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La force de la confiance et de l’appréciation de soi
en extraire les substances nécessaires ou même essentielles pour en faire les tissus du corps. Quand nous parlons, nous commençons simplement une phrase et nous avons confiance que quelque chose en nous, dans notre cerveau par exemple, va mettre les mots dans le bon ordre et activer les muscles nécessaires pour produire le son. De la même façon que nous faisons confiance à une voiture parce qu’elle est d’une bonne marque, sans que nous l’ayons examinée de fond en comble, nous pouvons faire confiance en nous-mêmes parce que nous sommes d’une bonne marque, à savoir de la marque humaine. De même que nous n’avons pas construit nous-même la voiture, personne n’a conçu ou construit sa vie, son corps ou ses capacités mentales. Notre corps, nos émotions et notre capacité mentale se sont développés dans un processus évolutionnaire selon la méthodeessai-erreur, qui se fait depuis des milliards d’années. L’évolution a, ainsi, cumulé beaucoup d’expérience et semble dès lors relativement fiable. Notre vie et notre corps sont le résultat de cette évolution. Il en est de même pour nos émotions. Elles aussi, sont des instances exécutives qui sont toujours à notre service. Le problème est que, souvent, nous ne sommes pas assez conscients de notre responsabilité de gouvernance. Nous ne réalisons pas assez que c’est nous qui donnons des ordres et émettons des directives, et que nos émotions et notre corps sont, comme de bons serviteurs, toujours à l’écoute. On dit souvent qu’il faut être à l’écoute de son corps et de ses émotions, certes, mais il faut surtout se rendre compte que notre corps et nos émotions sont toujours à l’écoute de nos directives mentales.
Intention ==> confiance (=> émotion => action)
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Essayer de comprendre ce processus nous plonge dans une confusion, nous embrouille, et nous paralyse, tout comme le mille-pattes qui devient totalement confus quand il essaye de réfléchir à la coordination du mouvement de ses pattes. Nous nous tétanisons en pensant que nous devons comprendre les détails de ce processus. Nous nous retrouvons dans un imbroglio insoluble. Beaucoup de formes de thérapie, dont également l’hypnose, sont basé sur l’introduction et l’acceptation de nouvelles intentions. Cela se fait plus facilement quand c’est soutenu par un thérapeute ou une autre personne d’autorité. Quand on laisse exister dans la conscience l’idée « je suis pas capable de faire cela », cela devient la réalité. Quand on laisse exister l’idée « je peux le faire ! », alors c’est cela qui deviendra la réalité.
Un manque de confiance en soi est souvent la conséquence des récits, des pensées et des images tenaces par rapport à soi-même. Souvent ces idées et ces images invalidantes remontent à l’enfance. Ce sont des convictions irréfléchies, profondément enracinées. Alors qu’on va souvent chercher des causes traumatiques dans le passé, ce sont souvent de menus événements qui, par la répétition, peuvent miner la confiance en soi. En effet, chez l’homme, de petites causes peuvent avoir de grands effets et de grandes causes de petits effets. Nous pouvons faire une distinction entre la confiance en soi et l’appréciation de soi.
L’appréciation de soi est la conscience d’avoir le droit d’exister, d’être. Le doute au droit d’exister peut naître chez des personnes qui, enfant, n’ont pas suffisamment eu l’expérience que la vie est bonne, que c’était bien d’exister pour le simple fait d’être. Ce sont des enfants dont le comportement et les prestations ont souvent été jugés, que ce soit dans le sens de l’approbation ou de la désapprobation. Ces enfants apprennent que l’amour reçu est conditionnel et que c’est une récompense d’un bon comportement. Quelqu’un qui en tant qu’enfant n’a pas appris l’appréciation de soi, peut, en tant qu’adulte, aboutir quand-même à la compréhension et la conviction que le droit d’exister ne doit pas être obtenu des autres. Vous avez le droit d’être, simplement par le fait que vous êtes né. La vie elle-même vous donne le droit d’être. Un enfant n’est pas capable de ce genre de réflexions et a besoin de l’expérience. Un adulte peut arriver à cette expérience par la réflexion. Penser qu’on n’a pas le droit d’être, est un manque de compréhension de la vie. On a le droit d’être, parce qu’on est.
