Le temps des Fêtes appelle à la solidarité et la bienveillance.
Notre communauté peut se permettre de voir grand parce qu’elle est tissée serrée et fait preuve d’ouverture et de respect.
Poursuivons sur cette voie pour bâtir la ville que nous souhaitons: une ville où chaque personne trouve sa place et s’épanouit.
Je vous souhaite de belles Fêtes et une nouvelle année remplie de promesses.
Bruno Marchand
Le maire de Québec
Humour
09 Un tremplin vers les planches ?
10 Faire rire dans tous les genres !
11 En amour avec l’humour
12 Un milieu en effervescence
POUR LE PLAISIR
16 Le jeu de La Quête
18 Essayons le rire
19 Diagnostic
20 Le pensionnat
22 Le diable à la danse
24 Karl Tremblay
25 La résistance sur deux roues
26 Hiver du pavé
26 Noël
27 Précarité urinaire
08 Mourir de rire
14 De l’humour pour survivre
15 « J’la comprends pas ! »
17 L’humour selon Philippe
30 Homo homini lupus est
Photo : Photo Juliette Deshayes
Photo : Flickr
RÉALISER L’ESPOIR
L’Archipel d’Entraide, organisme à but non lucratif, vient en aide à des personnes qui, à un moment donné de leur existence, sont exclues du marché du travail ou vivent en marge de la société. Ces laissés pour compte cumulent différentes problématiques : santé mentale, itinérance, toxicomanie, pauvreté, etc. Dans la foulée des moyens mis en place pour améliorer le sort des plus défavorisés, l’Archipel d’Entraide lance, en 1995, le magazine de rue La Quête. Par définition, un journal de rue est destiné à la vente – sur la rue ! – par des personnes en difficulté, notamment des sans-abri. La Quête permet ainsi aux camelots de reprendre confiance en leurs capacités, de réaliser qu’à titre de travailleurs autonomes ils peuvent assumer des responsabilités, améliorer leur quotidien, socialiser, bref, reprendre un certain pouvoir sur leur vie.
L’Archipel d’Entraide, composée d’une équipe d’intervenants expérimentés, offre également des services d’accompagnement communautaire et d’hébergement de dépannage et de soutien dans la recherche d’un logement par le biais de son service Accroche-Toit.
Depuis sa création, La Quête a redonné l’espoir à quelques centaines de camelots. SUIVEZ-NOUS
UNE TRIBUNE POUR TOUS
Envie de faire connaître votre opinion, de partager vos poésies, de témoigner de votre vécu ? Nos pages vous sont grandes ouvertes. Envoyez-nous vos textes par courriel, par la poste ou même, venez nous les dicter directement à nos bureaux.
Faites-nous parvenir votre texte (500 mots maximum) avant le 1er du mois pour parution dans l’édition suivante. La thématique de mars : Nos p’tites bêtes.
FAIRE DES SOUS EN DEVENANT CAMELOT
Les camelots font 2 $ de profit sur chaque exemplaire vendu. Autonomes, ils travaillent selon leur propre horaire et dans leur quartier.
Pour plus d’informations, communiquez avec Francine Chatigny au 418 649-9145 poste 109
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Illustration : Marie Langlois
Conception graphique : Helen Samson
ÉDITEUR
Archipel d’Entraide
ÉDITEUR PARRAIN
Claude Cossette
RÉDACTRICE EN CHEF
Francine Chatigny
DIRECTRICE DE L’INFORMATION
Valérie Gaudreau
SECRÉTAIRE DE RÉDACTION
Isabelle Noël
CHRONIQUEUR.SE.S
Philippe Bouchard, Maurane Bourgouin, Martine Corrivault, Claude Cossette et Marc Émile Vigneault
JOURNALISTES
Juliette Deshayes, Valérie Gaudreau, Gabrielle Pichette et Geneviève Turcotte
AUTEUR.E.S
Michel Bisson, Michel Brisson, Gaétan Duval, Christiane Foisy, Frankius, François Gagnon, Armand Labbé, Martine Lacroix et Michel Potvin
AUTEUR DU JEU
Lise Gravel et Jacques Carl Morin
ILLUSTRATEUR.RICE
Bherg et Benoit Gingras
RÉVISEUR.ES
Francine Chatigny et Marie-Hélène Gélinas (http ://www.plumeplume.net)
INFOGRAPHISTE
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Chères lectrices, chers lecteurs,
LA PAGE DES CAMELOTS
REGAIN
Je me présente : Stéphane Maheu, 58 ans, plus de dents, plus de cheveux ! Ben non, ce n’est pas de cela que je veux vous parler.
Sérieusement, je suis un ancien tannant, tannant qui souffre de toxicomanie et d’alcoolisme et qui a fini crackhead. Mes dernières années dans la rue, sur l’asphalte ont été les plus tough et souffrantes à vivre. Je ne peux pas tout vous exprimer par écrit, je ne trouve pas les mots : c’est pas croyable tout ce que j’ai vu et vécu. Après, veut, veut pas, tu développes des sens, des comportements que jamais t’aurais pensé avoir… tu te déshumanises parce que tu vis en état d’alerte permanent. (Code rouge !)
Jamais je n’aurais pensé que l’être humain pouvait aller aussi bas et honteusement agir de la sorte dans ce monde 2024. Je raconte à ceux qui veulent l’entendre, que trois fois, j’ai vu de mes yeux et assisté à la mort par overdose de trois personnes, à cause au criss de fentanyl. (Hi! boy boy !, c’est pas fort votre ostie de mélange mortel).
Monsieur meurt, tombe par terre. Nous, une bonne quinzaine de personnes, on continue à jaser, comme si de rien n’était. What the fuck ! Bon là, ce n’est pas fini : un, deux, trois, quatre, cinq gars s’avancent, comme des hyènes et — j’en crois pas mes yeux, je peux pas croire ce qui est en train de se passer —, ils tournent en rond autour du pauvre monsieur décédé, et par respect (!), ils discutent entre eux et décident d’attendre qu’il soit vraiment d’un bleu foncé… à un moment donné, le leader des hyènes crie GO ! Et là, ils dépouillent le mort de tout ce qu’il a. La dépouille finit toute croche, presque nue et abandonnée là.
Et nous, eux, moi… tabar, on continue à vivre comme si rien ne s’était passé. Je pourrais vous en conter des heures et des heures, j’ai passé cinq années dans ce monde qui est un autre monde. Il faut le voir, pour le croire.
OK, faque-là tu as deux choix, soit que tu fais caca dans l’eau et que tu regardes ton caca flotter toute la journée, jour après jour, et pour plusieurs, malheureusement ça devient leur tombe OU heureusement que tu t’assumes, te relèves et profites de toutes les ressources qu’on a à notre disposition et tu changes ta vie pour que ta vie change. Tu persévères et cognes aux portes des ressources sans te décourager dans ton découragement. Tu restes positif et déterminé.
Et arrive un jour la rencontre avec Nicolas. Il ne le sait pas, mais il a été un point tournant à un moment de ma vie où je ne croyais plus à rien… Un grand Fuck the World. Il m’a sécurisé, calmé, compris… j’ai senti son énergie, qu’il me comprenait et qu’il m’aiderait. Ça m’a redonné de l’espoir et un regain de vivre avec confiance. En plus, j’ai la chance de l’avoir pour intervenant et mon guide. J’en suis très reconnaissant. Je suis touché et souvent ému par son travail. Merci pour tout Nicolas.
STÉPHANE
CAMELOT LIMOILOU
P.S. : Jessika Maheu, ma chérie ! Papa est là, tu peux reprendre ta place de fille. Merci d’avoir été une maman pour moi. Ton père, je t’adore.
Photo :La Quête
LA PAGE DES CAMELOTS
SE RENCONTRER DANS LA SOCIÉTÉ D’AUJOURD’HUI
Bonjour à tous les jeunes adultes de 18 à 35 ans.
Dans le temps de nos parents et de nos grands-parents, dans le monde, dans toutes les villes, il y avait plus de lieux de rencontre en face-à-face : tavernes, bars, marchés aux puces, salles de quilles, plus de salles de bingo, plus de chaînes de restaurant, plus de tabagies, des églises, etc. Aujourd’hui, ces lieux de rencontre ont été transférés vers Internet et sur les réseaux sociaux : Facebook, Instagram, Snapchat, YouTube et TikTok.
Personnellement, je crois qu’on devrait retourner à ces anciennes manières de rencontrer les gens. Elles avaient des avantages que les réseaux sociaux n’offrent pas. D’abord, quand on voit la personne, on est sûr de parler à la bonne personne. La personne ne peut pas se faire passer pour quelqu’un d’autre. On peut apprendre à connaître des personnes à 100 %, mais aussi de faire de belles rencontres spontanées, comme avec certains de mes chers clients. En face-à-face, on peut voir si le courant passe avec l’autre, si le « feeling » est bon.
lées ne sont pas heureuses, peuvent se cacher parce qu’elles craignent de faire rire de soi. C’est dommage pour elles, parce que c’est le fun de sortir, de se promener et de découvrir de nouvelles places. J’encourage toute la population à sortir de chez eux.
Aujourd’hui, avec le commerce en ligne, on va moins dans les magasins. Les personnes peuvent commander plusieurs objets : une cafetière Keurig, des vêtements, des sacs à dos, des drogues, de la nourriture, des divans, etc. Ce n’est pas une bonne chose, parce que le monde se cache et attend que le livreur sonne. Pour les personnes qui commandent des choses illégales, comme de la drogue ou des armes à feu, elles se cachent de la police. Pour les autres, peut-être que c’est pour gagner du temps, on a juste cent ans à vivre. Le commerce en ligne enlève de l’emploi aux gens qui travaillent dans les boutiques, dans les bars, dans les tavernes, dans les cinémas, etc.
Quand on se rencontre à travers une activité, il y a plus de chances que l’on développe une amitié. Par exemple, lorsque je vais à mon salon de quilles, je retrouve toujours les mêmes personnes. Certaines personnes me connaissent par mon prénom et me saluent. Ça me fait plaisir lorsque les gens me reconnaissent et me saluent.
Les rencontres en face-à-face permettent de sortir de chez soi et de briser l’isolement. Les personnes iso-
Les réseaux sociaux et le commerce en ligne empêchent des rencontres et nous isolent de reste du monde. Ce serait mieux de faire des activités en groupe, plutôt que des activités individuelles. En ce temps des fêtes, je souhaite à tous mes clients de sortir de chez eux et de rencontrer ceux qu’ils aiment. Je souhaite un joyeux Noël à toute la population !
SÉBASTIEN
CAMELOT BOUL. RENÉ-LÉVESQUE
Photo :La Quête
HUMOUR
« C’est pas parce qu’on rit que c’est drôle ! » Le dicton dit tout : l’humour reflète nos travers individuels et nos failles collectives dans un miroir grossissant et désopilant. Pas de doute que l’actualité locale (itinérance en augmentation, crise du loyer non gérée, pauvreté qui gagne du terrain, etc.), nationale et internationale (les exemples pleuvent) a de quoi nourrir l’imaginaire des humoristes et satisfaire le public friand de cette forme d’art sur laquelle l’équipe de La Quête a tourné son attention dans cette édition.
