NOCTAMBULES INSPIRĂS
CrĂ©dit Imageâ: Tumisu / Pixabay
des mĂ©dias sociaux, informations apocalyptiques Ă la tĂ©lĂ©vision, pressions de la vie active, Ă©chĂ©ances Ă respecter, interactions sociales Ă maintenir⊠toutes ces Ă©nergies et ces interfĂ©rences nous font sans cesse vivre Ă lâextĂ©rieur de nousmĂȘmes.
« La nuit est un vide dans lequel je peux créer. » Grace Jones.
Nombreux sont ceux Ă qui la nuit ne porte pas simplement conseilâ: elle apporte Ă©galement une crĂ©ativitĂ© inĂ©dite. Quelque chose dans la quiĂ©tude obscure sĂ©duit effectivement leurs esprits qui y trouvent refuge, laissant enfin libre cours Ă leur imagination dĂ©bordante. Une inventivitĂ© que lâarrivĂ©e de lâaube et de ses obligations vient bien souvent restreindre. Anatomie de ces oiseaux nocturnes. Sâasseoir et commencer lâĂ©criture de cet article vers trois heures du matin aurait pu ĂȘtre ironique. Ce crĂ©neau horaire est cependant lâun des seuls permettant un flot dâidĂ©es plus fluide, la crĂ©ativitĂ© absente en journĂ©e dĂ©sormais accessible du bout des doigts. Tous les Ă©lĂ©ments y participant sont effectivement rĂ©unis : le silence Ă©pais ambiant, lâisolation de lâĂȘtre et de la pensĂ©e, les lumiĂšres lĂ©gĂšrement plus douces et le temps qui semble se suspendre juste pour nous. Câest dans la nuit que beaucoup retrouvent le contrĂŽle dĂ©robĂ©. Que beaucoup se retrouvent. UNE SOLITUDE NĂCESSAIRE
Ce retour nocturne Ă soi donne Ă lâinventivitĂ© un nouveau souffle. En effet, dans le courant de la journĂ©e, notre esprit ne cesse dâĂȘtre sollicitĂ© de part et dâautre. PublicitĂ©s intempestives, lumiĂšre bleue des Ă©crans, hypnose JUIN 2021
Mais une fois la nuit tombĂ©e et ce chaos temporairement feutrĂ©, enfin, nous nous retrouvons. Et se retrouver signifie respirer, mettre de lâordre dans ses idĂ©es, prendre du temps pour soi, mais aussi comprendre les Ă©vĂ©nements que nous nous sommes jusquâalors contentĂ©s dâenchaĂźner aveuglĂ©ment. Car câest dans leur essence que sera puisĂ©e notre imagination. REPRODUCTION ET CRĂATION
Il existe en psychologie deux types dâimagination. Celle reproductrice, tout dâabord, qui garde en mĂ©moire des souvenirs sensoriels de maniĂšre vive, presque palpable. Ainsi, chacun peut se replonger dans une fenĂȘtre spĂ©cifique de son passĂ© pour le revivre avec ses couleurs, ses formes et ses odeurs de lâĂ©poque. Mais il arrive quâil manque Ă ces instants remĂ©morĂ©s des dĂ©tails ou que certains angles soient arrondis, certains traits embellis. Câest ici quâentre lâimagination crĂ©atrice. En sâappuyant sur des souvenirs prĂ©existants, elle en invente de nouveaux, donnant naissance Ă des perceptions et des reprĂ©sentations mentales inĂ©dites. Ainsi procĂšdent les artistes â tels que les Ă©crivains, les chanteurs, les dessinateurs ou encore les poĂštes â lorsque pour produire leur art, ils sâinspirent dâimages antĂ©rieurement emmagasinĂ©es que leurs plumes se chargent par la suite dâesthĂ©tiser. Mais pour que cette prise de recul crĂ©ative ait lieu dans leurs esprits, il est nĂ©cessaire quâils en aient LA QUĂTE
le temps. Et pour beaucoup, ce temps nâarrive quâune fois la nuit tombĂ©e. LĂCHER PRISE
La fatigue est loin dâĂȘtre un obstacle dans ces moments-lĂ , contrairement Ă ce que lâon pourrait penser. Exercer sa crĂ©ativitĂ© nâimplique pas toujours dâĂȘtre en action. FrĂ©quemment, ce nâest quâun Ă©tat passif et engourdissant permis par la relaxation progressive de lâesprit aprĂšs une journĂ©e chargĂ©e. Les idĂ©es vont et viennent alors sans obligation de signification et câest frĂ©quemment dans ce ballet alĂ©atoire de mots et dâimages que lâidĂ©e parfaite nous apparaĂźt soudain. Car certaines Ă©piphanies ont toujours Ă©tĂ© prĂ©sentes en nous. Elles se laissent simplement apprĂ©hender aprĂšs que le cerveau ait acceptĂ© de lĂącher prise â soit gĂ©nĂ©ralement aux portes du sommeil. MalgrĂ© la torpeur, il faut donc avoir la prĂ©sence dâesprit dâattraper rapidement de quoi retenir cette idĂ©e sur le papier avant quâelle ne sâĂ©vapore Ă nouveau. Une fois perdue, il est trĂšs souvent difficile de la retrouver autrement que par microscopiques fragments. MORPHĂE COMME ALLIĂ
Le sommeil nâest pas non plus une perte de temps. Aussi stimulante que la nuit puisse ĂȘtre, il est important de se rappeler que nos corps et esprits ont besoin dâun minimum de repos pour pouvoir fonctionner correctement, de jour comme de nuit. Un cerveau extĂ©nuĂ© ne peut ni se montrer crĂ©atif ni mettre cette crĂ©ativitĂ© en action. Il convient donc de faire des compromis en sacrifiant quelques-unes de ces nuits sacrĂ©es pour dormir et ainsi se rĂ©gĂ©nĂ©rer. Et lorsquâon sait que certains songes peuvent Ă©galement se faire porteurs dâidĂ©es nouvelles, on rĂ©alise quâen termes dâĂ©piphanies, il nây a jamais de temps gaspillĂ©. MALIA KOUNKOU
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