pas seulement une survie purement biologique, mais elle s’étend aussi en grande partie à une survie sociale, c'est-à-dire à la télécommande et la manipulation des autres, qui vise à la transmission génétique pour la conservation de l’espèce. Nous pourrons alors nous attendre à « découvrir » des émotions qui sont au service de notre survie individuelle, à côté des émotions qui le seront pour notre survie sociale. En effet, les émotions sont les instances exécutives de notre programme évolutionnaire. Elles visent à nous faire faire le nécessaire pour survivre en tant qu’individu et de continuer notre espèce : par exemple en assurant que nous soyons attirés par un ou plusieurs partenaires recevables. Le sentiment agréable que nous y ressentons est une récompense que le programme évolutionnaire a gentiment prévu pour notre bonheur.
Il ne s’agissait pas du bonheur ! Si nous admettons que les émotions s’inscrivent dans un contexte évolutionnaire, alors, aussitôt, nous devons accepter qu’à l’origine elles n’ont pas, dans l’évolution, été développées pour notre bonheur personnel. Comme l’écrivait Schopenhauer « Le bonheur n’était pas l’intention » et il insistait sur le fait que l’homme s’obstine à faire des choses qui ne vont pas forcément le rendre heureux. Bien sûr, il pensait surtout aux relations amoureuses et sexuelles. Beaucoup d’hommes et de femmes ont suivis « leur cœur » et y ont ressenti une joie immédiate, mais sont devenus terriblement malheureux à long terme, comme évoqué ci-dessus dans le film Damage. Ils ont cru suivre leur cœur alors qu’en réalité ils ont été menés par la logique évolutionnaire de leurs émotions. C’est précisément la définition de la tragédie : le malheur qui s’abat sur quelqu’un qui ne voulait que du bien. L’homme est l’animal tragique qui est mu de l’intérieur par des émotions, nées bien longtemps avant qu’il ne soit question de lui, et qui ont leur propre agenda secret. L’évolution faisait déjà son travail bien avant l’apparition de l’homme et elle ne se soucie guère de notre bonheur. Elle fait en sorte que nous nous entêtions de trouver un partenaire pour assurer la procréation, même si c’est tout à fait incertain que cela puisse nous rendre heureux. Que nos émotions soient des mécanismes innés pour manipuler les autres est évident dans le comportement des enfants. Les enfants savent, sans qu’on doive le leur apprendre,