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La force de l’éducation

Quelle réponse pourrait-il vous donner qui puisse vous satisfaire ? Quand vous réfléchissez un peu, vous comprendrez qu’aucune réponse ne pourrait être une explication suffisante. Pensez à vous-même. Vous avez aussi sans doute, dans le passé, fait des choses dont vous sentez maintenant du regret ou de la gêne. Comment vous êtes parvenu à le faire ? La seule réponse peut être : « Parce qu’à ce moment-là cela me paraissait une bonne idée, j’agissais de mon mieux parce qu’à ce moment-là je ne savais pas faire mieux. » Mais cette réponse, vous pouvez naturellement la donner vous-même sans devoir confronter la personne concerné.

Un enfant humain vient au monde comme un être particulièrement inachevé et dépendant. Contrairement à beaucoup d’animaux, un enfant est longtemps dépendant de ses parents qui doivent littéralement le soigner et le nourrir. Mais un enfant n’a pas seulement besoin de nourriture pour son corps, mais aussi de nourriture intellectuelle, existentielle et spirituelle. Comme la nourriture quotidienne est importante pour la santé du corps, une nourriture d’un autre ordre est aussi importante pour la santé de l’esprit. L’enfant lui-même n’a jamais le choix, ce qui veut dire que l’éducation est aussi, inévitablement, une question de pouvoiret que les parents ont une grande responsabilité dans l’exercice de ce pouvoir. Graduellement, l’enfant va acquérir du pouvoir au dépend de celui de ses parents, qui voient progressivement leur responsabilité diminuer. Ce changement d’équilibre dans le pouvoir peut se faire dans l’élégance et la sagesse ou peut être cause de conflits et de luttes. Parce que l’enfant vient au monde dans une dépendance totale, il s’agit en quelque sorte toujours d’une aide à une personne en danger. Une véritable aide doit toujours avoir comme objectif de rendre celui qui est aidé plus indépendant et de rendre le donneur de cette aide de plus en plus superflu. Sinon, on crée une dépendance et cela ne peut pas en être le but. Quelqu’un qui est en danger et qui a faim, ne peut pas être aidé durablement en lui donnant tous les jours un poisson. C’est une mauvaise façon d’aider qui mène à la dépendance. L’aide efficace, dans ce cas, est que la personne concernée apprenne à pêcher et à subvenir à ses propres besoins. Une bonne aide doit se rendre inutile et superflue. La tâche la plus importante dans l’éducation d’un enfant n’est pas de lui procurer une enfance heureuse, mais de lui apprendre comment se sentir bien et heureux en toutes circonstances. A part le soin pour les besoins physiologiques élémentaires comme la nourriture, le logement et la protection, il est important que l’enfant développe toutes ses ressources. Ces dernières sont, en premier lieu, l’intelligence émotionnelle et en deuxième lieu les compétences intellectuelles. Ensuite on devra aussi prêter attention au développement existentiel et spirituel. En effet, les leçons que l’enfant n’aura pas apprises pendant son éducation, il lui

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faudra les apprendre plus tard, au gré de la vie et souvent d’une façon beaucoup plus pénible. Le développement de l’intelligence émotionnellefait partie de ce que Jacques Lacanet d’autres appellent la fonction maternelle. Bien que cette fonction ne soit pas exclusivement celle de la personne de la mère, la plupart des mères l’assumeront sans peine et même avec beaucoup de plaisir. Se sentir bien est la principale expérience que l’enfant, au début de sa vie, doit apprendre et c’est précisément cette expérience que la mère, spontanément, cherche à lui donner. Une mère est heureuse quand elle observe que son enfant se sent bien. Ce n’est possible que si la mère elle-même se sent bien. En effet, un enfant ressentira immédiatement la négativité sous la forme d’angoisses, d’incertitudes ou de colères chez sa mère.

