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La force du pardon

Le pouvoir répressifest basé sur l’idée que les gens sont mauvais et qu’ils doivent être corrigés par la punition et la souffrance. Dans la pratique les punitions mènent souvent à la rancune et à l’hostilité et non à la maturation, au développement moral, à la motivation interne et à la responsabilité. Deux fois le mal n’est pas le bien et la peur de la punition ne mène pas à la confiance en soi et à la compassion. De surcroît cela cautionne qu’il est acceptable d’utiliser la violence pour gérer les conflits et qu’en utilisant la violence on peut obtenir ce qu’on veut. Ce type de violence est en fait barbare et inhumaine et est un retour à une forme de vie moins évoluée, à la loi de la jungle. La violence réduit les relations subtiles entre les personnes à des relations banales et aveugle entre des pouvoirs. Même les tribunaux commencent à le comprendre et introduisent des sanctions alternatives telles que les travaux d’utilité générale. Deux questions sont importantes dans ce contexte : « Que veux-je que l’autre fasse ? » et « Quelle est la motivation que je veux que l’autre ait pour le faire ? » Voulons-nous une obéissance aveugle basé sur la peur ou des sentiments de culpabilité sans trop de remise en question ? Ou voulons-nous une responsabilité et une réflexion morale sur la base de valeurs que nous souhaitons transmettre ?

Quand nous haïssons quelqu’un, nous haïssons quelque chose dans l’image de l’autre qui se trouve en nous. Ce qui n’est pas en nous, ne peut pas nous perturber. HERMAN HESSE (1877-1962)

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Quoi qu’il soit arrivé dans le passé être rempli de guerre est encore pire. Celui qui regarde à travers des lunettes de rancune et de haine, se condamne soi-même à vivre dans un monde de rancune et de haine. Alors vous êtes devenu votre propre ennemi.

THE ARBINGER INSTITUTE

Rien de ce que je fais dans le présent ne peut défaire une injustice dans le passé. Mais la manière dont je suis dans le présent est déterminante pour la manière dont je porte le souvenir à cette injustice en moi.

THE ARBINGER INSTITUTE

Les gens faibles ne peuvent jamais pardonner. Pardonner est la caractéristique des gens forts. MAHATMA GANDHI (1869-1948)

Les idiots ne peuvent ni pardonner, ni oublier. Les naïfs pardonnent et oublient. Les sages pardonnent mais n’oublient pas. THOMAS SZASZ (1920 - 2012)

Pardonner c’est libérer le prisonnier dans son cœur pour découvrir ensuite que le vrai prisonnier était soi-même.

TOPE POPOOLA

Voulez-vous être heureux un instant ? Vengez-vous ! Voulez-vous être heureux pour longtemps ? Pardonnez !

HENRI LACORDAIRE (1802 – 1861)

Dans la vengeance l’homme n’est pas plus grand que son ennemi, dans le pardon il en est supérieur.

FRANCIS BACON (1561-1626)

Pardonner est l’une des clefs ultimes de la non-souffrance. C’est un processus thérapeutique. C’est la pratique de la compassion. Dans le par-donner(Anglaisto forgive, Allemand vergeben) la préposition par- ou ver- ou for- indique dans les trois langues une intensification du geste concerné. Pardonner est le don ultime. Historiquement le pardon est le don royal du souverain à un sujet qui s’est mal comporté. Dans le langage contemporain pardonner signifie plutôt « ne plus prendre en mal un certain comportement, c’est à dire renoncer à la colère ou à la rancune, effacer une injustice, une redevance morale. »

