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POLYSPORT

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À VOS CÔTÉS

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La petite tornade roulante

Pour Adrian Ruf, huit ans et en fauteuil roulant depuis sa naissance, le sport est le meilleur moyen de se défouler et de se mesurer à des personnes de même affinité.

Gabi Bucher

L’accueil de la famille Ruf se déroule de manière assez «mouvementée»: Malu, le jeune chien, est le premier à la porte et, tandis que Fabienne, la maman, essaie de réfréner sa curiosité, Adrian déboule en faisant l’équilibriste sur les roues de son fauteuil. Pas évident de soutenir le regard scrutateur et très direct de ses grands yeux mordorés. Sa poignée de main est plutôt ferme pour un garçon de son âge. Ensuite, pendant quelques secondes, les quatre roues retrouvent le sol. Mais cela n’arrive que quand il fonce à travers l’appartement: le reste du temps, il joue constamment les acrobates.

Un casse-cou en skateboard

Tout petit déjà, il ne tenait pas en place, raconte sa maman. «Très tôt, nous lui avons cherché une activité pour qu’il puisse se défouler et canaliser son irrépressible besoin de bouger». Reto, le papa, a alors pensé à son vieux skateboard. «Il marche encore super bien», lance Adrian, avant de s’empresser d’aller le récupérer. «J’ai le droit avec ce pantalon?», demande-t-il à sa mère. Puis il se glisse hors de son fauteuil, s’agenouille sur la planche, et file habilement dans le vaste salon en exécutant de rapides virages serrés. «Autrefois, il dévalait les pentes à l’identique, avec bien sûr un casque et des gants, mais je devais souvent regarder ailleurs», se souvient Fabienne. «Il pouvait ainsi faire quelque chose avec d’autres enfants. Nous avons même acheté un tremplin…» «Je l’ai pris à fond la gomme», nous crie Adrian, toujours lancé sur sa planche. Ce serait bien qu’il y ait un parc de skate adapté tout près, où les jeunes en fauteuil roulant et les skateurs pourraient se retrouver. «Le Pump Trail à Kriens s’en rapproche un peu.» «Pump Track!», corrige Adrian. C’est une installation pour VTT avec des rampes, des tremplins et des bosses. «On peut sauter par-dessus», explique Adrian, «c’est trop cool!» Une petite vidéo nous montre Adrian en pleine action. Quand je lui fais remarquer qu’il doit être bien secoué après, il sourit et me répond: «Nan, ça va, c’est que du plaisir.»

Le déménagement: une chance pour tous

Adrian n’a toujours pas quitté sa planche. «Bouger, c’est tout pour lui», commente Fabienne presque en s’excusant. Une fourche avant a ensuite succédé au skateboard. «L’AI nous l’a fournie, mais c’était assez difficile. Dès que le terrain devenait trop raide, Adrian n’y arrivait plus.» Et puis, il s’est mis à l’athlétisme. En raison de son handicap (spina bifida), il a besoin d’un corset, d’attelles extensibles et d’une orthèse du bas de la jambe. Ceux-ci, ainsi que le fauteuil roulant, doivent constam

ment être ajustés, ce qui nécessitait sans cesse des déplacements de la région bâloise à Nottwil, chez Orthotec. Au cours de l’une de ces visites, la famille a découvert les ParAthletics, organisés au même moment. Adrian a été fasciné par les courses en fauteuil roulant. «Nous avons rencontré Martina Meyer de Sport suisse en fauteuil roulant. Elle a demandé à Adrian s’il aimerait faire du sport en fauteuil roulant.» C’est ainsi que tout a commencé, Adrian venait d’avoir six ans. Depuis, la famille a déménagé à Nottwil. «Pas seulement à cause du sport. Je passais déjà des heures au volant pour les visites chez Orthotec; avec le sport d’Adrian, cela n’aurait rien arrangé. En plus, le lac manquait à mon mari qui a grandi à Thoune.» En fait, ils n’avaient pas prévu de déménager avant deux ans, mais ils sont tombés sur l’annonce de cet appartement, juste à côté de l’école, avec vue sur le lac et près du CSP. «C’était tellement idéal que nous avons franchi le pas en août dernier. Le nouveau quartier résidentiel est un énorme enrichissement pour nous tous.»