Comment se lance-t-on dans une carrière d’humoriste. Les réseaux sociaux sont-ils devenus le véritable tremplin ? Juliette Deshayes en a discuté avec trois jeunes humoristes de la relève.
À une certaine époque, les femmes qui écrivaient des textes humoristiques devaient se camoufler derrière un pseudonyme, comme le révèle le tout récent Sans blague ! Anthologie de l’humour des femmes publié chez Somme Toute. Puis, quelques audacieuses, comme La Poune et Clémence se sont lancées dans le stand-up, mais les hommes sont longtemps restés majoritaires dans cet univers. Cependant, au cours des dernières années, le nombre de femmes humoristes a littéralement explosé. Non seulement elles sont plus nombreuses, mais aussi plus incisives et inclusives. Gabrielle Pichette s’est entretenue avec Anne-Sarah Charbonneau à ce sujet.
Valérie Gaudreau n’a pas pu résister à la tentation d’écrire son amour pour l’humour. Dans un billet bien senti, elle révèle à quel point elle admire ces artistes de la scène, principalement les stand-up, qui n’ont qu’eux-mêmes et leurs mots pour réussir à nous séduire et nous divertir.
En dehors des grands noms et des grandes scènes, la capitale de Québec a la chance de compter de petites salles qui offrent une belle variété d’artistes de la relève. Geneviève Turcotte a fait une virée dans ces salles et nous rapportent tous les avantages, tant pour le public que les artistes, qui en découlent.
Pour le plaisir !
Pour certains, la période des Fêtes ravive souvenirs et douce nostalgie. Michel Bisson avec Le Pensionnat et Armand Labbé avec Le diable à la danse nous replonge dans le temps… avec deux expériences très différentes.
Dans sa chronique, Philippe Bouchard affirme qu’un « journal qui se respecte doit avoir un caricaturiste ». La Quête serait ravie d’accueillir un dessinateur qui ferait sourire — ou grincer des dents — nos lecteurs ! Intéressé.e ?
Bonne lecture,
ON VEUT VOTRE AVIS !
Au cours des derniers mois, on a reçu des textes qui dépassent les bornes… qu’on s’est nous-mêmes fixées ! Non dénués d’intérêt, ces écrits peuvent choquer par leur propos provocateur, leur vulgarité « gratuite », leurs allégeances, etc. Alors, on se trouve face à un dilemme : priver des citoyens de leur droit de s’exprimer ou priver les camelots de La Quête de certaines ventes, puisque les personnes offusquées risquent de ne pas acheter le magazine à nouveau. Nous sommes à la recherche de solutions. Créer un blog, les envoyer par courriel aux initiés, ou …
FRANCINE CHATIGNY
Cossette
François Rabelais, curé anticlérical et médecin bon vivant, amateur de parodie et de satire, a déclaré :
« Le rire est le propre de l’homme. » Le philosophe pense donc que le rire est une caractéristique spécifique à l’être humain. Nous serions le seul animal à savoir rire, capable de rire de soi.
L’HUMOUR ET SES VISAGES
L’humour est cette aptitude à provoquer le sourire ou le rire chez les autres. La technique consiste à jouer avec le langage, à manipuler les situations, souvent à les rendre absurdes. L’humour comprend une diversité de genres, mais dans l’ensemble, il s’agit d’une forme de communication qui joue sur la surprise, le contraste, l’exagération et l’inconvenance. L’humour est aussi un moyen qui permet d’éviter la confrontation, de critiquer les mœurs et de dénoncer les abus.
On distingue plusieurs types d’humour ; chacun jouant sur des mécanismes différents. On peut citer :
• Le burlesque : un humour populaire qui se caractérise par des gags physiques et des personnages ridicules (Les Denis Drolet ou Dominic et Martin).
• L’humour de situation, le sitcom : les personnages réagissent de manière inattendue ou décalée par rapport à la situation (La p’tite vie, Les beaux malaises).
• Le stand-up, un des genres les plus appréciés actuellement au Québec : un humour d’observation, parfois satirique, parfois absurde, qui se fonde sur la capacité à mettre en lumière des aspects ordinaires de la vie quotidienne (Yvon Deschamps, Louis-José Houde ou Mariana Mazza). • L’humour noir : il traite de sujets sérieux comme la mort ou la maladie, mais d’une manière cynique, cherchant à déstabiliser pour déclencher la réflexion (Pierre Légaré évoquant l’absurdité de la vie humaine).
L’HUMOUR DANS L’HISTOIRE
L’humour a une histoire qui remonte à l’Antiquité : dans ses pièces de théâtre, Aristophane utilise la satire pour critiquer les mœurs politiques de son temps. Du Moyen Âge, on connaît l’écrit satirique, les fabliaux et les carnavals où le Roi devient le Fou et vice-versa. À la Renaissance, c’est la comédie de mœurs qui prend de l’importance comme dans Le Misanthrope ou Tartuffe de Molière. Puis la palette des genres s’élargit quand on pense au stand-up, au dessin d’humour, au sitcom et autres folies diffusées désormais en ligne.
MOURIR DE RIRE
L’humour est aujourd’hui un sujet d’étude sérieux, si bien que les Québécois ont même fondé une École nationale de l’humour (!). Les scientifiques s’intéressent aux mécanismes de l’humour, ainsi qu’à leur impact sur les individus et sur la société. Des chercheurs en psychologie, en sociologie, et plus récemment en médecine, ont étudié l’humour comme outil d’expression, de communication, de résistance sociale et même de thérapie. Ainsi le théologien John Morreall explique dans Comic Relief que l’humour permet de prendre du recul dans les contextes sociaux tendus. Dans Le rire, le philosophe Henri Bergson soutient que le rire s’adresse à l’intelligence plutôt qu’aux émotions, qu’il sert à pointer les comportements inadaptés. Le linguiste Salvatore Attardo souligne que la langue et la culture marquent le type d’humour (l’humour pincesans-rire des Britanniques est bien connu).
L’HUMOUR EN SOCIÉTÉ
En tant que miroir de la société, l’humour joue un rôle majeur. Il permet de poser un regard sur les dysfonctionnements sociaux, de les dénoncer sans violence, de favoriser la réflexion chez ceux qui en sont témoins, et même de provoquer des changements en sensibilisant l’opinion publique. Dans les régimes autoritaires, l’humour est interdit ou censuré, car il est souvent un outil de contestation. Dans sa diversité de genres et selon les contextes, l’humour offre à ses acteurs un espace de liberté en même temps qu’il leur donne un scalpel pour exposer les lacunes de leur société. Il offre également aux personnes qui le maîtrisent, la possibilité de s’élever au-dessus des difficultés de la vie.
L’humour permet d’interagir avec le monde d’une manière qui distingue l’être humain des autres espèces. Le rire n’est pas simplement une réaction physique et émotionnelle, mais une manière culturelle et intellectuelle de comprendre le monde et de s’exprimer. Mais l’humour exige de l’intelligence pour maîtriser le moment, le ton, la force, la vitesse, le rythme… un doigté que tous n’ont pas.
Qu’est-ce que l’humour ? Notre philosophe-humoriste national Yvon Deschamps déclare dans un grand rire : « L’humour, c’est une manière de faire passer des vérités dures à avaler. »
CLAUDE COSSETTE
TIKTOK, INSTAGRAM ET CIE UN TREMPLIN VERS LES PLANCHES ?
Les réseaux sociaux prennent une importance croissante dans le milieu de l’humour. Des vidéos de sketches et de stand-up inondent TikTok, Instagram ou Facebook, offrant aux artistes une visibilité rapide, parfois même, sans passer par la scène. Ces plateformes sont aussi devenues un outil promotionnel incontournable pour les humoristes comme Evelyne Roy-Mogat, Lucas Boucher et Nicolas Audet. Ils soulignent la difficulté de jongler entre ces deux mondes qui requièrent des compétences bien différentes.
L’avènement des réseaux sociaux apporte une nouvelle dimension au métier d’humoriste. Ces plateformes offrent aux artistes plus de liberté créative. Au début d’une carrière, elles permettent de tester, d’échouer et de progresser plus facilement et rapidement que sur scène parfois. « Mes numéros, je les teste sur TikTok avant. Pour écrire mes numéros, je teste mon idée, je raconte mon anecdote sur TikTok et de par les commentaires, je vois qu’est-ce qui fait rire le monde. En le faisant sur scène après, c’est comme si je l’avais déjà fait une fois », explique Evelyne Roy-Mogat, une jeune humoriste franco-ontarienne de la relève.
UN OUTIL NÉCESSAIRE POUR SE FAIRE CONNAÎTRE DU PUBLIC
Les réseaux sociaux permettent aux nouveaux artistes de se faire connaître sans passer par la scène, offrant ainsi un moyen plus efficace de toucher leur public. « Ça permet de rejoindre du monde qui ne pourrait pas venir au show », explique Evelyne. Suivie majoritairement par des Ontariens, elle atteint aussi des personnes vivant dans des petites villes difficiles d’accès. Evelyne ajoute qu’elle est suivie par des Français et des Brésiliens, soulignant ainsi l’impact international des réseaux sociaux dès le début de carrière.
Les réseaux sociaux sont désormais un outil promotionnel incontournable pour les humoristes. « Les gérants, les producteurs, les radios et les télés ne t’engagent plus si t’as pas des bons réseaux sociaux », affirme Nicolas Audet, diplômé de l’École nationale de l’humour en 2015.
Lucas Boucher, humoriste de 24 ans, dans le métier depuis sept ans, confirme que les producteurs veulent attirer un large public, favorisant les artistes populaires en ligne. Certains humoristes débutant sur les réseaux sociaux se construisent une audience si importante qu’ils surpassent les artistes de scène, notamment en ventes de billets. « Il y en a de plus en plus des artistes qui viennent que des réseaux sociaux. Ces gens-là ont une longueur d’avance parce qu’il y a déjà des gens qui les suivent et veulent acheter leurs billets. Mais c’est à double tranchant, parce que la scène, c’est un métier différent. Si tu te plantes, tu te plantes devant beaucoup de monde », souligne Evelyne Roy-Mogat.
DEUX MÉTIERS TRÈS DIFFÉRENTS
Malgré leurs avantages, les réseaux sociaux sont un outil complexe à maîtriser. Beaucoup d’humoristes réussissant en ligne ne retrouvent
pas toujours ce succès sur scène, et inversement. Nicolas Audet explique qu’il existe, selon lui, une différence entre la personnalité d’un artiste sur scène et celle qu’il montre sur les réseaux sociaux.
De plus en plus d’humoristes choisissent les réseaux sociaux pour apprendre leur métier. Nicolas Audet souligne qu’avant leur montée, presque 100 % des humoristes étaient issus des écoles d’humour, contre environ 30 % aujourd’hui. Lucas Boucher ajoute que cette baisse s’explique en partie par les réseaux sociaux, mais aussi par les bars, où les humoristes testent leurs sketches et gagnent en visibilité et en revenus. Ce circuit permet également aux artistes de se faire un nom sans passer par les formations traditionnelles.
Les réseaux sociaux offrent aux humoristes débutants une audience plus large, augmentant leurs chances d’être repérés par des producteurs et de se faire un nom rapidement. Cependant, il est crucial de distinguer l’humour sur scène de celui sur les réseaux sociaux, car ces deux environnements nécessitent des compétences différentes. Le succès en ligne ne garantit pas forcément un talent équivalent sur scène, et inversement.
