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La raison : un saut quantique
Synthèse: l’ego
- est la première phase de la conscience, la soi-disant conscience inférieure - consiste en un courant mental d’émotions et de schémas de pensées - vit souvent dans le passé ou dans le futur - crée de la distinction, des polarités et des conflits dans le monde : moi/les autres, agréable/désagréable, ami/ennemi, travail/loisir, bon/mauvais - a toujours peur de ne pas être assezet d’avoir trop peu - recherche de la confiance et de l’affirmation en s’identifiant avec ou en se positionnant contre des personnes, des rôles, des groupes, des idéologies, des possessions ou des activités - cherche à avoir raison et d’être apprécié et peut s’aigrir ou se mettre en colère si ce n’est pas le cas - parle un langage de combat, de lutte, de victoire et de défaite - essaie de restaurer chaque « endommagement »
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Finalement l’enfant arrive à une phase de pensée rationnelle, personnelle, critique (fig. 2) dans laquelle il apprend de plus en plus à réfléchir comme un adulte. Précédemment penser a déjà été comparée à des blocs qu’un enfant empile pour découvrir quel en sera l’effet. Sauf que, maintenant, il s’agit de blocs symboliques sous forme de mots, de concepts et de récits. La conscience grandissante va effectivement examiner les récits et les mythes appris pendant les périodes antérieures. L’enfant va se questionner : « Est-ce bien raisonnable de continuer à croire ce que j’ai entendu et cru pendant si longtemps, ce que j’ai tenu pour vrai pendant mon éducation ou ma formation et ce qui est peut-être encore tenu pour vrai dans mon entourage ? ». Le jeune adulte va se poser des questions par rapport aux histoires culturelles, les contes de fées, les mythes, les clichés et les croyances. Il comprend non seulement que saint Nicolas ou le Père Noël n’existent pas, mais aussi que tant d’autres mythes ne tiennent plus debout. C’est le saut quantique de la pensée mythique et collective vers une pensée autonome, personnelle, post-conventionnelle et post-conformiste. L’homme va se créer une pensée propre, personnelle, comme une sorte d’agenda personnel. Cette activité, nous pouvons l’attribuer à un « je » hypothétique, comme nous pouvons attribuer un autre comportement à notre « âme » et encore un autre comportement à « l’enfant en nous ». Nous pouvons donc décrire l’homme en termes d’un programme évolutionnaire, un programme culturel, et un agenda personnel.
Agenda personnel Programme culturel Programme évolutionnaire
Ajouter ici la courbe et les références de l’évolution
A cause de ce saut quantiquede la raison, l’homme peut se distancier du monde magique de l’enfant. Avec la raison il peut sortir de son sommeil magico-mythique et des schémas automatiques et inconscients, des programmes évolutionnaires et culturels. Ce n’est que quand l’être humain devient plus éveillé et conscient qu’il va avoir un comportement plus personnel et plus libre. A mesure que l’être humain vit d’une façon plus inconsciente, il montre alors un comportement plus stéréotypé, plus figé qui, lui, ressemblera aux comportements d’autres individus également inconscients. En effet, les personnes angoissées ou fâchées sont très comparables entre eux et utilisent souvent les mêmes locutions. De la même manière, toutes les personnes dépressives utilisent les mêmes phrases. Tous ces schémas émotionnels sont très comparables. Un enfant fonctionne en polarités binaires comme agréable/désagréable, bon/mauvais, se sentir bien/se sentir malet en termes de devoir et de pouvoir. Un adulte n’est pas animé par des sentiments, la jouissance corporelle ou les satisfactions, mais par la raison, sur la base d’une réflexion sur les valeurset les principes éthiques. Il raisonne en termes de principes abstraitsqui sont valables pour tous. Un enfant est motivé par des émotions, un adulte est animé par des valeurs. La raison nous libère de nos besoins inconscients et de nos émotions automatiques et non réfléchies. S’éveiller c’est comprendre que les soi-disant besoins ne sont pas pour un adulte de vrais besoins mais tout au plus des souhaits. Seul un adulte peut comprendre que pour un adulte rien n’est de l’ordre du devoir. Pour arriver à un style de vie heureux, un agenda personnelclair est nécessaire à côté du programme évolutionnairebiologiqueet du programme culturel, décrits plus haut.
Pas de dogmes mais un examen
Cette réflexion raisonnable, personnelle et critique se développe tout le reste de la vie et n’est jamais terminée. La raison examine et vérifie la crédibilité et l’utilité des récits et des mythes encore restants. Ceux qui sont encore utilisables sont retenus, ceux qui ne le sont plus sont écartés.