Souvent les gens pensent que pardonner est un acte de générosité envers quelqu’un qui s’est méconduit, alors que pardonner est en premier instance l’ultime don à soi-même. En pardonnant nous montrons notre maturitéémotionnelle et intellectuelle et notre indépendance. Au-delà de ce que l’autre nous a fait, nous pouvons prendre la liberté de refuser de donner à l’autre un pouvoir sur nos émotions. Il n’est pas nécessaire que l’autre ait accompli sa peine, ou se soit repenti. De surcroît il n’a même pas besoin de le savoir ! Parfois il n’est non seulement nécessaire de pardonner certains acteurs dans un événement, mais aussi de se pardonner certains aspects de nous-mêmes. Pardonnerc’est montrer, aussi bien à l’autre qu’à soi-même, qu’on a gagné en maturité. Refuser de se rabaisser à la colère ou à l’agression est l’ultime signede liberté et d’autonomie émotionnelle. Ne pas pardonner montre qu’on n’est pas mieux que l’autre. Si on a besoin de la souffrance de l’autre (c’est à dire sa punition) pour qu’on puisse continuer à vivre, alors on reste au même niveau que l’autre. De plus, on donne ainsi à l’autre un pouvoir et on perd deux fois : une première fois par l’événement lui-même, et une deuxième fois par la haine et la négativité qui couve comme une braise ardente dans sa propre conscience. Avoirde la chance n’est pas êtreheureux. Aussi longtemps qu’on ne pardonne pas, on n’est pas maître de sa vie, on est l’otage de l’autre et de l’événement. Pardonner c’est refuser de continuer à donner ce pouvoir à l’autre ou au passé. C’est refuser de continuer d’être victime. Pardonner c’est aller de l’avant dans sa vie et s’accorder un présent et un futur de qualité.

« Tuez-le ! », dit le paysan. Son visage était comme sculpté en pierre. « Tuez-le ! », sanglotait la mère. « Tuez-le ! » dit également la sœur d’une voix tremblante. Autour du feu où eut lieu la réunion, chaque membre de la famille eut la possibilité de donner son avis. Un jugement dut être prononcé sur la vie d’un jeune homme qui attendait dehors, menotté et angoissé de son sort. Un meurtre est un acte terrible. Le meurtre d’un ami est un acte encore plus terrible. Il était là, les mains encore ensanglantées du sang de son ami, dans l’attente de son destin.

« Réfléchissons bien ! » , dit le grand-père doucement. La tragédie dans laquelle sa famille fut immergée, accentuait les rides de son visage. Sa voix avait le poids de générations passées.

« Est-ce que notre garçon reviendra si nous tuons cet homme ? »

« Non ! Non ! Non… » Le mot diffusa dans le cercle des souffrants. Quelque fois il fut murmuré, quelque fois marmonné, une seule fois prononcé plein de rancune.

« Si nous tuons cet homme, il y aurait-il plus de nourriture pour la communauté ? » demanda le vieil homme en regardant droit devant lui.

A nouveau on entendait : « Non ! Non ! non… »

« Mon frère parle vrai », dit le grand-oncle. Tout le monde se tourna vers lui. Une larme perlait sur sa joue.

« Voyons cette affaire très soigneusement. »

Et c’est ce qu’ils firent. Ils discutèrent toute la nuit, et ensuite ils ramenèrent l’homme vers le feu pour prononcer le verdict.

« Vois-tu ce tipi ? » lui demandèrent-t-ils, pointant la tente de l’homme qu’il avait tué. L’accusé hocha la tête. « Il est maintenant à toi. »

« Et vois-tu ces chevaux ? » Ils pointèrent les animaux qui appartenaient à la victime. Le tueur hocha de nouveau la tête.

« Ils sont maintenant également à toi. Tu es dorénavant affilié par le sang, tu es notre fils. Tu vas prendre la place de celui que tu as tué. »

L’homme était agenouillé et leva le regard vers les visages de ceux qui l’entouraient. Sa nouvelle vie commença. Et la tribut aussi commença une nouvelle vie.

Ourse Brun était assis à table en face de moi.

« Tout ceci se passa à la fin du 18ème siècle. » disait-il. « Ils auraient pu le tuer. Le droit de la tribut leur donnait cette possibilité. »

L’histoire m’impressionna profondément. Je laissais les mots de l’Ourse Brun mûrir en mon esprit. Un assassin qui est adopté par la famille de la victime, est-ce chose possible ?

« Ce jeune homme est devenu un fils très dévoué, » continua Ourse Brun. « Quand il mourut, il fut pour toutes les tributs de l’Amérique du Nord un exemple d’un fils aimant et dévoué. »

Extrait de Gary Zukav, Histoiresde l’âme.