JULIETTE DESHAYES
Photo : Juliette Deshayes/La Quête. @evelyne.r.m
Nicolas Audet, lors d’un micro-ouvert au bar Ninkasi dans le Vieux-Québec
FAIRE RIRE DANS TOUS LES GENRES !
L’humour a longtemps été un terrain de jeu dominé par les hommes. Défiant les stéréotypes et redéfinissant les codes, les femmes ont progressivement trouvé leur voix dans ce milieu comique. Un milieu où l’inclusivité n’est pas encore complètement adoptée, malgré les avancées.
Adepte de comédie musicale et du monde de la scène, Anne-Sarah Charbonneau a décidé de s’inscrire à l’École nationale de l’humour sur un coup de tête. Une décision qui, selon elle, aura été la bonne. En 2021, elle gradue et peut enfin débuter sa réelle quête : rendre l’humour accessible.
« Un défi que j’ai depuis ma sortie de l’école c’est de rendre mes numéros le plus accessibles possible », explique l’humoriste.
Depuis, Anne-Sarah fait le plus de scène possible. Elle a créé le Womansplaining Show avec sa collègue Noémie Leduc-Roy et anime son balado, Pas peu fières aux côtés de son amie Florence Nadeau. Deux projets mettant les femmes de l’avant.
« DÉTRUIRE LE PATRIARCAT
UNE BLAGUE À LA FOIS ! »
La cohorte de 2019 à l’École nationale de l’humour, dont Anne-Sarah faisait partie, ne comportait que deux femmes sur les 15 membres du groupe. Une réalité qui n’a pas tardé à se faire sentir. Souvent, la programmation des soirées d’humour organisées par l’école ne comptait qu’une femme par soir. « Il y avait une partie de moi qui trouvait ça plate parce qu’on ne se rencontrait pas entre filles ou personnes de la diversité sexuelle et de genre », se désole l’humoriste.
En 2021, à sa sortie des bancs d’école, Anne-Sarah et sa collègue
Noémie Leduc-Roy ont donc créé le Womansplaining Show. Un
spectacle constitué uniquement de femmes et de personnes de la diversité sexuelle et de genre « On s’est rejoint dans nos valeurs féministes et on voulait faire un projet en lien avec ça », poursuit Anne-Sarah.
« On avait beaucoup d’amis qui nous disaient qu’ils n’aimaient pas les shows d’humour, parce que […] des fois, ils tombaient sur des choses un peu sexistes, un peu homophobes et des fois racistes. »
Elle a donc créé un « rassemblement entre féministes ».
Le Womansplaining Show a vu le jour lors du festival le Zoofest de Montréal en 2021, avant de partir en tournée dans plusieurs régions du Québec. Il a même gagné le prix Coup de cœur du public de cet événement.
L’ENTRAIDE D’ABORD
Depuis son arrivée dans le monde de l’humour, Anne-Sarah voit un certain changement dans la relation entre les femmes du milieu. Puisqu’il y avait une minorité de femmes, une certaine animosité et compétition étaient présentes auparavant.Maintenant, un climat d’entraide et d’amitié serait mis de l’avant. « Je ressens beaucoup d’entraide, il y a beaucoup de projets qui se font entre femmes. »
Selon l’humoriste, l’augmentation du nombre de femmes en humour permet également une pluralité des vécus. Elles pourraient donc s’inspirer et s’épauler entre elles.
« L’HUMOUR ENGAGÉ »
Le style d’humour d’Anne-Sarah est souvent décrit comme un « humour engagé ». Pour elle, ça serait plus complexe que ça. En puisant dans ses traumatismes et défis d’enfance, l’humoriste caractérise son humour comme « empathique envers [elle]-même et les autres ».
Elle aborde également son cheminement envers l’acceptation de soi, sa « queerness », son malaise par rapport à son corps et sa relation avec sa famille.
Pour la suite, elle souhaite rester accessible à tous et, peut-être, créer un nouveau spectacle encore plus gros que ce qu’elle a déjà fait.
Anne-Sarah Charbonneau souhaite lancer un message aux femmes qui souhaitent percer en humour dans les prochaines années. « Restez vous-mêmes et travaillez avec des personnes de confiance ».
GABRIELLE PICHETTE
Photo de Ariane Famelart
Anne-Sarah Charbonneau dans Le Womansplaining Show
EN AMOUR AVEC L’HUMOUR
BILLET/ Ceux et celles qui ont comme métier de faire rire m’ont toujours profondément fasciné. Et je dirais plus que jamais tant l’humour au Québec connaît un formidable essor.
Arnaud Soly, Mégan Brouillard, Jay Laliberté, Mariana Mazza, Pierre-Yves Roy-Desmarais, Mathieu Dufour, Katherine Levac, Virginie Fortin, la drag queen Mona de Grenoble, Adib Alkhalidey. Autant de noms qui n’étaient pas dans le décor il y a quelques années à peine.
Chacun à leur manière, avec leur style et leurs thèmes, ils façonnent cette industrie. Car oui, l’humour est toute une industrie. Elle est lucrative et omniprésente. Le nombre de spectacles d’humour au Québec a bondi de 144 % en entre 2004 et 2022, passant de 1898 à 4665, révélait La Presse en février 2024. On est loin des quelques têtes d’affiche, très majoritairement masculines, qui dominaient il y a 20 ans.
Je contribue à cette industrie en allant voir beaucoup de spectacles. J’aime cette communion de rires collectifs, j’aime voir les nouveaux talents roder un numéro dans une petite salle autant que Louis-José Houde triompher devant des milliers de personnes.
Plus que tout, je m’incline devant le courage de ces artistes qui, armés d’un simple micro, donnent tout avec le vertige que l’obligation de faire rire amène.
L’humour, le stand-up surtout, est la forme d’art la plus dénudée, la plus brute. La réaction est instantanée : quand ça marche, la magie opère. Quand une blague tombe à plat, le verdict est implacable. Il faut se relever, continuer, garder le rythme. Le tout devant un public de plus en plus avisé, qui ne laisse plus passer de temps morts ou de jokes plattes.
À L’IMAGE DE LA SOCIÉTÉ
Comme tous les secteurs, l’humour évolue. Les ondes de choc qui ont frappé le milieu ces dernières années, notamment sur la présence des femmes ou les blagues douteuses qui ne passent plus, ont forgé une génération de nouvelles voix salvatrices. Je pense notamment à de jeunes humoristes féministes, engagées. À de jeunes hommes qui redéfinissent les codes de la masculinité apportant une certaine vulnérabilité comme Jay Du Temple. De plus en plus, l’humour se fait intelligent, rassembleur, permet une réflexion sur la société. Il montre aussi qu’une certaine bienveillance n’enlève rien au potentiel humoristique.
J’ai récemment été éblouie par le spectacle Chiendent de Mégan Brouillard. Voir cette jeune femme de 25 ans naviguer dans les thèmes de la famille, des
classes sociales avec une belle maturité force l’admiration. Un nom à surveiller.
Les réseaux sociaux sont aussi un formidable laboratoire pour la relève. Les balados, nombreux, permettent souvent d’entendre les humoristes parler de leur démarche. Et de constater que l’humour, c’est du travail.
J’aime observer combien ces nouveaux moyens de diffusion permettent la découverte de nouvelles voix, nous amènent parfois aux balbutiements d’une idée qui sera transposée sur scène. Ou pas. Car la compétition est féroce et malgré la vitalité de l’industrie, il y a plus d’appelés que d’élus.
Raison de plus pour ouvrir ses horizons à la découverte de nouveaux talents. Le talent de faire rire. Non mais, c’est pas banal pareil, comme job
VALÉRIE GAUDREAU
Crédit : Andréanne Gauthier, photo tirée du site meganbrouillard.com
Mégan Brouillard
LES PETITES SALLES À QUÉBEC UN MILIEU EN EFFERVESCENCE
À Québec, les occasions de rire ne manquent pas et le public est au rendez-vous. Au ComediHa ! Club, situé à la Pyramide de Sainte-Foy, les 150 places sont occupées lors du passage de La Quête, un vendredi soir d’automne. Dans l’assistance se retrouvent des couples, des amis et même un groupe d’une trentaine de collègues de bureau réunis pour passer un bon moment.
Tour à tour, Lauriane Lalonde, Lucas Boucher, Jay Laliberté et Christophe Dupéré se succèdent sur scène pour des numéros de 10 à 15 minutes, entrecoupés de passages de l’animateur de la soirée, Alex Lapointe.
Ce dernier fait rire le public avec ses propres histoires et met la table pour ses invités. Rencontré après le spectacle en compagnie de ses collaborateurs, il explique que ces soirées sont une occasion de développer une complicité entre humoristes. Ils partagent des conseils et
échangent sur le métier. « Ça tisse des liens, lance l’animateur. C’est vrai qu’il y a de la compétition, mais on est une grande famille. »
Le groupe explique que l’offre du ComediHa ! Club est complémentaire à celles des grandes salles de la ville, comme Albert-Rousseau et le Grand Théâtre. Elle rend l’expérience accessible tant pour le public, grâce au bas prix des billets, que pour les humoristes qui construisent peu à peu leur spectacle. « C’est important des salles comme ça avec une programmation solide, lance Christophe Dupéré. Ça donne le goût de venir à Québec. »
Du côté du Ninkasi Comédie Club, la formule des Jeudis stand-up est semblable. La salle est plus petite, mais tout aussi bondée lors du spectacle auquel assiste La Quête Selon l’animateur Jean-Philippe Guay, les deux lieux ne se nuisent pas, car ils attirent des clientèles
différentes. Autant les humoristes que le public en ressortent gagnants. « Ça aide la région à avoir de plus belles soirées pour le public et pour les humoristes, plus d’occasions de travailler », ajoute-t-il.
CONTRIBUER AU DYNAMISME DE L’INDUSTRIE
En plus de se produire régulièrement sur scène, Jean-Philippe Guay s’implique dans l’industrie en tant que directeur artistique de Rire en fût, entité derrière plusieurs événements d’humour présentés à travers la province. Le Ninkasi Comédie Club est le résultat d’une collaboration entre l’établissement de la rue Saint-Jean et son entreprise.
Pour l’humoriste, il s’agit d’une façon de bâtir un réseau. « Ça amène une autre corde à mon arc, explique Jean-Philippe. Il y a des aspects que j’aime beaucoup dans la production et l’aspect technique. C’est
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Genevieve
Turcotte
Alex Lapointe – Toutes les semaines, lors des Vendredis ComediHa ! Club, quatre humoristes se produisent sur la scène de la salle de la Pyramide de Sainte-Foy. Alex Lapointe y est présent de façon régulière en tant qu’animateur.
LES PETITES SALLES À QUÉBEC (SUITE)
Jean-Philippe Guay – Parallèlement à sa carrière d’humoriste, Jean-Philippe Guay est le directeur artistique de Rire en fût, entreprise derrière le Ninkasi Comédie Club. Il est en rodage de son premier spectacle solo, après avoir fait deux tournées en tandem.mateur.
très bon pour le relationnel avec les artistes. » Il est accompagné dans cette aventure par Charles Fortier qui occupe les fonctions de directeur administratif. Ce dernier, tout en se produisant sur scène à l’occasion, a choisi de prioriser la gestion et l’organisation de spectacles. Car si les personnes qui aspirent à une carrière d’humoriste ne manquent pas, celles qui souhaitent travailler du côté administratif sont moins nombreuses, fait-il remarquer.
