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Non-voyants: hausse de l’isolement
NON-VOYANTS : UNE HAUSSE DE L’ISOLEMENT REMARQUÉE
En mal ou en bien, la pandémie de COVID-19 a affecté tout le monde, peu importe leur âge, leur statut social ou leur situation personnelle. Pour quelques-uns, l’adaptation aux nouvelles mesures sanitaires s’est faite sans problème, mais pour la communauté des personnes non voyantes, ces changements n’ont pas toujours été aussi simples à appliquer.
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Huguette Roussel travaille pour l’organisme Audiothèque L’Oreille qui lit. Ce groupe engage des bénévoles qui, en enregistrant leur voix, lisent des publications de toutes sortes dans le but d’en donner l’accès aux non-voyants. Mme Roussel est elle-même atteinte de cécité totale. Depuis sa naissance, elle ne voit strictement rien. Pour faire ses activités quotidiennes, elle a donc appris à utiliser des équipements comme la canne blanche ainsi que les assistances vocales incluses dans les appareils technologiques. Pour Mme Roussel, la pandémie n’a pas changé ses habitudes de vie: « Je n’ai pas remarqué de différence. Je vais faire ma marche pareille. » Elle ajoute qu’elle fait dorénavant son épicerie accompagnée par une personne aidante.
Selon Huguette Roussel, d’autres personnes non voyantes lui ont toutefois rapporté qu’elles se faisaient parfois réprimander lorsqu’elles sortaient faire son magasinage ou son épicerie parce qu’elles ne respectaient pas la distanciation. « Je sais qu’il y a des gens que je connais qui ont des problèmes avec la distanciation et qui vont [à l’épicerie] seuls », explique-telle. Mme Roussel ajoute également que plusieurs de ces personnes se sont donc isolées chez eux par peur de se faire gronder par la population: « La pandémie a emmené beaucoup d’isolement […] Il y a eu une baisse de morale significative ». Pierre Schram est directeur général d’Audiothèque L’Oreille qui lit et est, quant à lui, capable de perceptions lumineuses. Il peut donc discerner des ombres et des lumières, mais ne peut percevoir de formes. Comme pour sa collègue, la pandémie n’a pas changé ses habitudes quotidiennes, mais il soutient qu’il est plus vigilant qu’avant. « Je me surveille parce que je ne vois pas qui peut passer à côté de moi et je ne sais pas à quelle distance il peut passer quelqu’un. » M. Schram est aussi au courant de l’isolement de plusieurs personnes non voyantes, mais il croit que celles-ci se sont confinées plutôt pour leur sécurité. « Il y a quand même des services téléphoniques qui existent. Il y a des gens qui peuvent les aider à distance à commander leur épicerie. À mon avis, c’était plus sécuritaire et plus confortable pour ces gens-là », explique le directeur.
Pierre Schram est directeur général d’Audiothèque L’Oreille qui lit.
UN SERVICE SANS RELÂCHE
Audiothèque L’Oreille qui lit n’a connu presque aucune interruption de services durant la pandémie. Pierre Schram raconte que l’organisme a dû fermer ses portes pour quelques semaines, mais que ses employés ont pu ensuite continuer à offrir des services à la communauté non voyante. L’entente avec des bénévoles pour la lecture des publications disponibles a dû être interrompue, laissant les employés permanents faire le travail à distance.
Dû au manque de personnel, le nombre de publications a chuté. « Au niveau des bénévoles, il y a eu [un impact]. Tout ce qui est format papier a diminué parce qu’on ne pouvait pas tout faire », déclare Huguette Roussel. Les journaux, les horaires de télévision et les circulaires font partie des publications qui ont continué d’être offertes.
Pierre Schram déplore le manque de soutien de la part du gouvernement vis-à-vis de l’organisme et des nonvoyants. Audiothèque n’a reçu aucun financement sauf pour l’achat de produits désinfectants en début de pandémie. Selon Huguette Roussel, l’aide venait plutôt de la communauté qui accompagnait et aidait les personnes non voyantes. Lorsque le gouvernement provincial a annoncé qu’il prioriserait la vaccination des personnes avec un handicap, une lueur d’espoir s’est allumée pour la communauté. « On vient tout juste d’avoir, et ça fait des mois qu’on se bat pour ça, accès aux cliniques de vaccination », remarque M. Schram, tout de même déçu du temps d’attente. Depuis peu, l’organisme a de nouveau engagé ses bénévoles et les services redeviennent de plus en plus accessibles. Les non-voyants ont de nouveau accès à leurs publications et peuvent donc retourner à leurs anciennes habitudes malgré la pandémie.