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Des marionnettes émotionnelles

sommes donc pleinement responsables. Accuser les autres de nos propres émotions, relève d’un malentendu ou d’une confusion. Dans la même ligne de pensée, nous ne pouvons pas ressentir les émotions des autres, tout comme nous ne pouvons pas ressentir leur douleur. Nous pouvons seulement observer le comportement des autres, et nous pouvons essayer de deviner quelles émotions ont pu en être à l’origine. C’est ce que nous appelons l’empathie. Nous pouvons être attentifsaux émotions des autres, nous pouvons toujours essayer de nous imaginer leurs émotions, mais nous ne pouvons jamais ressentir que nos propres émotions. Nous pouvons, bien sûr, en faisant appel à nos propres schémas émotionnels innés et universels, comprendre les émotions de l’autre, mais nous ne pouvons pas les ressentir directement.

Souvent, les gens racontent une histoire du genre :

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« Je ne me sentais déjà pas vraiment bien et en plus ma compagne m’a quitté, et alors je ne me sentais plus bien du tout. En fait, je me sentais vraiment mal (A). Heureusement, j’ai fait la connaissance d’une autre femme, ce qui faisait que je me sentais de nouveau beaucoup mieux (B). Après quelque temps, elle parlait même de mariage et d’avoir des enfants, et sa famille en était ravi aussi (C). Mais alors, tout d’un coup, je trouvais sur son mobile des messages d’un ancien amant (D) avec qui elle avait encore régulièrement un contact. Et lorsque je la confrontais avec ça, elle a rompu notre relation, ça m’a vraiment cassé. Vous comprenez que je me suis retrouvé dans une terrible dépression (E). Heureusement, j’ai pu renouveler le contact avec mon ancienne compagne, qui avait compris son erreur et maintenant je vais de nouveau relativement bien… (F) »

Good news - Bad news

Good News

B

But then B happened and I felt so good… C

And when C happened I felt even better… F

Luckily F happened and then I felt good again…

A

I didn’t feel so good because…

Bad News But then D happened and I felt so bad… D

E

And when E happened I felt even worse…

C’est l’histoire d’une marionnette émotionnelle. Ces gens sont comme à l’un des bouts d’une balançoire, avec les circonstances de la vie à l’autre bout. Ils se plaignent souvent de leur sursensibilitéou même leur hypersensibilité, avec laquelle les autres, à leurs yeux,

doivent tenir compte. Ils sont comme une marionnette émotionnelle où les autres et les circonstances tirent les ficelles et font monter et descendre leurs émotions.

Ces gens n’ont tout simplement pas appris à assumer la responsabilité de leurs émotions. Ils attribuent leurs émotions aux autres ou aux circonstances. Elles vont du bien-être (acceptation, attitude de « oui ») au mal-être (refus, attitude de « non ») comme une feuille qui est emporté au gré du vent d’un côté à l’autre de la rue. Ils subissent une vie de tourbillons émotionnels sans qu’ils n’arrivent à gérer leurs émotions d’une façon convenable. Ils souffrent d’incontinence émotionnelle et ont peur de rencontrer des gens ou des circonstances qui pourraient leur donner de telles émotions. Ils sont comme des geôliers qui ont peur de leurs prisonniers. Pourtant, nos émotions partent toujours de bonnes intentions. Elles réagissent immédiatement et sans contestation à nos messages, c'est-à-dire à notre imagination, notre représentation et notre interprétation de la réalité. Ces représentations peuvent être fortement biaisées, pas seulement par notre regard sur la réalité, mais aussi à la lumière de notre modèle du monde. En plus, nos conceptions peuvent être profondément formatées par des représentations du passé. Des circonstances qui ressemblent à des évènements du passé peuvent être à l’origine de réactions similaires à celles du passé. Des circonstances actuelles acquièrent ainsi une valeur symbolique et les émotions ne sont plus des réactions à la réalité actuelle mais à la valeur symbolique de cette réalité. Un enfant qui a été mordu par un chien peut rester craintif pour tous les chiens. La psychologue Ingeborg Boschparle dans ce contexte de notre système immunitaire psychique.34 Une fois ce système immunitaire « sensibilisé » à une réalité déterminée, il va par la suite toujours réagir de façon « allergique » à tout ce qui a une certaine ressemblance avec la réalité initiale. Il y a là un avantage évident pour la survie dans la nature (en effet, tous les ours bruns sont dangereux), mais pas pour la survie en société (tous les hommes bruns ne sont pas dangereux). Des émotions qui semblent exagérées pour une certaine réalité, sont souvent de telles réactions allergiques. Ces « émotions décalées » sont aussi absurdes et inutiles qu’essayer de fuir un danger du passé ou que manger pour assouvir une faim du passé. La métaphore du système