Au ComediHa ! Club comme au Ninkasi Comédie Club, les prestations se déroulent dans une ambiance intime. Pour Charles et Jean-Philippe, la disposition des spectateurs, à 180 degrés autour de la scène, fait toute la différence en procurant une proximité bénéfique entre le public et les artistes. Ce rapprochement permet aussi aux humoristes sur scène d’interagir avec les gens dans la salle, ce qui crée des moments uniques. Dans ces soirées, les essais et er-
reurs sont permis. Les humoristes profitent du cadre intimiste et de l’indulgence du public pour mettre à l’essai de nouvelles blagues.
PORTE D’ENTRÉE DANS LE MÉTIER
Les soirées « micro ouvert » sont elles aussi très recherchées. Les deux salles de Québec en proposent régulièrement dans leur program mation. La formule convient au tant aux nouveaux venus dans le domaine qu’aux humoristes plus expérimentés qui désirent tester ou peaufiner du matériel. Au Ninka si Comédie Club, tous ceux qui veulent tenter leur chance sur scène sont les bienvenus, mais la liste d’at tente peut être longue, mentionne Charles.
suit-il. Tu es collé, tu vois les humoristes passer à côté de toi. Pour ceux qui trippent, c’est le fun de les voir de près et ça peut effectivement donner le goût à des gens de se lancer. Ça rend le tout accessible. »
GENEVIÈVE TURCOTTE
Ces soirées contribuent à l’émergence de nouveaux talents, selon Jean-Philippe.
« Un endroit comme ici amène une belle proximité avec le milieu, pour-
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DE L'HUMOUR POUR SURVIVRE
« L’humoriste est un homme de bonne mauvaise humeur »
Jules Renard
De nos jours, il faut un solide sens de l’humour pour survivre à la folie collective qui s’empare des gens, dès que les décorations de la période des fêtes remplacent les macabres garnitures de l’Halloween.
De l’humour, mais aussi une certaine capacité d’autodérision pour excuser sa faiblesse quand on succombe à l’euphorie et à l’ambiance consumériste générale. Combien d’entre nous reconnaissent avoir relégué, avec les recettes de tourtière et de gâteau aux fruits, les rituels qui, hier encore, inspiraient les manifestations religieuses d’une foi dont ils croyaient avoir hérité ? La messe de minuit, les chants de Noël, la neige… Quoiqu’avec les changements climatiques… Pourtant, dès qu’arrivent décembre et les projets de réjouissances de fin d’année, les traditions refont surface, mais à la mode d’aujourd’hui !
Comme celle qu’évoque dans un passage du roman Anna et l’enfant-vieillard1, l’écrivaine québécoise Francine Ruel qui raconte la réaction du petit Arnaud qui visite, avec sa mère, les crèches des églises, pendant la période des fêtes de Noël. Choqué de voir un Jésus « tunu » sur la paille, l’enfant demande des sous à glisser dans le tronc de l’ange posé à côté de la crèche puis passe sa commande à voix haute, dans les échos de l’église silencieuse, en précisant : « Pour des mitaines ! Pour une tuque ! Pour des couvertures ! » afin que Marie puisse réchauffer le bébé Jésus.
La tradition n’est pas si ancienne et les Jésus d’aujourd’hui portent souvent une robe de satin et l’ange, qui inclinait la tête après chaque don, a été remplacé par une horrible boîte de fer. Et rarement, les temples sont encore ouverts aux visiteurs, même pendant la période des fêtes. On se console en pensant, avec un haussement d’épaules et un humour attendri, que les temps ont bien changé. Le père Noël et la Fée des étoiles du centre commercial remplacent les personnages de la crèche et l’église. Même si parfois, les petits enfants demandent : « C’est qui, Jésus ? », sans obtenir de réponse. À cause de tous les autres pourquoi qui s’ensuivraient et auxquels on ne sait plus répondre.
1 Anna et l’enfant-vieillard, Libre expression, 2019
Pour s’éviter de repenser aux histoires d’autrefois, chacun adopte les rites, le ton et le tempo de la vie moderne et apprend comment garder ses distances en riant, en ridiculisant ce qui inquiète, fait peur, dérange. Rire pour survivre. Et en public, on y arrive presque. Désormais, au Québec, l’humour est le meilleur vendeur dans les salles de spectacles, et conséquemment, la relève ne manque pas.
Depuis la création, à Montréal, à la fin des années 1980, d’un centre officiel de formation reconnu par l’État et qu’on dit unique au monde, l’École nationale de l’humour (ENH) traite ce qui entoure le rire comme une discipline artistique, une science diront certains, qui s’enseigne et s’apprend. Et, surtout, une industrie avec des lois et des codes.
Plus de 500 diplômés depuis la fondation de l’École en 1988. Des créateurs performants, auteurs, scénaristes et autres artisans de la scène qui n’empêchent personne de tenter sa chance. On peut faire rire sans diplôme, mais connaître les règles du métier, ça peut aider, comme le prouvent plusieurs de ceux qui réussissent !
Parce qu’avant d’être un spectacle, l’humour existe dans une perception personnelle des choses, des êtres et des comportements et propose une vision particulière des événements. L’épisode des caricatures de Mahomet l’a un jour rappelé au monde entier : ce qui amuse les uns peut choquer les autres. Question de culture et d’éducation.
Ce n’est pas parce que l’on rit que c’est drôle. L’enfilade des proverbes et mots célèbres sur le sujet ferait la joie de mon amie Valentine qui conclurait en chantant avec Jean Lapointe : « Rire aux larmes… » ou Jean Ferrat, « Faut-il pleurer, faut-il en rire ? On ne voit pas le temps passer… Ma vieille, faut enterrer l’année qui a filé si vite et casser la nouvelle dans un éclat de rire, comme si elle ne nous faisait pas peur ! » Comme autrefois, on consolait un gros chagrin en disant : « Tu t’en souviendras plus le jour de tes noces… », sans ajouter « si un jour tu décides de te marier ! »
MARTINE CORRIVAULT
Corrivault
« J’LA COMPRENDS PAS ! » HRONIQUE L’ESPOIR AU CUBE
Ça vous est déjà arrivé de ne pas comprendre l’humour d’une personne ?
Quand ça arrive une fois de temps en temps, c’est pas si mal, mais, lorsque c’est une personne que vous fréquentez régulièrement, que vous aimez et que, d’une farce à l’autre, vous ne comprenez pas son humour, ça laisse une drôle d’impression. On se dit qu’on est peut-être un peu stupide et que ce doit être nous qui ne sommes pas assez intelligents pour comprendre.
À l’usure, ce genre de situation nous rend vulnérables parce que notre estime personnelle est directement touchée chaque fois que la situation se reproduit. Ça m’a pris pas mal de temps pour comprendre que mon niveau d’intelligence n’a rien à voir là-dedans.
Juste le fait que je n’ai pas reçu la même éducation que mon interlocuteur, que je ne viens pas du même milieu, que je n’ai pas les mêmes expériences de vie devrait suffire à me rassurer. C’est vrai, si je viens de la campagne ou de la ville, ça fait une différence. Parfois même, d’un quartier à l’autre fait que nous n’allons pas aborder l’humour de la même manière. L’utilisation des mots sera différente, la description d’un même évènement se fera avec un regard qui ne correspond pas à notre perception. Comment ne pas se sentir ridicule de ne pas comprendre ?
Je me suis longtemps senti envahi par ce sentiment d’infériorité parce que je ne comprenais pas l’humour d’une autre personne jusqu’au jour où j’ai enfin compris que j’avais le droit de ne pas trouver drôle l’humour des autres. Ma culture est différente, mais je ne suis pas idiot pour autant.
J’en ai bavé longtemps pour surmonter ce fameux complexe d’infériorité. J’avais honte de mes origines. Tout était déformé par la perception que j’avais de moi-même. Même après avoir complété un baccalauréat à l’université, je ne me sentais pas à la hauteur et l’humour n’a rien à voir avec ça. J’ai réalisé pourquoi j’étais si susceptible depuis toutes ces années. Je n’avais pas confiance en moi-même et en mes capacités. À la
poubelle, ce fameux complexe d’infériorité de nais sance. Je suis né dans un milieu rural, c’est normal que je ne comprenne pas l’humour urbain lorsqu’il réfère à des situations ou des personnages que je n’ai jamais connus ou entendu parler lorsque j’étais plus jeune. Aujourd’hui, je suis fier de mes origines, elles ont forgé la personnalité que j’ai développée.
J’apprends à rire un peu de moi. L’autodérision ne fait de mal à personne, sauf à soi-même si elle cache un malaise, un mal de vivre. Il m’aura fallu quarante ans pour apprendre cette leçon de vie. J’essaie maintenant d’intégrer cette notion dans ma vie de tous les jours. Si une personne tente de me faire une blague et que je ne la comprends pas, je ne me remets plus en question. J’ai compris que c’est une question d’expérience de vie. C’est aussi parce que chaque personne est différente et unique. Chacun comprend l’humour à sa façon.
J’écoutais, il y a quelques jours à la télé, un humoriste originaire d’un autre pays. Il parlait de sa culture, de sa religion, des habitudes de vie de son pays et du quotidien de son enfance. J’ai beaucoup appris de son numéro d’humour, mais je ne trouvais pas ses farces drôles parce que je n’avais pas de référents. Voilà, c’est aussi simple que ça.
Maintenant, lorsque je ne comprends pas, je le dis. Lorsqu’une farce me rend mal à l’aise, je le dis. Lorsque je ne trouve pas ça drôle, je le dis aussi. Ça veut simplement dire que je me fais davantage confiance, que mon estime personnelle est plus grande, que je peux m’exprimer sans craindre le rejet.
En fait, j’avais besoin de me sentir aimé des autres, mais j’ai compris que je n’ai pas à trouver leur humour drôle pour être aimé d’eux.
Qu’est-ce qui est vert, qui monte et qui descend ?
Ben voyons, c’est un pois dans un ascenseur.
Simplement,
MARC ÉMILE VIGNEAULT
LA QUÊTE DES MOTS
LA QUÊTE DES MOTS
PAR JACQUES CARL MORIN ET LISE GRAVEL
par Jacques Carl Morin
CE JEU CONSISTE À REMPLIR LES RANGÉES HORIZONTALES AINSI QUE LES COLONNES
1 ET 20 À L’AIDE DES DÉFINITIONS, INDICES OU LETTRES MÉLANGÉES OU DÉJÀ INSCRITES. CHAQUE CASE GRISE REPRÉSENTE UNE LETTRE QUI EST À LA FOIS LA DERNIÈRE LETTRE D’UN MOT ET LA PREMIÈRE LETTRE DU SUIVANT.
Ce jeu consiste à remplir les rangées horizontales ainsi que les colonnes 1 et 20 à l’aide des définitions, indices ou lettres mélangées ou déjà inscrites. Chaque case grise représente une lettre qui est à la fois la dernière lettre d’un mot et la première lettre du suivant. 1 2 3 4 5 6 7 8
Verticalement :
Verticalement :
1- Louise ou Plume.
