La forme acousmatique du paysage sonore dans le projet de paysage - Maëlian Soulier

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La forme acousmatique du paysage sonore dans le projet de paysage La récurrence et l’émergence des sons : Etude et traitement du statut du paysage sonore, (des sons inouïs) dans les actions spatiales : le cas de la place Roumégoux à Gradignan Maëlian Soulier

PARTITION UMWELT © BERTRAND WOLFF

Pièce mixte pour électronique, deux percussionnistes et six haut-parleurs vibratoires, 2019

Travail Personnel d’Étude et de Recherche (TPER) de la Formation Paysagiste DEP Année Universitaire 2021- 2022

École Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Bordeaux


Comment appréhender le sonore par la transcription graphique, dans le projet de paysage ? Interprétation de la forme intelligible du son par le chorème

Travail Personnel d’Étude et de Recherche (TPER) de la Formation Paysagiste DEP Année Universitaire 2021- 2022

École Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Bordeaux


Soulier Maëlian

Date de soutenance : Jeudi 27 Janvier 2022

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Remerciements

Je souhaite adresser des remerciements à toutes les personnes qui m’ont accompagné durant un temps dans la construction et l’écriture de ce travail de recherche. Je tiens à remercier Mr Philippe Woloszyn, tuteur de ce travail de recherche, architecte, acousticien et chercheur au sein du laboratoire UMR Passage. Mais également l’ensemble du corps enseignantS qui ont été présents pour la coordination de ce séminaire de recherche : Rémi Bercovitz, Serge Briffaud, Benjamin Chambelland, Bernard Davasse, Emanuelle Heaulmé, Thomas Maillard, Cyrille Marlin et Alexandre Moisset, Marie-Ange Lasmenes. Je tiens à remercier tout particulièrement Catherine Sémidore pour les précieuses aides et informations apportées grâce aux partages de ses expériences et connaissances. Je tiens à remercier ma famille pour le soutien et les longues heures passées pour la relecture. Je tiens à leur témoigner toute ma reconnaissance.

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GLOSSAIRE ET ACRONYMES

A ● Audible : ondes sonores comprises entre deux fréquences, perceptibleS par tous. ● Archétype : permet de désigner un objet, plus particulièrement sa forme générale. ● Archétypique : modèle qui reproduit un archétype. ● Acousmatique : bruit ou son que l’on entend sans percevoir sa source. ● Acousmonium : projecteur sonore conçu par François Bayle, il permet de projeter des œuvres sonores ou musicales, dans une salle, via une console. Il peut s’adapter aux œuvres et à la configuration de l’espace de diffusion . ● Archéologie : état qui constitue un ensemble de données appartenant au passé. ● Axonométrie : procédé graphique utilisé permettant de réaliser une projection orthogonale d’un espace.

B-C ● Cadences : mouvement ou évènement sonore régulier. ● Confort Acoustique : équilibre sonore conféré à un espace. ● Champ Visuel : portion d’espace qui est vu lorsque l’oeil est fixe. ● Chorème: selon Roger Brunet (1980) c’est «la structure élémentaire de l'espace géographique». Ce sont des combinaisons de formes simples qui permettent de construire un espace. ● Chorématique : méthode de modélisation élémentaire permettant de réaliser une représentation schématique d’un espace et de ces phénomènes spatiaux. ● (la) Couleur : spectre sonore dans sa globalité, dans celui des matériaux définis comme marquants. Cela revient à identifier dans quelle zone particulière le spectre se situe (large ou serré et bas médium haut). ● Chorotypes : «C’est un arrangement de chorème récurrent» selon Roger Brunet (1981). Dans le cas de ce travail de recherche, le chorotype correspond à un modèle, une structure élémentaire de base. ● Chrono-Chorème, Paléo Chorème : c’est une modélisation dynamique des interactions spatiales au cours de l'histoire.

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D ● Diagnostic ( paysager) : analyse qui permet de définir le contexte global, plus particulièrement paysager dans lequel le futur projet viendra s’intégrer. ● (la) Distance : filtres ou calques donnant l'illusion de la profondeur si le plan d'écoute est frontal et réparti de part et d'autre de l'observateur, ils font rappel au mélange de différents plans et distances. ● Dimension Sociétale : interactions entre le milieu naturel et les différents aspects de la vie sociale d’un individu en société. ● (la) Densité Verticale : mélanges de couches sonores diverses plus ou moins nombreuses qui renvoient à la polyphonie sur des plans différenciés ou non.

E ● Écoute : être attentif aux bruits ● Écoute Aveugle : écoute de bruits ou éléments sonores sans percevoir l’objet duquel ils proviennent. ● Écoute Récurrente : méthode d'écoute d’une séquence sonore sur un même parcours à intervalle régulier. ● Empreintes Sonores : elles sont spécifiques à un lieu donné. ● Environnement : contexte particulier dans lequel un ensemble d’objets matériels et immatériels se trouvent. ● Espace (dans le musical) : dans cette catégorie sont présents : le placement et le déplacement ou bien la mobilité ou l'immobilisme des matériaux dans le plan stéréophonique. ● Espace urbain : il est construit par les sociétés humaines. Il constitue une aire urbaine relativement dense où les individus vivent et travaillent.

F ● Fabrique urbaine : processus social dans lequel le tissu urbain se transforme. Il évolue selon trois grands axes : la temporalité, la morphologie et le rôle des acteurs économiques et politiques. ● Faire Projet : action réalisée pour l’élaboration d’un projet de paysage.

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● Fond Sonore : il se trouve en arrière-plan, il est constitué de sonorités homogènes dont les fréquences sont graves, comprises entre 60 et 110 Hz. ● Field Recording : pratique apparue à la fin du XIXème siècle, qui consiste à réaliser des enregistrements de terrain.

I-J-K ● Hi-Fi : sonorités cycliques esthétisantes et originales, qui sont par nature idéalisées dans le paysage sonore. ● Horizon Perceptif : il régit la perception de l’espace, c’est l’ensemble de l’espace vécu. ● Image Acoustique : caractérise l'empreinte sonore, c'est -à -dire le trait distinctif , qui se différencie d’un son par rapport à un autre. ● Intelligible : qui n’est pas perçu par le sens (la source) mais qui est perçu par l'intelligence (interprétation). ● Jardin Sonifère : création paysagère en forme d’oreille du Centre de Découverte du Son ● Keynote Sound : principaux sons entendus et suffisamment fréquents qui constituent l'arrière-plan, sur lesquels d’autres sons perçus viennent se superposer.

L ● Leq (Level EQuivalent) : moyenne du niveau sonore (énergie acoustique) diffusée sur une temporalité donnée. ● Lo-Fi : sonorités répétitives et monotones (bruits de la ville) dans le paysage sonore.

M-N-O ● Modalité (paysagère) : forme particulière, manière d’aborder les pratiques (paysagères). ● Morpho-Acoustique : elle représente la configuration, la forme d’un élément sonore. ● Musique Concrète : genre musical de l’art acousmatique inventé par Pierre Schaeffer. La méthodologie consiste à capter des sons, les enregistrer à l’aide d’un micro puis de les manipuler électriquement ou mécaniquement, post-enregistrement.

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(la) Nuance : variations dynamiques d'intensité, de volume, de puissance sonore

Objet Sonore : objet où les sens peuvent s'appliquer selon Pierre Schaeffer.

P ● Parcours Sonore : action pour se rendre d’un point à un autre par un itinéraire plus ou moins défini, dont l’objectif est de percevoir différentes sonorités et ambiances sonores. ● Paysage : perception, représentation de l’environnement qui nous entoure ayant une valeur sociale, culturelle, etc. ●

Paysage Sonore : composition de sons que l’on retrouve dans un environnement

● Perception Auditive : capacité à recevoir et interpréter des informations issues des ondes sonores grâce à l’ouïe. ● Plan : dessin qui représente de manière schématique l’organisation spatiale de divers éléments. ● Pratique paysagère : procédé qui permet de faire émerger des compétences issues de disciplines distinctes menant à des actions environnementales. ● (la) Pulsation : appelée densité horizontale elle est le plus souvent généralisée sous le terme de “tempo”elle permet d'avoir une idée globale de la vitesse d'émission des événements sonores dans chaque plan et chaque séquence.

Q-R-S ● Qualité sonore : relatif à la valeur des sonorités perçues ou enregistrées. ● Récurrence : caractère sonore qui revient par intervalle. ● Séquence sonore : série de sons ordonnés. ● Sémiotisation : il s’agit de considérer des éléments (sonores) comme des signes ou des symboles. ● (les) Signaux : situés au premier plan de l'environnement sonore, ils donnent des messages et informations sur le son. ● Structure élémentaire : symbolisation des formes initiales dans la chorématie. ● Strates : couches, niveaux qui constituent un ensemble. ● Sonotope: sous-unité du paysage sonore permettant d’avoir une idée plus précise, sur le paysage sonore et dans son ensemble.

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● Sonoscène : emplacement délimité dédié à l'écoute du paysage sonore. ● Sonore : élément qui se produit ou qui émet sous formes de sons. ● Soundwalking : pratique de création sonore ou de recherche qui consiste à se déplacer tout en captant les sons. ● Symboles Sonores : Expression des réactions provenant de différents objets social, culturel etc. Ils se regroupent dans une catégorie plus générale.

T-W ● Transect : représentation graphique qui présente un espace géographique sur une ligne virtuelle. ● Tégéos : symbole qui désigne un objet matériel dans l’espace. ● Timeline : frise chronologique virtuelle retraçant l’historique des éléments qui l’a compose. ● (la) Tonalité : dans un espace extérieur, elle renvoie aux sons dominant et/ou omniprésent. Elle est le plus souvent perçue comme fond sonore ou les autres éléments sont dissociés de l'environnement sonore. ● Wolrd Project Soundscape : Projet de recherche international sur le son.