34 Voir : Ingeborg Bosch, Illusies. Over bevrijding uit de doolhof van destructieve emoties, (Sur la libération du labyrinthe des émotions destructives) Amsterdam/Anvers: Veen, 2003.Voir aussie : ook Ingeborg Bosch, PRI en de kunst van het bewust leven,(PRI et l’art d’une vie consciente) Amsterdam/Anvers : Veen, 2010. La métaphore d’un système immunitaire psychique semble être une idée plus adéquate que l’idée populaire-psychologique des « blessures » et des « cicatrices » psychiques.

immunitaire est une image utile qui semble plus organique et plus fonctionnelle que la métaphore, plus populaire, des blessures et cicatrices du passé ou celle de « porter le poids du passé ». A remarquer que le système immunitaire corporel se laisse difficilement modifier mais que le système immunitaire psychique est très souple et capable de très rapidement incorporer de nouvelles informations et de nouveaux comportements. La pluie d’hier ne peut pas nous empêcher de voir le soleil d’aujourd’hui. Ingeborg Boschutilisait ce concept pour développer sa méthode de Past Reality Integrationou PRI. Les émotions sont comme des collaborateurs dans une entreprise. Sans ses collaborateurs un chef d’entreprise est impuissant. Mais sans le chef, les collaborateurs sont désemparés et retombent dans des habitudes ancrées en eux. Les émotions ne se posent pas la question de savoir si le chef ne s’est pas trompé. Elles ne questionnent pas, elles exécutent. Elles réagissent sur-le-champ à des messages, sans se demander si ces messages proviennent d’une observation ou sont le fruit de notre imagination. Les événements sont simplement des faits (A, B, C, D. E, F). En réalité, ils sont tout à fait neutres. Nos émotions sont nos réactions aux représentations et interprétations de ces événements. Nos émotions sont donc ce que nous ajoutons aux événements qui, comme nous l’avons dit, sont neutres. Quand nous changeons nos représentations et interprétations internes, nos émotions changeront aussi immédiatement.

Good news - Bad news

Good News

But then B happened and I felt so good…

A B

And when C happened I felt even better…

C D E

Luckily F happened and then I felt good agains…

F

I didn’t feel so good because…

Bad News But then D happened and I felt so bad… And when E happened I felt even worse…

Comme mentionné au préalable, nous pouvons régenter nos émotions en invoquant intentionnellement certaines images et idées. C’est la base des techniques et stratégies qui ne sont pas seulement utilisés dans le bouddhisme, mais aussi par exemple dans la Programmation Neurolinguistique(qui utilise le terme de « recadrage »), le mindfulness(la pleine conscience), l’Emotional Freedom Techniques(avec ou sans tapotage des soi-disant points d’acupuncture), l’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing), la Constellation de Familles, etc. Peu importe la méthode utilisée, le principe actif est toujours un changement de perception, c’est-à-dire une représentation avec une meilleure adéquation et avec plus de congruence. Effectivement, nous pouvons