1- Louise ou Plume.
20- Duras ou Yourcenar.
20- Duras ou Yourcenar.
Horizontalement :
Horizontalement :
1- Véhicule ferroviaire. Maladie virale grave sévissant en Afrique. Les Plaines d’_______.
6- Âge auquel sont décédés Janis Joplin, Jimi Hendrix et Jim Morrison. Astuce. « Le jeu n’en vaut pas la _______ ».
2- Agence France-Presse. Langue officielle du Brésil. Mauvais traitements exercés sur une personne. Légumineuse.
7- Aplatir. Condensé. Jack l’_______.
1- Véhicule ferroviaire. Maladie virale grave sévissant en Afrique. Les Plaines d’_______.
8- Petit récipient utilisé pour la cuisson au four. Favoritisme. Corindon.
2- Agence France-Presse. Langue officielle du Brésil. Mauvais traitements exercés sur une personne. Légumineuse.
3- Roche poreuse. Expert des lois sur l’impôt. Toucher légèrement quelque chose.
9- Mer au large des côtes de Floride (GRASSESSA). Inquiétude. Proche.
3- Roche poreuse Expert des lois sur l’impôt. Toucher légèrement quelque chose
4- Ennemi. Guenilles, haillons. Sécrétion grasse. Voiture mythique lancée par Ford en 1964.
4- Ennemi. Guenilles, haillons. Sécrétion grasse. Voiture mythique lancée par Ford en 1964.
10- Herbe aromatique. Funeste. Organe mâle de la fleur. Réponses au jeu p.29
« Forme d’esprit qui s’attache à souligner le caractère comique, ridicule, absurde ou insolite de certains aspects de la réalité ; marque de cet esprit dans un discours, un texte, un dessin, etc. Raconter ses propres mésaventures avec humour. 1»
L’humour peut servir de remède à la mélancolie en cherchant à caricaturer non seulement tel trait distinctif d’un personnage, mais aussi d’une situation. La gamme des possibilités en humour est vaste. Elle se joue du sublime au ridicule forcé de la nature humaine à laquelle il se rattache. À travers le temps, l’humour a pris différentes formes. La satire, le pittoresque et le grotesque ont eu tour à tour leur heure de gloire en littérature.
EN IMAGE
Un quotidien qui se respecte se doit d’avoir au moins un caricaturiste à sa disposition pour assaisonner les actions de certains personnages et les faits de l’actualité. Moins d’une semaine après l’accident tragique qui coûte la vie à la princesse de Galles « Lady Dy », une autre personne célèbre, mère Teresa, décède. Le caricaturiste de l’époque au quotidien Le Soleil en a profité pour faire monter au ciel les deux personnalités dans une insertion à travers les nuages : même dans la mort l’humour a toujours sa place.
1 Larousse en ligne, consulté le 11 novembre 2024
L’HUMOUR SELON PHILIPPE
S’ADAPTER À L’AIR DU TEMPS
Avec l’arrivée de la télévision au tournant des années 1950, toute une myriade d’acteurs, incluant des comiques, jouit d’un espace public à l’écran de Radio-Canada. L’humour théâtral prend sa place à ce qu’on appelle l’écran télé Me reviennent à la mémoire quelques noms d’acteurs qui ont alors popularisé le genre : Gilles Latulippe, Denise Filiatrault, Dominique Michel, Paul Berval, etc. Il m’est impossible de vous dresser ici la liste complète, il y en a trop.
DRÔLE, MAIS PAS DRÔLE
Je termine avec un point de vue bien personnel au sujet d’un personnage que je considère aussi comme un super bon comédien. Il s’agit du très honorable Justin Trudeau qui a fait du théâtre au cours de ses études et qui aime se déguiser. Le moment le plus percutant et comique est celui de son retour de l’Inde. Il en avait profité pour ajouter à sa collection de costumes, les robes traditionnelles fabriquées dans ce pays. Il y en avait aussi une pour sa femme et pour chacun de ses enfants. À son retour au Canada, Le Journal de Montréal publiait en page couverture, une photo de lui et de sa famille vêtus de ces costumes typiques du pays. L’article s’intitulait : Le variant de l’Inde est arrivé. L’humour était au rendez-vous.
Respectueusement,
PHILIPPE BOUCHARD
ESSAYONS LE RIRE
Lorsque j’étais au secondaire, je regardais des films de Charlie Chaplin avec mon frère et nous riions aux éclats. Charlot avait le don de faire rire et de faire réfléchir. Alors qu’il vivait dans la pauvreté, il trouvait le moyen de se sortir des impasses. Il avait un moral à toute épreuve. Il reste un exemple à suivre pour moi. Pour contrer la tristesse ou la colère, j’essaie de rire un bon coup. Ça me remonte le moral. Il y en a qui appelle ça la rigolothérapie. Je n’y croyais pas vraiment, mais j’ai décidé de rire plus souvent. Après tout, je ne suis pas à l’article de la mort. J’essaie aussi d’être plus à l’affût des choses drôles et de faire ressortir le côté comique des situations.
UN CHANGEMENT D’ATTITUDE
Je n’ai pas toujours été comme ça. Après avoir vécu quelques épisodes de tristesse, de colère et souvent de maladresse, je me suis dit que je ne devrais pas en rester là. Tous ces sentiments négatifs devaient laisser la place à la joie.
Mais comment être heureux quand on n’a pas de travail et qu’on vit dans la pauvreté ? Comme j’ai une contrainte sévère à l’emploi, je ne pouvais pas espérer trouver un emploi rémunéré. Je me suis tourné vers le bénévolat. Cela m’a aidé à me sentir plus utile et plus heureux.
Je me rends compte aussi que souvent la tristesse et le désespoir forment un cercle vicieux. Quand on est triste, on est porté à s’isoler et c’est plus difficile de régler ses problèmes seul qu’avec les autres. En revanche, quand on est heureux, les gens vont plus aisément venir vers nous pour nous saluer ou nous parler.
Je me disais, jusqu’à récemment qu’il est préférable de montrer son vrai visage, comment on se sent réellement. Mais je me suis aperçu que je n’avais pas beaucoup de succès de cette manière. J’espère en avoir plus en riant plus souvent.
Message du ministre responsable des Services sociaux
En cette période des fêtes de fin d’année, je souhaite exprimer ma profonde gratitude à tous ceux et celles qui œuvrent sans relâche pour soutenir les personnes en situation d’itinérance. Votre dévouement et votre compassion sont une source d’espoir dans la vie de nombreuses personnes vulnérables à travers le Québec.
L’itinérance est un enjeu qui nous touche toutes et tous, et qui touche de plus en plus de communautés québécoises. J’ai la conviction que c’est ensemble que nous pouvons faire une différence. Ces derniers mois, de concert avec nos partenaires, nous avons œuvré à améliorer l’accès à des places de refuge, mais aussi à favoriser la mise en place de solutions durables et efficaces, par exemple par un meilleur accès au logement.
Pour l’année qui commence, rappelons-nous que l’itinérance n’affecte pas seulement certaines personnes, mais que c’est la société tout entière qui est concernée. Un magazine comme La Quête a son rôle à jouer auprès de la population, en la sensibilisant à ces enjeux cruciaux. Merci pour votre engagement et votre compassion. Que cette période de fêtes soit remplie de joie, de paix et d’espoir pour vos proches et vous.
Lionel Carmant
MICHEL POTVIN
Photo : Flickr
Diagnostic
Je suis médecin généraliste
Et j’étudie les œuvres
Des grands maîtres
Afin d’y découvrir la présence
De maladie
Et ma dernière trouvaille
Se trouve dans la chapelle Sixtine
Sur le plafond
Pouvant découler
D’une inflammation du tendon
Ce problème se résorbe
Assez facilement
À l’aide d’un traitement en ergothérapie
Michel-Ange a peint UNE FRESQUE
Qui est reconnue universellement
La Création d’Adam
Tout le monde à l’image en tête
Mais ce que l’on ne sait pas
C’est que le doigt d’Adam
Son index
Est légèrement surélevé
Ce qui laisse présager
Une petite anomalie
Qu’on appelle le doigt à gâchette
Bien sûr
C’est une simple hypothèse
Mais une chose est certaine
L’enfant qui a ce trouble
Est muni d’un bon fusil
Pour jouer aux cowboys
POW POW POW
T’es mort !
FRANÇOIS GAGNON
Illustration de Benoit Gingras
LE PENSIONNAT
« Si vous voulez passer au salon les enfants, votre père et moi avons une nouvelle pour vous : nous avons décidé de vous inscrire au pensionnat de Beauceville. » Mon frère de 13 ans avait déjà vécu l’expérience au pensionnat des sœurs de Vallée-Jonction. Il avait déjà un an d’expérience, alors que moi, Michel 11 ans je n’avais aucune expérience. À ma stupéfaction, j’allais moi aussi enfin vivre une nouvelle aventure. J’étais encore jeune, mes émotions s’entremêlaient entre l’inquiétude et l’excitation face au nouveau. Pour commencer, il fallait magasiner des vêtements à Saint-Georges et à Thetford Mines. Ensuite, nous sommes montés à Québec pour magasiner dans les grands magasins : en route pour Paquet et Pollack. Mon plus grand plaisir dans ces magasins était de monter les escaliers roulants !
Le grand jour est enfin arrivé. Mes deux parents nous ont accompagnés dans un vieux bâtiment. Ils nous ont fait entrer par le gymnase, c’était très bruyant ! À notre arrivée, j’ai été impressionné par l’immense trampoline sur laquelle nous pourrions sauter. Nos parents sont venus nous aider à placer nos effets personnels dans de grandes armoires. Ensuite ils ont dû nous quitter, mon frère et moi, un moment déchirant.
VIVRE EN CES MURS
Ma première nuit m’a énormément marqué ! Ils ont fermé les volets des fenêtres et les lumières et nous nous sommes retrouvés dans la noirceur totale. J’ai fini par trouver le sommeil. Le lendemain matin, ils nous ont réveillés en claquant dans les mains très fort pour ensuite nous mettre à la prière : genoux au sol, face au lit. Après, nous sommes allés nous doucher et déjeuner. C’était délicieux avec un grand choix de tartinades : creton, beurre d’érable, chocolat à tartiner et du gruau à volonté. Nous faisions nous-mêmes nos rôties et le grille-pain faisait voler les toasts en l’air. Quand il n’y avait personne pour les ramasser, elles se retrouvaient au sol, mais « personne » était coupable, les malfaisants demeuraient inconnus.
Au pensionnat, il y avait plusieurs frères dont le frère Louis, le plus détesté de tous. Le jour de sa fête, tout le monde l’a fêté dans le gymnase. Lorsqu’ils l’ont nommé, un camarade et moi avons crié « CHOUUUUU ». Vous comprendrez que nous avons dû lui rendre des comptes, car il nous avait entendus : tout le reste de l’année, il a été très sévère avec nous. Il y avait le frère Denis, qui était tout le contraire. Il avait beau nous réveiller en claquant des mains, c’était le plus gentil.