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TABLES DES FIGURES Figures : Figure 1. Le concert champêtre, huile sur toile (105*136,5 cm) Tititen,Gigiorne (1509) Le Concert champêtre ;

Figure 2. Fontaine Villa d’Este à Tivoloi, Photo de Fczarnowski (2020) Figure 3. Différence entre image réelle et image-son. source Pierre Couprie, Le vocabulaire de l’objet sonore, p.9 sur 14 Figure 4. Le portefeuille des plans et la grille fonctionnelle des Documents d’évaluation du patrimoine archéologique des villes de France, source pour la chrono-chorématique urbaine. Source : CNAU (Sapin 1998 : 7 et http://www.culture.gouv.fr/culture/cnau/pdf/grille_chrono.pdf). Figure 5. Le langage graphique : les composantes transhistoriques de la « composition » urbaine (Atelier de chrono-chorématique urbaine du CNAU) Figure 6. Evolution d’une ville de France (Atelier de chrono-chorématique urbaine du CNAU) Figure 7. (Dé)composer la ville : l’exemple du modèle de l’épisode 3 (Atelier de chrono-chorématique urbaine du CNAU) Figure 8. Les structures de l'espace bolivien selon J.P. Deler, Géographie Universelle, infographie par V. Brustlein Figure 9. Signe géographique : Chorèmes et tégéos, Rémi Jolivet et Georges Nicolas, Cahiers de géographie du Québec, 35,535-564 Figure 10. Situation de la place Roumégoux - Axonométrie issue du projet de création de ZAC - rapport de présentation de Bordeaux Métropole, La FAB, Avril 2016, source Alphaville, Octobre 2016 Figure 11. Cartographie de la répartition des fonctions et usages de la ville de Gradignan. Figure 12. Photographies de la répartition des fonctions et usages de la ville de Gradignan. Ech 1/2500 Figure 13. Cartographie de la répartition des fonctions et usages de la ville de Gradignan.1/2500 Figure 14. Parcours sonore sur la commune de Gradignan. ech 1/ 2 500 Figure 15. Parcours sonore de la place Roumégoux de Gradignan. ech 1/2500 Figure 16. Croquis de l’environnement sonore de la place Roumégoux

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Figure 17. Exemple de sonoscènes et relevé photographique Place Roumégoux et Passage Paul Barreau Figure 18. Transect de 3 sonoscènes de la place Roumégoux présentant l’intensité sonore en fonction de la durée et de la cadence générale. Figure 19. Esquisse et essai chorématique de la Place Roumégoux Figure 20. Proposition de carte chorématique des dynamiques spatiales essentielles de la Place Roumégoux Figure 21. Proposition de carte chorématique des dynamiques sonores essentielles de la Place Roumégoux Tableaux: Tableau 1. La typologie de l’objet sonore. Source. Pierre Couprie, Le vocabulaire de l’objet sonore, p.6 sur 14 Tableau 2. Sructures élémentaires de l'espace ou le socle de la chorématique. Roger Brunet, La carte-modèle et les chorèmes, Mappe Monde 86/4 Tableau 3. Lectures des tableaux chrono-chorématiques à partir de l’exemple de Poitiers (commentaire de G. Djament sur le tableau de Boissavit-Camus, Guilloteau et Royoux 2010). Tableau 4. Représentation des flux de la circulation urbaine autour de la place Roumégoux. Tableau 5. Stratégies et dynamiques spatiales essentielles adoptées Tableau 6. Stratégies et dynamiques sonores essentielles adoptées

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TABLE DES MATIÈRES

Remerciements

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GLOSSAIRE ET ACRONYMES

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TABLES DES FIGURES

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INTRODUCTION

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PARTIE 1 : Le son comme objet de composition spatiale

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1.

Le domaine sonore dans les pratiques paysagères 1.1 Définition du paysage sonore 1.2 L’espace sonore dans l’histoire des paysages : entre urbanité et ruralité 1.3 Le sonore chez le paysagiste

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2.

Notion de soundscape 2.1 La forme acousmatique 2.2 Écoute objective - modalité d’écoute selon Pierre Schaeffer World Project Soundscape

24 25 30 34

3.

Le paysage sonore dans les modalités paysagères 3.1 Le rapport entre espace et sons Espace / Temps /Visuel / Sonore

36 37 38

4.

La Spatialisation du son et sa transcription graphique 4.1 Transcription graphique de Chorème 4.1.1 Méthode de visualisation de l’espace urbain 4.1.2 La construction d’un langage graphique 4.2 Application du chorème au son

40 40 41 43 52

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PARTIE 2 : Appréhension du son par la transcription graphique : Chorèmes et Tégéos Le cas de la place Roumégoux à Gradignan

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1.

Méthode d’action applicable au terrain 1.1 Analyse paysagère de l’environnement sonore 1.2 Processus d’action

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2.

Diagnostic acoustique à l’urbanité sonore 2.1 Parcours sonore 2.2 Écoute récurrente 2.2.1 Saisir 2.2.2 Compréhension des sources 2.2.3 Recording et prise de photos 2.2.4 Interprétation

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3.

De l’analyse à la cartographie temporelle : mise en place de chorèmes et tégéos Transcription Graphique : Essais et résultats 3.1 Application du chorème 3.2 Résultats

69 69 74

CONCLUSION

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ANNEXES

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BIBLIOGRAPHIE

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INTRODUCTION

Ce mémoire constitue une exploration de la thématique du paysage sonore, de sa forme intelligible et acousmatique comme expression de l'interaction du sonotope : sonore / environnement, au-delà des possibles réductions du son comme élément patrimonial. Mon attrait pour cette thématique s'explique avant tout par la passion que j'ai pour la musique avec différentes expériences et pratiques de cet art. J'ai acquis des connaissances et des notions en solfège, en orchestre d'harmonie, mais aussi via la pratique des percussions. C'est cette pratique qui m'a poussé à m'interroger sur les notions du son, des bruits, de la perception et de la manière dont les bruits sont représentés dans le paysage. C'est aussi la manière dont les sons sont perçus et vécus par un individu dans l'espace, ce qui nous permet de rendre le paysage audible aux oreilles de tous. S'il est aujourd'hui reconnu que la dimension sonore doit être prise en compte dans la démarche de projets de territoire, de projets urbains et périurbains ; la preuve en est par la multiplication de recherches dans ce domaine. Le sonore exige d'être retranscrit par l'écrit où différentes formes visuelles pour être traité. Il s'agira alors de considérer et d'appréhender les liens complexes qui existent entre le sonore et le visuel pour en proposer une transcription graphique. L'objet de cette recherche est une étude de la notion de paysage sonore, plus particulièrement de sa forme acousmatique et de son intégration en milieu urbain et périurbain. L'étude constitue un travail pluridisciplinaire qui convoque les sens : principalement l’Ouïe et la Vue. Elle s'organise autour d'une lecture transversale du paysage via une approche sensorielle par le passé, le vécu, l'histoire et essentiellement les dualités entre le temps et l'espace. Le bruit est considéré dans l’imaginaire de tous comme une nuisance qui touche une large proportion de la population. Pourtant, cette problématique reste encore mal traitée, avec une réponse axée sur des solutions techniques. Les spécialistes recommandent maintenant de

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passer à une approche plus globale remettant l'humain au cœur des démarches. Le sonore est une préoccupation majeure pour les aménageurs de l’espace, qui cherchent à définir un confort sonore, un seuil acceptable. Aujourd'hui la thématique du paysage sonore dans les modalités paysagères est reconnue comme une entité spatiale propre qui doit être comprise dans les actions spatiales et paysagères. Ces éléments de réponse sont la résultante d’une longue démarche de réflexion sur l’environnement sonore perçu comme élément améliorant le cadre de vie. Ainsi Jean-Yves Bosseur (1977) dit : «chacun compose au moins partiellement la bande-son complexe émouvante du film de sa vie». Le paysagiste est impliqué dans cette démarche, il doit alors remobiliser ces éléments dans la réalisation d’un projet plus particulièrement dans les phases de diagnostic et d’avant projet. En effet, le son est une manière de comprendre l’archéologie d’un site (qualité des ambiances, infrastructure, etc.) Mais comment le sonore doit -il être retranscrit lors de l’archéologie et du diagnostic de site ? La transcription graphique du sonore semble être un obstacle pour être parfaitement mobilisée par les paysagistes et aménageurs de l’espace, élément déjà évoqué par Ray Murray Schafer «Il serait bon que soit utilisée une ou des notations accessibles à des professionnels exerçant dans des domaines divers, et notamment ceux qui ont des liens étroits avec le paysage sonore : architectes, urbanistes, sociologues et psychologues, musiciens et acousticiens.». Par conséquent, il semble alors important d’appréhender le sonore et sa transcription graphique en utilisant des outils provenant de disciplines déjà empruntées par les paysagistes. Il sera alors question de penser un outil s’appuyant sur l’utilisation des chorèmes pour permettre la retranscription du sonore, notamment la forme intelligible dans l’élaboration du projet de paysage. Les pratiques des aménageurs de l’espace, plus particulièrement les pratiques paysagères feront l’objet d’un rapprochement avec le paysage sonore. Le paysage sonore sera abordé dans son ensemble, la forme intelligible du son sera traitée plus en détail au travers des notions de forme d’acousmatique. Par la suite, un temps d’observation et de compréhension de la chorématie viendra étayer une démarche possible de transcription graphique du sonore. Pour finir, les recherches seront expérimentées sur la Place Roumégoux à Gradignan dans le but d’obtenir une méthodologie donnant lieu à une transcription du paysage sonore.

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PARTIE 1 : Le son comme objet de composition spatiale

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1. Le domaine sonore dans les pratiques paysagères

Pour comprendre la notion de paysage sonore dans l'outil paysage, il est nécessaire de resituer la définition du paysage, du paysagiste, des différentes pratiques du paysage ainsi que celles du paysage sonore. Il est également important de comprendre comment le paysage sonore est perçu par les professionnels du paysage ainsi que la manière dont le son dans le sonore paysager et appréhender par les paysagistes.

