, une interruption du bavardage interne et sans fin de notre ego. Pour l’occidental ce vide est souvent angoissant parce qu’il ne sait alors plus qui il est, où il est et ce qu’il a à faire. Par contre, pour le bouddhisme cette expérience du vide est un état désirable. L’absence de paroles ouvre précisément la porte vers une plénitude expérientielle, qu’on ne peut vivre que dans le silence. C’est littéralement un vide qui est à la fois une plénitude.

L’amour crée de la connexion

L’amour n’est pas possible dans la conscience ordinaire de l’ego. En effet, l’ego croit toujours être en manque de quelque chose et, de ce fait, attire des gens qui, eux aussi, se croient en manque de quelque chose. Cela peut engendrer un sentiment plaisant de reconnaissance et de satisfaction des besoins mutuels, mais il s’agit en vérité d’un état très instable et vulnérable. On peut comparer de telles relations à des relations entre deux invalides unijambistes, qui tant qu’ils s’agrippent bien l’un à l’autre, arrivent à faire quelques pas ensemble, mais le moindre faux pas suffit pour les faire tomber. Alors c’est la déception, le jugement, la condamnation, la colère et la haine parce que l’autre ne satisfait plus les besoins ou les attentes. C’est l’amour émotion, l’amour besoin. L’amour valeur, par contre, est le résultat d’une expérience interne profonde de l’unité fondamentale de toutes formes de vie et non d’une identité fictive, construite. L’ego voit des différences et s’y oppose. L’amour voit de l’unité et des similitudes et les accepte. L’amour nous « relie » à l’autre, ce qui explique qu’on peut dire que l’essence même de toute religion est l’amour. De son ego, on voit l’ego de l’autre. De son être, de son âme, on regarde à travers l’ego pour voir l’être, l’âme de l’autre. Une relation d’amour supérieure n’est pas animée par l’ego avec ses représentations et ses ambitions. L’amour c’est l’attention bienveillante pour l’autre, ce qui est impossible quand l’attention est accaparée par ses propres désirs ou besoins. Dans ce cas l’attention n’est pas avec l’autre mais avec soi-même. L’amour nécessite une conscience de n’avoir besoin de rien, une conscience d’abondance. Alors seulement, on peut être présent à l’autre.

L’amour n’exige rien mais permet à l’autre d’être totalement ce qu’il est en ce moment

Les attentes, les exigences et les obligations font partie de l’ego voire, éventuellement, d’un contrat pour une tâche ou un projet comme la construction d’une maison ou l’éducation des enfants. De tels projets n’ont pas forcément un rapport avec l’amour, bien que chaque projet, comme chaque acte, puisse devenir un acte d’amour ou de spiritualité. Plus une relation est centrée sur certains projets, moins elle sera centrée sur l’amour. L’amour est une attitude d’être disciple, c'est-à-dire d’acceptation, de non jugement. Sur cette base on peut dire « Oui ! » à l’autre et on peut s’ouvrir sur le mystère de l’autre. C’est une attitude qui dépassela raison mais qui n’est pas du tout contrela raison. Il ne s’agit pas d’une attitude antirationnelle ou anti-intellectuelle. Nous pouvons raisonnablement comprendre que nous ne pouvons pas comprendre le mystère, comme nous pouvons comprendre que nous ne pouvons pas comprendre la beauté d’une rose ou d’un coucher de soleil. Nous pouvons analyser une fleur au laboratoire et nous pouvons comprendre tout de l’anatomie, de la biochimie, de la physiologie et du métabolisme, mais nous ne pouvons pas comprendre la beauté. On peut seulement s’y ouvrir pour accueillir l’expérience. Ce n’est pas un retour à une attitude infantile, pré-rationnelle de besoin et d’émotion, mais une attitude spirituelle, une attitude existentielle qui dépasse la raison. Le seul problème est notre ego qui se sent toujours en manque et qui pense qu’il a besoin de choses du monde extérieur pour se sentir bien. Ce qui fait que notre attention revient continuellement sur nous-mêmes et glisse vers les schémas de pensées préprogrammés, automatiques de l’ego. La conscience supérieure éveillée regarde à travers l’ego de l’autre et voit la conscience supérieure de l’autre. Elle reconnait une rose, même si celle-ci se trouve dans un vase affreux. Le seul défi est de rester éveillé chaque jour et de le devenir de plus en plus. Cela mène à une attitude de compassion et de gentillesse imperturbable, d’équanimité passionnelle. Se plaindre ou souffrir est la signature de l’ego comme la gentillesse imperturbable est la signature d’une conscience supérieure éveillé.

La conscience supérieure reconnait une rose, même quand elle se trouve dans un vase affreux.

Synthèse: l’amour valeur

- repose sur l’expérience d’être complet et heureux - veut partager cet état avec les autres - n’attend pas et n’exige pas que l’autre comble nos besoins - accepte l’autre dans sa différence - ne bascule pas en haine, même si l’autre ne correspond pas à nos attentes.

