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CONSEILS JURIDIQUES

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À VOS CÔTÉS

À VOS CÔTÉS

MOYENS AUXILIAIRES

Que fournissent les assurances sociales?

La fourniture de moyens auxiliaires, point de friction entre les besoins de l’assuré, les organismes financeurs et les tribunaux.

Géraldine Hert, avocate

La remise de moyens auxiliaires, comme par exemple un fauteuil roulant, doit faciliter l’intégration des paralysés médullaires dans la société et encourager leur autonomie dans la vie quotidienne. Les contributions aux coûts des moyens auxiliaires sont accordées par les assurances accidents, invalidité et vieillesse, mais les conditions d’octroi divergent à chaque fois. Nous expliquerons ci-après les principales exigences à remplir et les prestations possibles, puis nous vous donnerons un aperçu de l’activité de l’Institut de conseils juridiques de l’ASP.

L’assurance-accidents (AA)

Si une personne est victime d’un accident invalidant dont les conséquences sont couvertes par l’assurance-accidents obligatoire, les prestations pour les moyens auxiliaires sont dans un premier temps à la charge de l’AA compétente. Les dispositions relatives à la remise de moyens auxiliaires par l’AA sont définies dans une ordonnance (OMAA). L’assuré a droit aux moyens auxiliaires de l’AA figurant sur la liste, dans la mesure où ceux-ci compensent un dommage corporel ou la perte d’une fonction qui résulte d’un accident ou d’une maladie professionnelle. Le droit s’étend aux moyens auxiliaires nécessaires et adaptés à l’atteinte à la santé, d’un modèle simple et adéquat, ainsi qu’aux accessoires indispensables et aux adaptations qu’exige l’atteinte à la santé. Les moyens auxiliaires sont remis en prêt ou l’assuré en devient propriétaire.

L’assurance-invalidité (AI)

L’AI peut remettre les moyens auxiliaires énumérés dans la liste annexée à l’Ordonnance sur la remise de moyens auxiliaires par l’assurance-invalidité (OMAI). Les conditions concernant la remise des moyens auxiliaires sont définies dans une circulaire (CMAI). La personne assurée a droit aux moyens auxiliaires de l’AI, dès que l’invalidité est réputée survenue, donc que l’atteinte à la santé rend objectivement nécessaire le recours à un tel moyen et que celui-ci répond à un objectif de réadapta

tion visé par l’art. 21 LAI. L’assurance fournit exclusivement des moyens auxiliaires simples, adéquats et économiques. Il est bien souligné que l’assuré n’a pas droit à l’équipement qui serait optimal dans son cas particulier. Selon la liste de l’OMAI, il existe un droit fondamental aux moyens auxiliaires, dans la mesure où ceux-ci sont nécessaires pour se déplacer, établir des contacts avec son entourage ou développer son autonomie personnelle. Les moyens auxiliaires désignés par un astérisque (*) dans la liste OMAI ne sont accordés que

s’ils sont nécessaires pour l’exercice d’une activité lucrative, l’accomplissement des travaux habituels, ou la fréquentation de l’école ou d’une formation.

L’assurance-vieillesse (AV)

Les personnes domiciliées en Suisse qui soit ont atteint l’âge ordinaire de la retraite, soit touchent une rente AVS anticipée ou des prestations complémentaires (cf. art. 43quater LAVS), ont droit à des prestations pour moyens auxiliaires de l’AVS. Les conditions pour la remise de moyens auxiliaires, le genre et l’ampleur des prestations afférentes à chaque moyen auxiliaire, et la procédure de remise sont définies dans une ordonnance (OMAV) et dans la circulaire correspondante (CMAV). Les personnes assurées qui ont besoin des moyens auxiliaires pour accomplir leurs travaux habituels, se déplacer, établir des contacts avec leur entourage ou développer leur autonomie personnelle, ont droit aux moyens auxiliaires figurant dans la liste annexée (fauteuils roulants, chaussures sur mesure, etc.).

Le droit des bénéficiaires d’une rente AVS, auxquels des moyens auxiliaires de l’AI étaient déjà accordés, est maintenu tel quel, tant que les conditions déterminantes dans l’AI continuent d’être réunies (garantie des droits acquis), à condition que la présente circulaire n’en dispose pas autrement. Toutefois, cette garantie des droits acquis ne donne pas droit à la fourniture adéquate de moyens auxiliaires adaptée en fonction de l’évolution de l’atteinte à la santé. La garantie des droits acquis ne couvre donc pas les moyens auxiliaires que les assurés n’ont pas encore dû solliciter avant d’atteindre l’âge de la retraite AVS en raison de leur invalidité, et qui s’avèreront de plus en plus nécessaires avec l’âge, en raison de la détérioration croissante de leur état de santé. Toutefois, les assurés peuvent présenter une nouvelle demande pour un moyen auxiliaire, pour autant que celui-ci figure dans la liste de l’OMAV.

