Perfectio — Cheminement (Édition spéciale, printemps 2021)

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TRANSFORMATIONS DU MARCHÉ DE L'EMPLOI

FLEXIBILITÉ DES MODES DE TRAVAIL :

est-il permis de rêver? Par Laurence Buenerd

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La société canadienne est-elle prête à adopter une plus grande flexibilité en matière de travail : horaires, nombre d’heures vs résultats, lieux de travail, conciliation travail-famille? Lorsqu’on parle de flexibilité dans le travail, on évoque une zone encore assez peu balisée puisqu’elle concerne le changement de façons de faire par rapport au lieu, au moment et à la façon dont se déroulent les activités salariées (autrement dit : où, quand et comment). Cette flexibilité peut signifier une relative liberté touchant plusieurs aspects : rythmes de travail, horaires de travail, équilibre entre vie professionnelle et personnelle, ou encore l’accent mis par l’employeur sur les résultats plutôt que sur le lieu de travail ou la quantité de travail. La pandémie a accéléré l’évolution des mentalités en ce qui a trait à l’emploi : lieux de travail, horaires de travail, etc. ont gagné une flexibilité jamais atteinte. Les deux dernières années ont permis aux organisations et aux individus de réaliser des expérimentations à l’échelle de la planète sur le plan des conditions dans lesquelles se déroulaient les activités professionnelles. Mais, comme le fait remarquer Emma Goldberg dans son article intitulé A Two-Year, 50-Million-Person Experiment in Changing How We Work1 (Changer nos façons de travailler : une expérimentation de deux ans pour 50 millions de personnes) : « Le travail de bureau n’a jamais été un modèle unique pour tous. C’est le modèle qui fonctionnait pour quelques-uns, avec l’idée que tous les autres se glisseraient dans le moule ». Le moule semble définitivement élargi depuis deux ans.

TRAVAILLER AU BUREAU OU À LA MAISON? Au Canada, beaucoup d’employeurs, dont la fonction publique, ont sondé leurs employés au cours des derniers mois : travail au bureau, à la maison, ou en alternance? Il semble que l’alter­ nance ait la préférence sur le travail à la maison, l’option la moins populaire étant celle d’un retour au travail comme avant. Selon une enquête de Statistique Canada menée début 2021, 32 % des employés canadiens âgés de 15 à 69 ans effectuaient la plupart de leurs heures de travail à partir de la maison. Dans l’ensemble, 80 % de ces télétravailleurs, hommes

Coordonnatrice et rédactrice et femmes dans des proportions assez semblables, ont indiqué qu’ils préfèreraient travailler au moins la moitié de leurs heures (ou plus) à la maison une fois la pandémie terminée. Les 20 % restants eux, disaient préférer travailler la plupart (11 %) ou la totalité (9 %) de leurs heures à l’extérieur de leur domicile2. Il est bien évidemment question d’emplois qui permettent ces options, les serveurs continuant leur service dans les bars et restaurants, les infirmières dans les lieux de soins et les camionneurs, sur les routes. Les entreprises commencent aussi à s’adapter à la nouvelle réalité : en 2016, 13 000 Canadiens travaillaient à domicile pour des entreprises situées dans une autre province ou un autre territoire. Mais lorsqu’ils ont été interviewés au cours du quatrième trimestre de 2021, les employeurs canadiens prévoyaient qu’environ 113 000 de leurs employés allaient télétravailler exclusivement à partir d’une autre province ou d’un autre territoire au cours des trois mois suivants. Bien que ce nombre ne représente qu’une petite partie de l’ensemble de leur main-d’œuvre (0,9 %), il met en évidence une transition vers des modalités de travail plus flexibles3. Des compagnies comme Google, Microsoft, Citigroup ou Walmart ont annoncé au cours de la dernière année leur intention d’offrir à leurs employés un mode de travail hybride leur permettant de travailler hors du bureau une partie de leur semaine de travail. Le directeur général d’IBM, Arvind Krishna, aurait déclaré4 qu’il ne s’inquiétait plus de savoir si les employés de bureau arrivaient à 5 ou 11 heures du matin, ou si leur journée de travail se terminait à 15 ou 21 heures, tant qu’ils étaient productifs. De son côté, Andi Owen, directrice générale de MillerKnoll, un fabricant américain de meubles et matériel de bureau haut de gamme, disait croire que les entreprises seront dorénavant plus à l’écoute de ce que leurs salariés ont à dire sur leurs environnements de travail qu’à l’opinion de leurs groupes de dirigeants sur le sujet5. Statistique Canada indique qu’environ 40 % des emplois au Canada peuvent être réalisés en télétravail. De manière générale, chez les 25 à 65 ans, plus de femmes que d’hommes occupent des postes pouvant être transformés en télétravail, alors que les jeunes hommes et femmes de moins de 25 ans

Emma Goldberg (12 mars 2022), A Two-Year, 50-Million-Person Experiment in Changing How We Work, New-York Times, repéré le 12 mars à l'URL : https://www.nytimes.com/2022/03/10/business/remotework-office-life.html 2 N. d. (1er avril 2021), Répercussions du télétravail sur la productivité et les préférences des travailleurs Statistique Canada, Le Quotidien, repéré le 25 février à l'URL https://www150.statcan.gc.ca/n1/dailyquotidien/210401/dq210401b-fra.htm 3 N. d. (23 février 2022), Le télétravail à longue distance, Statistique Canada, repéré le 8 février à l'URL: https://www.statcan.gc.ca/o1/fr/plus/434-le-teletravail-longue-distance 4 David Gelles (12 novembre 2021), What Bosses Really Think About the Future of the Office, New-York Times, repéré le 11 février 2022 à l’URL : https://www.nytimes.com/2021/11/12/business/corner-office-return.html 5 Ibid. 1


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