Dans une phase ultérieure, l’enfant développera ses compétences intellectuelles. En effet, à part se sentir bien, l’enfant a aussi besoin d’apprendre à bien penser. Il doit acquérir une connaissance du monde et de la société dans laquelle il est venu au monde. Il doit apprendre à parler la langue de son entourage et il doit apprendre à penser d’une façon critique, ce qui veut dire faire la distinction entre ce qui est vrai et bien et ce qui ne l’est pas. C’est ce que Lacanappelle accéder à l’ordre symboliqueet ce qu’il met en lien avec la fonction paternelle, pas parce que cette fonction incombe seulement à la personne du père mais parce que les pères l’assument plus facilement. La fonction paternelle(qui, comme on l’a dit, peut être aussi en partie assumée par la mère) à essentiellement pour but de développer la conscience et la langue. En effet, c’est le langage qui donne accès aux autres et à la culture. La langue donne à l’enfant la possibilité de sortir de son cocon émotionnel narcissique et d’acquérir une perspective sur la vie. La langue et la conscience permettent de comprendre que les autres sont « l’autre » et que l’univers ne tourne pas autour de ses propres besoins. La fonction paternelle donne à l’enfant une structureen indiquant des lois et des limites (le nom/nondu père). Ceci mène à une liberté positive, « la liberté à », au lieu de la seule liberté négative qui est « la liberté de ». Un enfant est toujours mieux avec une structure claire, à laquelle il peut se mesurer et contre laquelle il peut éventuellement se positionner, qu’avec une douce et confortable absence de structure qui mène à des caprices sans frontières. Comme le dit le philosophe Charles Taylor : « une identité ne peut être acquise qu’à partir d’un fond de choses qui comptent. Eliminer l’histoire, la nature, la société, la solidarité, en un mot : tout sauf ce que je trouve en

moi-même, revient à éliminer tout candidat pour ce qui compte. »77 Une identité se construit dans un contexte social, pas dans un individualisme narcissique. La fonction du père c’est aussi apprendre à ne pas céder à la satisfaction immédiateen créant des objectifs à long terme. Dans son livre L’intelligence émotionnellele psychologue et auteur Daniel Golemandécrit des études qui indiquent que la possibilité de renoncer à une satisfaction immédiate des besoins, est l’un des facteurs les plus importants pour le succès dans la vie d’adulte. 78 Renoncer à la satisfaction de besoins est une compétence cognitive qui suppose qu’on est capable de projeter un objectif motivant dans le futur. Quel serait le sens de faire des études et donc de renoncer à des satisfactions immédiates, s’il n’y avait pas d’objectif dans le futur? Qui pense en termes de petits objectifs, aura un petit avenir. C’est le cas, par exemple, chez des jeunes qui essayent des disciplines d’études consécutives pour voir si cela leur va bien, si les professeurs leur conviennent ou si les bâtiments sont agréables, en d’autres termes s’ils auront des satisfactions immédiates. Si le petit Mozart, à chaque instant, avait pu faire ce qu’il voulait, il ne serait pas devenu le grand Mozartqu’on connait. Que les parents, eux aussi, doivent pouvoir supporter des conséquences moins agréables est illustré par la grande Maria Callas, qui n’a jamais pardonné à sa mère l’éducation qu’elle a reçu et qui a, pourtant, fait qu’elle est devenu la diva qu’on connait. Dans l’éducation, la tentation de la satisfaction immédiateest donc présente des deux côtés, pas seulement de celui des enfants, mais aussi de celui des parents. En effet, céder aux exigences d’un enfant, est immédiatement récompensé par le sourire gratifiant d’un enfant « heureux », qui fait qu’on peut (pour un moment) se croire de bons parents, en attendant de nouveaux désirs ou exigences. Il est, pour les parents, beaucoup plus facile de céder que de dire non et faire face à un enfant mécontent ou en colère. En plus, pourquoi dire non s’il n’y a pas de bonne raison de le faire ? Pour beaucoup de parents l’éducation est comme une course à la popularité auprès des enfants, surtout si, en plus, ils ont des sentiments de culpabilité à propos de ce qu’ils ont fait « subir » aux enfants : un divorce, un manque de temps… Dite d’une façon un peu schématique : la mère s’occupe du bien-être de l’enfant maintenant, le père de celui du futur. La mère s’occupe de la satisfaction des besoins immédiats, le père

