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Jean-François Boclé

Jean-François BOCLÉ (France / Martinique)

Né en 1971 à Fort-de-France, vit et travaille à Paris.

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Jean-François Boclé traite inlassablement la question de la mémoire et de son e acement. Son œuvre Tu me copieras (2004) revisite le texte tristement célèbre du Code noir, 60 articles juridiques signés par Louis XIV et Colbert, en vigueur de 1685 à 1848 qui régissaient le statut des personnes réduites à l’esclavage dans les colonies françaises. Cette œuvre évoque les silences de la mémoire, les lissages, les aspérités d’événements tragiques, prêts à être rangés ou enfouis sous d’autres événements qui les écrasent.

Avec sa série d’œuvres Entomologies poétiques, Jean-François Boclé propose des paroles poétiques matérialisées dans des lettres installées sur les murs, tels les insectes dans les cabinets de curiosité. Il adopte ici la puissance performative des mots – chuchotés lors d’une performance réalisée au Bénin, vêtu d’un masque confectionné avec des bandelettes de sac en plastique bleu. Il amène ainsi en Afrique, comme il le dit, son américanité, son identité hybride, son histoire indissociablement liée à celle de l’Afrique : « J’ai traversé l’océan. » Il convoque alors les trajets transatlantiques à l’envers, les identités multiples, le métissage et la « poétique du divers ».

Jean-François BOCLÉ (France / Martinique)

Born in 1971 in Fort-de-France, lives and works in Paris.

Jean-François Boclé is a tireless chronicler of the question of memory and how it fades. Tu me copieras (2004) takes us back to the infamous decree passed by Louis XIV, Le Code noir, the royal text that, from 1685 to 1848, de ned the status of those reduced to slavery in French colonies. e piece evokes gaps in memory, and the way the asperities of tragic incidents are smoothed over, stored away or hidden beneath the weight of other events.

His Entomologies poétiques hangs letters that form poetic phrases on walls, like insects in a curiosity cabinet. Jean-François Boclé uses words for their performative power – a performance in Benin saw him whisper while wearing a mask made from strips from blue plastic bags. He says that what he brings to Africa is his American-ness, his hybrid identity, his own story, inextricably linked to that of the African continent: “I crossed the ocean”.

In doing so, he evokes transatlantic journeys in the other direction, multiple identities, métissage and the “poetics of diversity”.

Jean-François Boclé nous dit: « Cette nouvelle version de l’installation Sans titre, série Entomologies poétiques, envisage le Retour comme topos du déplacement post-1492, déplacement qui se conjugue encore au présent. Épinglée aux murs, une écriture qui dit sa dispersion, sa chute, son Abîme. Une sélection de mes écrits qui fait également Retour et se rappelle que le monde du vivant a été mis sous coupe réglée dès les premières Caravelles.

D’une courte voix du monde – J’ai traversé l’océan – Je n’ai pas découvert l’Amérique – Les routes maritimes demeurent sur les cartes, la mer les a absorbées – Là où l’Atlantique s’est noyé – Mes voyages dévorés – Abîme moi.

J’ai traversé l’océan, une performance réalisée en 2019 au Centre espace d’art à Cotonou (Bénin) fait Retour sur la déportation des Africains vers l’univers plantationnaire américain. [...] À Cotonou, un AfricainAméricain (j’ai également des origines de travailleursengagés asiatiques) vient chuchoter à l’oreille des Béninois cette phrase : J’ai traversé l’océan. J’apparais vêtu d’un masque, le Masque du Non-Retour (recouvrant mon corps des épaules aux pieds) fait de bandelettes de sacs plastiques bleus, un matériau renvoyant à la marchandisation. Le bleu de la mer découpé-tailladé par la porte de non-retour (dans la ville de Ouïda où je me suis rendu). Beaucoup d’émotion dans le public, nulle culpabilité : je fais Retour dans un partage d’intimité. Le masque le dit déjà, en e et, il renvoie tout autant aux masques des carnavals caribéens (les Mas a bandlèt en créole, masques spirituels et politiques) qu’aux Masques des enfants, le Caléta béninois. »

Boclé tells us: “ is new version of the Sans titre installation in the Poetic Entomologies series envisages the Return as the topos for travelling a er 1492, that still exists today. e writings tell of dispersion, the fall and the Abyss are pinned to the walls. A selection of my writings that are also a Return remind us that the living world was put under the regimented control of the rst Caravelles.

On a short world voice – I crossed the ocean – I did not discover America – e maritime routes remain on the map, the sea has absorbed them – Where the Atlantic drowned – My devoured journeys – Swallow me up.

I crossed the ocean, a performance piece from 2019 at the Centre à Cotonou in Benin is a Return to the deportation of Africans to work as slaves on American plantations. [...] In Cotonou, an African-American (I also have ancestors who were indentured servants from Asia) whispers the phrase ‘I crossed the ocean’ into the ears of the locals. I appear wearing a mask, the Mask of No Return (that covers my body from shoulders to feet) made from strips of blue plastic bags, a reference to commoditisation. e blue of the sea, cut and slashed by the door of no return (in the city of Ouida, that I visited). e audience expressed emotion, but no guilt: Return is about shared intimacy. e mask says it all, in fact, it harks back to Caribbean carnival masks (Creole Mas a bandlèt, spiritual and political masks) and also to the children’s mask, the Caléta béninois.”

Sans titre, série Entomologie poétique, 2019 Technique mixte, Dimensions variables Installation in situ, Le Centre, Cotonou, Bénin 2019 et Bandjoun Station, Cameroun 2019-2020 Courtoisie de l’artiste © Jean-François Boclé / Adagp Untitled, Entomologie poétique series, 2019 Mixed technique Variable dimensions In situ installation, Le Centre, Cotonou, Benin 2019 and Bandjoun Station, Cameroon 2019-2020 Courtesy of the artist © Jean-François Boclé / Adagp

J’ai traversé l’océan, 2019 Installation, vidéo de performance (4min 8), photographies Dimensions variables « Mas du non-retour », Le Centre, Cotonou, Benin Courtoisie de l’artiste © Jean-François Boclé / Adagp J’ai traversé l’océan, 2019 Installation, video of performance (4’8’’), photographs Variable dimensions « Mas du non-retour » (No return Mask), Le Centre, Cotonou, Benin Courtesy of the artist © Jean-François Boclé / Adagp