On reçoit, de la société, de l’amour et de l’appréciation quand on fait aussi bien ou, de préférence, mieux que les autres. Toutes sortes d’idoles qui incarneraient ces valeurs, sont adulées. Ce sont surtout les personnes ayant une piètre idée d’eux-mêmes, qui attacheront une importance démesurée à impressionner les autres par leurs prouesses. Elles essayent, ainsi, d’acheter leur droit à exister. L’amour des parents, lui aussi, est souvent d’une moindre qualité et plein de jugements. Ils donnent souvent une image tordue et dévalorisante de l’amour. Peu de gens ont des idées claires sur la nature de l’amour. Aussi l’amour qu’on reçoit des autres est souvent très conditionnelet peu robuste. A cela s’ajoute que nous ne croyons plus qu’il y ait un Dieu qui nous aime. Il semble donc qu’il n’y ait plus personne pour nous aimer. En outre, on nous apprend rarement ce que signifierait « s’aimer soi-même » et nous n’en voyons que peu d’exemples. Tout ceci requiert un degré de conscience dont l’enfant n’est pas capable. L’expérience d’un manque d’amour chez un enfant l’amène quasi irrémédiablement vers la conclusion qu’il n’est pas digne d’amour.
S’aimer n’est pas être amoureux de soi-même ou s’admirer pour ses caractéristiques ou prestations extraordinaires. Ce n’est pas un jugement personnelmais c’est s’ouvrir à la vie dans le respect de la vie qui se joue en nous et que nous pouvons appeler « je». Cela tient plus de l’émerveillement et du respect de soi que de l’approbation de soi. C’est une gratitude dans l’émerveillement pour le cadeau de la vie, pour l’invitation d’exister. C’est la joie pour la vie dont vous êtes, en tant qu’individu, une manifestation. La plus belle preuve d’amour que vous puissiez faire pour vous-même, c’est de dire « oui » à la vie qui est en vous. C’est de vous accepter telle que vous êtes avec vos caractéristiques et vos particularités physiques ou mentales comme vous les avez reçus. C’est un exercice dans l’acceptation de l’imperfection tout en sachant que vous êtes aussi parfait que vous pouvez l’être en ce moment. Si vous ne
pouvez pas vous accepter dans votre imperfection, vous ne pourrez pas accepter les autres dans leur imperfection non plus. Ne pas accepter est la base de toute agression, aussi bien envers soi-même qu’envers les autres. Cela reste tout de même un exercice conceptuel exigeant avec un « je»qui d’une certaine manière est clivé en un « je»qui apprécie et un « je»qui est apprécié. 70
L’estime de soidoit être plus qu’un concept, une image de soi ou un dialogue avec soimême. C’est plutôt une manière de «s’habiter». Chaque idée à propos de soi-même est en effet une idée qui ne peut jamais totalement rendre compte du « je» véritable. Une pensée à propos du«je» n’est pas le «je». Le « je» est précisément le penseur qui se manifeste à chaque instant. (A cet instant je suis le penseur qui pense au penseur qui pense au « je».) Le « je» n’est pas une entité stable mais une présence vivante, à chaque instant un courant dynamique d’expériences, où l’on se permet simplement d’être là, comme un observateur concerné mais sans jugement, sans approbation ou sans désapprobation. En adoptant cet état d’esprit de façon bienveillante, dans la compassion, vous ressentirez une conscience qui dépasse cet état d’esprit, comme le soleil est plus haut que les nuages, même s’ils arrivent à le voiler.
La confiance en soitient à la confiance en ses possibilités d’accomplir ce pourquoi vous êtes là, c’est à dire vivre et régir les difficultés de votre vie dans la dignité et l’intelligence. Dans la société moderne, la confiance en soi est devenue un problème compte tenu de l’importance qu’on attache aux performances et aux objectifs fixés qu’on se doit d’atteindre. Ce n’est pas en étant aussi bien ou même mieux que les autres que nous obtiendrons le sceau de la qualité. Nous l’obtenons, en revanche, de la vie même, qui nous a invités à exister et à y contribuer. Nous n’obtenons pas ce même sceau par nos performances ou par nos caractéristiques personnelles, mais parce que nous faisons partie d’un ordre plus vaste. Tout comme les cellules de notre corps ont le droit d’exister parce qu’elles exécutent leur fonction dans un ordre plus vaste, c'est-à-dire le corps. Si nos cellules devaient entrer en compétition, l’une avec l’autre, et exiger les mêmes « droits », alors naîtrait le chaos et la vie deviendrait impossible. La fable bien connue d’Esope qui relate le débat entre le ventre et les membres montre bien que toutes les parties du corps sont nécessaires pour faire fonctionner l’ensemble.
