Ce que les gens appellent l’expérience, n’est souvent que des conclusions et des généralisations autobiographiques à propos de certains évènements. En effet, chaque expérience est subjective et sélective. Sur la base d’un très petit nombre d’observations très imparfaites, on arrive souvent à des conclusions d’ordre général concernant les hommes ou la vie. Ce sont des schémas simplistes qui répondent à notre besoin de clarté et de prévisibilité. Tout comme les convictions à propos de sa propre identité, des conclusions à propos de l’expérience, la soi-disant « expertise expérientielle », peut faire preuve d’un entêtement autobiographique. Quelqu’un qui a été mordu par un chien peut, pour le restant de sa vie, garder une peur des chiens. Quelqu’un qui a vécu un malaise dans un avion, peut, pour le restant de sa vie, garder une peur des avions. Une personne qui a été malmené par un homme, peut pour le restant de la vie garder une peur des hommes. C’est le piège de l’expérience. L’expérience est précieuse dans la nature. En effet, dans la nature, où l’homme est né, les choses sont souvent semblables et prévisibles. Si vous avez été pourchassé par un ours ou si vous avez été mordu par un serpent, il est prudent d’assumer que tous les ours peuvent vous pourchasser et que tous les serpents peuvent vous mordre. Ces formes de généralisations favorisent la survie dans la nature. Mais c’est beaucoup moins le cas en société humaine parce que chaque être humain est, en principe, unique. En plus, l’expérience n’éclaire que le passé, pas le présent ou le futur. Mais si on regarde le futur avec les yeux du passé, il y a beaucoup de chances que le futur ressemblera effectivement au passé. Les émotions ou les intuitions peuvent être des sources d’information précieuses, mais ne peuvent pas simplement être considérés comme des préceptes de vérités. Ceci vaut, d’ailleurs, également pour des cognitions dites « rationnelles » car même la science s’est souvent trompée.
L’art de vivre Apprenez à penser plus raisonnablement ! Est-il bien vrai que tous les chiens sont dangereux ? Est-il vrai que tous les hommes sont des violeurs ? Sur quel nombre d’expériences, cette conviction est-elle basée ? Se baser sur l’expérience, c’est admettre que le passé jette son ombre sur le présent et sur le futur.
Lao Tse (604-507 av. J-C) disait : « L’expérience est comme une lanterne qu’on porte dans le dos : elle n’éclaire que le chemin parcouru. » Pour Heidegger, une vie authentique, est une vie qui ne se laisse pas guider par le passé mais qui s’oriente sur le futur.
Formes de la souffrance