La raison est la base de chaque philosophie et chaque science est le résultat d’un processus de réflexion jamais terminée sur l’être humain et sur la nature. La science n’est pas un système dogmatique fossilisé qui établit ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas, mais une
attitude dynamique d’ouverture et de recherche permanente. Un système dogmatique n’est pas rationnel mais émotionnel et est basé sur un besoin archaïque de certitude. Beaucoup de religions et d’idéologies sont des systèmes dogmatiques. La science en revanche est une méthode pour arriver à des connaissances fiables, c’est un récit explicatif en prenant conscience qu’il s’agit d’une vision temporairement conseillée et non d’une vérité définitivement acquise. « La seule chose dont je suis certain, c’est que je ne sais rien », disait Socrate(confirmé dans la célèbre chanson « Je sais » de Jean Gabin). Le philosophe de la science Karl Popper disait, lui aussi, que toute science commence par l’examen des mythes existants. L’idée n’est pas de vivre une vie sans mythes, mais que nous identifions ceux auxquelles nous voulons adhérer - jusqu’à preuve du contraire. Nous pouvons aussi appliquer cette attitude d’ouverture et de recherche dans notre vie personnelle. Ceci est très joliment illustré dans le travail de Byron Katie. 17 Cette thérapeute part du principe que la plupart des problèmes humains sont dû à une croyance en un discours non examiné par la personne concernée. Elle propose quelques questions pour examiner et ainsi se soustraire du pouvoir de ces « boniments » : « Est-ce bien vrai ? Qui suis-je si je continu à croire en ce récit ? Qui serais-je si je n’y croyais plus ? » Il peut être extrêmement révélateur d’appliquer ces questions sur quelques-uns de ses propres mythes, par exemple une proposition tel que : « On ne peut faire confiance à personne. » « Une vie non examinée, ne vaut pas vraiment la peine d’être vécue » disait Socrate.
La raison est une attitude d’ouverture et de recherche.
Grâce à sa raison l’homme est capable de devenir conscient des ces processus biologiques, évolutionnaires, automatiques. La conscience est cette instance dans l’homme qui observe ce qu’il fait et qui le questionne. Un animal ou un enfant est ce qu’il est dans son existence. Un nourrisson peut pleurer sa faim et à la minute suivante rire son contentement. Il est à chaque instant complètement dans l’existence du moment. La conscience fait qu’un adulte ne puisse plus jamais coïncider avec soi-même aussi parfaitement qu’un enfant, mais qu’il est toujours l’observateur de lui-même. Ceci explique qu’un adulte n’a plus jamais la spontanéité naturelle et évidente d’un animal ou d’un enfant. Chez un adulte, la spontanéiténe peut que signifier l’irréflexion.
17 Byron Katie. Quatre questions qui changent votre vie. Amsterdam: De boekerij, 2003.
Un être adulte n’a plus jamais la spontanéité naturelle d’un animal ou d’un enfant.
Cette absence de spontanéité est quelque fois considérée comme une perte. L’adulte aurait perdu quelque chose que l’enfant possède encore et que les adultes devraient essayer de le récupérer en retournant à l’état d’enfance. C’est le mythe de l’enfant comme être parfait, le mythe du paradis perdu : l’homme aurait été expulsé du jardin d’Eden à cause de sa soif du savoir.
Il serait plus juste de parler d’un éveil du sommeil paradisiaque. Le bonheur du paradis n’est en effet pas un bonheur humain. C’est le bonheur d’un animal ou d’un enfant, un bonheur qui n’est pas conscient et qui donc n’est pas un vrai bonheur humain. L’homme doit abandonner l’idée de coïncider avec son environnement et avec soi-même pour pouvoir accéder à un vrai bonheur humain et spirituel. Le chemin le plus court vers cet objectif est la raison. La raison n’est pas un obstacle pour le bonheur, mais elle permet justement d’y parvenir. En effet, par la raison nous pouvons devenir conscients de nos fonctionnements magiques et mythiques. La conscience permet à l’homme d’entrevoir ce qui le ne définit pas. Dans chaque phase du développement de sa conscience il devient de plus en plus conscient de ce qu’il n’est pas : il n’est pas la mère, il n’est pas son corps, il n’est pas ses émotions, il n’est finalement pas ses pensées non plus. Tout ceci il ne peut le découvrir qu’à travers la réflexion. Il a besoin de la réflexion pour se rendre compte qu’il n’est même pas sa réflexion. En effet, ce dont on peut devenir conscient, on ne peut pas l’être. De même qu’un œil ne peut pas êtrece qu’il voit. Tout ce qu’un œil peut voir, ne peut pas être l’œil lui-même. De la même façon, ce dont on peut devenir conscient, ne peut pas être la conscience elle-même. Comme le disait Sartre: « Tout ce que nous pouvons dire de nous-mêmes, nous ne le sommes certainement pas. » Au centre de l’être humain ne peut exister que la conscience pure, pas la conscience de quelque chose, mais simplement la conscience. Ce qui libère littéralement la conscience supérieure.
Synthèse: la raison
- est une attitude dynamique de recherche ouvert et de questionnement permanent des croyances et des mythes de l’ego. - elle requiert une conscience adulte - elle est la porte d’entrée vers la conscience supérieure