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ACCOMPAGNEMENT SPIRITUEL

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À VOS CÔTÉS

À VOS CÔTÉS

ACCOMPAGNEMENT SPIRITUEL

Du temps et du réconfort

Ursula Walti et Stephan Lauper s’occupent du bien-être spirituel des patients du CSP.

Gabi Bucher

Une petite salle tout en longueur dans le pavillon H, deux tables rapprochées, chacune munie d’un écran et d’une chaise, et en face, une baie vitrée qui donne sur les travaux devant le CSP: le bureau d’Ursula Walti et de Stephan Lauper, respectivement pasteure et prêtre, évoque le poste de commandement d’un navire, ce qui a quelque chose de très symbolique.

Ursula et Stephan sont des aumôniers dévoués corps et âme. Ursula, qui a étudié la théologie et a travaillé comme pasteure réformée, a su très tôt qu’elle voulait être plus proche des gens. «Mais avant de ‹me cloîtrer› dans les chambres d’hôpital, je voulais voir le monde», raconte-t-elle. Elle a vécu un temps en Afrique. «Cela m’a beaucoup apporté. La vie là-bas est existentielle, j’y ai vu beaucoup de souffrance et je me suis heurtée à de nombreuses difficultés.» Elle y a appris que, si l’on pouvait apporter sa pierre à l’édifice, on ne pouvait pas changer le monde. Ce principe s’applique aussi au poste qu’elle occupe actuellement au CSP. «Ma passion, c’est les gens, la vie et ce qu’elle nous transmet, ce qu’elle nous fait subir et comment nous surmontons tout cela.»

Lorsqu’à 43 ans, Stephan s’est vu contraint de changer de métier, il s’est mis à étudier la théologie. Dans son travail d’assistant pastoral pour l’Église catholique romaine, il a d’abord acquis de l’expérience dans l’accompagnement spirituel de la paroisse. Pendant ses huit années de service, il s’est lui aussi rendu compte qu’il voulait être plus proche des gens. C’est ainsi que Stephan et Ursula sont devenus une équipe qui s’occupe des âmes et des tourments des patients du CSP.

Un «panel» de la vie

«Ici au CSP, tout tourne autour des blessures de la vie, mais nous y voyons surtout l’opportunité de suivre les patients sur une plus longue période», explique Stephan. «Ici, nous les accompagnons dans les hauts et les bas, nous assistons à leurs joies et à leurs progrès.» «Et nous rencontrons des gens à toutes les étapes de la vie, issus de toutes cultures et religions», ajoute Ursula. «Ce cocktail est passionnant, il est extrêmement intéressant de voir à quel point les gens sont différents.» «Nous avons ici un véritable ‹panel› de notre pays», résume Stephan en riant.

Lorsqu’on leur demande si les patients leur sont affectés en fonction de leur religion respective, tous deux secouent la tête. «Au début, nous ne savons rien de la foi ni de l’orientation spirituelle de nos patients», assure Ursula. «Nous sommes là pour tout le monde, croyant ou non, et quelle que soit la religion à laquelle on appartienne.» Ils se partagent plutôt les différents services. «Lorsque j’entre dans une chambre et que la personne qui voulait me voir n’est pas là, il m’arrive d’avoir une conversation enrichissante avec sa compagne de chambre. Ces opportunités de rencontres spontanées sont très précieuses.»

Le temps, un élément crucial

Les premières rencontres entre homme d’église et patient se déroulent de manière différente. «Il y a des patients qui semblent soulagés quand ils m’aperçoivent», confie Stephan. «Genre, maintenant que Monsieur le curé est là, tout va bien, c’est dans l’ordre des choses.» Et puis il y a ceux qui ont clairement rompu avec Dieu et le «personnel au sol», comme il dit en plaisantant. «Mais ensuite, ils se mettent quand même à parler. Je peux alors exprimer tout mon intérêt pour mon interlocuteur et voir ce qui se passe.» Il lui est aussi déjà arrivé de se faire jeter dehors avant de se voir prié de revenir rendre visite au même patient deux semaines plus tard. Aucun des deux ne prend ces réactions pour des rejets. «Quand quelqu’un me dit qu’il ne veut rien avoir à faire avec l’église, je m’intéresse à ce qui s’est passé, d’où lui vient cette réaction», explique Ursula. Les gens ont souvent eu de mauvaises expériences avec la religion et l’église, et ils lui confient leurs déceptions et leur frustration. «Nous voulons donner de l’espoir, transmettre une spiritualité qui fait du bien et libère. Il ne s’agit pas seulement d’église et de foi. Nous voulons donner une dimension à ce qui préoccupe les gens. L’accompagnement spirituel est une offre neutre de la part de quelqu’un qui prend le temps d’écouter.» Et le temps, c’est une chose très précieuse dans le secteur de la santé où il est devenu denrée rare, précise Stephan. «De plus, il y a parfois des choses que les patients ne veulent pas faire endurer à leurs proches, et c’est aussi pour cela que nous sommes là.»