77 Taylor, Charles. De malaise van de moderniteit.Kampen: Kok Agora, 1996

78 Daniel Goleman. Emotionele Intelligentie. Olympus pockets, 1999

enseigne à la retarder. La mère donne la matière, le père donne la forme. 79 Les deux sont nécessaires. Le pédopsychiatre Peter Adriaenssensutilise le terme de « structures claires et chaleureuses ». 80 Un enfant a besoin de chaleur, mais aussi de clartéet de structures. Une éducation requiert, donc, de la vision et du « leadership ». Les enfants doivent apprendre à accepter : leurs parents, eux-mêmes, leurs conditions de vie concrètes. Ils doivent construire un seuil de frustration. Pour cela, le cadre familial est la première école et la plus importante. Stephen Covey, dans son livre The Seven Habits of Highly Effective People81 , dit qu’une éducation sans principes est, à long terme, une perte pour l’enfant. Celuici devra, dans sa vie d’adulte, apprendre des leçons de façon laborieuse, alors qu’il aurait dû les apprendre avec beaucoup moins de difficultés pendant son éducation. Dans la société actuelle, la fonction maternelleest très présente alors que la fonction paternelle reçoit, souvent, trop peu d’attention. En effet, il n’y a plus de projet sociétal motivant, pas de vision social du futur donnant un sens. La vie publique est de plus en plus dominé par le désir de satisfaction immédiate des jeunes. La société s’infantilise et devient de plus en plus une culture de jeunes. De tous les côtés on est martelé par des messages de jeunes hommes et de jeunes femmes souriants qui semblent avoir trouvé le bonheur parce qu’ils ont achetés tels meubles, qu’ils portent tels vêtements, qu’ils conduisent telle voiture, ou qu’ils ont choisi telle destination de vacances. Presque jamais on entend le message que le bonheur serait une question de valeurs, d’objectifs intellectuels ou de sens de la vie. Ainsi, l’illusion est créé que le bonheur consisterait à recevoir ou à trouver les conditions adéquates pour la satisfaction des besoins, alors que le vrai bonheur consiste plutôt au don de soi et à s’impliquer dans une cause qui en vaut la peine. Le concept de l’état providence est, d’ailleurs, un concept maternelle de satisfaction des besoins. L’état promet de s’occuper de tout pendant que les citoyens n’ont plus qu’à jouer, prendre des vacance et se faire plaisir. Ceci a comme conséquence inévitable que le citoyen devient, de plus en plus, comme une plante vulnérable qui, pour le moindre souci, réclame un accompagnement, un accueil et un soutien de la part de la société.

79

Het latijnse woord ‘mater’ verwijst naar ‘materie’, het latijnse woord ‘pater’ verwijst naar ‘patroon’, d.i. vorm 80 Peter Adriaenssens. Gids voor succesvol opvoeden. Tielt: Lannoo, 2007.

81 Stephen Covey. De Zeven Eigenschappen van Effectief Leiderschap. Business Contact, 2001. Zie ook het boek van Sean Covey voor tieners: De Zeven Eigenschappen die jou Succesvol maken. Business Contact, 2006.

A l’école aussi, il faut de plus en plus tenir compte des désirs et exigences des jeunes, sous peine de voir le nombre d’élèves baisser ou de parents s’adresser à la justice. Sur le terrain politique nous trouvons cette tendance dans la montée de partis populistes qui promettent une satisfaction immédiate des besoins de la population à court terme. Le manque de fonction paternellen’est non seulement dû au fait que les hommes sont souvent physiquement absent de l’éducation des enfants, parce qu’ils sont au travail ou parce qu’il s’agit d’une famille monoparentale, mais aussi au fait que les hommes ne sont plus conscient de leur tâche spécifique. Tout comme des personnes âgés, dans notre société, ne voient plus quel pourrait être encore leur place, beaucoup d’hommes ne voient plus la leur dans l’éducation. En effet, dans notre société, de plus en plus de tâches sont assumées par les femmes, ce qui fait que les hommes ne voient plus clairement quel pourrait être leur rôle spécifique. Trop souvent ils se laissent mettre hors jeu par les femmes, y compris dans l’éducation des enfants. Le « nouvel homme » est souvent un homme qui participe à la fonction maternelle et si par hasard l’homme ose dire « non » à son enfant (Lacan: « le nom/non du père ») cela est trop souvent contourné par la mère dans le dos de son conjoint. Dans l’hôtel « Chez Maman », l’enfant est roi. De plus en plus de parents désespéréscherchent, dès lors, une aide thérapeutique pour leur enfant qui, à l’âge de 25 ou 30 ans, n’a rien fait de ses études et paraît complètement incapable de mener une vie d’adulte. Alors là, tout d’un coup, il devient clair que quelque chose ne vas pas. On s’adresse alors à des « experts » qui doivent poser un diagnostic et un traitement est exigé pour remédier au « problème ». Dans le meilleur des cas, il s’agit d’enfants qui, pour le reste, sont extrêmement gentils et aimables, dans le pire des cas il s’agit de véritables petit monstres tyranniques qui dominent la vie familiale, dans certains cas même avec de la violence physique. Ces enfants, alors, accusent leurs parents (pas totalement sans raison) qu’ils ne leurs ont pas transmis les compétences requises pour pouvoir avancer dans la vie. Quand ils constatent que leur vie est sur une voie sans issu, ils réagissent parfois avec un comportement agressif, dépressif, ou dans certains cas même suicidaire. Il en résulte alors une incompréhension totale chez les parents qui n’ont voulu que le bien de leur enfant en lui donnant « tout ce qu’il voulait » et qui par conséquent n’ont certainement pas mérité ça ! Ils ont effectivement tout donné pour leurs faciliter la vie, mais peu ou rien pour la motiver.