Pardonner, n’est pas oublier. Les choses importantes, on ne peut pas les oublier. Pardonner c’est laisser le passé dans le passé. C’est lui donner une place, comme si on en a fait une photo qu’on insère dans un album. Pardonner c’est se libérerdu poids de la

négativité en soi-même. C’est ne plus s’empoisonner avec de la haine, c’est purifier son esprit de la négativité. Ne pas pardonnerc’est se punir soi-même pour ce que l’autre a fait, c’est comme avaler du poison en espérant que l’autre en mourra. Mais en fait, on ne fait qu’empoisonner sa propre vie. C’est comme se frotter du sel dans ses plaies. La haine est un processus interne. Quand on haït quelqu’un, on haït toujours l’image de l’autre qui se trouve en nous. Ce qui n’est pas en nous, ne peut pas nous déranger. Le Bouddha disait: « Rester en colère c’est comme prendre une braise pour la jeter vers l’autre, mais avant encore que vous ayez pu la jeter, vous vous êtes déjà brûlé. »

Ne pas pardonnerc’est comme avaler du poison en espérant que l’autre en mourra.

Pardonnern’est pas difficile. Vous ne devez rien oublier pour cela, cela ne vous coûte rien, vous ne devez obtenir l’autorisation de personne et vous n’avez besoin de rien sauf de la conscience de votre propre pouvoir. Aussi pardonner est un processus interne. C’est simplement choisir le respect de vous-même et l’amour au lieu de choisir la souffrance. Il s’agit de vous libérer de l’image que vous avez de l’autre comme un être mauvais, un criminel, un monstre, et de vous l’imaginer plutôt comme un proche, un être qui a eu des difficultés et qui a souffert, quelqu’un qui ne pouvait pas faire mieux, quelqu’un qui vit dans l’ignorance et qui était peut-être simplement au mauvais endroit au mauvais moment. Qui peut prétendre avec certitude que s’il était né et avait grandi au même endroit et dans les mêmes circonstances, il aurait fait mieux ? Seuls les gens qui souffrent, causent de la souffrance chez les autres. Pardonner c’est la purification de l’esprit et cela brise la chaîne de la souffrance.

Pardonner interrompt la chaîne de la souffrance.

Dans son livre, « Le vol de ma jeunesse », Natascha Kampusch, une fille autrichienne qui a été enlevé et séquestré pendant 8 ans, écrit littéralement: “Je ne pouvais seulement gérer le travail forcé, la séquestration, la faim et les humiliations qu’en luipardonnant ses actes. Je lui ai pardonné mon enlèvement etje lui ai pardonnétoutesles fois qu’il m’a maltraitée. Ainsi j’étais capable de supporterla situation.(…) Si dès le débutje n’avais pas choisi cette position, j’aurai succombé à la colère, la haine ou aux humiliations dont j’étais quotidiennementvictime. (…) En luipardonnant je pouvais me libérerde ses actes. Il ne pouvait plus m’humiliernime détruire, car je le lui avais déjà pardonné.»76 Dans ses actes, cette personne montrait qui elle était et quelles étaient ses valeurs. Dans sa réaction Natascha Kampusch, elle, montrait qui elle était et quelles étaient ses valeurs. Son message renvoie remarquablement à celui de Nelson Mandelaet même à celui du Christ . Pardonner est effectivement la seule option vivable entre la révolte et la colère destructives d’un côté et l’ultime résignation sous la forme de la dépression de l’autre. Pardonner suppose l’acceptation de l’autre comme un être imparfait. C’est est facile des lors qu’on accepte qu’on soit soi-même un être imparfait. Plus on reconnait et accepte sa propre imperfection, plus on peut accepter celle des autres, et vice versa. L’amour n’est pas l’admiration du parfait, mais l’acceptation de l’imparfait.