Chercher le sens de la vie

L’accompagnement spirituel n’est pas «obligatoire». «À la fin de chaque entretien, nous demandons si la personne souhaite nous revoir. Nous nous efforçons d’ouvrir une dimension qui pourra être remplie de vie quotidienne, d’église et de spiritualité, mais aussi de frustration et de colère. Nous partons à la recherche de ce qui fait du bien à l’âme. Et grâce à cet accompagnement longue durée, il se peut qu’un patient finisse par réaliser ce qui est essentiel dans la vie, dans sa situation actuelle.» Tous deux confirment que leur travail ne porte pas uniquement sur des questions religieuses ou confessionnelles, mais sur la vie, sur la manière de survivre à la tourmente dans laquelle on est pris. «Il m’arrive de faire un lien avec la religion à un moment donné», explique Stephan, «de raconter une parabole ou de reprendre la parole de Jésus. Mais il peut aussi bien s’agir de textes spirituels d’une autre culture. Tout doit être au service de la vie et du bien-être des patients.»

Un accompagnement global

D’un côté, ils ont leurs plannings dans lesquels ils programment les patients. De l’autre, ils apprécient et considèrent comme un privilège le fait de pouvoir déambuler de manière impromptue dans le bâtiment pour voir ce que la vie leur réserve. «Parfois, il en résulte une rencontre fortuite, parfois un contact visuel suffit pour que quelque chose se produise.» Les deux religieux travaillent en étroite collaboration avec les chefs de service qui leur indiquent les chambres où ils pourraient être utiles.

Mais Ursula et Stephan ne peuvent pas toujours aider. «Parfois, il s’agit simplement d’affronter la situation avec le patient, de s’efforcer de supporter l’insupportable avec lui. Même si nous ne pouvons pas résoudre les problèmes, nous sommes là, aujourd’hui, la semaine prochaine et la suivante.» Ils ont fait l’expérience que les choses pouvaient changer grâce à la confiance. Ce genre «d’attentisme» est un défi pour tous les deux. «Si le patient le souhaite, nous terminons souvent nos entretiens par une prière, qui devient une sorte de fourretout. Cela nous aide à accepter.» «Et ce qui m’aide beaucoup, c’est de savoir qu’ici au CSP, nous ne sommes qu’un maillon de la chaîne», souligne Ursula. «Il y a tellement de gens bien qui ont le cœur sur la main. Ensemble, nous accompagnons et nous portons les patients, et les voir heureux de rencontrer une soignante qu’ils apprécient particulièrement, ou quelqu’un du restaurant ou du service de transport, par exemple, nous réjouit toujours beaucoup.» Ursula et Stephan apprécient le fait que l’accompagnement spirituel au CSP soit considéré comme un élément essentiel de la rééducation globale.

De temps en temps, ils vivent aussi des moments profonds et émouvants. Stephan se souvient de ce tétraplégique qui lui a montré, ravi et rayonnant de joie, qu’il pouvait à nouveau bouger très légèrement son doigt. Et Ursula a pu accorder la bénédiction du mariage à deux couples au cours des derniers mois. «Dans les deux cas, l’homme était mourant et, dans leur immense désespoir, les couples voulaient s’unir malgré tout. J’ai tout mis en place

Établir la confiance par le dialogue

très rapidement.» C’était extrêmement bouleversant, une journée de joie pour tout le monde. Ils n’ont bien sûr pas pu vaincre la mort, les deux patients sont décédés peu de temps après. «Mais la mort n’a pas eu le dernier mot. Ils lui ont arraché un fragment de vie et d’amour.»

Nos prêtre et pasteure du CSP construisent des ponts avec les patients et les aident, dans la limite de leurs possibilités, à remettre leur navire sur la bonne voie.

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