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GROS PLAN

L’ENTRETIEN

«J’ai du mal à lâcher prise»

Depuis dix ans, Daniel Joggi est président de la Fondation suisse pour paraplégiques. Le 1er juin, il cèdera ses fonctions à Heidi Hanselmann. L’heure de dresser le bilan du passé et d’évoquer les perspectives d’avenir. Entretien avec Evelyn Schmid et Urs Styger, retranscrit par Nadja Venetz

Notre entretien se déroule fin mars. Le Conseil fédéral recommande alors vivement à la population de rester chez elle. En tant que tétraplégique, Daniel Joggi fait partie des personnes à risque et quitte rarement son domicile. Nous discutons par vidéoconférence. Nous vivons actuellement une période particulière. Comment vas-tu? Je vais bien. Je peux télétravailler comme si j’étais à Nottwil. Mais je n’y suis pas et ce n’est pas un bon sentiment. Je préfère être entouré de mon équipe, même si elle n’est en grande partie plus sur place. J’ai beaucoup de chance que mon fils vive avec sa femme et ses enfants dans la maison d’à côté. Quand je vais sur la terrasse et qu’ils sont dans le jardin, nous pouvons discuter ensemble. Mais ils n’ont pas le droit d’entrer. Y vois-tu des parallèles avec ta réadaptation? Le bouleversement de la vie quotidienne est comparable. Le fait que l’on ne veuille pas admettre la nouvelle situation est probablement un autre parallèle. Jamais je n’aurais pensé qu’un jour je serais paralysé. Et avec le coronavirus, il nous paraissait aussi impossible que cette épidémie parvienne jusqu’en Europe et affecte aussi fortement notre quotidien. La solidarité et le soutien de mon épouse, de ma famille, de mes amis et de mes collègues sont également comparables. 46

Tu as énormément accompli et fait avancer les choses. Quelles sont les grandes lignes de ta biographie? Quand j’étais enfant, je séjournais souvent au laboratoire de la boulangerie où travaillait mon père et j’en garde de nombreux souvenirs. Quand j’ai grandi, j’ai rejoint les scouts. J’avais reçu une éducation plutôt stricte et avec les scouts, j’avais plus de liberté. Nous avons fait des trucs un peu fous, nous sommes allés en vélo jusqu’en Camargue et avec deux bus VW jusqu’au Cap Nord. Après l’école obligatoire, j’ai déménagé à Zurich, où j’ai étudié l’agronomie à l’EPFZ et obtenu mon doctorat. C’est à cette époque que Françoise et moi nous nous sommes mariés et que notre premier enfant est né. Ensuite, j’ai trouvé un poste à la Station de recherche agronomique de Nyon (VD), aujourd’hui dénommée Agroscope. Comment t’es-tu établi professionnellement? Mon accident a fortement marqué ma carrière. Après ma thèse à l’EPFZ, j’ai voulu poursuivre des recherches similaires à Nyon. J’ai également effectué de nombreux essais en plein champs sur des variétés et des mélanges de graminées et de trèfles. Mon accident est survenu pendant ma première année chez Agroscope. Après cela, j’ai dû abandonner certains travaux qui se déroulaient dans des serres et des chambres climatiques qui nécessitaient un

doigté fin. J’ai toutefois pu continuer les essais extérieurs grâce au soutien de mes collègues. J’ai aussi contribué à la mise en place d’une infrastructure informatique moderne et j’ai finalement repris le département informatique. Participer à l’évolution technologique allant des premiers ordinateurs de laboratoire aux grands serveurs et aux réseaux a été passionnant. En 2001, tu as été élu président de l’ASP. Comment as-tu concilié cet engagement avec ton activité professionnelle? Cela a bien fonctionné. J’avais des échanges réguliers avec le directeur de l’époque, Thomas Troger, mais je ne devais pas être trop souvent sur place. Lorsque j’ai été élu président de la Fondation suisse pour paraplégiques (FSP) en 2009, j’ai compris que cette tâche ne pourrait pas être accomplie à temps partiel. Par conséquent, j’ai renoncé à mon emploi chez Agroscope. Comment es-tu devenu président de la FSP? J’étais membre de la fondation depuis 2000, je connaissais les directeurs et les procédures du Groupe suisse pour paraParacontact I Été 2020


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