L’amour pour la vie

Le plaisir est le bonheur des fous. Le bonheur est le plaisir des sages. JULES BARBEY D’AUREVILLY

Le DalaÏ Lama nous dit que le bonheur vient tout seul si on est dans l’amour, si on est amour. Etre amour ne signifie rien d’autre que d’être attentif, en pleine conscience. On n’est pas dans l’amour parce qu’on est heureux, on est heureux parce qu’on est dans l’amour. De même qu’on n’est pas dans la gratitude parce qu’on est heureux, on est heureux parce qu’on est dans la gratitude. On peut être dans la gratitude, non pas parce que la vie ou les autres vous ont tant donné, mais parce que vous avez la chance d’être invité à être témoin du mystère de la vie, parce que vous avez la chance de pouvoir êtrelà, tout simplement. C’est là un bonheur qui n’a rien à voir avec un plaisir sensoriel. En vous laissant prendre par le courant d’être, vous êtes capable de maintenir une relation au monde avec une ouverture et une acceptation qui n’était pas possible auparavant. L’idéal c’est d’aimer tout de la vie. Mais si vous n’êtes pas encore capable d’aimer tout, vous pouvez commencer avec une chose, la chose qui vous est le plus cher, par exemple votre partenaire ou votre enfant ou un animal domestique. La nature aussi est toujours d’un accès facile. De là vous pouvez aller poursuivre vers une autre chose et ainsi de suite. De cette manière vous pouvez toujours aller plus loin et étendre votre amour. Pour quelqu’un qui s’est éveillé, le contact avec la spiritualité est un état naturel et non pas une prestation particulière. La spiritualité n’est pas une addition de concepts intéressants qui s’ajoutent au contenu de la conscience, mais bien l’enracinement dans la conscience au lieu d’être perdu dans des raisonnements ou dans des émotions.

La spiritualité n’est pas une croyance, une explication ou un jugement, mais l’ouverture vers un ordre plus élevé, vers l’expérience de la beauté la plus haute, que nous ne pouvons pas expliquer ou comprendre, que nous ne pouvons même pas nommer. C’est ce qu’on veut dire par devenir silence: ce n’est pas arrêter de penser mais arrêter de savoir, arrêter de donner des noms aux choses et de les expliquer. La manière traditionnelle de parler du mystère, de l’indicible, est de lui donner le nom de Dieu. Tout grand art parle du mystère et nous y rend

plus sensible. De cette manière elle élève l’être humain, elle invite à une conscience plus grande, contrairement à un art de la décoration, de l’amusement, de l’émotion. La spiritualité voit la beauté, le mystère de la nature sauvage, pas seulement dans ses aspects les plus beaux et admirables mais aussi dans sa cruauté tragique et son indifférence implacable. Cela vaut également pour la société humaine. La spiritualité voit que tout est exactement comme il doit l’être parce qu’il ne peut pas en être autrement. C’est ce que dit le proverbe Zen :

La neige tombe, chaque flocon tombe à sa place.

Figure 4 Figure 5. L’amour est la décision consciente de, par la raison, dépasser le « Non » (c’est à dire la souffrance) et d’arriver à un « Oui ». Cela mène à une attitude d’amour pour la vie et pour les êtres humains et aux émotions de bien-être et de bonheur.

La Stratégie du Bonheur

Als we gedachten en gevoelens kunnen gewaarworden zonder afkeer en zonder gehechtheid, kunnen ze door ons bewegen zoals het weer dat verandert. We zijn dan vrij om ze te voelen en we kunnen verder bewegen als de wind. JACK KORNFIELD

Als je de werkelijkheid tot leermeester neemt, dan heb je vele leermeesters en vele kansen om te groeien. DEEPAK CHOPRA

Zolang je de werkelijkheid niet juist ziet, roep je correcties af op je misvattingen. Vaak worden deze correcties als aanvallen of tegenslagen geïnterpreteerd. PAUL FERRINI

Toute forme de souffrance peut, par essence, être ramenée à une forme d’opposition contre une réalité existante, remémorée ou imaginée : on désire quelque chose qui n’y est pas ou on ne désire pas quelque chose qui y est. Il n’y a pas d’exception ! Toute souffrance (le stress, l’angoisse, la colère, le chagrin…) est un refus d’accepter et d’habiter la réalité telle qu’elle est. C’est une tentative de changer la réalité de manière à ce que nous n’en souffrions plus mais que nous puissions nous sentir de nouveau bien. Paradoxalement, c’est exactement cette tentative de ne pas souffrir, ce « non » à la réalité, avec comme conséquence des émotions de « non », ce combat avec la réalité, qui est la cause et la nature même de toute souffrance. Le combat pour ne passouffrir est, précisément, la cause de toute souffrance.En outre, dire « non » à la souffrance, engendre encore plus de souffrance. Ce n’est que quand on comprend et qu’on saisit ce paradoxe, qu’un bonheur vrai et robuste devient possible.