1.1 Définition du paysage sonore

La notion de paysage se rattache principalement au champ de l'esthétique et du pictural dans l'art des jardins, mais également aux politiques d'aménagements. Le paysage est, le plus souvent, appréhendé comme élément visuel. Cependant il reste intimement lié aux ambiances sonores qui modifient sa perception. D'après Henry Torgue (1995), le paysage est la somme de combinaisons complexes entre le physique, le cadre spatial, la perception et la représentation qui crée la notion d'ambiance. Il n'est donc pas interprété comme objet fixe qu'il soit ordinaire, remarquable ou vécu. Dans les travaux d'Élise Geisler (2013), architecte et docteur en sciences de l'architecture et du paysage présente le paysage comme «porteur d'ambiance à vocation à se transformer en de multiples récits»1. Dans cet ouvrage, E.Geisler expose comment le paysage sonore peut-être un outil d'aménagement de l'espace. Sa vision énonce qu’ aujourd'hui un paysage peut être envisagé en fonction de différents critères, qu'ils soient écologiques, économiques, esthétiques ou sociaux-environnementaux . Le paysage est ainsi perçu comme étant un concept intégrant des relations entre la société et le cadre de vie de l'espace dans lequel il se trouve. Ainsi, un parallèle avec le paysage sonore peut-être établi montrant que celui-ci ne peut être réduit à un simple critère esthétique. Le paysage sonore selon E.Geisler se veut «reconnu à travers ses dimensions sociétales et anthropologique».

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Élise Geisler “Elaboration d’une méthode de qualification du paysage sonore “ (2013)

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Également, d'autres paysagistes redéfinissent la notion du paysage sonore développée par R.M Schaeffer2 comme élément important à prendre en compte et à être amené à retravailler. La paysagiste et chercheuse Jeanne Lafon désigne la notion de paysage sonore comme un outil ayant pour but d'améliorer la qualité d'un espace sonore sans être interprété comme question ou problématique de gestion du bruit et de pollution sonore. Le paysage sonore ne doit pas être stigmatisé et réduit au stade de controverse.3 Tout comme le paysage sonore, l'outil paysage doit être appréhendé avec du recul. Il nécessite alors des formes et des distances que ce soit par le bloc, la coupe, le transect, le plan ou l' axonométrie. Le paysage, en finalité, doit être un espace vécu et non contemplé. D'après J.Lafon, «Le paysage n'est pas seulement une image [...]. Le paysage est à envisager comme une composition globale résultant des interactions entre un ensemble de facteurs physiques et perceptifs» (2016).4 Ainsi, «le paysage sonore est donc une composition matérielle globale chargée de valeur fonctionnelle, affective et symbolique».5 Notamment dans l'ouvrage Soundscapes 2014, de Daniel Deshays : « Le paysage sonore se réfère à la construction d'une représentation du visible dont le modèle s'ancre dans l'histoire de la peinture, à l'invention du paysage [...]. Ses choix, qui ne sont pas encore ordonnés, serviront à composer ce que l'on appelle le paysage. En 1530, Albrecht Altdorfer crée le paysage du Danube, considéré comme la première œuvre picturale entièrement vouée au paysage. La renaissance [...] a produit le référent de toutes les constructions sonores paysagistes».6 On peut donc conclure que le paysage est la notion de paysage sonore sont deux dimensions intimement liées ayant des corrélations, l'évolution de la notion de paysage a inclus des modifications dans la manière de penser et d'aborder le paysage sonore. Ces corrélations sont très présentes dans l'histoire du paysage.

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“Le paysage sonore, le monde comme musique”, à l'édition Wild project paru en 2019 "L'esthétique sonore et transsensoriel du rapport à la ville dans le parc et jardin urbain " parue dans la revue paysages le 30/08/2016, Jeanne.Lafon (2016) 4 J.Lafon (2016) 5 J. Lafon (2016) 6 Daniel Deshayes,Soudnscapes, chap 1;p.26-29, 2014 3

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Également, Henry Torgue décrit les corrélations entre le paysage sonore et le travail des paysagistes, des urbanistes et des architectes. Il expose sa volonté et la nécessité d’ancrer ces professions dans la fabrique du paysage sonore de la ville. Ce qui est confirmé par Léo Feuga dans son travail personnel d'étude et de recherche de 2019 : «ce que nous sommes à même d'entendre aujourd'hui dans nos villes où nos campagnes trouve son origine dans l'histoire des aménagements successifs d'un espace».7 Henry Torgue en conclut que : «l'ambiance d'aujourd'hui est la résultante d'une suite de décisions qui ont successivement porté sur des aspects très divers : dispositif architectural ou urbain, type de matériaux utilisés, végétalisation, présence de l'eau, est toujours, équilibre entre les trois catégories de sources».8

1.2. L’espace sonore dans l’histoire des paysages : entre urbanité et ruralité Le concept sonore s'applique à différentes matérialités comme par exemple les paysages sonores au travers du rural et de l'urbain. Les paysages ruraux sont perçus comme des espaces portant de grande qualité acoustique, tout comme les parcs et jardins en milieu urbain. Ils apportent alors un certain calme et un confort acoustique. L'idée de chambre acoustique semble intimement liée aux jardins et à leur histoire, que ce soit dans le jardin médiéval, dans le jardin classique ou dans le jardin romantique. Du XIème au XVIIème siècle, l'orchestration de la nature par l'homme rend au jardin une profonde musicalité. Ici, l'objectif est simplement d'appréhender la musicalité qui se rattache au jardin durant les époques. Ainsi, une hypothèse peut-être émise ; la notion de musicalité est-elle rattachée à un idéal acoustique en relation avec la notion de ruralité ou non? La notion de musicalité nous renvoie directement à la musique. L'harmonisation de celle-ci évolue ( le beau, l'agréable à entendre et à écouter) et diffère selon la perception de chaque individu. Dans l'antiquité romaine, les péristyles dans les villas domaniales sont constitués d'espaces sonores particuliers qui sont intégrés dans le jardin d'agrément mais aussi dans l'Hortus. Un hortus est composé spécialement par des rangées de colonnades qui jouxte l'espace bâti et la basse-cour.9 7

TPER “ La transcription du sonore paysager et dans le projet de paysage”, Léo Feuga, 2019 A l’écoute de l’environnement, Répertoire des effets sonores, Jean-François Augoyard et Henry Torque, 1995. 9 La basse cour aussi appelée cohors a évolué durant toute l'antiquité romaine jusqu'à devenir un jardin. Les parterres géométriques qui composent la basse-cour accueillaient en leur centre un bassin ou bien une fontaine. Les arcades, les fresques et les statuts composent, habillent ainsi ce jardin clos. 8

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Également, le jardin privé ou le jardin clos que l'on trouve en milieu urbain est aussi propice à une certaine musicalité, qui souvent dans l'histoire renvoie à l'eau qui rythme ces espaces, mais aussi à une perception différente du son ( bruit des usagers) due à la forme de l'espace acoustique. La villa romaine appelée villae est sans doute dans l'histoire l'espace le plus "musical". Les jardins qui la composent sont souvent associés à de grands personnages et orateurs, c'est un lieu de représentation. Hervé Brunon et Monique Mosser dans l'ouvrage Le jardin contemporain10 présentant le jardin comme étant un lieu de monstration de la puissance des domina. Également, c'est un lieu permettant de mettre en valeur l'intimité des espaces domestiques. Le jardin renvoie alors au plaisir, il rend hommage à l'univers. C'est un «lieu de sociabilité, le jardin exhibe le pouvoir et le luxe ou offre une retraite loin de l'agitation du monde».11 Cette notion se retrouve essentiellement dans l'hortus d'agrément et dans les villas d'agrément. Dans les jardins de l'Antiquité, l'élite romaine cherche à idéaliser le monde, à créer un univers idyllique. En effet, l'idée de l’anti-ville est fortement représentée notamment dans les villas d'agrément où l'on idéalise la notion de ville à la campagne en créant des bois sacrés , la nature est perçue comme étant divine elle est sacralisée. Ainsi le negocium , lieu de politique et des affaires devient délaissé a contrario du lucium, lieu de détente et de repos. Également dans l’antiquité Grecque, Pythagore dans le jardin de l'Académie, présente ce jardin comme étant un jardin philosophique où la place du corps se trouve au centre. La lumière, la musique, les fontaines et les ombres font de ce jardin un jardin de philosophie. C'est ici même que Platon enseigne la philosophie par méthode acousmatique. Les élèves se trouvent derrière un rideau et ne perçoivent pas la source du discours. Le jardin de l'Académie est un jardin où le paysage est mis en scène de manière sensuelle, un monde idéal et imaginé. La question de l'eau dans l'histoire des jardins fait partie intégrante du paysage, elle est même considérée comme étant un objet qui tend à faire croire à un monde idéal. L'eau, amène un confort acoustique donnant un sentiment d'apaisement ayant pour but d'assouvir les problèmes de la ville. 10

Hervé Brunon et Monique Mosser, Le Jardin Contemporain, 2006 Brunon et Mosser, L’enclos comme parcelle et totalité : par une approche holistique de l’art des jardins, p.59-75; 2007 11

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Au cours de l'époque médiévale, notamment dans les jardins médiévaux comme les jardins courtois, l'eau est un idéal-type, une manière de percevoir le monde. Pierre de Crescens (XVème siècle) dans l'ouvrage Roman de la Rose décrit l'Hortus conclusus comme figure principale des jardins d'amour où l'eau et la vie participent à créer l'imaginaire de la musique et d'une certaine musicalité de la vie. Entre la fin du Moyen-Âge et le début de la Renaissance, la nature prend différentes formes et aspects. Les formes de la nature sont moins utopistes, elles s'inspirent principalement de la perception qu'en ont

les humains. Dans la gravure,

«Le concert champêtre» expose,

comment à cette époque l'homme entre dans une vision harmonieuse avec le monde, comme monde musical.

