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En Ontario, un modèle de l’apprentissage porté par les collèges communautaires dans les régions

Par Denis Brouillette // Chef des programmes d’apprentissage, Collège Boréal

En Ontario, le modèle de l’apprentissage a été construit pour des personnes ayant déjà un emploi, mais qui souhaitent améliorer leurs compétences et devenir des professionnels qualifiés dans un métier spécialisé reconnu. Il comporte un apprentissage technique, réalisé dans le cadre de leur emploi, qui occupera 85 à 90 % de leur temps et un apprentissage théorique pour les 10 à 15 % du temps restant. Cet apprentissage théorique est offert par différents collèges de la province. Selon le type d’apprentissage, la formation théorique sera donnée en deux ou trois blocs de cours, correspondant à des niveaux, regroupés sur des périodes d’environ huit semaines. Par exemple, une personne apprentie en coiffure aura besoin de deux sessions de cours théoriques et environ 3 500 heures de travail. Par ailleurs, une personne apprentie en électricité aura besoin de trois sessions de cours théoriques et environ 9 000 heures de travail. Pour cette raison, les durées d’apprentissage varient de trois à cinq ans, selon le métier choisi. Pendant leur formation théorique et pour ne pas les pénaliser, les apprentis sont pris en charge par l’assurance-emploi, les 30 heures par semaine d’apprentissage théorique ne leur permettant pas de travailler.

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Denis Brouillette, Chef des programmes d’apprentissage du Collège Boréal, croit que les programmes d’apprentissage permettent une progression efficace des apprentis. Lorsque le premier niveau théorique est achevé, ils peuvent alors mettre en application cette théorie pendant une ou deux années supplémentaires, à leur retour au travail. Et ils pourront ensuite passer au niveau suivant avec une meilleure compréhension de ce qu’ils ont appris, jusqu’à leur examen de qualification à la fin du programme.

En Ontario, l’apprentissage concerne plusieurs types de métiers : les métiers traditionnels, comme ceux de la construction, mais aussi les métiers de services, peut-être moins bien connus. En 2022, 144 métiers sont des métiers « reconnus » et faisant l’objet d’un apprentissage, dans quatre secteurs différents : Secteur de la construction, Secteur industriel, Secteur de la force motrice et Secteur des services. Tous ont en commun une standardisation de leur processus de formation, qui conduit à la certification délivrée par la province.

L’Ontario fait évoluer sa liste de métiers offrant un apprentissage, pour répondre et s’ajuster aux besoins du marché du travail. Par exemple, les métiers d’aide, intégrés à la fin des années 2010, répondaient à un besoin d’uniformisation des compétences des travailleurs de ces secteurs.

Fin 2021, le Collège Boréal offrait des programmes d’apprentissage dans près d’une quinzaine de métiers : électriciens/ électriciennes, techniciens/techniciennes d’entretien de camions et d’autocars, plombiers/plombières ou encore praticiens/praticiennes du développement de l’enfant ou aide-enseignants/aide-enseignantes pour en souligner quelques-uns. Ces programmes étaient disponibles en présentiel sur les campus du nord de l’Ontario ou en ligne.

Comme les formations en apprentissage visent à combler les besoins détectés dans les différents secteurs d’activités, leurs couts sont largement pris en charge par la province. Denis Brouillette précise qu’environ 85 % des couts des formations en apprentissage sont pris en charge par le ministère du Travail, de la Formation et du Développement des compétences, le 15 % restant étant à la charge des apprentis. Mais contrairement à d’autres types de formation, les personnes qui souhaitent suivre un parcours d’apprentissage doivent impérativement avoir un emploi et obtenir l’accord de leur employeur. Dans le cas contraire, elles peuvent commencer par suivre une formation de préapprentissage qui augmentera leurs chances de trouver un employeur intéressé par l’embauche d’un futur apprenti.