La mère de Lucia était une femme peu équilibrée, qui allait d’homme en homme et qui ne pouvait pas protéger son enfant contre l’agression des conjoints successifs. Lucia ne pouvait pas se voir comme quelqu’un qui valait la peine d’être aimé. Elle mettait toujours fin aux relations avec des hommes qui pourtant tenaient à elle, pour ensuite se jeter dans des relations dans lesquelles elle était abusée. Cela lui paraissait plus « normale ». Elle se laissait séduire par des hommes à une vie de débauche et de promiscuité, incluant une espèce de prostitution, dont elle était gêné et pour laquelle elle avait en réalité des sentiments de culpabilité. Lucia disait devoir se battre constamment contre des idées noires du passé et être constamment dérangée dans son sommeil par ce qu’elle appelle ses « démons».

Elle craignait ces démons et avait peur le soir d’aller se coucher. Par conséquent, le matin elle était épuisée. Pendant la journée elle était souvent fatiguée, elle avait des saut d’humeur et

76 Natascha Kampusch. 3096 Tage. Berlijn: List Verlag, 2010. Traduction néerlandophone: Natascha Kampusch. De diefstal van mijn jeugd. Amsterdam: De Boekerij, 2010. Elle le répétait littéralement dans l’émission mémorable du 20/03/2010 sur France 3.

elle était malheureuse. Un psychiatre faisait le diagnostic de dépression et lui prescrivait des antidépresseurs. Elle avait peur « de ne plus pouvoir en sortir. » Je lui expliquais que son épuisement était seulement une conséquence de son combat incessant. En effet, elle menait « une guerre » qu’elle ne pouvait pas gagner. Se souvenant de la parole de Martin Luther King, qui disait que le mieux qu’on puisse faire pour se défaire d’un ennemi est de s’en faire un ami, je lui proposais donc de ne plus essayer de chasser ses démons. Je lui demandais, par contre, de regarder ses démons dans les yeux, un par un, et de dire de façon très consciente : « Je te pardonne pour ce qui s’est passé dans le passé. » Je proposais de faire la même chose avec ses parents. Comme elle était aussi péniblement consciente de sa propre contribution aux événements du passé, je suggérais de regarder l’image d’elle-même dans le passé et de dire de façon très consciente : « Je me pardonne pour mon comportement dans le passé. » Bien qu’elle eut réagi à ces propos avec incrédulité, voir même avec irritation, elle y consentit tout de même après une certaine insistance. Et déjà à l’entretien suivant, une semaine plus tard, elle me racontait que, par cette approche, ses démons étaient partis et ne l’importunaient plus. Elle avait encore des difficultés avec sa mère et avec elle-même, mais son expérience l’avait convaincu de l’efficacité de cette approche.

L’art de vivre

Vous ne pardonnez par pour l’autre, vous pardonnez pour vous-même. Offrez-vous le cadeau royal du pardon ! Ce faisant vous donnez, en plus, un exemple inspirant aux personnes autour de vous… Laissez apparaître dans votre conscience la silhouette de quelqu’un avec qui vous avez vraiment des difficultés. Quelqu’un qui vous a blessé ou qui vous a traité d’une façon particulièrement injuste. Regardez cette personne comme vous la voyez normalement, avec toute sa colère, sa méchanceté, son égoïsme, son manque d’amour, sa répugnance, sa monstruosité… Admettez maintenant de façon consciente l’idée que cette personne a peut-être été malheureuse en tant qu’enfant, qu’elle a reçu probablement trop peu d’amour, qu’elle a peutêtre eu une jeunesse difficile, qu’elle essaye de se défaire de son mal-être tel que le fait un enfant : en se fâchant sur les autres et en donnant un coup de pied sur les meubles… Donnez maintenant, de façon consciente, à cette personne un visage comme de quelqu’un qui souffre et qui ne peut pas mieux faire. Dites maintenant lentement, très consciemment à cette personne : « Même si je ne peux pas du tout être d’accord avec ce que vous faites, je vous donne quand-même mon amour. Je vous accepte en tant qu’être humain et quand vous me faites souffrir, je le vois comme une expression de votre propre souffrance. » Ressentez-en l’effet à l’intérieur de vous. Ressentez comment cela fait de vous un être plus sage.

«Mais, entend-on souvent, je veux une réponse à mes questions avant que je puisse pardonner! Je veux savoir pourquoi il a fait cela!»

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