Au souper, lorsqu’il y avait des spaghettis, nous nous amusions à les lancer et quand les pâtes restaient collées au plafond ça nous faisait bien rire. Le coupable était encore « personne » ! Lorsque les frères avaient
le dos tourné ou qu’ils allaient à la cuisine, nous en profitions pour jeter, en cachette, les aliments qui ne nous plaisaient pas. Heureusement que les déjeuners étaient bons, parce que les repas du midi et du soir étaient souvent immangeables. Ils nous servaient du bœuf couvert de gras ou encore des aliments non identifiables. Même qu’une fois, on a eu juste un œuf à la coque dans notre assiette, ce qui nous avait fait bien rire. Un grand repas…
Un jour, un frère est rentré fièrement avec un lièvre dans la main : « Ce soir les enfants nous allons manger un cipâte au lièvre ! » Seulement, il ne réalisait pas que nous étions 90 élèves à manger… ça fait peu de viande pour chacun.
Vivre au pensionnat n’était pas de tout repos, nous devions faire des tâches comme laver la vaisselle, passer le balai et la vadrouille. Mes amis et moi avons su joindre le plaisir au travail, les assiettes devenaient des frisbee que nous lancions dans une immense cuve d’eau ! Attention, aucun bris soyez sans crainte !
Pendant les cours, nous devions nous tenir tranquilles surtout dans la classe « du vieux fou ». Habillé de sa grande soutane, ce professeur enseignait l’algèbre et lorsqu’il était mécontent d’un élève, il lui lançait sa brosse à tableau. Il devait avoir 80 ans. Un autre frère d’environ 40 ans mettait des lunettes fumées lors des examens. Ne pouvant voir où les yeux du frère étaient dirigés, personne ne pouvait tricher !
Dans notre pensionnat, il y avait un local dans lequel nous pouvions écouter notre musique comme les Beatles, Pink Floyd, Santana, Led Zeppelin, Steppenwolf et bien d’autres.
Notre plus grand plaisir était de donner des coups de poing dans le mur de gypse et de couvrir les trous avec des posters, il y avait des trous partout.
DES AMITIÉS NAISSANTES
Je me suis fait bien des amis, dont Michel Caouette appelé avec amour « le p’tit gros », qui venait de Saint-Nicolas. Il adorait écouter Marc Hamilton et chantait à tue-tête « Comme j’ai toujours envie de toi » ! Il s’imaginait dans les bras d’une femme, un fantasme non exaucé.
Bellemare, Michel et moi étions un trio de grands chums. Nous allions fumer des cigarettes en cachette derrière la clôture. À cette époque nous pouvions acheter des « Matinée », à cinq sous l’unité, même à 11 ans. Parfois nous choisissions des petits cigares Tip Top avec des saveurs sucrées. Lors de notre passage à la tabagie, nous en profitions pour jouer aux machines à boules.
LE PENSIONNAT (SUITE)
DES ACTIVITÉS DIVERSIFIÉES
Quand l’hiver est arrivé, ils ont monté trois patinoires : une grande et deux petites. À mes débuts, je patinais sur la bottine, mais je suis rapidement devenu un bon patineur et je suis passé aux patins traditionnels. J’adorais patiner ! Sur les petites patinoires, nous avions simulé une bataille, ça avait bien marché, les frères nous avaient crus. J’ai terminé au deuxième rang des marqueurs de notre ligue.
Des aventures, j’en ai vécu, dont une sur le fameux trampoline. Je me suis foulé un doigt. Mon père m’a amené voir un « ramancheur » à Saint-Victor de Beauce. Ce monsieur a tiré sur mon doigt pour le replacer. J’ai eu la main enflée pendant un bon mois, mais cela ne faisait pas mal. Après deux semaines ça semblait mieux !
Parfois, nous avions de la visite de nos parents. Une fois, à leur arrivée, ils sont passés par le gymnase et ils ont demandé aux frères où j’étais. Le frère a répondu tout bonnement : « Il doit être quelque part dans le plafond ! ». Dans le pensionnat, il y avait de gros câbles sur lesquelles nous pouvions grimper et atteindre le plafond. C’était vraiment plaisant ! Il y avait aussi des anneaux comme aux Olympiques, mais nous devions rester sécuritaires pour éviter de nous disloquer une épaule. Une chose qui était plaisante, c’était le jeu du drapeau ! Le but du jeu : traverser le terrain avec le drapeau et le bâton sans se les faire voler ! J’ai parfois réussi, l’idée est de bien choisir son moment pour voler le bâton ! Il y avait le ballon chasseur, un jeu dans lequel j’étais très bon, j’avais un bon visou et une bonne force dans mes lancers !
DES SORTIES MÉMORABLES
Nous retournions une fin de semaine par mois à la maison familiale. Une fois, j’ai invité mon ami Bellemare et il a accepté de venir le week-end entier chez moi, à la Guadeloupe. Nous sommes allés nous baigner dans une piscine intérieure magnifique qui se trouvait dans le village voisin à Saint-Évariste. Nous avons plongé et nous nous sommes bien amusés ! Nos parents nous retournaient en taxi au pensionnat. C’était toujours un peu triste parce qu’on s’ennuyait. Quand on arrivait devant la grande côte à Beauceville, on apercevait une immense croix rouge fluorescente qui signifiait que nous étions arrivés au pensionnat. Nous entrions par le gymnase, nous revoyions nos amis et hop ! l’ennui et les parents étaient oubliés.
À la fin de l’année, nous avons fait une pyramide humaine, j’étais celui tout en haut ! On devait être environ soixante, heureusement je n’avais pas le vertige. Ma déception fut que mes parents ont été retardés ce jour-là et qu’ils ont manqué ce moment. Je garderai ce souvenir pour moi.
Le pensionnat restera toujours gravé dans mes plus beaux souvenirs.
MICHEL BISSON
Photo
Samuel Freli sur Wikicommons
L'ancien Juvénat Sacré-Cœur, où M. Bisson a étudié a été démoli en 1977.
Le couvent Jésus-Marie de Beauceville ci-dessus est d'un architecture semblable au juvénat.
LE DIABLE À LA DANSE
Cette légende m’a été racontée1 par Séverin Langlois, mieux connu sous le nom du capitaine « Ti-Lou » de Cannes-de-Roches, Percé. L’histoire se serait déroulée près de la côte Surprise à Percé et constitue une variante de la célèbre Légende de Rose Latulippe2 .
« Ti-Lou » devant son shack pour la saison de pêche, pas loin du quai, vers 1970
1 J’ai enregistré M. Séverin Langlois (1907-1994), dit Ti-Lou de Cannesde-Roches à Percé, le 25 août 1966. On peut écouter l’enregistrement et voir des photos d’époque au lien suivant : https://youtu.be/A2gKZPCoVqs L’enregistrement a eu lieu dans le petit office du terrain de campement L’Hôtellerie de Lune, où j’ai travaillé à temps partiel. Ce terrain, alors en face du centre d’art de Suzanne Guité et Alberto Tommi, appartenait à la famille Édouard Le Boutillier, et mon ami, Guy Le Boutillier, leur fils, en était le responsable. Le restaurant La Maison du Pêcheur occupe, en partie, ce terrain aujourd’hui. M. Langlois et son compagnon, M. Tommy Gendreau, faisaient alors des excursions de pêche à la morue avec les touristes. En saison, ils habitaient un shack au bord de la mer. Nous étions, lui et moi comme des amis et il venait souvent chanter à nos feux de grève : je l’accompagnais à la guitare.
2 Cette légende est également connue sous le nom Le diable, beau danseur. Selon Wikipédia, il s’agirait là d’une vieille légende canadienne-française, québécoise et acadienne, qui se déroule dans les années 1700. Des deux cents versions existantes, l’une des plus connues a été écrite par Philippe Aubert de Gaspé, fils dans L’influence d’un livre en 1837.
La légende raconte l’histoire de Rose Latulippe, une jeune fille frivole qui aimait beaucoup danser. Lors de la veillée du Mardi gras, un inconnu s’invite chez les Latulippe et danse avec Rose jusqu’à ce que minuit sonne. Cet inconnu est en fait le Diable qui a fait danser Rose le jour du début du Carême [à cette époque, il était interdit de danser pendant le Carême].
Selon certaines versions, le Diable disparaît en emmenant la jeune fille en enfer avec lui ; selon d’autres, le curé du village intervient et délivre Rose. Par la suite, elle entrera au couvent et mourra quelques années plus tard.
« Là, Armand, tu veux que j’te raconte une histoère ; tu veux que j’te raconte des histoères d’apparition du yâbe, hein ? J’aime autant te l’dire franchement, j’crois pas ça là-d’dans. J’va t’raconter quequ’chose que j’ai ‘tendu conter par les vieux pécheurs… même mon père m’a raconté ça.
Y’avait une maison icitte. Oh ! à quelque place, j’peux pas te l’dire l’endroit exact, à quelle place autour d’la côte Surprise, là. Où les motels ont été bâtis où l’abri était bâti, l’ancienne place de l’abri là. Un nommé Kaunick, là. Là, ça dansait tous les soèrs. C’était l’fraulick3 pis y paraît qui s’passait des choses qu’étaient pas très catholiques. T’jours qu’un moment donné, la paroésse de Parcé comme tu sais, a lé pas mal grande, y’a une douzaine de milles de long.
D’après l’histoère que j’ai entendu conter, que j’ai pas crue par exemp’e, hé, y paraît qu’y’avait une jeun’ fille qui s’en allait sur la route. A’ s’en allait pour la danse le souèr.
A’ s’en allait su’l’chemin, pis c’tait loin ‘ssez à marcher. T’jours qu’un moment donné, a’ dit : « Moé, a’ dit, si quand ben même ce s’rait l’yâbe, a’ dit qui pass’rait, a’ dit, j’embarqu’rais avec pour aller à ‘danse. » A’ l’avait pas dit l’mot qui t’arrive un gars avec une belle voéture, un beau joual, et pis un gars qui est t’habillé en noèr pis qui l’invit’ pour embarquer. A’ l’embarque, s’en viennent à danse pis après qu’y étaient dans la danse, y dansait t’jours avec la même fille : Y l’avait engagée pour la nuitte, y dansait t’jours avec elle.