Fig1. Le concert champêtre, huile sur toile (105*136,5 cm) Tititen,Gigiorne (1509)12

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Concert champêtre est une œuvre réalisée par Giorgione exposée aujourd’hui au musée du Louvre (Paris), qui présente l’atmosphère des cercles humanistes Vénitien. Cette peinture à l’huile a souvent été reprise durant le XVI ème siècle.

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Durant la Renaissance, les jardins vont permettre d'amener de grands concepts sur la question de musicalité. La Renaissance apparaît en Italie à Florence, c'est le retour à l'Antiquité qui marque cette période avec la projection du choix de chacun dans l'art, dans le sens de la vie, le mode de vie etc. C'est un retour à l'individualisme, la nature est ainsi considérée comme un objet à observer. De ce fait, la nature, la notion de paysage représentent le réel et non une utopie. Cependant les jardins renaissants reprennent les codes et certaines caractéristiques du jardin du Moyen-Âge. Mais ils sont établis dans leur ensemble. Ils offrent alors de grandes terrasses, de grandes perspectives et renvoient à l'ouverture de la pensée, au mouvement humaniste voulant exploiter les paysages avoisinants. La villa d'Este à Tivoli évoque la grande musicalité des jardins durant la deuxième moitié du XVI ème siècle. Elle constitue l'un des plus grands réseaux de jardins conservés de la Renaissance italienne créés par le cardinal Hippolyte. Les jardins sont construits sur une colline escarpée adjacente où l'on peut apercevoir la vallée en contrebas. En 1550 l'architecte Pirro Ligorio a effectué les fouilles de la ruine de la Villa Adriana de l'empereur romain. Les jardins sont composés de séries de terrasses qui descendent de la colline et surplombent la plaine du Latium. Les Terrasses sont reliées par de grands escaliers et portes. Mais la prouesse de la Villa d'Este et le système de fontaine qui est composé en son centre de plus de 100 Fontaines. Chaque fontaine retrace l'histoire de la famille d'Este aux légendes d'Hercule et d'Hippolyte. L'utilisation de tuyaux en bronze comme un instrument à vent permet de recréer le bruit des oiseaux et donne un aspect d'orgue à ce jardin.

Fig 2. Fontaine Villa d’Este à Tivoloi, Photo de Fczarnowski (2020)

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Michel Montaigne philosophe français raconte en 1581 :« la musique de la Fontaine d'orgue est une vraie musique, créée naturellement[...]. Fait par l'eau qui tombe avec une grande violence dans une grotte, arrondie et voûtée, et agite l'air qui est forcé de sortir par les tuyaux d'orgue. L’eau à d’autres endroits passe aussi par une roue et frappe dans un certain ordre le clavier de l'orgue. L'orgue imite aussi le son des trompettes, le son du canon, et le bruit des mousquets, fait par la soudaine chute d'eau» (1581)13. L'eau organise ainsi ces jardins autour d'un axe central. Le thème particulièrement onirique de ce jardin se ressent principalement au travers des fontaines et des nombreuses surprises qui organisent le jardin. Ainsi, une identité sonore s'en dégage fortement, une certaine légèreté apporte l'allégorie qui se transmet dans le jardin faisant de ce lieu, un lieu de sensualité. Au travers de cette virtuosité "aquatique" on peut également faire référence au jardin classique comme le jardin des sources du palais du Trianon conçu par André Le Nôtre entre 1671 et 1674. Le classicisme et le dynamisme de celui-ci donne aux installations une grande puissance sonore exposant alors la grande magnificence de la royauté. Les paysages urbains et ruraux sont à considérer comme des espaces sonores à préserver pour leurs qualités esthétiques, environnementales et acoustiques. Les parcs urbains permettent de considérer la question de pollution sonore qui en émanent. Selon Jeanne Lafon dans Le Projet de Paysage, elle interroge «les qualités sonores de la présence humaine dans les parcs et jardins urbains en fonction de la diversité des qualités spatiales propres à l'art des jardins et d'identifier par là même les structures paysagères permettant d'avoir prise sur ces qualités sonores.»14 Elle présente les parcs et jardins comme des espaces agréables qui sont appréciés de tous, notamment pour l'esthétique sonore qu'il dégage et le sentiment de ressources que l'usager peut trouver. Toutes ses études montrent la qualité sonore que l'on retrouve dans ces espaces mais aussi l'idéalisation qu'il en est fait. Ainsi les paysages sonores sont souvent caractérisés comme archétypes sonores. J.Lafon démontre dans ses écrits les différentes formes de l'archétype sonore du jardin. Il est alors présenté comme un espace protégé, intimiste. On le caractérise aussi comme un espace de congruence de la nature, les sources sonores établissent un équilibre entre homme et nature comme le chant des oiseaux, le bruit de l'eau, les voix du visiteur etc. 13

François Rigolot, Journal de voyage de Michel de Montaigne, Presses Universitaires de France, 1992 Jeanne Lafon , Le projet de paysage, “esthétique sonore et transsensoriel, 2006,

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Ainsi ces lieux sont souvent perçus sans temporalité, et considérés hors du temps rappelant les hortus et jardins de l'antiquité romaine. On ne perçoit pas d'événements sonores, le son est continu avec une tonalité unique. Ces espaces peuvent être alors considérés comme espaces sensibles, ils favorisent «une expérience sensorielle particulière permettant d'entrer en soi et un repos de l'attention directionnel».15 Cependant, ces espaces de parcs et jardins sonores peuvent être également considérés comme espaces nomades car dans le jardin, l'écoute du son s'étale au-delà des limites à l'infini. Les limites sont celles de la perception de chacun appelé souvent : " l'espace monde".16 L'auteure J.lafon le démontre dans son ouvrage Ésthétique sonore et transsensoriel du rapport à la ville dans les parcs et jardins urbains, (2016). Pour elle, le paysage sonore se trouve dans un imaginaire collectif qui se distingue de l'environnement dans lequel l'usager se trouve. Il crée alors une antinomie car dans les parcs et jardins l'espace sonore et le paysage sonore est similaire voire confondu. En revanche, le parc urbain est soumis à différentes sources sonores venant à la fois de bruits naturels et de bruits artificiels comme ceux de la circulation émanant d'au-delà des limites et de l'espace défini par les usagers. Ainsi en zone urbaine, l'expérience du jardin est controversée. «Le jardin et les parcs ne peuvent plus se distinguer aussi nettement de l'environnement urbain sur le plan sonore.»17 Selon R.Murray Schafer dans l'ouvrage le paysage sonore, le monde comme musique évoque le parc urbain comme jardin sonifère. Le principe est alors de “laisser parler la nature”. Le jardin public est, selon lui, à penser acoustiquement. La notion de design sonore est alors mise en avant car, une congruence sonore, un équilibre écologique sonore est à trouver. Il y a selon R.Murray Schafer une urgence à traiter l'espace acoustique car c'est “un problème d'avenir”. Le parc doit être pensée comme une retraite paisible, un secteur intra-muros qui reste toujours actif. Des solutions techniques sont également présentées pour répondre au problème de réfraction du son comme le jardin encaissé, la grotte. L'idée principale de Schafer est de considérer le jardin comme pureté de “l'ultime musique."

15

J. Lafon, 2016 Concept expliqué dans l’ouvrage “esthétique sonore et transsensoriel” 17 Lafon, J. (2016). Esthétiques sonores et transsensorielles du rapport à la ville dans les parcs et jardins urbains. Projets de paysage. Revue scientifique sur la conception et l’aménagement de l’espace, (14). 16

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1.3 Le sonore chez le paysagiste Aujourd'hui, dans la pratique paysagère des liens et des connexions avec le sonore sont établis, on peut l'observer dans différents projets de paysage et artistique. Les paysagistes ont un recours au son et abordent de différentes façons la manière de “faire projet”. Il est observé, dans divers projets, une réinterprétation de la perception du paysage grâce à des installations acoustiques et sonores. Dans ces cas, différents effets sont captés par le compositeur (le paysagiste, concepteur de l'espace). La captation du son, le recording, le field recording qui permettent d'accentuer les traits d'un paysage sonore déjà présent sans pour autant exposer une réalité sonore. Par exemple, dans le carnet du paysage numéro 28 (Octobre 2015) l'artiste, Cécile Le Prado explique la notion de l'œuvre ouverte qui permet de répondre à la problématique : comment créer une œuvre musicale où les propositions d'interprétation sont si multiples qu'elles échappent à l'auteur? Elle aborde alors la question de déambulation de l' œuvre poétique qui s'applique à l'espace et également à la réinvention d'une nouvelle pratique et de perception du paysage que l’ « on perçoit, au gré des déambulations. Un autre enjeu important dans mon travail concerne le regard de celui qui écoute et la place qu'il occupe à ce moment-là. [...]. Il s'agit d'augmenter la réalité d'un paysage en y ajoutant une composition comme une nouvelle strate ».18 D'autres compositeurs utilisent également l'environnement sonore comme nouvelle matière pour composer, cela permet de révéler le paysage par le prisme du sonore et de renouveler la perception d'un paysage. Mettant en corrélation le vrai et le lieu. Dans l' œuvre Grenouille électronique l'illusion se crée via un module acoustique celui de grenouille qui permet de donner un sens, une manière de percevoir le jardin comme un jardin habité par des amphibiens. On retrouve cette œuvre dans le parc de la Villette, dans le jardin des bambous de Chemetoff19. On retrouve également le travail de C.Le Prado qui suit la même ligne directrice de les projets de Chemetoff, ayant pour objectif d'augmenter la réalité d'un paysage composé à partir d'un paysage sonore. De ce fait, lors de l'exposition parcours sonore ayant eu lieu en 1992 au Parc de la Villette de Gilles Vexlard20, une œuvre appelée Le passeur, s'inscrit dans cette même dynamique. C'est un jardin minéral où l'on retrouve de grandes lignes verticales 18