De Strategie van het Geluk

Lijden Welzijn

Trauma Angst Stress Depressie Burn-out Neen Ja

Verzet Niet-aanvaarding Kinderlijke taal Moeten-mogen Verlies Slachtoffer Disempowerment Onmacht

Bewustwording Mindfulness Cognitieve therapie Creatief proces Aanvaarding Vergeving Volwassen taal Empowerment Autonomie Liefde Vergeving

Toute forme de bien-être, par contre, peut être ramenée à une acceptation de la réalité telle qu’elle est. L’acceptation de la réalité, être en paix avec celle-ci nous approche de notre source interne de bonheur.

Pour passer d’une relation de « dire non » à une relation de « dire oui », on a besoin d’une dose de créativité. C’est une question de perspective, de cadre mental. Ce que nous croyons responsable de notre souffrance, nous voulons spontanément le chasser de notre vie. Nous essayons d’éviter les expériences que nous craignons. Nous évitons les gens auprès desquelles nous ne nous sentons pas bien. Nous essayons de repousser des souvenirs désagréables et nous essayons d’éviter de penser à des problèmes hypothétiques du futur. Nous essayons de chasser les « idées noires ». Pourtant, c’est précisément cette tentative d’éviter toutes les supposées sources de souffrance, qui nous fait chaque fois de nouveau souffrir. Et chaque fois de nouveau nous sommes tendus, tristes, angoissées ou en colère. En effet, les vraies réalités ne peuvent pas être ignorées ou refoulées. Elles ne partent pas non plus d’elles-mêmes et on ne les oublie pas. Une meilleure stratégie est de ne pas essayer d’éviter ces expériences difficiles, soi-disant « négatives », mais de justement y faire face pour les traverser. Cela veut dire y penser fréquemment, d’une façon très consciente et y frayer un chemin d’une relation de « non » à une relation de « oui ». En effet, la solution se trouve justement là où on ne l’attend pas. Est-ce possible ? Oui, c’est possible, comme on le verra plus loin, lorsque nous parlerons des défis de la vie. Le problème est, malheureusement, notre programme culturel, la dictature de la normalité. La normalité n’est jamais créative mais elle est essentiellement stéréotypée et banale. Dans beaucoup de circonstances, la souffrance parait beaucoup plus normale que la non souffrance. Et même plus, la non souffrance semble être sans cœur et sans émotions. On se fait traiter avec incompréhension.

La femme de Chuang Tzu était décédée et Hui Tzu venait visiter son ami pour le consoler. Il trouvait Chuang Tzu assis, en train de battre un tambour et de chanter.

Hui Tzu disait: « Vous avez vécu ensemble comme homme et femme, elle a éduqué vos enfants. A son décès, la moindre des choses serait quand-même d’être ému aux larmes, plutôt que de battre un tambour et de chanter. Ce n’est pas approprié!’ Chuang Tzu disait: « Quand elle venait juste de décéder, j’ai certainement été en deuil, comme tout le monde. Mais alors je me suis souvenu de sa naissance et des racines de son existence, même d’avant sa naissance. Pas seulement d’avant sa naissance, mais du temps d’avant que son corps était formé. Et pas seulement avant que son corps était formé, mais même avant l’origine même de son souffle de vie. Son souffle de vie opérait une transformation et elle avait un corps. Son corps opérait une transformation et elle venait au monde. Maintenant il y a de nouveau une transformation et elle est morte. Elle est comme les quatre saisons, comme le printemps, l’été, l’automne et l’hiver qui se suivent. Maintenant elle est en paix dans sa chambre. Si je devais sangloter et pleurer, se serait comme si je ne comprenais le cours des choses. C’est pourquoi j’ai arrêté de pleurer. » 51

Cette histoire illustre le passage d’une relation de « non » à une relation de « oui ». C’est l’essence même de chaque deuil et de chaque travail des traumatismes. La philosophe belge Patricia de Martelaere52 parle d’une réaction artistiqueparce qu’il s’agit d’une mutation dans les schémas de pensées familiers. Le deuil de Chuang Tzu s’est arrêté dès le moment qu’il avait trouvé, pensé ou inventé pour lui-même un nouvel ordre, une nouvelle vision, une nouvelle grille de lecture, un nouveau cadre de pensée et de référence. Peut-être même qu’il connaissaitdéjà ce cadre de pensée, mais maintenant c’est devenu un savoirplus actuel et plus actif, dans lequel le décès de sa femme n’est plus impensable mais a trouvé une acceptabilité.

51 Solala Towler.Verhalen uit de Tao. Kampen: Ten Have, 2006. Ook geciteerd in Patricia de Martelaere. Wereldvreemheid. Amsterdam: Meulenhoff, 2000.

52 Patricia de Martelaere. Een verlangen naar ontroostbaarheid. Meulenhoff/Kritak, 1993. Patricia de Martelaere. Verrassingen. Meulenhoff, 1997. Patricia de Martelaere. Wereldvreemdheid. Meulenhoff, 2000.

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