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Une relation de rejet (le « non »
Dans ce même ordre d’idée, Patricia de Martelaere plaide pour moins d’attention pour nos émotions individuelles et egocentriques et plus d’attention pour l’ordre supérieur qui nous dépasse, et pour notre place dans cet ordre.
Il n’y a aucun sens à vouloir porter des fleurs en automne, ou de vouloir survivre face à la mort. La non-acceptation ne changera pas le cours des choses et ne mène pas à une plus grande compréhension de la réalité. PATRICIA DE MARTELAERE (1957 - 2009)
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Le modèle de base, le prototype de la souffrance, est un enfant qui n’obtient pas ce qu’il veut et qui se jette par terre en hurlant, ou encore un enfant qui se fait mal en heurtant le coin d’une table et qui crie : « la table est méchante ». Il pense que c’est la table qui lui a fait mal. Un adulte comprend ou peut comprendre que la douleur prend son origine en lui-même et est due au fait que c’est lui-même qui a heurté cette table. La table en elle-même n’y est pour rien.
Le mot « non » est un des premiers mots dans le vocabulaire d’un enfant. Il prend un grand plaisir à dire « non » et à constater les effets que cela produit dans son monde environnant. Si, par exemple, il refuse de manger, les parents vont se mobiliser et imaginer toutes sortes de stratégies pour le faire changer d’avis. Quel pouvoir ! Beaucoup de gens passent leur temps à lutter et à se battre, comme en témoigne les multiples métaphores militaires et le langage guerrier. « Se battre » est, bien sûr, une forme claire et puissante de dire « non ». Pourtant, penser que se battre puisse obtenir un changement dans le sens d’une amélioration, est souvent illusoire. S’opposer à quelque chose crée un cadre de pensée qui est focalisé sur le problème, qui dirige l’attention sur ce que l’on ne veut pas, mais qui, paradoxalement, est justement renforcé et maintenu par cette attention soutenue. Lutter ou se battre n’engendre que destruction et souffrance.
Il y a différentes façons de dire “non”:
- L’évitement ou la fuitesont des manières de ne pas devoir faire face à une réalité difficile ou désagréable. Cela semble être des réactions normales et « logiques » à des problèmes. Celui qui a peur dans un avion, évitera de voyager en avion. - L’auto-apitoiementet la victimisationsont, eux aussi, des manières de dire
« non » à une réalité indésirée qu’on a du mal à accepter. - La supériorité,être au-dessus est une façon « spirituelle » pour s’échapper de la réalité, une sortie de secours « spirituelle ».
Il y a toujours suffisamment de raisonspour dire « non » : - Ce qu’il y a ne vous plait paset vous voulez vous en débarrasser !
- Dire « non » et être négatif est une façon commode de paraître intelligent, critiqueet déterminé. Etre négatif est, pourtant, facile et banal. Tous ceux qui ont un minimum de réflexion, peuvent être négatifs. « Non » est un des premiers mots de l’enfant et un des mots les plus importants dans le vocabulaire des adolescents.
N’importe quelle idée créative peut être critiquée comme une idée tout à fait loufoque, infondée ou incohérente. A l’inverse, une idée structurée et réfléchie peut être qualifiée de projet fossilisé, momifié, rigide et sans aucune créativité. - Dire « non » donne une identité : une soi-disant personnalité n’est souvent qu’une collection de récits qui expriment un « non »! Cela donne l’impression d’être quelqu’un d’intéressant, avec une pensée critique et une grande force d’agir, qui est engagé et qui sait ce qu’il veut. Vous n’êtes pas quelqu’un de crédule qui se laisse mener en bateau par la folie du jour. - Par simple habitude:un refus n’est souvent même pas reconnu comme une opposition mais est considéré comme normale ! L’attitude de « non » est comme incorporé dans des mots négatifs comme : malchance, désastre, abus, incivilité, perte, abandon, inacceptable, insupportable, invivable… Ces mots sont souvent utilisés d’une façon automatique et non réfléchis pour soi-disant « décrire » des évènements. En effet, on ne réalise souvent pas qu’il ne s’agit pas de descriptions mais de jugements qui vont induire un certain vécu. On n’est plus dans le factuel mais dans le qualificatif, à l’origine d’émotions.
La souffrance due à une telle opposition, s’exprime dans tous les aspects de l’existence humaine :
- Corporel:tension, stress, douleur. - Émotionnel:émotions négatives comme l’angoisse ou la colère, refoulement, crispation, sensation d’être immobilisé et bloqué. Un « non » est comme un mur en soi-même, contre lequel le monde extérieur vient se heurter. Tant que vous dites
« non », votre énergie émotionnelle ne peut pas circuler librement.
- Mental:attitude de condamnation, cynisme, sarcasme, tentative de prendre le dessus ou d’être reconnu. Dire « non » engendre une rigidification, une crispation et une immobilisation : la conscience est réduite au problème et l’attention reste figée sur ce que l’on ne veut pas. Cette attitude alimente et maintient justement ce que l’on ne veut pas. C’est l’essence même de toute souffrance : être focalisé sur ce que l’on ne veut pas ! - Existentiel:on peut persister dans le « non », même contre des personnes ou des évènements qui n’existent plus depuis longtemps ou qui n’existent pas encore et qui ne vont peut-être jamais exister. Mais le dire « non » existe bien ici et maintenant et la souffrance qui l’accompagne existe, elle aussi, bel et bien dans l’ici et le maintenant. Mais cette souffrance n’est, alors, pas due aux événements ou à des supposées « blessures » ou « cicatrices » du passé, mais est créée dans le moment présentpar notre propre mise en scène du souvenir, notre attitude d’opposition au souvenir qui est en nous. Le souvenir d’une souffrance, n’est, elle-même, pas une souffrance, mais notre cerveau prend souvent des souvenirs pour des réalités et