Le sport est sain et fait du bien

Adrian s’entraîne régulièrement tous les mercredis avec le fauteuil roulant pour enfant que Orthotec lui a fourni. «Je peux m’en servir tant que je rentre dedans», dit-il. On ne pourrait pas acheter ce genre de chose, ajoute Fabienne, cela n’existe pas sur le marché. Adrian éclate de rire. «Ça, c’est sûr, pas sur le marché, c’est un engin qui coûte cher», clame-t-il. Adrian adore l’entraînement. «Il peut se mesurer à d’autres personnes qui ont plus ou moins les mêmes conditions», raconte Fabienne. C’est en effet parfois un peu difficile dans la cour d’école. Adrian a raconté que cela tournait vite à l’injustice pour lui, car il n’a aucune chance contre les autres enfants. «Je ne sais pas ce que nous ferions sans le sport», dit-elle. «C’est bon pour la santé, le cœur, le moral. Et, outre l’école, c’est une formidable opportunité d’intégration.»

Récemment, Adrian a aussi découvert le basket-ball. «Je n’en suis encore qu’à mes débuts», confie-t-il. Il est encore un peu petit, juste à la limite avec ses huit ans. «Mais Nico Hausamman a dit que je pourrais participer au Basket for all, et maintenant je m’entraîne avec eux.» À chaque fois que la santé et la fatigue le lui permettent, précise Fabienne, ce qui lui vaut un regard assassin de la part de son fils. Lui, fatigué? «Un jour, je lui ai dit que toutes ces activités le videraient de ses forces, mais il m’a répondu qu’au contraire, elles lui donneraient des forces.» D’ailleurs, il y a un panier de basket dans sa chambre, là où il s’entraîne. «Je vais te montrer», déclare-t-il. En un clin d’œil, il file dans sa chambre, dribble, se penche, ramasse le ballon, vise le panier et tire, encore et encore.

Oui, bien sûr, il aimerait un jour réussir, comme Marcel Hug par exemple, c’est d’ores et déjà son objectif. Mais c’est surtout une réelle source de plaisir, répète Adrian. Il ignore encore dans quel sport il se spécialisera plus tard, mais pourquoi pas les deux, l’athlétisme et le basket? Il a aussi essayé le tennis. «C’était pas trop mon truc», admet-il. «Une fois, j’ai dit à un copain d’école que je jouais au tennis. Il m’a regardé

Un équilibre apaisant

Un enfant curieux, ouvert à tout et qui ne tient pas en place

Adrian exploite plus ou moins toutes les possibilités. Il a déjà fait trois fois du monoski-bob et il aime nager. «Faire une roulade dans l’eau sans lunettes, c’est difficile mais j’y arrive», explique-t-il. À la maison, dans le local à vélos, il joue au ping-pong avec son meilleur ami de la classe parallèle, et il est souvent dehors avec son chien Malu. Lorsqu’on lui demande s’il lui arrive de se détendre et de rester tranquille, il incline légèrement la tête, sourit et lâche un «bof!». Il trouve quand même son équilibre dans d’autres activités, intervient Fabienne. Il aime observer et photographier les oiseaux. Et aussi bricoler: il a récemment vendu des choses qu’il avait fabriquées et fait don de l’argent à la station ornithologique de Sempach. Et il aime aussi lire le soir, mais si.

Adrian est un enfant turbulent, de bonne humeur, éveillé, débordant de vie, qui ne tient pas en place: cette petite tornade rou

bizarrement.» Il lui a demandé comment il faisait, vu qu’il n’avait pas de jambes pour courir. «Mais j’ai des bras!», a-t-il répondu. «Nous tenons à montrer ce qui est possible, et non ce qui ne l’est pas», ajoute Fabienne. D’ailleurs, le nouveau mini-entraînement de l’ASP, chaque dernier samedi du mois, est aussi très sympa. «Parents, frères et sœurs, grands-parents, oncles et tantes s’y retrouvent pour jouer ensemble et échanger en fauteuil roulant, une super idée.» lante n’est sûrement pas facile à gérer tous les jours. Mais ses parents font tout pour qu’il puisse se défouler et vivre pleinement son incroyable besoin de bouger.

D’ailleurs, son rêve et prochain objectif n’est autre que le WCMX (skate en fauteuil) comme Aaron Fotheringham – cela vous étonne?

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