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Dépression et suicide
ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY
Beaucoup de gens déclarent, après un évènement de vie pénible, ne plus pouvoir vivre et songer à mettre fin à leurs jours. Martin Buberparlait en ce contexte du désespoir sacré. Pour lui la dépression était une voie vers le salut. Personne ne peut désirer la mortparce que personne ne connaît la mort. La mort n’est pas une expérience de la vie. On ne peut pas désirer ce qu’on ne connait pas, on peut seulement désirer quelque chose dont on s’imagineque ce serait mieux que ce qu’il y a en ce moment. On désire quelque chose parce qu’on n’est pas satisfait de ce qui existe maintenant. On peut, par exemple, désirer un autre partenaire ou un autre emploi. On peut comprendre que quelqu’un, pour qui la vie est, chaque jour, une souffrance, désire une autre vie. Si une autre vie semble hors de portée, la mort peut sembler la seule possibilitépour mettre fin à la souffrance. Beaucoup de tentatives de suicide sont des façons d’avertir l’entourage qu’on ne voit plus d’autre issue. Il s’agit, dans ce cas, essentiellement d’un appel au secours.99
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Terminer délibérément sa vie est, dans beaucoup de cas, la conséquence « logique » de la « conclusion » que la vie n’a plus aucun sens. Cela signifierait que la vie aurait un sens dans certaines circonstances et pas dans d’autres. Pourtant, le sens de la vie ne peut pas dépendre de circonstances fortuites. Le sens de la vie et de l’univers tout entier, s’il existe, ne peut pas se situer dans le fait que la vie réponde à nos désirs et nos préférences individuelles. Si la vie a un sens, ce sens doit exister à tout moment, indépendamment des contingences de la vie individuelle. Si, après un certain évènement, la vie paraît ne plus avoir de sens, cela ne peut que signifier que l’on n’en avait pas encore suffisamment réfléchiet qu’on reste comme emprisonné dans une vision étriquée qui ne concerne que sa propre vie. Personne ne peut atteindre une telle altitude philosophique pour pouvoir en arriver à la conclusion que la vie dans son intégralité n’aurait pas de sens, de même que personne ne peut prétendre avoir examiné tous les hommes et toutes les femmes pour pourvoir conclure qu’il ne va plus jamais
99 Er zijn ruim dubbel zoveel overlijdens als gevolg van zelfdoding dan als gevolg van het verkeer. Hoe zou het zijn als vergelijkbare middelen (lessen op school, rijscholen, snelheidsbeperkingen, afgebakende zone’s, flitscamera’s…) ingezet zouden worden om het aantal overlijdens als gevolg van zelfdoding te verminderen?
tomber amoureux. Personne ne peut dire que la vie, un processus qui a commencé il y a quelque 3,5 milliards d’années, serait dépourvue de sens. « Comprendre » que quelqu’un puisse mettre mis fin à ses jours, ne peut avoir d’autre signification que d’accepter que certaines personnes, en certaines circonstances, ne sont plus capables de donner un sens à leur vie. Cela signifie qu’on accepte qu’il y ait des circonstances dans lesquelles la vie ne serait plus la peine d’être vécue et que mettre fin à ses jours serait dès lors un comportement compréhensible, voire « logique ». La vie n’est pas une affaire personnelle. Personne n’a créé ou construit sa propre vie, son propre corps, sa propre conscience. Nous sommes des enfants de la vie. Nous appartenons à un processus. Nous sommes invitées à participer à un processus merveilleux qui dépasse de loin nos préférences individuelles. Ce serait d’une grande ignorance arroganteque de croire que la vie devrait satisfaire nos envies personnelles et que nous aurions le droit de juger personnellement si la vie à un sens et qu’elle en vaut la peine ou que nous pourrions l’accepter. La vie ne nous appartient pas. Elle n’est pas une propriété privée. L’arrogance ici, est précisément le fait de s’arroger un droit qu’en réalité on n’a pas. Tout comme nous n’avons pas le droit de prendre la vie d’autrui, parce qu’elle ne nous appartient pas, nous n’avons pas le droit de prendre notre propre vie, parce qu’en réalité elle ne nous appartient pas. L’arrogance est une vision étriqué centré sur l’égo, c’est en fait une « égo-logique ». La spiritualitépar contre, est une vision de l’ensemble, du tout, dont on fait partie. C’est voir la vie comme un cadeau, comme un miracle, comme sacrée. Pour quelqu’un de spirituel, la via a toujoursun sens. Chaque forme de spiritualité est une manière de voir que la vie ellemême est ce qui donne du sens. La spiritualité est le seule vrai remède contre l’absence de sens, contre la dépression et contre l’idée de suicide. Le suicide n’est pas une conséquence des circonstances, elle est le résultat d’un choix personnel. C’est le refus du cadeau. C’est le refus d’accepter et d’entrer en relation avec la vie comme elle se présente. C’est le refus d’habiter le monde comme il est en ce moment. C’est le refus de contribuer à l’évolution permanente de la vie. A la place, on préfère mettre fin à la relation avec la vie. C’est un choix qu’on peut accepter avec compassion, mais qu’on ne peut « comprendre ». Si non, pourquoi tout le monde, dans des circonstances similaires, n’aurait pas la même démarche?
Als je het leven veroordeelt, betaal je de prijs van het voelen van de pijn van je eigen oordelen. SAMUEL GOLDEN
A l’âge de 32 ans, un soir au bord du lac Michigan, Buckminster Fuller, inventeur, architecte et penseur génial, souvent comparé à Léonard de Vinci, jouait avec l’idée de mettre fin à ses jours. Après une série d’échecs professionnels et suite à la mort de sa petite fille, il croyait avoir tellement raté sa vie que le mieux qu’il puisse faire était de disparaître de la scène. Tout ce qu’il avait essayé ou entrepris, avait apparemment échoué, malgré son incroyable créativité et son imagination. Mais Buckminster Fuller ne mit pas fin à ses jours. A la place il eut l’idée, peut-être à cause de sa foi profonde en l’unité et l’ordre fondamental de l’univers dont il se