70 Lacan parle dans ce contexte du : « sujet de l’énoncé » et du « sujet de l’énonciation. »
L’idée que ce qui «est» n’est pas assez, est la base de tout mal être. Apprendre à aimer ce qui «est», estla base de tout bien être.
Notre attitude envers nous-mêmes reflète notre attitude envers les autres. Dans une société où les autres sont jugés, condamnés et punis sévèrement et impitoyablement, les gens vont, également, se juger eux-mêmes de façon dure et impitoyable. Si nous n’avons pas confiance dans les autres, nous n’aurons pas confiance en nous-mêmes. Si nous ne pouvons pas nous libérer de nos exigences et de attentes, alors nous ne pourrons pas libérer les autres de nos exigences et de nos attentes. Ceci mène à douter de soi, de la façon la plus destructive, comme conséquence de l’angoisse de l’échec ou d’être considéré comme inapte. C’est précisément à cause de l’angoisse d’être pris à défaut que les gens se jugent eux-mêmes incompétents. L’angoisse d’être considéré comme incapable et, par conséquent, d’être rejeté, est sans doute la mère de toutes les angoisses. C’est une angoisse que tout être humain se doit d’apprendre à gérer pour arriver à une base solide de maturité émotionnelle. En ce sens une enfance trop confortable et protégée doit même être considérée comme une sorte d’handicap, parce dans ce cas on n’acquière pas suffisamment de solidité et qu’on peut être complètement déstabilisé par le moindre signe de rejet venant des autres. Bien qu’il soit confortable de faire de la voile quand la mer est tranquille et que le soleil brille, cela ne produit guère de grand navigateurs. De même, concernant la confiance en soi, il ne s’agit pas du tout, dans le fond, d’une
caractéristique personnelle.
La confiance en soi est tout simplement la confiance dans la vie qui est en nous.
La confiance en soi n’est pas une chose acquise et immuable que nous aurions ou pas, ou que nous pourrions recevoir ou perdre. C’est plutôt un processus dynamique et changeant. La confiance en soi est un processus interne qui ressemble plus à un compte bancaire. A chaque fois que vous faites un virement, votre compte va augmenter. A chaque fois que vous débitez votre compte, il va baisser. Chaque fois que vous faites quelque chose dont vous êtes fier, vous faites un virement. C’est le cas lorsque vous faites quelque chose de bien et que vous réalisez vos valeurs les plus élevées. L’être humain se félicite lorsqu’il a fait quelque chose de bien pour quelqu’un d’autre, quand il a fait une bonne action ou quand, il a, par exemple, arrêté de fumer. C’est surtout le cas quand vous faites quelque chose dont vous aviez peur, mais que vous avez quand-même fait. Alors vous éprouvez le sentiment d’être grandi. Mais à chaque fois que vous cédez à votre angoisse et que vous reculez pour quelque chose, votre compte en banque baisse et vous éprouvez le sentiment d’être diminué. Chaque fois que vous faites quelque chose qui va à l’encontre de vos valeurs, vous en avez secrètement honte et votre estime de vous-même baisse. Pour beaucoup, c’est aussi le cas quand ils se réalisent, par exemple, qu’ils font partie d’un ordre mondial violent et injuste, dans lequel certains vivent dans un luxe excessif pendant que d’autres ailleurs meurent de faim. Cela mine le respect de soi. Participer à un ordre injuste est une atteinte à nos propres valeurs. Cela amène certains à agir afin d’influencer quelque peu l’équilibre dans un sens plus favorable. Ainsi ils ne font pas seulement du bien pour les autres mais aussi pour euxmêmes sous forme d’une augmentation du respect de soi et du bien-être.