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Travailleurs de nuit en temps de pandémie
« Aujourd’hui, je travaille de minuit à 8 heures ». Comme Richard, agent de sécurité, nombre de travailleurs doivent se déplacer de nuit. Vendredi 7 mai, 22 h, le couvre-feu est déjà en vigueur depuis deux heures. Québec dort, à l’exception des noctambules qui assurent leur service. Portrait de ces travailleurs de nuit.
« 5 à 6 passagers après 20 heures »
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RENAUD, GARDIEN DE LA NAVIGUE
Dans le hall d’attente du traversier, le capitaine du bateau et Renaud, gardien de la navigue, se tiennent compagnie. En tenue de travail et badge apparent, ce dernier s’occupe des passagers et s’assure que la traversée se passe sans accroc. Celui qui a à cœur d’aider les voyageurs occupe son poste depuis sept ans. Avec le couvrefeu, son travail n’a pas changé: le traversier entre Québec et Lévis a conservé sa fréquence, un aller-retour par heure. Après 20 h, le gardien observe peu de passages: « Cinq à six personnes, de Québec à Lévis. Dans l’autre sens, il n’y a personne ».
« Avec ma veste d’agent de sécurité, je n’ai jamais été contrôlé ».
RICHARD, LA NUIT AU MUSÉE
Au moment d’écrire ces lignes, le Musée de la civilisation a été forcé de fermer à trois reprises. Malgré l’absence de visiteurs, il a maintenu son service de surveillance.
D’habitude, Richard se déplace en uniforme. « Avec ma veste d’agent de sécurité, je n’ai jamais été contrôlé », rapporte le gardien du Musée de la civilisation. En plein couvre-feu, Richard sort du traversier en provenance de Lévis, pour se rendre au musée. Ce trajet, il le fait depuis trois ans. L’air sérieux derrière son épaisse moustache grise, il s’apprête à enchaîner huit heures de travail. Les lieux culturels sont encore fermés, mais le musée est toujours surveillé. Avec lui, au travail, un collègue le complète. « Il supervise les écrans. Moi, je suis dans les couloirs ». Richard admet ne pas voir beaucoup de monde: « à part quelques itinérants et ceux qui promènent leur chien, la nuit est très calme ».
« Je nettoie trois étages de bureau et les 14 salles de bain »
SYLVIE, EMPLOYÉE DE MÉNAGE
Pour lutter contre la COVID-19, l’arbitrage entre économie et crise sanitaire a particulièrement affecté le secteur des services: les restaurateurs, les hôteliers… Sans oublier le personnel de ménage. Sous l’enseigne lumineuse du journal Le Soleil, Sylvie peaufine le nettoyage des portes vitrées de l’immeuble de huit étages. « Je nettoie trois étages de bureau et les 14 salles de bain du bâtiment », rapporte-t-elle. Employée depuis deux ans, elle a conservé son poste malgré les coupes de personnel. De l’entreprise qui l’emploie, « J’étais la plus expérimentée », explique-telle, chiffon et pchit pchit à la main. Sylvie finit son service à minuit. Au cœur de la Basse-Ville, le Service de Police de la ville de Québec n’est pas loin. Leur présence n’inquiète pas Sylvie: « J’ai été contrôlée une fois pendant le couvre-feu, au début. Je pense que maintenant, ils me reconnaissent ».
: VICTOR LHOEST Crédit photo
« J’amène beaucoup de personnes au CHUL »
ABDEL, CHAUFFEUR DE TAXI
En plus des bus du RTC, les chauffeurs de taxi assurent le service de transport de nuit. Après 20 h, ils sont souvent appelés pour des urgences. Dans son véhicule, Abdel attend les appels. Être chauffeur de taxi pendant le couvre-feu, c’est assumer le rôle d’ange gardien. « J’amène beaucoup de personnes au CHUL (Centre hospitalier de l’Université Laval) », explique-t-il. Derrière ses épaisses lunettes, les yeux rivés sur son écran, GPS et application de service ouvert, Abdel a dû adapter son travail. Avant, ses journées se terminaient à 18 h. « Maintenant, je roule jusqu’à une ou deux heures du matin », rapporte-til. Pour le chauffeur, le couvre-feu, le télétravail et la fermeture des commerces non essentiels se traduisent par plus d’heures de travail pour un salaire moindre. Abdel est forcé de l’admettre: « Il y a moins d’ouvrage ». Alors quand un client a besoin de lui, il coupe court à la discussion: « Je te laisse, j’ai reçu un appel ».
« Marcher seul le soir, je trouve ça plaisant »
MATEO, CUISTOT
Rue Saint-Jean, les livraisons à domicile gardent ouverts les restaurants qui maintiennent la vie économique du quartier. Mateo, visage jeune et cheveux longs, vient de finir son quart: « Je suis cuisinier au Chic Shack, près du Château Frontenac. Là, je rentre chez moi, dans Saint-Sauveur, près du restaurant Griendel », retrace-t-il. Son trajet, avec restaurants en guise de point de repère, il l’a déjà expliqué à la police: cinq fois depuis la mise en place du couvre-feu, dont deux fois dans la même soirée. « C’est un peu fatigant, mais ça s’est toujours bien passé », tempère-t-il. Marcher dans la nuit, il le fait par plaisir, mais aussi par nécessité. Avant, j’avais le laissez-passer universitaire (abonnement de bus des étudiants de l’Université Laval), mais je ne l’ai plus depuis décembre.
VICTOR LHOEST
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