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Les neurotransmetteurs d’Aphrodite
Chaque transition s’accompagne d’un « lâcher prise » du « connu » et qui par conséquent s’accompagne de la peur de « l’inconnu ». Un des premiers problèmes possibles dans cette transition est que justement on n’ose pas lâcher la phase précédente. Il y a comme une fixationdans la phase précédente. Un enfant peut par exemple avoir des difficultés à se détacher de la sécurité émotionnelle de la proximité de la mère. A l’inverse on peut vouloir à tout prix se précipiter vers la prochaine phase et refouler la précédente. Dans ce cas là il n’y a pas de différentiation mais de la dissociation. On se coupe d’’expériences importantes de son histoire, par exemple certaines émotions, qui sont de ce fait refoulées ou supprimées de la conscience et qui par la suite peuvent être à l’origine de problèmes de vie. A juste titre on dit que l’émotion sans la raison est aveugle, mais que la raison sans émotion est impuissante. Les deux sont nécessaires.
Les vestiges d’une conscience magique-mythique
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Même à l’âge adulte il peut encore y avoir des reliquats de la pensée de phases antérieures. Dès que quelqu’un croit qu’un élément du monde extérieur a un pouvoirsur lui, il s’agit d’un vestige de la conscience magique. Certaines phobies en sont un bel exemple. Des personnes se plaignant d’une phobie pensent souvent que les avions, les ascenseurs, les tunnels, les ponts, les autoroutes, les grands espaces, les petits espaces... ont un certain pouvoir sur eux qui les rend impuissant. Ils disent « sentir une force qui est plus fort qu’eux ». Chaque fois qu’on fait confiance à une histoire non vérifiée, il s’agit d’un reliquat de la conscience mythique. Au fil du temps l’homme a inventé une multitude de mythes. Beaucoup d’entre eux ont été démenti par la science. Ainsi la chimie a pris sans effort la place de l’alchimie et l’astronomie a envoyé l’astrologie brillamment au royaume des fables. Mais il y a des mythes qui ont la vie dure, surtout si on y utilise des termes scientifiques comme énergie, vibrations, ondulations, champs, la mémoire de l’eau, les phénomènes quantiques ou les particules élémentaires. Alors il devient très difficile de distinguer les faits de la fiction, surtout quand on prétend être au courant de la véracité de faits que la science n’a pas encore réussi à prouver.
Le jeu des émotions
Si la conscience est considérée comme le décor du jeu de la vie, alors les acteurs sont les émotions et l’imagination. Ils jouent un rôle, ils exécutent un scénario, ils mettent en scène une pièce, qui peut nous procurer une expérience de bonheur ou de malheur. Comme le disait Jean de la Bruyère: la vie est une tragédie pour celui qui sent, et une comédie pour celui qui pense.
Les neurotransmetteurs d’Aphrodite
Les émotions ont, pour l’homme, toujours gardé une énigme. Etudier l’évolutionde la pensée sur les émotions est extrêmement intéressante, car elle est l’illustration de notre réflexion sur beaucoup d’autres sujets. Cette évolution peut être vue comme une variation de focalisation, du sacré vers le profane, de l’extérieur vers l’intérieur et d’une vue d’ensemble vers l’individu et de là vers les éléments constitutifs de l’individu.
Dans les prétendues cultures primitives, préscientifiques, on croyait que les dieuxétaient à l’origine de nos émotions. Pensez à Aphrodite, la déesse de l’amour ou Mars, le dieu de la guerre. Les émotions avaient une cause surnaturelle. L’individu ne faisait que les subir. Plus tard l’homme cherchait des causes naturellescomme source de ses émotions. Ainsi les émotions pouvaient être attribuées à la position des planètes, à certaines énergies, aux circonstances externes ou aux autres personnes qui nous donnaient certaines émotions. Beaucoup pensent encore que les autres nous rendent coléreux ou anxieux ou que nous ingérons les émotions des autres. Ceci est la croyance magique que certains éléments externes, personnes ou circonstances, auraient un pouvoir sur nous. De cette manière on peut croire qu’on est déstabilisé, labile, vulnérable, offensé, blessé… à la suite d’une cause externe.