toujours trouver un cadre inspirant et motivant (le « empowering » de l’anglais), un cadre qui nous fait grandir et nous remet en pouvoir. Comment alors, pratiquement, manager nos émotions ? Simplement en invoquant, de façon intentionnelle, consciente,certaines images ! Nous suscitons notre angoisse par des images angoissantes. Nous nous mettons en colère en évoquant des images déplaisantes, odieuses. Nous éveillons notre joie par des images plaisantes, de bonheur. Nous ne pouvons, bien sûr, pas éviter que certaines pensées surviennent spontanément en nous. Il peut même s’agir de « pensées indésirées » qui évoquent des émotions désagréables, les soi-disant pensées négatives, mais nous pouvons toujours les transformer en y adjoignant intentionnellement d’autres pensées, plus positives. (Voir plus loin : Embrasser sa peur). En principe, nous pouvons donc à tout instant avoir l’émotion que nous souhaitons. Nous pouvons à chaque instant ressentir même les émotions « plus élevées » telles que l’émerveillement, la gratitude, la compassion et la joie, que le bouddhisme appelle les « émotions élevées ».

La créativitéet le pilotage mentalsont importants et non pas les aléas ou les imprévus du trajet. Quand nous apprenons à gérer une dimension plus élevée de la pensée, c’est à dire nos perceptions, nos jugements, nos images et métaphores, alors nous apprenons également à gérer nos émotions (et nos motivations). Ainsi, notre vie émotionnelle devient limpide. De la sorte, nous devenons émotionnellement adultes et indépendants. Il ne s’agit pas de refouler les émotions, de les contenir ou de les « contrôler », mais bien de la liberté de ne pas subir des émotions contraignantes et de laisser jaillir des émotions enrichissantes. L’intelligence émotionnelle est comme un chef d’orchestre, qui, certes, ne peut pas directement influencer le son des instruments, mais qui, par sa présence et son élan positif, peut conduire l’orchestre à un résultat sonore harmonieux. Dans son livre « Meditations for Wisdom, Balance & Power», Sue Patton Thoele écrit: «Quand nous souffrons ou que nous sommes dans un état de confusion, et que notre esprit s’entête à en découvrir l’origine ou la cause, il est souvent plus salutaire de focaliser nos pensées sur la beauté. […] La mère nature est guérisseuse. Elle nous entoure de beauté qui, quand nous le permettons, peut panser nos plaies et émerveiller nos cœurs. […] Même si nous habitons dans un appartement au milieu d’une grande ville, nous pouvons acheter des fleurs qui vont redresser leurs petites

têtes vers nous, comme pour nous remercier pour l’eau et la nourriture que nous leur donnons.» 35

Quand nous nous concentrons et nous nous ouvrons pour la beauté, quelque chose en nous est touché, quelque chose en nous s’est éveillé, qui fait que nous rentrons en contact avec l’amour et le mystère de notre propre être, qui sont aussi l’amour et le mystère de la vie même. La vraie force et la vraie magie se trouvent dans ce qui est réveillé à l’intérieur de nous, dans une qualité en nous-mêmes. (Voir plus loin : L’amour comme choix)

Quand nous faisons quelque chose pour quelqu’un d’autre, nous devons le faire pour la réponse que cela produit en nous pas pour la réponse que nous espérons obtenir de l’autre, Et la réponse en nous doit être une expérience vraie de qui nous voulons être. Sinon nous ne devons pas le faire.

NEALE DONALD WALSCH

L’art de vivre: examinez vos émotions

Que ressentez-vous maintenant ? Comment dénommer-vous cette émotion ? A quoi cette émotion vous incite-t-elle ? Serait-il raisonnable de faire ce que cette émotion veut que vous fassiez ? Est-ce que cette émotion vous dit: « Oui, je veux » ou dit-elle « Non, je ne veux pas » ? Cette émotion parle de qui ? De vous ? De quelqu’un d’autre ? (La souffrance parle toujours de nous-mêmes. L’amour parle toujours de l’autre.) Est-ce que cette émotion est une réaction adéquate sur des événements réels du présent ou s’agit-il d’une « réaction allergique » comme conséquence d’un événement antérieur ?

35 Sue Patton Thoele. Een Bron van Kracht. Meditaties voor sterke vrouwen. Haarlem: Altamira-Becht, 1995.

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