Cécile Le Prado, Les carnets du Paysage N° 28, “Le musical” p.234-237,2015 Alexandre Chemetoff, architecte, paysagiste et urbaniste Français il réalise “Le jardin des bambous” au Parc de la Villette à Paris entre 1985 et 1987 20 Le parcours sonore est réalisé en 1992. Il est installé au cœur du Jardin de la Treille au parc de la Villette. Cécile Le Prado," Aux aguets du paysage”, Les carnets du paysage n°28, “Le Musical” p;107-109 19

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composées d'espaliers et de mâts parcourus par de la vigne. Horizontalement, un réseau de Fontaine est mis en place. Cette structure est rythmique grâce aux sons procurés par la présence de l’eau. Elle procure une sensation d'apaisement, “un silence radio” mais également une grande immobilité. C'est alors que le jardin crée la composition musicale de toute pièce grâce au lieu, son espace et sa topographie. La composition se fond alors dans le paysage sonore. Le paysage sonore est alors perçu comme espace naturel du jardin. D'autres projets, comme Soundscape de Guiu en 2015 21 présente l'univers de l'installation électronique, sonore, mais aussi acoustique au sein d'un jardin. Cet espace accueil du public est dédié aux loisirs et à la pédagogie dans l'univers sonore de l'écoute au cœur d'un site naturel. On trouve alors des jardins sonifères, des sentiers musicaux dont le but est de promouvoir l'écologie sonore. L'idée est donc de créer un projet de jardin permettant de valoriser les territoires par le sonore et inversement. L'environnement sonore est offert aux visiteurs et est à disposition de tout ce qui l'entoure. C'est un jardin expérimental de 3000 mètres carrés permettant de cultiver la qualité sonore des mobiliers et des jeux présents permettant de recréer un fond musical assez aléatoire. Ce jardin permet à tous de s'approprier des repères sonores comme la mémoire, le partage, il a alors une vertu éducative sur le fonctionnement de l'oreille. 2. Notion de soundscape L'étude de l'environnement sonore est introduite dans les travaux du musicologue Ray Murray Schafer (1960) qui invente le terme du soundscape qui se traduit par le paysage sonore et également par le créateur de la musique concrète Pierre Schaeffer (1947) dont les travaux ont permis de théoriser cette notion. Ses études commencent dans la période après guerre, à l'ère de l’industrialisation rapide de la société. Le soundscape caractérise une attitude, perçue par Schaffer comme «l’Écoute du Monde», il décrit et explique l’univers sonore. Avant les années 70, les réflexions menées autour du paysage sonore étaient celles de la musique concrète au travers des différents travaux de Pierre Schaeffer qui mène une réflexion sur la perception du phénomène musical. La plupart de ces travaux consistent à saisir la nature et la

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Francou, L., & Hollebeke, S. V. (2015). Claire Guiu, Guillaume Faburel, Marie-Madeleine Mervant-Roux, Henry Torgue, Philippe Woloszyn, Soundspaces. Espaces, expériences et politiques du sonore. Géocarrefour, 90(90/3), 228.

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richesse d'un élément sonore : que ce soit sa substance ou sa matérialité. Cela définit le terme d'objet sonore qui désigne une entité sonore détachée de son contexte. L'objet est ainsi apprécié dans ses qualités intrinsèques en prenant en compte son contexte ou sa signification. Il s'agit d'écouter les sons entièrement. Cette nouvelle manière de séparer les sons du contexte dans lequel ils ont été produits, définit pour Schaeffer le sens acousmatique. «La forme acousmatique est le solfège de l'objet sonore». Car les sons habitent partout. C'est ainsi que le son peut être perçu comme clair, c’est un langage unique où l'on oublie souvent son support et sa source selon P.Schaeffer22. Le terme acousmatique provient historiquement de Pythagore. Il désigne la manière employée par Pythagore afin d'enseigner la philosophie à ses disciples, derrière un rideau et dans le noir, de façon à ce qu’ils se concentrent plus facilement sur son discours. La forme acousmatique se traduit souvent par l'imagination et la perception mentale des sons. On ne voit pas la source de l'objet qui a produit le sonore.

2.1 La forme acousmatique Dans cette partie, l'idée est de présenter brièvement la question du sonore au travers différentes approches depuis 1960 jusqu'à aujourd'hui. Comme introduit précédemment, les sons font partie intégrante du paysage de l'homme, ils dépendent évidemment de leur culture de la région du monde et de l'époque dans lequel ils se trouvent. À la fin du XIXème siècle, la révolution électrique permet désormais d'enregistrer et de reproduire des sons. Une importance particulière au paysage sonore est donnée, qui devient pour les compositeurs une source, un objet qui peut être intégré à l'étude musicale. Au-delà de cette approche esthétique, les années 60 permettent de développer les recherches sur le paysage sonore selon une approche pluridisciplinaire ; artistique, scientifique, psychologique, psychoacoustique et en architecture. Le paysage sonore n'est plus seulement un objet, il est alors perçu comme un point de rencontre entre les arts et les sciences. Avant le XXème siècle le paysage sonore est un objet d'étude artistique. Des approches transversales sont développées notamment dans la musique. On retrouve principalement de l'imitation des sons des paysages qui nous entourent.

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Pierre Schaeffer, “A la recherche d’une musique concrète”,1952

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C'est seulement au début du XXème siècle que les sons dits comme "non musicaux" montrent un intérêt majeur dans les champs musicaux. Luigi Russolo, introduit la notion de bruit dans la musique.23 Pour lui, cette nouvelle sonorité doit être utilisée pour sortir du siècle précédent. Cependant son travail ne se détache pas des compositions musicales classiques que l'on pouvait retrouver dans le mouvement romantique. Il s'agit principalement d'intégrer les nouveaux sons apparus lors de la révolution industrielle dans la musique. «Nous voulions entonner et régler harmoniquement et rythmiquement ces bruits très variés [...] Chaque bruit a un ton, parfois aussi un accord qui domine sur l'ensemble de ses vibrations irrégulières. [...]L'art des bruits ne doit pas être limité à une simple reproduction imitative. La variété des bruits est infinie. Avec l'incessante multiplication des nouvelles machines, nous pouvons distinguer un jour, dix, vingt ou trente mille bruits différents. Ce seront là des bruits qui nous faudra non pas simplement imiter, mais combinés au gré de notre fantaisie artistique». 24 Russolo avait comme objectif de créer des nouveaux instruments qui permettraient de jouer les bruits. Il permettrait de représenter un nouveau son pour que le public puisse percevoir différemment les ambiances sonores urbaines. Ceci devait être produit non pas comme instrument mais comme les autres sons qui nous entourent. C'est ainsi que dans la période d’après-guerre, le compositeur John Cage interprète le rapport au bruit et au son différemment de Russolo. Il crée alors des instruments qui permettent de compléter les orchestres, il incorpore les sons de la vie quotidienne. Ce ne sont pas des nouveaux appareils et instruments qui sont créés mais il repense des situations de l'existence sur scène. L'utilisation des objets normaux sur scène inscrit alors le compositeur dans le même courant que celui de Marcel Duchamp. L'une de ses principales compositions s'intitule 4’33” jouer en 1952, il présente un silence inouï et provocateur. «Un manifeste pour que la musique prenne en compte tous les sons et pas seulement ceux créés par des instruments de musique. Par sa mise en scène transfigurée des bruits du quotidien l'artiste renvoie le public au monde pour qu'il l'écoute d'une nouvelle oreille».25

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Russolo, L. (2001). L'art des bruits. l'Âge d'homme. Luigi Russolo, “ l'art des bruits. Manifeste futuriste”,1913,p.3 25 Andréa Martignoni, Objet et paysage sonores,p.2 24

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L'apparition des nouvelles technologies d'enregistrement et de diffusion du son donne de l'intérêt au paysage, Pierre Schaeffer, R.Muray Schafer sont les deux principaux musiciens et musicologues qui définissent au mieux les éléments sonores qui composent le paysage. Pierre Schaeffer, dans le traité des objets musicaux en 1968, fait une étude approfondie des rapports entre la musique et le son, ce travail propose une approche sur l'utilisation des sons mais également une analyse géographique des paysages sonores et comment ils sont mobilisés de façon complémentaire. Pierre Schaeffer est l'inventeur de la musique acousmatique appelée aussi musique concrète, il intègre des objets sonores concrets enregistrés sur des bandes magnétiques qui permettent à l'écoute de diffuser un son qui demeure invisible. L'acousmatique est parfois incomprise et est qualifiée plutôt comme une écoute indirecte. C'est le concept introduit par P. Schaeffer qui permet d'appréhender le paysage sonore en fonction des rapports entre les différentes dynamiques sensorielles. «Cette approche est basée sur les convictions que la perception visuelle est conditionnée par la perception auditive. L'écoute alors dite aveugle permet à P. Schaeffer «d'aller au-delà du seul phénomène auditif pour réfléchir de façon plus générale sur les conditions de l'écoute, l'audition étant toujours associée aux autres sens perceptif et principalement à la vie».», selon Andréa Martignoni (2006) . Nous reviendrons plus en détails aux modalités d'écoute et à l'écoute objective selon Pierre Schaeffer dans le point suivant. C'est lorsque François Bayle en 1952 intègre le groupe de recherche de musique concrète de la Radiodiffusion-Télévision-Française (RTF) renommer plus tard et réorganiser sous le nom de groupe de recherche musicale en 1958 (GRM) que la dimension de musique concrète prend une nouvelle forme. Le courant de la musique acousmatique est une musique uniquement diffusée sur un orchestre de haut-parleur construit à partir d'image de son appelé Acousmonium. L'Acousmonium permet l'interprétation différente et multiple voire symbolique car le contenu visuel fait défaut. La cause du son n'est pas représentée, la masse sonore envahit l'espace, l'auditeur est aveugle, il se laisse alors aller à de nombreuses associations sonores. L'auditeur réalise alors un rapprochement d'ordre subjectif qui lui permet de mieux interpréter ces objets sonores.