L’étape suivante du raisonnement est que les émotions soient attribuées à l’individu luimême. Là aussi il y a une graduation dans les croyances : les émotions peuvent naître du corps, des centres énergétiques, des chakras, du cerveau, du système limbique, des neurones, des neurotransmetteurs… A cause de ces dernières conceptions, qui semblent être confirmées par la science, l’individu disparaît à nouveau en tant qu’individu doté d’une conscience et d’un psychisme. En effet, l’individu est à nouveau rendu impuissant et démuni, mais cette fois-ci par des forces internes à lui-même. La psychologie des profondeurs a bien alimenté ce schéma de pensée. La chosificationdes émotions, c’est à dire, penser les émotions comme s’il s’agissait d’objets ou de substances fixes, est révélatrice et se retrouve dans des expressions comme « une émotion bloquée » dont on devrait pouvoir « se délester » ou qu’on devrait pouvoir « exprimer ». Selon une définition classique opérationnelle des émotions (cf. notamment Nico Frijda18), les émotions opèrent un changement dans notre envie d’agir comme réaction à un évènement externe. Les émotions génèrent en nous une appétence d’action. Elles nous mettent en mouvance, en mouvement, elles nous motivent. Ainsi l’angoisse, en tant qu’émotion, conduit à un comportement de fuite, et la colère, en tant qu’émotion, mène à un comportement d’agression. L’amour, en tant qu’émotion, engendre un comportement d’approche. Cela
18 Nico Frijda. Les émotions. Promotheus, 2001. Cf. également Miriam van Reijen. Filosoferen over emoties. Soest: Nelissen, 1995.
semble logique. Bien que cette définition ne dise toujours pas ce que sont les émotions dans le fond, il s’agit quand-même d’une approche pratique et utilisable.
Emotions are reactions to events. Emotions are reactions to events. They are not intended to give us They are not intended to give us pleasure, but to give us the energy to pleasure, but to give us the energy to act quickly if needed to save our life. act quickly if needed to save our life.
Integral
Emotions
Magical
Action
Mythical Reason
Les émotions incitent à l’action. Elles ne sont observables que dans le corps, qui en quelque sorte initie déjà cette action. Ce qui explique qu’on a longtemps considéré les émotions comme le langage du corps. Mais bien que nous observions les émotions dans le corps, elles n’y trouvent pas leur origine. En effet, elles sont une réaction à des images qui nous viennent du monde extérieur ou – ce qui est plus souvent le cas chez l’homme – de son monde intérieur, c’est à dire une production de l’imagination. Les émotions prennent leur origine en nous et nous renvoient à nous-mêmes. Elles ne peuvent être comprises que dans la lumière de certaines croyancesconcernant notre survie et notre bien-être. Elles sont donc strictement personnelles. Elles viennent de nous-mêmes et nous concernent. Si les émotions mènent à l’action, c’est justement aux actions qu’on peut les reconnaître. On peut donc distinguer deux classes d’émotions : d’une part celles qui incitent à une action d’approche ou d’attraction, à la création d’un lien, et d’autre part celles qui incitent à la distanciation, à l’évitement, au rejet. A cette dernière catégorie appartiennent l’angoisse et la colère, à la première la joie et l’enchantement. La première catégorie est ressentie comme plutôt agréable, la deuxième comme plutôt désagréable. A côté de ces émotions habituelles, qui meuvent le corps, le bouddhisme parle aussi des émotions supérieures, qui sont les émotions de l’esprit. Celles-ci incluent la gratitude, la joie, l’émerveillement et la compassion, à l’inverse des émotions inférieurescomme la peur, la colère, la jalousie, les sentiments de culpabilité, les irritations… Spinoza, à l’instar de Descartes, parle aussi des émotions de l’esprit. Celles-ci n’incitent pas immédiatement à une action physique mais sont à l’origine d’un mouvement de l’esprit, une ouverture de l’esprit sur l’environnement.