Dans la méson, y’avait un p’tit bébé, là, un p’tit bébé nouveau-né qui avait peu près deux, trois mois. Pis la méson était pas très, très grande, fallait qu’on danse autour du ber, […] du barceau là si on peut dire, dans c’temps-là on app’lait ça un ber nous aut’ en Gaspé, j’ai t’jours app’lé ça un ber, moé, j’ai él’vé douze enfants pis, j’ai t’jours app’lé ça un ber. À chaqu’ fois qu’y tournait pis que l’diâbe passait autour du ber le bébé braillait. L’bébé s’mettait à pleurer pis pas moyen d’l’r’consoler. T’jours la femme a’ était un peu plus catholique qu’la maîtresse d’la maison elle, a’ était un peu plus catholique que son homme, son homme c’était un gigueux, un swingneux, un gars qu’était pas mal, pas mal dehors en tous les cas. Ça fait qu’a’ dit : « Cout’ a’ dit, a dit à chaque fois que c’gars-là passe, c’te grand nouèr-là on sait pas d’ousse ça vient, d’ousse que ça vient ça. »
Dans c’temps-là, y’avait pas de machines, y’avait pas d’train, y’avait rien, c’t’arrivé d’un coup sec, c’t’af-
3 La vieille tradition du frolic définissait autrefois en Acadie des travaux collectifs, suivis d’un repas et d’une fête. Selon l’ampleur de la tâche, l’événement pouvait durer jusqu’à plusieurs jours. (https://ici.radio-canada.ca/ nouvelle/2101151/sainte-anne-kent-frolic-acadie-dani-daraich
Photo : Courtoisie Armand Labbé
LE DIABLE À LA DANSE (SUITE)
faire-là, c’te gars-là, c’fait qu’a’ dit : « Moé, a’ dit, e ça doit êt’ l’yâbe, a’ dit, qu’y est rentré dans méson ». C’fait que l’gars dit : « On va en n’avouèr l’cœur net, y dit, on va aller charcher l’curé ». C’fait qu’y attel’ le joual su’l’boggy, j’sais pas si c’était en hiver ou ben en été, en tout cas, j’m’en rappell’ pus qu’osque mon père m’a conté, mais t’jours y descendent charcher l’curé, j’ignore le nom du curé, mais y’avait un curé dans la parouésse dans c’temps-là, c’était l’commencement d’la parouésse de Parcé. Ça fait que l’curé monte pis en arrivant, l’curé s’est t’aparçu lui, d’après lui, d’après l’histoère que c’était pas normal c’te garslà, c’était pas un êtr’ humain. C’té un esprit malin qui était ‘rrivé, pis l’curé à été y d’mander, y dit :
— Quosque tu fait icitt’, toé ?
L’yâbe dit : — J’fais mon affaire.
— Mé j’te dis que tu vas sortir d’icitt’.
— Non, j’sortirai pas d’icitte. J’sortirai pas d’icitt’ avant qu’j’emporte la fille qu’j’am’née, qu’j’ai emportée avé moé icitt’.
— T’emport’ras rien icitt’ d’dans, tu vas sortir d’icitt’. Et pis d’après l’histouère, ben l’curé a mis son étol’ dans l’cou là, pis y’a pris son fouett’ béni et pis y’a commencé à l’fouetter. Là y’a fallu que l’yâbe décolle. Pis en sortant, y’avait des fours à pain dans c’temps-là, d’vant les portes, d’vant toutt’ les portes partout dans la Gaspésie, y avait des fours à pain, tout l’monde cuisait l’pain su l’four, su’a braise, y’avait des fours faittes avec d’la céramique, pas d’la céramique, mé avec d’la glaise qui faisait un peu comme d’la céramique, et tous les gensses dans la paroésse cuisait là-d’sus avec d’la braise, faisait d’la braise là-d’dans, cuisait leu’ pain, c’fait que en partant, l’yâbe, y’a emporté l’four à pain.
Mais j’aime autant te l’dir’ tu suite, Armand, e, cé des’histoères que j’cré pas. »
ARMAND LABBÉ
Cette illustration est l’œuvre de Jordanne Lou Labbé-Labbé, 14 ans, d’après une image libre de droits.
UN CHIEN-GUIDE EN L’HONNEUR DE KARL TREMBLAY
Bonjour, je m’appelle Karl. Je suis un labrador blond. Je suis allé à l’école de la Fondation des Lions du Canada1.
Mes fonctions en tant que chien-guide sont multiples. Je vous en décris quelques-unes. Avec une personne malentendante, lorsque le téléphone sonne, que ça cogne à la porte, je vais alerter mon maître en le touchant. Je réagirais de la même manière si le détecteur de fumée émettait un signal sonore. À l’extérieur, je peux intervenir quand j’entends les sirènes d’urgence des ambulanciers et des autopatrouilles. Dans de telles situations, pour protéger mon maître, je lui désobéis en le forçant à ne pas bouger ou en contournant des obstacles.
Grâce à Christina, à son parrainage, l’école a pu me former et me jumeler pour former une équipe. Quand on m’a appelé Karl, j’étais heureux !
On m’a expliqué que pour le premier anniversaire de son décès, un chien guide a été choisi et on lui a donné le prénom de Karl en l’honneur de Karl Tremblay parti pour le ciel le 15 novembre 2023 après un
1 Les Chiens-Guides de la Fondation des Lions du Canada permettent aux Canadiens vivant avec un handicap de naviguer dans leur monde avec confiance et indépendance, en fournissant un chien-guide sans frais et en les soutenant dans leur cheminement ensemble. Situé à Oakville, en Ontario, avec un centre d’élevage et de formation à Breslau (entre Kitchener et Guelph), nous sommes la seule école à former des chiens-guides dans sept programmes distincts. De l’élevage au dressage et à la formation avec des services de suivi à vie, chaque chien-guide coûte 35 000 $ à former et à placer. La Fondation dépend des dons pour fournir ces matchs spéciaux et ne reçoit aucun financement gouvernemental. (www.dogguides.com)
dur cancer de la prostate. Karl était rassembleur, un amoureux et un père de famille.
Woof, j’étais fier que l’on me choisisse pour être un chien-guide et son étoile filante !
CHRISTINA FOISY
Illustration : Bherg
LA RÉSISTANCE SUR DEUX ROUES
Créons un futur meilleur et gréons-nous d’un futur plus équilibré. L’activité physique ou la pollution. La bicyclette ou l’automobile. Une roue motrice derrière une roue guidon, sur une ligne droite, pour le BienÊtre de la Santé et des enfants ou quatre roues, et un cube de métal derrière un moteur à explosion. Où chaque coup de pédalier est un acte de bravoure qui procure la santé. Mieux vaut retrouver sa joie de vivre en harmonie avec la bicyclette et la nature que de polluer. L’automobile tue plus de gens et d’animaux que ne le fait la bicyclette. Et ce, encore une fois, même et même l’hiver. Le vélo est simple d’analyse. L’auto est beaucoup plus complexe à manier ou à conduire, à produire, à comprendre. La bicyclette est le dégrossi du bloc de pierre que représente l’auto.
Combien de vélo pour faire le poids de l’auto ? La bicyclette, en matériau et en volume, est la portière de l’auto. Juste la roue de secours dans le coffre d’une voiture représente le poids d’un vélo. En superficie, l’auto est un piano avec son banc de musicien. Le vélo est la moitié d’une échelle. Conduire une bicyclette se fait, pour l’enfant, à l’âge où elle et il entre à l’école. Conséquemment, elle et il partagera un lieu propice à leur développement et leurs interactions en groupe. Est-ce simplement un hasard ? Conduire une automobile se fait à l’âge où, souvent, l’adolescent.e remet l’autorité de ses parents ou devient rebelle et peut entrer dans l’armée. Est-ce un simple hasard ? Silencieuse ; pas de klaxon, pas de bruit de portières, pas d’indicateur d’alarme, et surtout, 25 fois moins de friction-pneu sur la chaussée, qui produit ce bruit hypnotisant. Elle n’engloutit pas la femme et l’homme, elle les supporte. Il n’y a aucune interférence dans le champ de vision d’un.e cycliste, comme c’est le cas pour l’automobiliste avec ses deux poutres avant qui supportent le parebrise. De plus, il et elle ne voit pratiquement rien de ce qui l’entoure qu’au niveau de ses épaules. Un soulier ou un chapeau qui sert de banc monté sur un losange évidé où deux roues le terminent : la, la cycliste et sa monture. Entouré. e d’une structure de métal rectangulaire qui elle est recouverte d’une table aussi de mé-
tal avec des fenêtres entre les pattes de la table : l’automobiliste et son char à l’assaut des routes. Le portrait se profile ainsi : l’un est un joyau dans sa conception arbitraire, l’autre est un habitacle dénaturé dans sa réalisation cavalière. Un.e enfant de cinq ans apprend bien et aime la bicyclette. À seize ans, il, elle est destitué.e pour l’étalement urbain. Il est beaucoup plus difficile de conduire un vélo en état d’ébriété qu’une voiture. Et les conséquences seront beaucoup moins tragiques. Savoir s’arrêter un instant pour reprendre contact avec le sol est la bonté de la bicyclette. En voiture, l’on reste écrasé sur son siège, dans un coin de la pièce. Les quatre pattes d’un mastodonte et son moteur à explosion ou la roue enchaînée et l’équilibre. Le vélo est une école, d’abord parce que c’est une discipline : le cyclisme ; on pourrait alors aborder des thèmes tels le sommeil, l’alimentation, le souffle, les muscles et le corps humain, le réchauffement, les vêtements, les facteurs naturels, alors qu’en cela avec la voiture on a des personnes qui s’endorment au volant, des restos derrière des pompes à essence, des corps privés d’exercice durant la semaine de travail, le changement climatique par les gaz rejetés, des personnes qui vont en des lieux avec la voiture pour faire de l’exercice physique…
Dans le creux de la rue, où les ombres sont vides.
Le froid s’insinue, perçant, sans rémission
Et mord, sans relâche, sans autre intention.
Les gens passent vite, leurs manteaux bien serrés,
Leurs pas résonnent fort sur l’asphalte gelé.
Moi, j’attends que le jour finisse en silence, Qu’un peu de chaleur vienne m’apporter un peu d’aisance.
La neige tombe doucement, en flocons infinis
Mais pour moi, elle pèse et elle glace la nuit.
Sous ce ciel d’acier, je cherche une lumière, Un foyer, un sourire, bref, quelqu’un de solidaire.
Noël
25 décembre, c’est Noël, c’est la Nativité.
Un divin homme nous est donné
À nous tous de l’humanité
Et, comme Socrate, il a été tué. Il a été de bien, un grand philosophe inné. Il a prôné une belle sagesse d’amour, d’amitié.
Il n’a pas caché
Que la vie est de difficultés
Parfois parsemées.
Mais sont les efforts positifs toujours récompensés.
Et si parfois de défaillir, l’échec peut nous frapper, Avec ce grand sage, on peut toujours se pardonner.
Je préfère croire au firmament, Plutôt qu’à l’absurde néant.
Chaque souffle de vent devient une épreuve, Chaque heure qui s’étire me rappelle mon rêve :
Un toit, un repas, un lit chaud pour dormir, Un abri pour ce corps que l’hiver veut flétrir.
Mais je tiens, je résiste, comme le pavé nu Sous le poids des saisons, des regards inconnus.
Et malgré le froid, je garde une flamme fragile, Un peu d’espoir, pour tenir contre l’hiver hostile.
JONATHAN OUELLET
Photo : Gerd Altmann de Pixabayc
Photo : La Quête
La précarité urinaire en 10 points
Qu’est-ce que ça mange en hiver la précarité urinaire ?
Même phénomène que pour la précarité menstruelle, il s’agit du manque d’accès aux produits de protection adéquats faute d’argent.
Des produits qui coûtent la peau des fesses
Comme pour les menstruations, certains produits pour l’incontinence urinaire sont réutilisables. Plusieurs municipalités offrent même des subventions pour se les procurer. C’est plus économique et évidemment plus écologique. En revanche, si on choisit des produits à usage unique, la facture s’avère salée. Par exemple, une boîte de 30 serviettes pour les fuites urinaires coûte 30 $ ou plus. Et la plupart des fabricants recommandent de changer de produits pour l’incontinence de trois à cinq fois par jour !
