La_QuĂȘte_numĂ©ro 232_Juin 2021

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SOIRÉE DE BAL

HRONIQUE

LA TOURNÉE DES GRANDS-DUCS

Rassemblement chez les parents de M. B. sur le boulevard Saint-Cyrille. Les consƓurs et confrĂšres sont tous lĂ , accompagnĂ©s, en plus de certains parents curieux de voir la tĂȘte des jeunes gens qui accompagnent leur enfant dans cette escapade. Petit cocktail, jasette, puis c’est le dĂ©part pour la tournĂ©e. ENTRE CHIEN ET LOUP

Nous avions rĂ©servĂ© dans un resto Ă  la mode, rue D’Auteuil ; il s’agissait d’une grande salle Ă  manger rĂ©putĂ©e pour son atmosphĂšre et ses mets exotiques. Une sociĂ©tĂ© plutĂŽt calme et tranquille frĂ©quentait ce lieu. Le service Ă©tait bon et courtois. Nous avons dĂ©gustĂ© le repas complet. Un fond musical et le dĂ©cor harmonisaient le tout. Puis, nous avons tirĂ© notre rĂ©vĂ©rence. CRÉPUSCULE

Le groupe se met en route, direction Saint-David, RiveSud de QuĂ©bec. Nous nous rendons Ă  la « Maison hantĂ©e ». Un vent lĂ©ger dĂ©plaçait quelques nuages qui voilaient parfois la pleine lune. L’extĂ©rieur de l’immense bĂątiment octogonal de bois grisĂątre Ă©tait recouvert d’un toit d’une pente d’environ 30 degrĂ©s. À l’entrĂ©e nous avons Ă©tĂ© accueillis par un monsieur assez grand au teint verdĂątre, habit de cĂ©rĂ©monie et cape dans le style de Dracula. Nous le suivons, dans un corridor tortueux dont le plancher est fait de pierres inĂ©gales, jusqu’au vestiaire. LĂ , deux sorciĂšres au teint pĂąle, chapeaux pointus, maquillage foncĂ©, se chargent de nos vĂȘtements. Quelques pas plus loin, stupĂ©faction devant l’entrĂ©e d’une immense salle dont la structure intĂ©rieure rappelle celle d’un parapluie ouvert. Face Ă  nous, un podium sur lequel un orchestre constituĂ© d’une demi-douzaine de jeunes gens demi-vĂȘtus tapent Ă©nergiquement sur des barils de mĂ©tal vide de diffĂ©rentes hauteurs : de tout cela ressort une musique infernale aux dĂ©cibels trĂšs Ă©levĂ©s. ComplĂ©tant le dĂ©cor, deux cages immenses, du plafond au plancher et occupant un pan de l’octogone. Lorsque les musiciens prennent une pause, on entend parfois un bruit d’ailes parmi la vĂ©gĂ©tation Ă  l’intĂ©rieur des cages. En examinant plus attentivement, j’y dĂ©couvre une chouette dans une cage, et un grand-duc dans l’autre, participant parfois Ă  l’ambiance en Ă©mettant une sonoritĂ©.

JUIN 2021

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À LA BRUNANTE

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QuĂ©bec, mai 1965. La fin de l’annĂ©e scolaire approche Ă  grands pas. Comme notre groupe est plutĂŽt crĂ©atif, au lieu de nous adonner au sempiternel bal de fin d’annĂ©e, nous avons plutĂŽt optĂ© pour faire « La tournĂ©e des Grands-Ducs » Ă  notre façon. J’ai louĂ© un smoking chez Binet, boulevard Langelier. Puis, j’ai achetĂ© un bracelet de fleurs naturelles pour mon accompagnatrice de cette tournĂ©e.

On nous assigne une table Ă  la forme d’une tombe ancienne. Les dossiers des chaises ont la forme d’une pierre tombale blanche avec inscription en noir. AussitĂŽt attablĂ©s, on nous remet le menu qui a l’apparence d’une carte mortuaire et oĂč figure une liste de mets Ă  base de bespp tioles et de breuvages les plus ine Bo uch solites, le tout dans un style plutĂŽt ard comique. Il faut un bon estomac pour digĂ©rer tout ça. Je me contente d’une soupe Ă  la tortue et de cuisses de grenouilles capturĂ©es un soir de pleine lune, sautĂ©es au beurre noir. La cuvĂ©e spĂ©ciale du Vampire n’était pas Ă  dĂ©daigner. AprĂšs ce repas gargantuesque, le plancher de danse nous invitait. Nous avons goĂ»tĂ© tous les plaisirs de ce lieu avant l’heure Du chant du Coq. AUBE

Direction Ă©glise Saint-Vincent-de-Paul situĂ©e cĂŽte d’Abraham Ă  QuĂ©bec. Parmi la multitude des Ă©glises de la ville, elle cĂ©lĂ©brait, vers quatre heures trente du matin, la premiĂšre cĂ©rĂ©monie chantĂ©e le dimanche. Autre particularitĂ©, elle rassemblait toutes les classes de la sociĂ©té : ceux qui avaient passĂ© une nuit blanche, ceux qui venaient de se lever, les riches, les pauvres, les hardes usĂ©es cĂŽtoyaient le velours et la soie, tous unis en ce lieu sacrĂ©. Ainsi en Ă©tait-il en cette dĂ©cennie des annĂ©es soixante. Ite missa es. AURORE

Nous nous acheminons à la terrasse du Chùteau Frontenac, question de nous dégourdir les jambes un peu et admirer le ciel qui se transforme. LEVER DU SOLEIL

Retour Ă  LĂ©vis, cette fois par la traverse. Nous Ă©tions invitĂ©s Ă  un petit dĂ©jeuner chez les parents de A.T. Servi dans une salle toute blanche garnie de mobilier antique canadien assez classique, style de chaises et tables qu’on retrouvait Ă  cette Ă©poque Ă  l’üle d’OrlĂ©ans et sur la CĂŽte-de-BeauprĂ©. L’atmosphĂšre Ă©tait agrĂ©able et sympathique. Lorsque nous avons quittĂ©, le jour avait chassĂ© la nuit. Nous avions terminĂ© notre pĂ©riple en cĂ©lĂ©brant ainsi de façon spĂ©ciale pour l’époque la fin de notre annĂ©e scolaire. « Nuit immuable de la tournĂ©e des Grands-Ducs. » Je me souviens !

LA QUÊTE

PHILIPPE BOUCHARD

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