Mais il y a aussi des enfants désespérés. En effet, les enfants viennent toujours au monde dans une situation dans laquelle ils sont enfermés avec des adultes qu’ils n’ont pas choisis et desquelles ils sont quand-même totalement dépendants. La vie avec ces adultes peut bien se passer ou non. Pour des enfants grandissant qui commencent à se fendre compte de leur pouvoir de penser et de leur facultés critiques, cette situation de dépendance et d’impuissance peut être vécu comme une situation tout à fait injuste et insoutenable, une école dure et implacable dans laquelle il doivent apprendre à survivre. La stratégie qu’ils vont apprendre à mettre en œuvre, est imprévisible et suppose souvent une navigation entre Charybde et Scylla, entre la révolte aveugle, la colère et l’agressivité d’un côté, et l’ultime résignation sous la forme de l’apathie et de la dépression de l’autre. Entre ces deux extrêmes, il y a toutes les possibilités du cynisme et de l’amertume, mais aussi de la sagesse… Les expériences (notamment en situations de guerre ; voir aussi les livres de B. Cyrulnik82) montrent que les enfants sont beaucoup moins vulnérables et sont même capables de vivre beaucoup plus de situations qu’on ne le pense en générale, à condition que les adultes ne leur fassent pas croire qu’ils sont traumatisés et blessés, qu’ils auront beaucoup de difficultés et qu’ils auront besoin d’aide. Des enfants qui doivent apprendre à marcher avec des béquilles, n’apprennent jamais à utiliser leurs jambes correctement.

Les adultes devraient sans cesse encourager les jeunes et souligner leurs options et leurs possibilités, au lieu de semer l’angoisse par des scénarios catastrophiques. Les vrais chanceux sont les enfants qui apprennent à naviguer dans la vie, accompagné par des adultes qui ne leur enlèvent pas les difficultés et donc les opportunités d’apprendre et de grandir. Le pédopsychiatre britannique David D. Winnicottcompare un enfant à la flamme d’un cierge. On peut la raviver en soufflant doucement, mais si on souffle trop fort, on l’éteint… Contrairement à beaucoup d’autres relations, la relation entre les parents et leurs enfants n’a pas pour but d’être constante et durable, mais a pour but d’être inconstante et d’évoluer vers une fin. 83 Le but de cette relation est de former des adultes qui peuvent se frayer un chemin dans la société, tout comme le but d’un pommier n’est pas de produire des pommes, mais de produire de nouveaux pommiers. L’éducation est réussie quand les enfants n’ont plus besoin des parents.

82 Boris Cyrulnik. Un Merveilleux Malheur. Paris : Odile Jacob, 1999. Zie ook de andere boeken van deze auteur.

83 Hetzelfde geldt overigens voor een therapeutische of een pedagogische relatie. (Zie verder)

A propos de punir et de récompenser

Punir et récompenser sont des techniques comportementales qui peuvent, peut-être, mener à un comportement désiré, mais pas nécessairement à de bonnes raisons pour un tel comportement. En effet, punir et récompenser peuvent avoir comme conséquence que l’enfant va bien se comporter dans le seul but de ne pas être puni ou d’obtenir une récompense. Dans le premier cas il s’agit de la peur pour la punition, dans le deuxième de l’opportunisme.

