Retours à l’Afrique
Socratis SOCRATOUS (Chypre / Grèce) Né en 1971 à Paphos, Chypre, vit et travaille à Athènes.
La pratique archiviste de Socratis Socratous repose sur des recherches de terrain et emprunte souvent ses méthodes à l’anthropologie. Mêlant engagement politique et poésie, son travail porte sur les questions de l’urbanisation et de la crise que traversent les métropoles comme Athènes. L’artiste est sans cesse en négociation avec un processus de transformation : des balles provenant de la guerre de Libye vendues aux enchères pour leur métal, il fait des sculptures qui sont autant d’éclats de matières ; d’une rumeur, il construit un monde où s’entremêlent légendes, poésie et réalité politique, celle en l’occurrence de Chypre, un thème abordé par le travail avec lequel il a représenté Chypre à la Biennale de Venise en 2009. Pour Retours à l’Afrique à Bandjoun Station, il expose une série d’objets relatifs au sauvetage en mer des migrants, venant du monde entier qu’il collectionne depuis plus de quinze ans. Ils forment une archive troublante où l’on trouve les vestiges d’une opération de sauvetage, parfois réussie parfois désastreuse. L’inventaire de ces choses qui sont autant de preuves prélevées sur les champs de détresse, met en lumière une sorte d’ « oxymore » ; autant d’objets relevant d’un design de plus en plus sophistiqué qui s’est amélioré au fil des années, pour aider et sauver ceux qui, une fois sauvés, seront rejetés par ailleurs de nouveau. Dans une installation tout en sobriété, on trouve classés par catégories : un manuel de sauvetage datant des années 1970 et divers objets d’époques différentes qui montrent la pérennité du phénomène, une ancre de fortune fabriquée en plastique à remplir d’eau pour stabiliser les embarcations, des denrées alimentaires, des systèmes d’éclairage de détresse, des boussoles, du petit outillage – tels de petits couteaux arrondis pour éviter les blessures, de l’eau potable en tube, des miroirs héliographes utilisés jadis par l’armée pour transmettre des signaux. Un tel miroir héliographique portant l’inscription « FOBOS », nom grec écrit en caractères latins, signifiant la peur, condense l’esprit qui accompagne les migrants dans les conditions périlleuses de leurs traversées maritimes. Socratis Socratous scrute avec ce travail les réalités politiques, économiques et écologiques contemporaines avec une rare acuité. 122