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François Bayle est l'un des leaders de la musique concrète en France, après les pionniers Pierre Schaeffer et Pierre Henry, son style est unique, fait d'une imagination fertile et souvent éthérée, nourri par son admiration de Jules Verne (utopie) et son goût pour la poésie (rêve) ; sa musique est complémentaire de l'autre compositeur acousmatique français de la seconde génération, Bernard Parmegiani : “Non datée par la technologie ou la mode, elle résiste bien au temps, elle se remet nous lève sans cesse, marquée par des espaces, des cycles, avec des suites, des parcours, des métaphores, des boucles [...] Pièce emblématique (tout électronique, sur un total de plus de 100) :, «« Jeita» (1970), «'expérience acoustique» (1972)...»26 Selon François Bayle, l'acousmatique est une modalité. Pythagore l’employait avec ses élèves, Schaeffer est le fondateur du terme. Ce terme acousmatique permet de mettre en avant la pensée perspective dynamique. Ainsi, l'image du son peut-être considérée comme une figure grâce à son caractère intentionnel et son dépassement du figuralisme. Ces modes de relation permettent d'éloigner le réel, de le rendre plus riche et plus complexe, la musique est alors dite figurée plutôt que figurale. La forme acousmatique du sonore permet aux sons d'être hors champs, cela implique une réalité non perçue par le spectateur, l’usager, au-delà de ce qui est donné à entendre. La norme structurelle qui la compose, les archétypes statiques et aussi dynamiques des positions font émerger un nouveau genre, une nouvelle manière d'entendre. Le son acousmatique est un son qui dépasse les indices sonores, sa cause instrumentale lui permet alors une écoute active, qui renvoie aux effets et au sens. La forme acousmatique se définit comme les bruits et sons qui dépassent l'indice sonore de leur cause matérielle et qui met en avant une écoute active s'appuyant sur les effets et le sens. «L'image acoustique occupe l'espace offert»27. Le son se propage au-delà de la production sonore, la projection du son se fait par un interprète responsable et conscient de son rôle déterminant. En définitive, la forme acousmatique du son permet de révéler le caractère plutôt que de le cacher. Ainsi, il peut être compris avec des formes spatiales impossibles dans la réalité mais qui sont comprises à des niveaux différents de sémiotisation du son. 26 27

François Bayle, musique acousmatique, Bûchet Chastel, 1993 S.McAdams/I.Deliege, «Voyage en aéroforme, la musique et les siens cognitives» p.43

28


«La Sémiotisation » est interprétée grâce au «statut d'images» qui est donné par le son et qui permet de «l'appréhender au-delà» de la temporalité tout en le faisant émerger «localement». Il permet alors de mettre en avant «les intentions au-delà de l'audible»28. L’écoute acousmatique, aussi appelée «l`écoute aveugle»

s’exprime au-delà de l’écoute

quotidienne qui, elle, est conditionnée par la vue et le champ visuel perpétuellement en alerte. L’écoute aveugle s’intègre intégralement dans une déontologie : celle d’un certain nombre de règles comportementales auxquelles il faut se dissocier pour atteindre l’objet sonore.

Figure 3. Différence entre image réelle et image-son. Source Couprie, P. (2001). Le vocabulaire de l'objet sonore. p.9 sur 14 (2001)

28

Augoyard, J. F. (1999). L'objet sonore ou l'environnement suspendu. Buchet/Chastel, “Écouter et comprendre”, p.79-90, 1966

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2.2

Écoute objective - modalité d’écoute selon Pierre Schaeffer L'écoute acousmatique est une expérience différente de celle du quotidien qui est

stimulée par notre champ visuel. Contrairement à l'écoute quotidienne, elle s'inscrit dans un code déontologique. L'écoute se dissocie de l'objet sonore ce mode d'écoute a été théorisé par Pierre Schaeffer dans l'ouvrage Ouïr, Entendre, Écouter Comprendre 29 Dans ce cas présent, écouter est une activité qui se déroule dans une ambiance sonore où l’on ne prête pas réellement attention. Le verbe ouïr quant à lui intègre le concept de fond sonore. Ce concept est compris comme « l'horizon perceptif » dans lequel des sons particuliers se détachent des vrais objets de l'écoute. Le fond sonore est alors l'ensemble des sons que l'on perçoit en arrière-plan (second plan). Ils n'atteignent pas directement le niveau de la perception sonore mais ils sont présents dans toutes les expériences sonores. Ils ne sont pas à proprement parler au centre de l'attention mais dès qu'un changement opère ils sont remarqués, «je suis enfin instantanément averti d'une modification brusque ou inusité de ce fond sonore dont je n'étais pas conscient » : «On connaît l'exemple des gens qui habitent près d'une gare, se réveillent quand le train ne passe pas à l'heure».30 Le verbe entendre présente une situation où une figure sonore se détache d'un fond. «Ouïr fait référence à une situation où le fond sonore est indifférencié» .31 Alors le verbe entendre exprime une situation dans laquelle l'attention est active et consciente. C'est le fait de vouloir écouter sans chercher d'informations précises, cependant cela n'est pas un automatisme. «Si je reste immobile, les yeux fermés, l'esprit vacant, il est bien probable que je ne maintiendrai pas plus d'un instant une écoute impartiale. Je situe les bruits, je les sépare par exemple en bruits ou proches ou lointains, provenant du dehors ou de l'intérieur de la pièce, et, fatalement, je commence à privilégier les uns par rapport aux autres».32 Le fait d'écouter renvoie à une expérience dans laquelle l'attention est captée par une source sonore spécifique.

29

Pierre Schaeffer “Ouïr, Entendre,Ecouter, Comprendre” p. 101-108, 1966 Buchet/Chastels, “Ouïr, Entendre,Ecouter, Comprendre après Schaeffer ” p 101-107, 1999 Cf. Jean François Augoyard “La mise à l’épreuve du modèle psychoacoustique” 30 Pierre Schaeffer “Ouïr, Entendre,Ecouter, Comprendre” , p.105, 1966 31 Andréa Martignoni, cultures et géographie, revue p.59,p.5, 2006 32 Pierre Schaeffer “Ouïr, Entendre,Ecouter, Comprendre” , p.107, 1966

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P. Schaeffer rappelle que l'objet sonore de l'écouteur (individu qui écoute) n'est pas le son qui est porteur d'information, mais le son qui est un indice, par exemple : le son d'un moteur permet d'évaluer la distance à laquelle le véhicule se trouve. Lorsqu'un son est localisé dans l'espace, une direction précise lui est donnée grâce à une activité qui est perceptive. L'écoute est une manière d'avoir une audition active et une perception spécifique d'un espace ou d'un objet. «C'est ainsi que, lorsque je regarde une maison, je la place dans un paysage. Mais si je continue à m'y intéresser, j'examinerai tantôt la couleur de la pierre, sa matière, tantôt l'architecture, tantôt le détail d'une sculpture, au-dessus de la porte, je reviendrai ensuite au paysage, en fonction de la maison, pour constater qu'elle a une belle vue, je la verrai une fois de plus dans son ensemble, comme je l'avais fait au début. Mais ma perception sera enrichie par mes investigations précédentes». 33 P. Schaeffer illustre son propos en faisant référence à la perception visuelle car, dans l’espace, la forme, les caractères de l’objet se distinguent grâce à une image fixe, car celle-ci est stable. C’est la stabilité d’une image qui diffère largement d’un son. Un son ne s’inscrit pas réellement dans l’espace. L’image d’un objet est spatiale, les changements de perspectives apparaissent lorsque les points de vue sur l’objet changent. Le son et le visuel sont pour cela nettement différents. Une dernière modalité d’écoute est abordée par P.Schaeffer: «comprendre». Cette modalité s’accorde principalement à la perception du son «en tant que porteur de sens».34 Les sons sont des référents, ils apportent des informations à celui qui écoute, par exemple lorsqu’une personne parle, la voix n’est pas seulement un son produit, on ne s'attache pas à la signification de chaque son produit pour comprendre le discours de la personne. C’est le discours, le sens de celui-ci qui est l’objet même de l’écoute. Pour comprendre et analyser un paysage sonore selon P. Schaeffer, il est primordial de repérer les sons les plus importants, ils se définissent par leur dominance, leur quantité et leur individualité.

33 34

Pierre Schaeffer “Ouïr, Entendre,Ecouter, Comprendre” , p.108, 1966 Andréa Martignoni Géographie et cultures, 59 |,p.5 2006

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Par la suite, il est nécessaire de les traiter en trois catégories : Les toniques, les signaux et les empreintes sonores. ● Les sons «toniques» dans le paysage sonore sont issus de l’environnement dans lequel un individu se trouve, ils sont naturels, humains. Ce sont des sons monotones qui constituent le fond sonore. On retrouve principalement, l’eau (la rivière, la mer et la pluie), le vent, les animaux, mais également les sons artificiels (voiture, sons électriques etc.). Ce paysage sonore constitue selon P. Schaeffer l’identité d’un lieu, il marque le mode de vie des individus qui l’habitent. ● Les sons appelés «signaux» relèvent quant à eux du premier plan. Ils relèvent du collectif, ils sont écoutés de manière consciente et nécessitent une attention. On les qualifie dans la plupart des cas «d’avertisseurs» (les klaxons, les sirènes etc). Certains d'entre eux alertent sur un message à transmettre, comme le klaxon d’un train. ● Enfin, la dernière catégorie, celle de «l’empreinte sonore», donne des informations spécifiques sur un son. Cependant, celui-ci n’est pas un signal car ses caractéristiques lui attribuent une qualité particulière, une valeur ( le son des cloches qui renvoie en Europe à la chrétienté ) . En revanche, Ray Murray Schafer mobilise ses catégories comme concept de figure et de fond35.

