
3 minute read
Des droits bafoués?
La Charte québécoise des droits et libertés de la personne garantit la protection contre la discrimination des personnes handicapées, et notamment des propriétaires de chiens de service. Mais certains établissements ou services publics sont encore réticents à permettre l’accès aux chiens-guides de personnes non voyantes.
Depuis 1981, la Fondation Mira offre au Québec des chiens-guides et des chiens d’assistance certifiés pour pallier plusieurs handicaps. La Quête a rencontré l’avocate de la Fondation, Mme Mélanie Valiquette, qui explique que les services publics de compétence provinciale au Québec sont assujettis à l’article 10 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. « C’est la Charte qui prime au Québec; toutes les lois qui sont adoptées doivent respecter la Charte, sauf si les proportions pour accommoder une personne deviennent déraisonnables », précise-t-elle.
Advertisement
Avant, les chiens Mira portaient un foulard, bleu ou rouge, qui permettait de bien les identifier et d’éviter toute confusion. Maintenant, pour prouver leurs droits, les propriétaires de chiens affiliés à Mira sont munis d’une carte qui certifie qu’ils sont propriétaires d’un chien-guide. À l’endos de la carte, on peut y lire un extrait de la Charte qui garantit les droits des propriétaires de ces types de chiens.
TÉMOIGNER POUR SENSIBILISER
La Quête a rencontré Steve Fortin et Jean-Michel Bernier, tous deux propriétaires de chiens-guides, qui ont vécu plusieurs situations où l’acceptation de leur chien a été remise en cause.
M. Fortin et M. Bernier ont tous les deux déjà été forcés de montrer une preuve d’authenticité de leur chien-guide à l’embarquement d’un autobus, alors que leurs chiens étaient munis d’un harnais identifié Mira. Ils ont aussi vécu plusieurs situations de rejet avec des taxis ou des transports adaptés. Les chauffeurs récalcitrants peuvent alors faire l’objet de plaintes à la Commission des transports de Québec. M. Fortin a déjà formulé de telles plaintes par le passé.
M. Fortin a aussi eu des difficultés pour l’accès au logement, où de nombreux propriétaires ne voulaient rien savoir d’un chien-guide. M. Fortin a alors abandonné les procédures rapidement, ne voulant pas se battre avec la Régie du logement.
Même si certains cas moins sévères sont susceptibles de se régler verbalement sur les lieux mêmes, les litiges entre les deux parties peuvent mener à des plaintes auprès de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. C’est ce que M. Fortin a fait en 2018, quand son employeur a décidé de le licencier après un mois de travail, alors que plusieurs personnes se plaignaient d’être allergiques à son chien. Mais selon la Charte, les phobies et les allergies ne font pas partie de ces motifs légitimant l’interdiction du chien. Depuis 2014, on recense d’ailleurs plus d’une centaine de dossiers ouverts concernant les chiens-guides ou des chiens d’assistance, majoritairement en raison du refus de leur présence.
Toutefois, Mme Valiquette soutient que tous les cas de discrimination ne mènent pas à une plainte formelle, le processus, qui peut s’échelonner sur une période de deux ans, étant assez « dissuasif pour les plaignants ». Les étapes sont nombreuses avant d’aboutir à un résultat significatif, de sorte que plusieurs décident de ne pas se battre contre la discrimination dont ils ont été victimes.
SAISIR PAR L’IMAGE
À la suite de plaintes de la part de ses bénéficiaires, la Fondation Mira a récemment lancé des publicités-chocs pour sensibiliser la population sur le droit aux chiens d’assistance d’avoir accès librement aux commerces québécois en compagnie de leur maître. « On vise à saisir et à avoir un impact sur ceux qui vont se lever pour appuyer les démarches des bénéficiaires dans des situations de refus qu’ils vivent », espère Mme Valiquette.
Les deux hommes rencontrés par La Quête espèrent que la campagne publicitaire permettra d’accroître les connaissances des citoyens québécois sur les droits des propriétaires de chiens. Ils estiment en effet avoir souvent fait face à des gens qui ne connaissaient pas les lois qui régissent leurs droits et où cette ignorance a mené à des malentendus, voire des conflits.
ISAURE PATAT
Manoush, le chien Mira de Steve Fortin, et Tempête, le chien Mira de Jean-Michel Bernier. © Isaure Patat

Chaque propriétaire d’un chien d’assistance Mira détient une carte prouvant l’authentification de leur chien. © Isaure Patat