L’incontinence urinaire concerne davantage les femmes que les hommes, pourquoi ? Selon l’ordre professionnel de la physiothérapie du Québec, « on estime qu’une femme sur trois et qu’un homme sur dix souffrira de ce problème. » Pourquoi plus de femmes que d’hommes ?
Parmi les raisons souvent évoquées, on retrouve les accouchements et la ménopause.
Une personne âgée sur cinq
D’après un site virtuel produit par le Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), « les pertes involontaires d’urine touchent une personne âgée sur cinq. »
Avec le vieillissement de la population, n’est-il pas urgent que nos gouvernements commencent à s’intéresser à la précarité urinaire ?
L’incontinence urinaire… c’est plus de cinq jours par mois !
La précarité menstruelle cause du souci aux personnes menstruées vulnérables environ cinq jours par mois. En revanche, les fuites urinaires, elles, sont habituellement présentes plusieurs fois par mois.
En solo sur ta planète
Devant les difficultés à se procurer des produits conçus spécifiquement pour les fuites urinaires, comment ne pas fuir les endroits publics par crainte de se retrouver dans une situation gênante ? Cela peut même causer de la détresse psychologique.
Peut-on s’en passer ?
Les gens qui militent contre la précarité menstruelle clament souvent que les produits menstruels sont comme le papier de toilette… indispensables ! N’est-ce pas le même phénomène pour les produits relatifs à l’incontinence urinaire ?
Oh ! Oh ! Oh ! Quelle bonne idée de cadeau !
Dans le temps des fêtes, plusieurs organismes mettent sur pied des cueillettes de dons de toutes sortes. Voilà le moment parfait pour donner un p’tit coup de pouce aux personnes confrontées à la précarité urinaire.
Pas de quoi à rire !
Qu’on se le tienne pour dit, il n’y a rien de pissant dans le fait de souffrir d’incontinence urinaire et, en plus, de devoir se priver de produits appropriés en raison de ressources financières faméliques.
À bas les tabous !
La précarité urinaire, c’est comme la précarité menstruelle… il faut en parler ! Si on aborde le sujet avec un rire jaune, les tabous ne vont-ils pas subsister ?
MARTINE LACROIX
Illustration de Martine Lacroix
RESSOURCES
Références communautaires
Service d’information et de référence qui vous dirige vers les ressources des régions de la Capitale-Nationale, de la Chaudière-Appalaches
Tél. : 2-1-1
Aide sociale
ADDS
Association pour la défense des droits sociaux
301, rue Carillon, Québec
Tél. : 418 525-4983
Aide aux femmes
Centre d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC) Formé pour vous épauler ! 418 648-2190 ou le 1 888-881-7192
Centre femmes aux 3 A Accueil - Aide - Autonomie
270, 5e Rue, Québec
Tél. : 418 529-2066 www.cf3a.ca
Centre femmes d’aujourd’hui
Améliorer les conditions de vie des femmes 1008, rue Mainguy, Québec
Tél. : 418 651-4280 c. f.a@oricom.ca www.centrefemmedaujourdhui.org
Rose du Nord
Regroupement des femmes sans emploi 418 622-2620 www.rosedunord.org
Support familial Flocons d’espoir Écoute et aide pour les femmes enceintes 340, rue de Montmartre, sous-sol, porte 4 Tél. : 418 683-8799 ou 418 558-2939 flocons.espoir@videotron.ca
Insertion professionnelle À l’aube de l’emploi (Lauberivière)
Formation en entretien ménager commercial/buanderie 485, rue du Pont, Québec 418 694-9316 poste 248 alaubedelemploi@lauberiviere.org
Recyclage Vanier
Emploi et formation (manutentionnaire, aidecamionneur, préposé à l’entretien) 1095, rue Vincent-Massey, Québec tél.. : 418 527-8050 poste 234 www.recyclagevanier.com
Prostitution
La Maison de Marthe 75, boul. Charest Est, CP 55004
Projet intervention prostitution Québec 535, av. Des Oblats, Québec
Tél. : 418 641.0168 pipq@qc.aira.com www.pipq.org
Soupe populaire
Café rencontre Centre-Ville
796, rue Saint-Joseph Est, Québec (Déjeuner et dîner)
Tél. : 418 640-0915
Maison de Lauberivière (Souper) 485, rue du Pont, Québec
Tél. : 418 694-9316
Soupe populaire Maison Mère Mallet (Dîner) 945, rue des Sœurs-de-la-Charité Tél. : 418 692-1762
Santé mentale
Centre Social de la Croix Blanche 960, rue Dessane, Québec Tél. : 418 683-3677 centresocialdelacroixblanche.org info@centresocialdelacroixblanche.org
La Boussole Aide aux proches d’une personne atteinte de maladie mentale 302, 3e Avenue, Québec Tél. : 418 523-1502 laboussole@bellnet.ca www.laboussole.ca
Centre Communautaire l’Amitié Milieu de vie 59, rue Notre-Dame-des-Anges, Québec Tél. : 418 522-5719 info@centrecommunautairelamitie.com www.centrecommunautairelamitie.com
Centre d’Entraide Émotions
3360, de La Pérade, suite 200, Québec Tél. : 418 682-6070 emotions@qc.aira.com www.entraide-emotions.org
La Maison l’Éclaircie Troubles alimentaires 2860, rue Montreuil, Québec Tél. : 418 650-1076 info@maisoneclaircie.qc.ca www.maisoneclaircie.qc.ca
Le Pavois
2380, avenue du Mont-Thabor, Québec
Tél. : 418 627-9779
Téléc. : 418 627-2157
Le Verger 943, av. Chanoine-Scott, Québec
Tél. : 418-657-2227 www.leverger.ca
Ocean Intervention en milieu
Tél. : 418 522-3352
Intervention téléphonique
Tél. : 418 522-3283
Parents-Espoir 363, de la Couronne, bureau 410, Québec
Tél. : 418-522-7167 Service d’Entraide l’Espoir 125, rue Racine, Québec
Amicale Alfa de Québec 75, rue des Épinettes, Québec
Tél. : 418 647-1673 alphadequebecinc@videotron.ca
Point de Repères 545, rue du Parvis, Québec
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VIH-Sida
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Information et entraide dans la lutte contre le VIH-sida
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6- Âge auquel sont décédés Janis Joplin, Jimi Hendrix et Jim Morrison. Astuce. « Le jeu n’en vaut pas la _______ ».
7- Aplatir. Condensé. Jack l’_______.
8- Petit récipient utilisé pour la cuisson au four. Favoritisme. Corindon.
9- Mer au large des côtes de Floride (GRASSESSA) Inquiétude. Proche.
RÉPONSES LA
QUÊTE
10- Herbe aromatique. Funeste. Organe mâle de la fleur.
DES MOTS
HOMO HOMINI LUPUS EST
« L’homme est un loup pour l’homme ». Cette citation de Plaute au Xe siècle a été rendue populaire par Thomas Hobbes qui l’utilisait dans ses œuvres de philosophie politique. Par cette citation, il souhaitait résumer l’idée que les humains, en l’absence de règles morales, peuvent se comporter sauvagement les uns envers les autres. Mais pourquoi avoir jeté notre dévolu sur le loup? Ne serait-il pas plus juste de dire que l’homme est un homme pour le loup ?
Dans la culture populaire, le loup symbolise souvent la peur, le danger et la tromperie, comme dans le conte Le petit chaperon rouge. De nombreuses expressions, couramment utilisées telles que « se jeter dans la gueule du loup » ou encore « laisser le loup entrer dans la bergerie », suggèrent que nous devrions avoir peur des loups. Mais est-il vraiment aussi vil qu’on le présente ?
QUI A PEUR DE QUI ?
Bien qu’il ait pu traditionnellement inspirer violence, effroi et crainte, cet animal ne saurait personnaliser les rapports belliqueux entre humains. Le loup est un animal social, c’est-à-dire qu’il vit en groupe pour faciliter sa survie et obéit à un système complexe de comportements sociaux.
Les groupes de loup, appelés meute ou bande, sont organisés autour d’une femelle et d’un mâle dominant et de leur progéniture. Le rôle du couple dominant est de déterminer qui se reproduit, ce qui peut engendrer des affrontements lors de la période de reproduction. En réalité, les comportements de dominance ou d’agression ont très rarement lieu en dehors de cette période.
Ce qu’il faut retenir de ces comportements de dominance, c’est qu’ils servent à éviter les conflits et les agressions plutôt qu’à les provoquer et que la plupart de ces agressions sont ritualisées. En période de reproduction, le couple dominant engage aussi des comportements d’affiliation, tels que le jeu, et ce, trois fois plus souvent que des comportements de dominance. Ainsi, il ne s’agit pas d’une relation de pur contrôle sur les autres individus. Le couple dominant cherche davantage à jouer avec les autres qu’à avoir des conflits, mais doivent parfois montrer la discipline.
Bref, les loups utilisent leurs aboiements et leurs larges dents pour maintenir l’ordre et la paix, tout comme les humains utilisent les lois, le sens moral et la communication verbale.
UN RETOUR À L’ÉQUILIBRE
La peur des humains face au loup, mais surtout la haine envers cet animal a mené à son retrait complet de certains écosystèmes. À plusieurs endroits, le loup a été exterminé dans le but de protéger les troupeaux d’élevage ou simplement par crainte. Cela n’a pas été sans un grand coût pour les écosystèmes qu’il habitait : après plusieurs études scientifiques et des années plus tard, l’importance de son rôle a été comprise. Le loup est un prédateur qui contribue grandement aux cascades trophiques, un phénomène écologique déclenché par l’addition ou le retrait de grands prédateurs. Un déséquilibre dans la relation proies et prédateurs entraîne un changement important dans toute la structure de l’écosystème en changeant l’abondance (nombre d’individus), la biomasse (quantité de matière) ou la productivité dans plus d’un niveau de la chaîne alimentaire.
Prenons l’exemple du Parc de Yellowstone. En 1995, le loup y a été réintroduit après plus de 70 ans d’absence. L’espèce avait été éradiquée pour permettre à la population de wapitis d’y croître. Cela a fonctionné et même trop bien! Puisque le wapiti n’était presque plus chassé, sa population a augmenté. N’ayant plus à se déplacer pour éviter les prédateurs, les wapitis broutaient excessivement les plantes sur place pendant l’hiver. Depuis la réintroduction des loups, le broutage a diminué puisque la population de wapitis a également diminué, mais aussi parce que ceux-ci sont forcés de se déplacer pour éviter la prédation. Le long des cours d’eau, la diminution du broutage a ramené les populations de peuplier et d’aulne à des concentrations et à des grosseurs plus proches de ce qu’elles étaient avant la disparition des loups. Cela a favorisé le retour des castors, qui avaient pratiquement disparu du parc puisqu’ils utilisent ces essences d’arbres pour se nourrir et construire leur barrage et leur hutte.
Comme présenté dans l’édition de mai, les castors contribuent à la création de milieux humides favorables à la présence de poissons, insectes, oiseaux et de nombreuses plantes. Le retour des aulnes le long des cours d’eau a également eu pour effet de réduire les températures de l’eau par leur ombre, diminuer l’érosion et ainsi redéfinir le parcours du réseau hydrographique du parc de Yellowstone. Cela a favorisé l’émergence d’une faune aquatique plus saine qui, à son tour, a favorisé le retour d’autres animaux.