Il partage cependant le même point de vue que Pierre Schaeffer sur l’écoute

acousmatique ( écoute aveugle ). Schafer ajoute à cela que la perception du paysage sonore, en particulier l’écoute du silence, nécessite un entraînement. Ainsi, deux paysages sonores se distinguent : celui du Lo-Fi (basse fidélité) et celui du Hi-fi (Haute fidélité). En acoustique, la différence se fait entre le signal et le bruit. Le Hi-fi se définit par un faible niveau de bruit ambiant. Les sons spécifiques se distinguent nettement, le premier plan et le fond sonore sont bien distincts, il y a peu de superposition de sons. Ce cas présent se retrouve en milieu rural plutôt qu’en milieu urbain, également la nuit plutôt que le jour. A contrario, dans un environnement Lo-fi, la surpopulation sonore ne permet pas de distinguer les “signaux acoustiques spécifiques”, de telle manière qu’ils se retrouvent immergés. Il est important de relever que dans une configuration urbaine, la perception du paysage est réduite aussi bien d’un point de vue sonore que visuel. 35

Ray Murray Schafer, “Le paysage sonore, le monde comme musique”,2019

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Également, Pierre Schaeffer réduit le paysage sonore à un objet sonore, il l'intègre seulement dans la composition musicale. Le paysage sonore est alors décontextualisé de son origine. Il sépare les sons de leur source.

Tableau 1. La typologie de l’objet sonore. Couprie, P. (2001). Le vocabulaire de l'objet sonore. p.6 sur 14 R. Murray Schafer maintient le rapport au lieu et à l’environnement grâce à la pratique de soundwalking (expérimentée dans la deuxième partie de ce travail de recherche). L’objectif consiste à se déplacer dans l’espace en ayant une attention particulière à la perception auditive. D’après R.M Schafer, le paysage sonore est “une composition macro-formelle inachevée” se déroulant tout autour de nous. C’est de cette manière que le soundwalking semble être un bon outil pour devenir acteur, comprendre et analyser le paysage sonore. Guy Debord (1958) complète les propos de Schafer en ajoutant que la promenade sonore (soundwalk) est une dérive acoustique urbaine. Elle peut être utile pour les aménageurs de l’espace pour intégrer au diagnostic et à l’analyse d’un espace, la dimension acoustique. De la même manière qu’elle est utile aux musiciens pour interpréter et raconter le paysage et en produire une nouvelle représentation comme peuvent le faire les compositeurs Steven Reinke36 et Satoshi Yasiyawa37.

36

37

Steven Reineke, “Goddess of fire”,2009 et “Pilatus: Mountain of Dragons”,2007 Satoshi Yasiyawa, “Fanfare Hayabusa”, 2011

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World Project Soundscape

R.M Schafer à lancé en 1969 le World soundscape project ou projet international sur l'environnement sonore, un programme de recherche et d'enseignement du compositeur. Selon l'université du Canada, ce projet introduit un nouveau champ de recherche, celui de l'environnement sonore et des ambiances acoustiques. Cet ouvrage (World Project Soundscape) cherche tout d'abord à documenter et à référencer les travaux sur l'environnement sonore ainsi que ses caractéristiques. Ces nouveaux concepts sont introduits dans la pratique de conception d'ambiance sonore. Grâce à cet ouvrage R.M Schafer sensibilise le public au son avec un objectif qui est donné : La congruence écologique sonore entre l'humain et l'environnement sonore. Soundscape désigne la modalité dont l'humain perçoit le son dans son environnement. L'être humain appartient à un système d'échange et d'information entre son et environnement, il agit sur les sons dès qu'il se trouve en relation avec un espace tiers, ceux-ci se caractérisent par les manifestations acoustiques. Les sons émis donnent un sentiment d'appartenance et de compréhension du lieu. Les activités humaines et les comportements de chaque individu ont un impact sur la qualité sonore, la qualité acoustique de l'espace. Le soundscape est alors la résultante de tous les sons produits dans l'espace donné, il expose, montre toutes les caractéristiques sociales, technologiques et naturelles de l'homme et de son environnement ( bruits naturels et bruits artificiels). Les changements qui s'opèrent dans ce lieu se traduisent par un changement sur l'environnement sonore. C'est ainsi que dans l'écologie sonore, l'objectif est de déterminer si un environnement conserve ou améliore son équilibre sonore. Dans un environnement sonore, l'écoute et la production des sons sont liées. La qualité sonore se mesure alors par rapport au point d'équilibre. Les sons émis sont moins intenses que les sons entendus, cela crée un déséquilibre. Dans certains cas, ce déséquilibre apparaît quand aucun son ne peut être émis mais qu'il peut seulement être perçu. Dans un environnement coercitif on retrouve cet effet, lorsque les bruits et sons perçus ne sont pas très forts, les sons émis sont amoindris. Dans ce cas précis, la capacité d'écoute augmente notamment dans un l'environnement acoustique à haute fidélité. Le rapport entre le signal et le bruit permet de discerner chaque son produit.

34


L'étude de l'environnement sonore montre que le son perçu diffère chez l'auditeur en fonction de sa perception, par exemple : premier plan, arrière-plan, limite, densité, volume etc . L'écologie sonore permet de lutter contre la pollution par le bruit. Cela permet de favoriser la conception d'environnement sonore en prenant en compte des ressources de différentes modalités comme l'architecture, l'urbanisme, la sociologie, la psychologie, la musique etc. C'est grâce aux études de R.M.Schafer que la prise en compte du son dépasse la question du bruit. Depuis les années 1990, des études apparaissent sur la gêne et l'impact du son sur la santé, ainsi on parle du mouvement d'écologie acoustique. Ce mouvement se propage en France dans le domaine sonore avec des études pluridisciplinaires qui se sont développées en abordant les principales thématiques concernant ce sujet.

Aujourd’hui, la thématique du paysage sonore dans les modalités paysagères est reconnue comme une entité propre qui doit être prise en compte dans les actions spatiales. Le sonore est recueilli sous formes de données puis retranscrit sous différents médias visuels pour être spatialisé. En cela, il est primordial d’établir ou de créer des liens entre le sonore et le visuel pour l’interpréter. Le paysage sonore entretient un rapport complexe avec la notion de nature. Philippe Bouteloup dit 38: «Les sons semblent en danger dans la société actuelle». Les sonorités propres à chaque environnement ne sont plus identifiables à cause de la multitude de sons et de couches venant s’interposer. Les sonorités propres sont celles des éléments comme l'eau, la nature, la forêt etc, ils ont une valeur à la fois archétypique et symbolique. Ces sons sont à préserver des sons de l'urbanisation. Les sons naturels sont alors difficilement perçus, ils sont entremêlés aux sons artificiels comme celui des véhicules, de climatisation, des klaxons, des sons ambiants de la ville dont il reste encore difficile d'identifier la source. Cela constitue le Keynote Sound, il évolue avec la société. L’information acoustique aujourd’hui est si abondante que seule une partie peut être perçue de façon distincte. Il est alors difficile de comprendre l’évolution des sonorités actuelles. En espace urbain ou périurbain, il y a une surpopulation sonore schizophrène, amplifiée et multiple, d’après P. Bouteloup (2013).

38

Bouteloup Philippe, Bruits des villes et des champs, Erès “Spirale” 2013/4 N°68, p.84 à 90

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3. Le paysage sonore dans les modalités paysagères

Le projet de paysage architectural ou d'urbanisme dépend principalement de notre culture, il est souvent exprimé selon un modèle impliquant majoritairement le regard. Dans la conception d'un espace public, l'espace du visuel domine contrairement aux autres sens. Ainsi dans le projet, l'espace visuel donne plus d'importance à la qualité spatiale de l'environnement en dépit des autres modes : la temporalité, le patrimoine et la dynamique comme l'espace sonore. Cette discrépance est au centre du mode de représentation, de conception de l'espace public, ce qui caractérise les diverses évolutions de l'histoire urbaine. Au sein de cette conception de l'espace public, l'homme est réduit au statut de spectateur. Le paysage sonore dans l'espace public est perçu par le spectateur comme étant essentiellement dynamique. Il est dynamique car le spectateur est acteur de cet espace. Il le transforme grâce aux actions qu’il réalise : Les déplacements motorisés, les discussions, la traversée de ces espaces etc. Il est également dynamique au travers de sa perception, l'espace sonore se crée par le mouvement, par les rythmes, les cadences mais aussi par les déplacements. On peut ainsi dire que les dynamiques se créent par le vécu de l'espace qui résulte d'un processus de diverses continuités et diverses temporalités qui caractérisent le lieu. Les temporalités apparaissent via la succession et la superposition des usages du lieu et des cycles naturels (lumière naturelle, éclairage, climat). Les pratiques récurrentes d'un lieu se répètent en cycle, la journée, la semaine, l'année, c'est ce qui caractérise l'espace sonore. Les lieux sont en permanence modifiés par les pratiques et usages, ils reviennent souvent au point de départ qui signale le début d'un cycle. Ainsi l'espace public et l'usager (le spectateur) crée un dialogue établi par les répétitions et variations qui sont indissociables. Les continuités, changements et évolutions dans le lieu décrivent le dialogue comme un parcours temporel.