Il est clair que ce qui importe n’est pas seulement que les enfants se comportent bien, mais aussi qu’ils le fassent pour de bonnes raisons, c'est-à-dire qu’ils soient motivés par les bonnes valeurs. C’est la définition même d’un comportement éthique. Enseigner la responsabilité et l’ouverture vers les autres est beaucoup plus important que de punir ou de récompenser. Les enfants doivent apprendre que leurs actes ont des conséquences et qu’ils en sont responsables. La récompense c’est les conséquences favorables, la punition c’est les conséquences défavorables. En général, il n’est pas nécessaire d’y ajouter des punitions supplémentaires.

Des enfants gâtés ?

Un enfant gâté est un enfant qui, trop souvent, a été loué sans bonne raison ou qui a reçu des récompenses qu’il ne méritait pas.84 C’est souvent le cas chez des parents qui, avec les meilleures intentions du monde, veulent donner à leurs enfants une « jeunesse sans soucis » qu’eux-mêmes n’ont pas eu. Mais en protégeant leur enfant de tous les problèmes, on le prive de l’occasion d’apprendre à gérer ces difficultés. En le laissant « gagner » en toute circonstance, on le prive des opportunités d’apprendre. On ne devient pas un grand joueur en ayant un adversaire qui vous laisse gagner à tous les coups et on ne peut pas apprendre à naviguer si on n’apprend jamais à faire face aux tempêtes. Les enfants qui ont la malchance de vivre chez des parents qui leur donnent tout ce qu’ils veulent, deviennent souvent des petits monstres capricieux et colériques qui, à la moindre frustration, sont en colère.

84 Peter Adraenssens. Gids voor succesvol opvoeden. Tielt: Lannoo, 2007.

C’est souvent le cas chez des parents qui, le soir, fatigués après une journée de travail, par facilité donnent à l’enfant ce qu’il veut afin d’éviter les conflits. C’est encore plus le cas chez des parents qui sont animés de sentiments de culpabilité à cause d’un divorce ou d’absences répétées. Ainsi, l’enfant apprend qu’il a un pouvoirsur les parents puisque ceux-ci ont peur des conflits. Souvent, l’enfant comprend que rien que la menace d’un conflit, suffit pour recevoir ce qu’il veut. Les enfants gâtés sont de petits tyrans qui ont appris qu’ils peuvent toujours obtenir ce qu’ils veulent du moment qu’ils agacent suffisamment leurs parents. Pour les parents, céder à un enfant est, à court terme, plus facile et plus satisfaisant. Mais à long terme la surprotection et l’évitement de toute frustration est néfaste pour le développement de l’enfant et pour les relations familiales. En effet, l’enfant acquiert un pouvoir qu’il ne devrait pas avoir et qu’il ne peut pas encore bien gérer. Avoir du pouvoir et recevoir des choses qu’on n’a pas mérités, corrompt l’esprit, comme le remarquait Gandhi dans la citation supra. Ceci est à l’origine de ce nouveau phénomène social (et commercial) des « adulescents», c'est-à-dire, ces jeunes qui n’ont plus envie de grandir et de devenir adulte et qui veulent, par contre, cultiver « l’enfant en eux », souvent sous le couvert de la créativité et de l’appartenance au monde artistique à la mode. Ils évitent toute responsabilité, restent aussi longtemps que possible dans l’hôtel « chez maman » et éprouvent de la peine et des angoisses pour se projeter dans le futur et faire des choix concernant leurs études, un partenaire, une carrière, un lieu d’habitation, etc. Ils s’habillent d’une façon jeune, s’entourent de peluches, de bandes dessinées et d’autres objets de la « culture adulescente » qui, entretemps, est aussi devenu un phénomène à la mode et commercial. (Ce sont ce qu’on pourrait appeler les « tanguy », du film de Chatiliez). Ce n’est souvent qu’aux alentours de la trentaine ou encore plus tard qu’ils (ou leurs parents) réalisent qu’il pourrait y avoir « un problème ». Ils ont souvent peur de commencer la vie. En effet, ils ont appris à tout recevoir. La seule chose qu’ils n’ont pas appris, c’est de se sentir bien et d’être heureux.