Le Ministère lance annuellement un processus d’appels d’offres pour différents programmes de préapprentissage sur la base des besoins estimés des différents secteurs d’activités, notamment dans les secteurs de la construction ou en mécanique.

Pour Denis Brouillette, ces programmes sont particulièrement pertinents aussi bien pour de jeunes collégiens qui ne sont pas surs de leurs choix de carrières, mais aussi pour des professionnels désireux d’en savoir plus avant d’entreprendre un changement de carrière. Ce sont des formations entièrement gratuites, de 25 à 35 semaines, qui prévoient une mise à niveau des compétences de base, une mise à niveau des compétences en mathématiques, une formation sur le métier ou sur le groupe de métiers envisagés par les personnes participantes, une formation en santé et sécurité et finalement, un stage de huit à douze semaines.

Ces types de formations existent depuis maintenant une quinzaine d’années en Ontario. Elles offrent un premier aperçu de ce qu’est réellement le métier spécialisé, mais aussi la possibilité de trouver un employeur, grâce au stage, qui souhaitera avoir un apprenti pendant quelques années et l'accompagner jusqu'à sa certification.

Le Collège Boréal s’est adapté au fil des années, en offrant des programmes de préapprentissage dans les métiers traditionnels tels que dans les secteurs de la construction ou de la mécanique réservés exclusivement à des participantes. Les femmes sont encore peu nombreuses à faire des choix de carrières dans l’électricité, la charpenterie ou la soudure, alors ces programmes sont là pour leur permettre d’expérimenter et de prendre confiance sans crainte d’être jugées.

Ces programmes visent aussi à remédier aux pénuries de main-d’œuvre existant dans plusieurs secteurs, qui incitent dorénavant certains employeurs à considérer l’embauche de femmes pour combler leurs besoins. Il précise que les profils des participantes sont très variés : elles viennent de l’école secondaire ou ont fait le choix de changer de carrière, et toutes les tranches d’âge actif sont représentées, de 18 à 50 ans.

Avec un programme de préapprentissage en charpenterie comptant 10 participantes qui vient de se terminer, le Chef des programmes d’apprentissage est satisfait de cette évolution vers une intégration des femmes dans les métiers traditionnels. Il croit cependant qu’il est possible de laisser une place encore plus grande aux femmes intéressées par ce type de carrière.

Interrogé sur les conséquences des pénuries de main-d’œuvre sur la popularité des programmes d’apprentissage, il suspecte qu’elles ne vont pas simplifier la tâche des employeurs qui souhaitent avoir des apprentis. Il s’inquiète aussi du fait que certains types de carrières ont été délaissés pendant la pandémie pour des réorientations. Le secteur des services a souffert : de nombreuses personnes travaillant en coiffure, dans l’hôtellerie ou en petite enfance ont quitté leur emploi pour se tourner vers une autre carrière. Mais, il croit malgré tout que l’apprentissage reste un type de formation très pertinent, car il y a un grand besoin de main-d’œuvre qualifiée. C’est pour cette raison que beaucoup d’efforts de publicité ont été investis pour favoriser l’intégration dans les métiers et la formation par l’apprentissage. Le Collège Boréal va continuer à offrir des formations en apprentissage et préapprentissage annuellement, et ce, dans plusieurs régions afin de répondre aux besoins de l’industrie, pour accommoder les apprentis qui devront voyager pour suivre leur formation théorique, mais aussi pour continuer à desservir les communautés francophones de la province. ■

LES FEMMES SONT ENCORE PEU NOMBREUSES À FAIRE DES CHOIX DE CARRIÈRES DANS L’ÉLECTRICITÉ, LA CHARPENTERIE OU LA SOUDURE, ALORS CES PROGRAMMES SONT LÀ POUR LEUR PERMETTRE D’EXPÉRIMENTER ET DE PRENDRE CONFIANCE SANS CRAINTE D’ÊTRE JUGÉES.

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