L’HUMAIN AU CŒUR DE SA DIVERSITÉ D Beaucoup de gens s’intéressent à l’autisme. Pour certains, c’est un sujet, pour d’autres, une différence (qui fait parfois une addition indéniable), certains vont même considérer à tort que cette condition est un problème. Je vous propose une perspective un peu différente : s’intéresser à ces personnes et à leurs besoins. Car, avant tout, la personne autiste est un être humain qui partage les mêmes besoins que les autres. Dans ce texte, je m’attarde à la sexualité des personnes autistes. SOUPÇONS DE SCIENCE Selon le Mini DSM-5, un des outils de référence diagnostique reconnu, le trouble du spectre de l’autisme (TSA) est un ensemble de déficits persistants de la communication et des interactions sociales observées dans des contextes variés. Le manuel répertorie le TSA comme un trouble neuro-développemental et ne doit pas être confondu avec une déficience intellectuelle qui est une condition distincte et différente. La psychologue et sexologue Isabelle Hénault a étudié la sexualité des personnes Asperger. Asperger qui était autrefois un diagnostic et qui est maintenant considéré comme un profil lié aux troubles du spectre autistique. Selon la chercheuse, une des principales difficultés sexuelles des personnes TSA concerne la théorie de l’esprit, c’està-dire des difficultés avec la réciprocité des sentiments. Donc, ces personnes peuvent être attirées par quelqu’un et ne pas se demander si l’autre ressent la même chose. Ainsi, elles peuvent se dire en couple sans que ce sentiment soit partagé. En matière de séduction, elles peuvent appliquer des normes ou des codes sociaux sans tenir compte du contexte, qu’elles ont souvent de
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la difficulté à saisir. Un autre aspect très important à relever est que les personnes autistes peuvent avoir de la difficulté à lire le non verbal, très présent dans les échanges sexuels. Il est donc difficile pour elles de savoir si leur partenaire est attiré ou non, ce qui peut conduire à des moments de malaise. Il est important que les personnes autistes soit encadrées et conseillées, surtout à la puberté, période où l’estime de soi se construit. Elles peuvent subir plusieurs échecs dans leur tentative de rapprochement avec les autres, ce qui peut affecter leur confiance en elles et leur laisser des regrets quant à leurs relations. Il n’est pas essentiel que leur partenaire soit aussi autiste : il peut être neurotypique, soit une personne sans condition neuropsychologique particulière. LA PERSONNE DERRIÈRE L’AUTISME Si j’ai rencontré la plupart de ces difficultés dans ma vie sexuelle de personne qui vit avec l’autisme, je les ai perçues comme des obstacles surmontables. Ce qui a facilité mes relations est que les gens sont plus éduqués sur le sujet. Pour moi, distinguer la condition de ma personne a fait une grande différence : mon être ne se limite pas à un diagnostic et je possède des qualités comme personne entière. J’avoue néanmoins qu’après mon adolescence, j’avais une estime de moi à reconstruire, mais je crois fermement que chaque expérience, positive et négative, m’a permis d’en savoir toujours un peu plus sur moi et les autres et ainsi a valu la peine d’être vécue.
OSSIER
toucher aux autres et de les regarder dans les yeux. L’expérience m’a appris que ce sont des traits qui se travaillent et qu’un obstacle n’est pas une limite. De plus, il ne faut pas avoir peur d’être jugé. La majorité de mes partenaires ont accepté cet aspect de ma personne. Je concède qu’il peut être difficile d’en informer l’autre, mais que c’est essentiel : on évite ainsi les jugements et favorise la confiance mutuelle. Cependant, il est important de prendre le temps de connaître la personne et de s’assurer de ses sentiments. Une fois qu’on est certain de ce que l’autre éprouve, on peut parler du type de relation que l’on désire. Ma neurodivergence ne m’a jamais empêché de plaire. J’ai même rencontré des gens qui aimaient cette condition avec laquelle je vis, ce qui a contribué positivement à mon estime en tant qu’adulte. Enfin, j’aimerais rappeler qu’en cas de refus de l’autre, il ne faut pas d’emblée l’associer à l’autisme. Il est possible que ce soit la personnalité qui ne corresponde pas aux critères de la personne visée ou encore qu’on ne partage pas la même vision du couple ou de la sexualité. D’autres explications sont aussi probables. En définitive, il est important de se rappeler que l’autisme n’est pas un frein à une vie sexuelle épanouie, mais que d’être bien encadré fait une différence indéniable. Si vous êtes concerné par cette condition, je vous encourage à faire des expériences… et surtout à ne jamais perdre espoir. KARL-LAYLA LAPOINTE
À l’âge adulte, je rencontre encore certaines difficultés, notamment de LA QUÊTE
FÉVRIER 2020