L’éducation à la non-violence

La violence et l’agression sont partout dans la nature. Ce sont des stratégies biologiques normales pour tenter d’imposer sa volonté à l’environnement. Chaque forme de vie, de la plus petite bactérie aux êtres humains, en passant par les plantes et les animaux, tente d’imposer sa volonté à l’environnement. C’est l’essence même de toute vie. La vie nécessite toujours la manipulation de l’entourage afin de tenter d’obtenir plus de certaines choses et d’en rejeter d’autres. Le fait que cela échoue souvent, est la cause de toute souffrances. La souffrance est un combat avec la réalité qui, souvent, refuse de se plier à nos désirs. Chez des adultes c’est, dans le meilleur des cas, un combat interne, imaginaire, sans agressivité externe. Chez des enfants et des adultes moins matures, cela peut s’accompagner d’une vraie agressivité, du vandalisme, du harcèlement et de la délinquance. L’agression est toujours dirigée vers ce qui est considéré comme « l’autre » ou le « pas nous ». La seule véritable prévention de la violence, aussi bien chez les enfants que chez les adultes, est donc la création d’un discours unifiant, d’un lien, d’un sentiment d’appartenance, d’un sentiment de « nous ». Face à quelqu’un qui est considéré comme appartenant à « nous » et dont on connaît le nom et le visage, on va spontanément adopter un comportement bienveillant et attentionné. Une éducation à la non-violence suppose donc une éducation à l’appartenance, non seulement avec l’entourage immédiate (la famille, les amis,

l’école, l’association sportive…) mais avec toute la société. Un sentiment de lien est généré par de idées et des images d’appartenance. Si les parents utilisent le langage et des images d’appartenance, les enfants vont facilement pouvoir l’adopter aussi. Cela suppose une forme de rationalité et de régulation des affectes (l’intelligence émotionnelle ) qui n’est pas encore suffisamment développée chez les enfants à cause du développement plus tardif de leur cerveau, notamment du cortex préfrontal.85 Chez les adolescents en puberté, il y a, en plus, des défis particuliers à cause des orages hormonaux qu’ils subissent et la difficile quête d’un semblant d’identité. Entretemps ils confirment souvent tous les clichés à propos des comportement des adolescents. Devenir adulte est, en effet, une tâche à temps plein et les adolescents ont encore besoin de la direction et de l’exemple des parents, même d’ils ne veulent pas se l’avouer... S’il devait y avoir un seul droit des enfants, ça devrait être le droit d’être accueilli et accompagné dans cette vie et dans ce monde, par des adultes qui soient vraiment adultes, c'est-à-dire qui sont capables d’exercer un leadership dans le calme et dans la sérénité. Les enfants (comme beaucoup d’animaux) sont d’excellents lecteurs du langage corporel et de l’attitude. Si les parents sont angoissés et ne peuvent pas exercer un leadership efficace, les enfants aussi se sentiront incertains et angoissés. La question de l’éducation parfaite, trouve une réponse dans une petite histoire Zen :

Un disciple demanda à son maître : « Maître, comment puis-je faire un tableau parfait ? » Le maître réfléchit un instant et répondit : « C’est très simple. Commence par être parfait, et alors peins comme d’habitude. »

Développez votre spiritualité

Regarder sous la superficie de tous les phénomènes – les personnes, les animaux, les plantes et toutes les situations –jusque dans la toile éthéré, sous-jacente/ sus-jacente, entourante, qui relie le tout,

85 De prefrontale cortex is het gebied in de hersenen dat o.m. instaat voor het evalueren en reguleren van de emoties. Zie bijvoorbeeld Peter Adraenssens. Praten met je tiener. Tielt: Lannoo, 2006.

de la spiritualité omniprésente, qui voit tout, qui entend tout, qui ressent tout et qui touche à tout. Et alors, pendant que vous regardez si profondément/loin dans la réalité, s’étonner de la force créative constante et continue de votre univers personnel et se sentir si heureux et léger qu’on décide de se souvenir constamment de cette présence indicible, pas pour cette présence, mais pour soi-même. Et de cette manière amoureusement avoir cette conscience dans tout ce que vous faites, toujours et quoi qu’il arrive. Ça, c’est la spiritualité. BAREFOOT DOCTOR

