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Soirée de bal

LA TOURNÉE DES GRANDS-DUCS

Québec, mai 1965. La fin de l’année scolaire approche à grands pas. Comme notre groupe est plutôt créatif, au lieu de nous adonner au sempiternel bal de fin d’année, nous avons plutôt opté pour faire « La tournée des Grands-Ducs » à notre façon. J’ai loué un smoking chez Binet, boulevard Langelier. Puis, j’ai acheté un bracelet de fleurs naturelles pour mon accompagnatrice de cette tournée.

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À LA BRUNANTE

Rassemblement chez les parents de M. B. sur le boulevard Saint-Cyrille. Les consœurs et confrères sont tous là, accompagnés, en plus de certains parents curieux de voir la tête des jeunes gens qui accompagnent leur enfant dans cette escapade. Petit cocktail, jasette, puis c’est le départ pour la tournée.

ENTRE CHIEN ET LOUP

Nous avions réservé dans un resto à la mode, rue D’Auteuil; il s’agissait d’une grande salle à manger réputée pour son atmosphère et ses mets exotiques. Une société plutôt calme et tranquille fréquentait ce lieu. Le service était bon et courtois. Nous avons dégusté le repas complet. Un fond musical et le décor harmonisaient le tout. Puis, nous avons tiré notre révérence.

CRÉPUSCULE

Le groupe se met en route, direction Saint-David, RiveSud de Québec. Nous nous rendons à la « Maison hantée ». Un vent léger déplaçait quelques nuages qui voilaient parfois la pleine lune. L’extérieur de l’immense bâtiment octogonal de bois grisâtre était recouvert d’un toit d’une pente d’environ 30 degrés. À l’entrée nous avons été accueillis par un monsieur assez grand au teint verdâtre, habit de cérémonie et cape dans le style de Dracula. Nous le suivons, dans un corridor tortueux dont le plancher est fait de pierres inégales, jusqu’au vestiaire. Là, deux sorcières au teint pâle, chapeaux pointus, maquillage foncé, se chargent de nos vêtements. Quelques pas plus loin, stupéfaction devant l’entrée d’une immense salle dont la structure intérieure rappelle celle d’un parapluie ouvert. Face à nous, un podium sur lequel un orchestre constitué d’une demi-douzaine de jeunes gens demi-vêtus tapent énergiquement sur des barils de métal vide de différentes hauteurs : de tout cela ressort une musique infernale aux décibels très élevés. Complétant le décor, deux cages immenses, du plafond au plancher et occupant un pan de l’octogone. Lorsque les musiciens prennent une pause, on entend parfois un bruit d’ailes parmi la végétation à l’intérieur des cages. En examinant plus attentivement, j’y découvre une chouette dans une cage, et un grand-duc dans l’autre, participant parfois à l’ambiance en émettant une sonorité. On nous assigne une table à la forme d’une tombe ancienne. Les dossiers des chaises ont la forme d’une pierre tombale blanche avec inscription en noir. Aussitôt attablés, on nous remet le menu qui a l’apparence d’une carte mortuaire et où figure une liste de mets à base de bestioles et de breuvages les plus insolites, le tout dans un style plutôt comique. Il faut un bon estomac pour digérer tout ça. Je me contente d’une soupe à la tortue et de cuisses de grenouilles capturées un soir de pleine lune, sautées au beurre noir. La cuvée spéciale du Vampire n’était pas à dédaigner. Après ce repas gargantuesque, le plancher de danse nous invitait.

HRONIQUE

C ourtoi sie: Phili ppe Bouchard

Nous avons goûté tous les plaisirs de ce lieu avant l’heure

Du chant du Coq.

AUBE

Direction église Saint-Vincent-de-Paul située côte d’Abraham à Québec. Parmi la multitude des églises de la ville, elle célébrait, vers quatre heures trente du matin, la première cérémonie chantée le dimanche. Autre particularité, elle rassemblait toutes les classes de la société: ceux qui avaient passé une nuit blanche, ceux qui venaient de se lever, les riches, les pauvres, les hardes usées côtoyaient le velours et la soie, tous unis en ce lieu sacré. Ainsi en était-il en cette décennie des années soixante. Ite missa es.

AURORE

Nous nous acheminons à la terrasse du Château Frontenac, question de nous dégourdir les jambes un peu et admirer le ciel qui se transforme.

LEVER DU SOLEIL

Retour à Lévis, cette fois par la traverse. Nous étions invités à un petit déjeuner chez les parents de A.T. Servi dans une salle toute blanche garnie de mobilier antique canadien assez classique, style de chaises et tables qu’on retrouvait à cette époque à l’île d’Orléans et sur la Côte-de-Beaupré. L’atmosphère était agréable et sympathique. Lorsque nous avons quitté, le jour avait chassé la nuit. Nous avions terminé notre périple en célébrant ainsi de façon spéciale pour l’époque la fin de notre année scolaire. « Nuit immuable de la tournée des Grands-Ducs. »

Je me souviens!

PHILIPPE BOUCHARD

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