Point de friction entre les assurances sociales et les tribunaux dans la pratique

Les assurances sociales examinent et statuent sur les demandes de prestations concernant les moyens auxiliaires. Ce faisant, elles doivent suivre des contraintes issues de leur pratique et définies par les circulaires de l’Office fédéral des assurances sociales, et rendent leur décision sur la base de celles-ci. Si un assuré n’est pas d’accord avec un refus de prestations, il peut le contester, après épuisement des voies légales internes à l’assurance, en déposant un recours auprès du tribunal cantonal compétent.

Les circulaires de l’Office fédéral des assurances sociales ont pour but de faire appliquer uniformément la loi par les offices cantonaux de l’AI et/ou de l’AVS. Les circulaires ont un caractère obligatoire pour ces dernières, mais pas pour les tribunaux. S’il est clair que les tribunaux doivent tenir compte des circulaires dans leurs décisions au cas par cas, ils peuvent toutefois s’écarter de ces instructions si elles ne sont pas compatibles avec les dispositions légales: par exemple si une restriction plus large, en termes de fourniture de moyens auxiliaires, que celle autorisée par la loi ou l’ordonnance, était appliquée à l’assuré, en raison d’une circulaire. Il n’est donc pas rare que les tribunaux obligent les compagnies d’assurance à verser des contributions aux coûts plus élevées que celles prévues dans les circulaires. Les deux cas suivants, tirés de l’activité de l’Institut de conseils juridiques, illustrent ce point de friction.

La CMAI fixe une limite de prix de 25 000 CHF pour les modifications apportées aux véhicules à moteur en raison d’un handicap. Suite à un recours déposé par l’ICJ, le Tribunal des assurances du canton de Soleure s’est éloigné de cette limite de prix et a obligé l’office cantonal de l’AI à participer aux frais de transformation du véhicule à hauteur de 74000 CHF. En raison de son invalidité, l’assuré avait besoin de la voiture transformée pour établir des contacts, pour se déplacer et pour se rendre à son travail. Il convient de noter que le jeune âge du membre de l’ASP en question a eu un effet favorable sur la décision du tribunal. Par ailleurs, le tribunal a été convaincu par le fait que la transformation (coûteuse) de la voiture permettait d’économiser à long terme les coûts élevés du transport en car pour handicapés, qui auraient également été à la charge de l’AI (voir l’arrêt VSBES.2015.272 du 7 mars 2017 du Tribunal des assurances du canton de Soleure).

Le Tribunal des assurances sociales du canton de Zurich s’est prononcé en faveur de la plaignante, une assurée qui avait souffert de poliomyélite dans son enfance et à qui l’AI avait toujours fourni un double jeu d’orthèses pour les deux jambes. Après avoir atteint l’âge de la retraite et touché une rente AVS, elle demandait l’octroi d’une garantie de prise en charge pour l’ajustement et la réparation de deux orthèses de cuisse. L’AVS refusait toutefois de prendre en charge les frais de réparation de la deuxième orthèse, en se basant sur le point 2001 de la CMAI, nouvellement ajouté et qui ne prévoyait en principe que le droit à une seule prothèse. Le Tribunal des assurances sociales du canton de Zurich a estimé qu’avant d’atteindre l’âge de la retraite AVS, l’assurée s’était vu attribuer deux jeux d’orthèses pour cause d’invalidité, car elle en avait besoin. Son état de santé n’avait pas changé depuis qu’elle était en âge de toucher l’AVS. La question de savoir si le nouveau point 2001 de la CMAI pouvait s’appliquer sans hésiter aux orthèses litigieuses a été laissée en suspens par le tribunal, qui a jugé que la CMAI n’avait pas un caractère obligatoire pour le tribunal. Le tribunal cantonal a considéré que l’application du nouveau point 2001 de la CMAI (limitation du droit à une prothèse) restreindrait indûment la garantie des droits acquis à l’âge AVS (voir l’arrêt AB.2018.00020 du 18 octobre 2019 du Tribunal des assurances sociales du canton de Zurich).

Ces exemples montrent qu’un refus de fournir des prestations dans le domaine des moyens auxiliaires ne doit pas être accepté à la légère et qu’il est judicieux d’examiner au cas par cas la situation juridique.

Informations L’Institut de conseils juridiques (ICJ) répondra volontiers à toutes vos questions juridiques sur la fourniture de moyens auxiliaires. www.spv.ch

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