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Nuit et pollution un duo méconnu

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Pays de province

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La nuit n’est pas aussi paisible que vous pourriez le croire… Les cours d’eau émettent 27 % plus de dioxyde de carbone, le principal responsable des gaz à effet de serre, la nuit venue. La pollution lumineuse, pour sa part, provoque de graves conséquences sur la faune et la flore, ainsi que sur la santé humaine. La Quête s’est penchée sur ces phénomènes.

En avril 2021, des chercheurs de l’École polytechnique de Lausanne ont démontré que les taux de dioxyde de carbone (CO2) que rejettent les fleuves, les rivières et les ruisseaux sont 27 % plus importants aux heures sombres. Jusqu’à récemment, 90 % des mesures de CO2 étaient réalisées entre 8 h et 16 h, biaisant le calcul du cycle global du dioxyde de carbone. Les chercheurs suisses ont donc souhaité compléter les échantillons pris manuellement de jour par des analyses prises par des capteurs durant la nuit. Ils ont basé leurs travaux sur un échantillon de 66 rivières réparties à travers le monde, en veillant à intégrer des régions quelquefois sousreprésentées telles que le Congo, l’Amazonie et diverses chaînes de montagnes. L’équipe a montré que les rivières et les ruisseaux de montagne, qui représentent environ 2,8 % du volume global d’eau sur Terre, émettent davantage de CO2 que ce qui était estimé jusqu’à maintenant par les scientifiques. Ces derniers croyaient plutôt au rôle prédominant des océans dans le cycle du carbone. Néanmoins, la dispersion et la complexité du réseau fluvial qui sillonne les terres rendent le calcul de ce flux complexe. La photosynthèse est probablement la grande responsable de cette fluctuation. Rappelons qu’il s’agit d’un processus biochimique qui permet aux plantes vertes de capter l’énergie lumineuse, de transformer le CO2 en carbone organique, puis de restituer de l’oxygène à l’atmosphère. Durant la journée, les plantes rejettent donc plus d’oxygène que de CO2, un phénomène qui s’inverse à la tombée de la nuit. Il ne faut pas omettre que les fleuves, les rivières et les ruisseaux transportent aussi continuellement de grandes quantités de matières organiques qui dégagent des flux de CO2 lorsqu’elles se décomposent. Plusieurs autres facteurs influencent également le cycle du carbone des cours d’eau et leurs variations quotidiennes tels que la saison en cours, l’altitude et la dénivellation du terrain, la végétation environnante et la présence d’une canopée, etc.

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LE GRAND FAUTIF

Le CO2 représente 77 % des émissions de gaz à effets de serre (GES) d’origine humaine dans la grande mécanique climatique. Il résulte principalement de la combustion des énergies fossiles et de certains procédés industriels. Essentiellement, les GES retiennent de façon temporaire la chaleur qui permet de réchauffer l’air et le sol. Plus la concentration des GES augmente dans l’atmosphère, plus la chaleur reste emprisonnée longtemps à la surface de la Terre, entraînant un réchauffement climatique. Cet effet de serre renforcé peut causer divers problèmes de grande envergure comme la fonte des banquises et des glaciers, la hausse du niveau de la mer, des périodes de sécheresse importantes et la perturbation de nombreux écosystèmes.

: Istock photo Crédit Image

LUMIÈRES DANS LA NUIT

La pollution lumineuse est définie non seulement par la présence gênante de lumière en période nocturne, mais également en fonction de ses conséquences néfastes sur la faune, la flore, la fonge, les écosystèmes et la santé humaine. Chez l’humain, la pollution lumineuse est suspectée d’altérer le système hormonal — et la libido! — ainsi que la sécrétion de mélatonine, une hormone essentielle au cycle naturel de sommeil. Le chercheur et professeur du Cégep de Sherbrooke, Martin Aubé, a entrepris en mars 2021 une étude causale entre la pollution lumineuse et le manque de mélatonine dans la ville de Sherbrooke, forte en détail sur l’indice de suppression de mélatonine… à suivre. Or, l’espèce humaine n’est pas la seule à avoir un rythme circadien. Les variations de lumière ont aussi un impact sur différents animaux et pollinisateurs, notamment en ce qui a trait à leur reproduction et leur alimentation. Pour de nombreux oiseaux qui s’orientent grâce aux étoiles, la pollution lumineuse rend difficile la migration. Même chose chez les tortues qui se déplacent grâce au reflet de la lune à la surface de l’eau. Tout compte fait, à la lumière de ces explications, la nuit est-elle aussi paisible que vous le croyiez?

ERIKA BISAILLON

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