Rien n’est plus pratique que la spiritualité. La spiritualité, c’est sortir de son sommeil. La probabilité qu’on s’éveille est directement proportionnelle à la quantité de vérités qu’on peut entendre sans s’enfuir. ANTHONY DE MELLO (1931-1987)

La souffrance, n’est rien que d’avoir un rêve désagréable. Le bonheur, n’est rien que d’ avoir un rêve agréable. L’illumination n’est rien d’autre que sortir du rêve. JED MCKENNA

L’homme moderne a largement écarté la religion et la spiritualité. Il n’en ressent plus le besoin et il est fier de sa vision scientifique de la vie. Déjà au 4ème siècle av JC Démocrite déclarait que la croyance en des dieux ne fait que refléter l’impuissance des hommes à expliquer les phénomènes naturels. Le poète romain Lucrècedit que les hommes ont inventés la religion comme explication rassurante des mouvements des corps célestes et des orages violents sur les océans. Non seulement la science ne peut pas démontrer l’existence de dieux, mais l’histoire aussi, après Auschwitz, Hiroshima et d’autres horreurs plus récentes, rend la croyance en un dieu de bonté difficile à soutenir. Voltaire, après le tremblement de terre de Lisbonne en 1775, avait déjà dit la même chose.

La sciencecherche une explication non miraculeuse de la réalité. Elle se veut libre de toute valeur morale et est donc sans valeurs morales. Pour la science l’homme est apparu comme le produit fortuit d’une évolution aveugle et il n’est pas exclu qu’il disparaisse de la même façon. Pour le biologiste et auteur Richard Dawkins, l’homme n’est, tout comme les autres espèces, qu’un véhicule dont les gènes se servent dans le seul but de se procréer. Le cosmos aussi, ressemble à une grandiose machine où des processus aveugles suivent leur cours, obéissant à des causes et à des lois mais sans aucune raison et sans poursuivre un objectif final. Le scientifique et philosophe Gerard Bodiféeécrit à ce propos : « L’univers est né de la scission fortuite d’un rien en une chose positive et une chose négative, qui, ensemble, sont toujours rien. »86 Le scientifique, lauréat du prix Nobel, Steven Weinbergdisait: « Dans la mesure où le cosmos devient plus compréhensible, il semble de moins en moins avoir de sens. » Pour la science, la vie n’a aucun sens car rien dans ce monde indique un sens. Il n’y a que l’interaction de systèmes moléculaires qui rivalisent entre eux, un tourbillon d’atomes. L’homme ne signifie rien dans le cosmos, et à peine plus sur terre. Cette vision scientifique a engendré un grand vide mental, existentiel et spirituel, un vide dans lequel la vie risque de sombrer.

La spiritualiténourrit et stimule la vie en la reliant (re-ligare) à une réalitéplus profonde ouplus vaste et qui lui donne un sens. La spiritualité, c’est précisément ce postulat et de là, cette confiance et cette croyance que la vie n’es pas insensée parce qu’elle s’inscrit dans un ordre plus vaste. Sans cette hypothèse, la vie reste emprisonné dans les limites étroites de son inconstance et de sa finitude. La vie humaine n’est alors qu’un phénomène fortuit, éphémère, dans un cosmos qui lui est totalement indifférent. Le seul but que l’homme, dans ce cas, peut se fixer est la recherche d’un maximum de plaisirs et de satisfactions, afin de combler, aussi rapidement et aussi complètement que possible, un maximum de ses besoins. C’est vivre comme une abeille qui collectionne le nectar sans se rendre compte qu’elle contribue, ainsi, aux processus de la vie. Les medias et le monde de la publicité vantent un grand nombre de biens de luxe, de satisfactions et d’activités plaisantes, alors que le silence règne à propos de la souffrance et de la mort, exactement comme le veut le consommateur. Le seul espoir qui reste alors, c’est de disparaître dans le néant aussi tardivement que possible et de préférence sans douleur.

86 Gerard Bodifée. Tot Bestaan Bestemd. Over de weg die het niets met het zijn verbindt. Kapellen: Pelckmans, 2003.

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