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3.1 Le rapport entre espace et sons L'espace, l'ouïe et la vue sont caractérisés de manière schématique, ce sont deux modes de compréhension différents que l'on trouve en espace urbain. Le point de vue est plus généralement celui du concepteur, l'expérience du temps est assignée à l'habitant qui est le spectateur de son propre environnement. Pour faire le lien entre ces deux modalités, il est nécessaire de laisser place aux autres sens, notamment pour les sons qui ne peuvent être compris en dehors de la temporalité. Le son, oblige une représentation temporelle de l'espace, quant à l'image elle désigne un espace au-delà de la temporalité. « L'espace sonore, en tant qu'expression sensible et qualitative du temps [...] par nature, le son est du temps qualifié. Pour tout écoute élémentaire et, à fortiori pour un ensemble complexe, c'est la rétroaction qui vient petit à petit construire le sens de ma perception.» Jean-François Augoyard (1991)39 ; Ce sont les modalités qui caractérisent un lieu. Les sons indiquent un espace et une échelle propre, ils impliquent les modes de diffusion comme la sensibilité et la perception de chacun. La temporalité du son est accentuée par l'ouïe qui impose une continuité dans le temps. L'écoute est aussi nocturne que diurne et journalière. Les sons sont continus dans l'espace ils nous informent de manière “omnidirectionnelle” sur la qualité de notre environnement, ils font écho à notre première écoute qui nous donne des qualités d'approche et de compréhension de l'espace pour procurer une perception globale du lieu afin de nous orienter. Ces informations sont intensifiées dans un environnement quotidien où les sons permettent pleinement à l'Ouïe de comprendre l'espace. Le son est, manifestement, l'expression de tous les espaces habités, il est l'outil essentiel de communication, de lien social, territorial, mais aussi de certains litiges. Il est à l'origine de diverses initiatives au sein de la loi et des normes. Pourtant, dans la société actuelle la dimension sonore est traitée comme une négation liée à des dispositifs d'isolement acoustique où à des restrictions d'usages selon un certain seuil de niveau sonore. Selon Roberto Atienza, «toute description qualitative d'un environnement sonore serait un signe et en faveur d'une analyse strictement quantitative, nécessaire mais insuffisante.»40

39

Jean François Augoyard, Guides des effets sonores, p. Roberto Atienza, L’identité sonore urbaine. Recherche sur l’incorporation critique du concept d’identité sonore dans l’élaboration du projet urbain, p.12, 2009 40

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Espace / Temps /Visuel / Sonore

Les notions de temps et d'espace sont abordées dans différents domaines mais sont rarement abordées dans le même discours. L'espace du visuel se rattache aux disciplines de spatialisation comme l'architecture, l'urbanisme ou bien la géographie. L'espace sonore relève principalement des arts sonores et musicaux. Cependant plusieurs questions peuvent être posées : un espace existe-t-il sans son ? Ou bien, un son existe-t-il sans espace ? Au travers du regard des sciences, l’espace, le lieu sont une abstraction de l'espace perçu, celui-ci est exclusivement géométrique. Le son quant à lui est une vibration de la matière qui compose l'espace. On peut donc dire que l'espace est un lieu de composition, de sensation où le son est une expression sensible de l'espace. Alors les différences de ces deux concepts peuvent être réinterprétés : un espace ne peut être considéré sans son. Dans l'architecture, on affirme qu'un bâtiment, un espace, ne peuvent être construits sans questionner la lumière. Les acousticiens, les créateurs de sons sont contraints par l'espace et par sa diffusion. Pourtant le rapport entre ces deux dimensions donne aux aménageurs de l’espace (architecte, urbaniste, paysagiste), un large éventail de réponse dans lequel un rapport d'équilibre se crée. Le rapport entre l'espace et le son reste encore controversé. Les rapports scientifiques parlent du son, notamment des problèmes de bruits, de gênes sonores, mais pas de son aspect esthétique. Il est plutôt considéré comme un défi de santé publique et rarement comme qualité de vie. L'environnement sonore est traité essentiellement par la mesure du niveau sonore équivalent (leQ). Le leQ est toujours interprété comme niveau sonore maximum à ne pas dépasser dans le cadre de vie du quotidien. Le son reste encore interprété en tant que nuisance. Les récents rapports de la directive européenne concernent exclusivement la gestion du bruit dans l'environnement selon la directive de 2002-49-CE, elle reprend essentiellement ce point de vue «Deux des principaux objectifs visés par le texte sont l'établissement d'un cadastre de l'exposition au bruit et, sur la base de ces cartes, l'adoption de plan d'action en matière de prévention et de réduction du bruit dans l'environnement, ainsi que les préservations des zones calmes »41. L'acoustique considérée comme positive reste encore un terrain d'exploration. Le son est 41

Département du Puy de Dôme,Plan de Prévention du Bruit dansl’Environnement (PPBE), directive Européenne 2002-49-CE du 25 juin 2002, L.572-1 à L.572-11 du code de l’environnement, le décret n°2006-361 du 24 mars 2006 et deux arrêtés des 3 et 4 avril 2006

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considéré comme matière artistique musicale qu'il faut protéger. Ainsi, le son dans la conception spatiale est destiné aux bâtiments, aux aménagements d'espace public où les usages sonores ont des fonctions déterminées comme, les salles de concert, théâtre, auditorium etc. Dans le cadre du mémoire de recherche, l'espace est alors caractérisé par la fonction de l'écoute, les autres usages sont alors exclus car ils perturbent cette fonction d'écoute. Dans un espace, l'écoute correspond aux critères du visuel. Elle s'éveille entre le frontal et le focal de l'espace de diffusion du regard et celui de l'écoute. Cela permet la projection d'un individu dans l'espace. Grâce à deux méthodes, celle de la construction d'une limite afin de restreindre l'écoute et de la protéger et celle d'une enveloppe sonore, qui accentue certains paramètres acoustiques. Dans ce cas précis, l'intensité et le niveau sonore n'est plus une contrainte, cependant les sons sont perçus comme une anomalie. La difficulté principale est alors la cohérence du son et l'harmonisation acoustique d'un espace par rapport à sa morpho-acoustique (la réverbération, la puissance, la clarté...). La morpho-acoustique d'un espace est considérée ainsi comme seuil d'évaluation sonore. Aujourd'hui, un espace d'écoute se veut comme atteindre la neutralité sonore, c'est-à-dire que l'espace défini est capable de masquer ses paramètres sonores comme la distance pour permettre d'obtenir une qualité sonore et acoustique équivalente dans l'intégralité de l'espace défini.

Aujourd'hui le domaine sonore n'a encore que peu d'importance dans les pratiques professionnelles de l'architecture, du paysage et de l'urbanisme. Une réelle conscience est encore à promulguer pour comprendre comment le sonore interagit dans un espace urbain. Le domaine sonore est un phénomène qui permet de caractériser et confère un trait sonore à un espace urbain. Les différentes catégories socio culturelles représentent alors une multitude d'approches d'un seul et même phénomène sonore.

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Des modalités différentes qui tentent de rétablir un équilibre entre le projet urbain et l'environnement sonore sont constamment en tension : ● Les notions de conservation et de préservation pure d'un élément sonore considéré comme élément patrimonial, authentique d'un lieu. ● Les interventions, le regard et interprétations du concepteur qui est considéré comme thérapeute dans la question de traitement qualitatif d'un environnement. Le patrimoine est ainsi considéré comme point de vue, fond de forme de nouveaux discours et regards scientifiques capablent de donner du sens au lieu. La préservation patrimoniale, dans ses directives, interdit toute intervention qui puisse altérer l'existant. Alors, toute évolution pouvant être réalisée de manière naturelle est condamnée. En revanche, s'il y a application de normes qui conduirait à une mise en scène des espaces urbains, seuls les modes de vie cohérents au lieu pourraient être admis. Ainsi l'interaction entre le lieu et l’usager ne pourrait être possible sans engendrer des transformations de l' espace. La conception démiurgique dans l'espace comporte également les mêmes limites. Sans connaître la mémoire d'un lieu, le concepteur ne peut être garant d'une réelle capacité adaptative intégrant le lieu.

4. La spatialisation du son et sa transcription graphique

4.1

Transcription graphique de Chorème

La chorématique, se veut comme une méthode permettant de construire ou déconstruire la composition d’un espace urbain. C’est une approche qui, d’un point de vue méthodologique, décompose, fractionne et isole afin de réagencer les structures élémentaires d’un espace urbain42. D’un point de vue épistémologique, la chorématique met en avant les problématiques sociales d’un espace urbain au détriment des problématiques de la composition urbaine43. Les problématiques sociales de la «fabrique urbaine»44 sont à la croisée des dynamiques sociales et de l’aménagement de l’espace. 42

Roger Brunet, “Chorème”,1980 Pinon et Durpe Henry 1992-1994 44 Galiné 2000 43

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En effet, trois modes peuvent être définis dans la conception de l’espace urbain: ● La composition urbaine, principalement issue de la période classique, conçoit la ville comme un dessin. ● La morphologie urbaine, qui durant la période d’entre deux guerres, jusqu'à aujourd'hui, conçoit la ville comme espaces ayant des fonctions et usages précis. «La ville est ainsi le résultat de l'interaction société - milieu et forme - fonction»45. ● Le modèle de la fabrique urbaine pense la ville comme un espace façonné par les rapports sociaux. «La fabrique urbaine a fortement été influencée par la pensée marxiste de la production de l’espace» .46 La conception urbaine amène alors deux questions: ● Le problème de la temporalité de l'espace urbain par rapport aux liens entre la société et le paysage. «Le paysage urbain peut être expliqué par les lois du développement de la ville »47 soit, par «l’histoire et le changement social»48. ● La chorématique : où l'objectif est d'exposer la ville comme composition entre les rapports passés, les remaniements du temps, les rapports actuels et les perspectives d’avenir. Cette composition montre les dissonances entre les formes et les fonctions urbaines au travers du temps. «Parmi les différents types de visualisation de l'espace urbain ( visualisation esthétique des portraits de villes, visualisation normative des plans régulateurs, visualisation synthétique des cartes de synthèses…)»49 .

45

Bruno Desachy et Géraldine Djament-Tran ”Archéologie de l’espace urbain” p.325-339 Lefbevre 1974 47 Bruno Desachy et Géraldine Djament-Tran ”Archéologie de l’espace urbain” p.325-339 48 Roncayolo 2002 49 Bruno Desachy et Géraldine Djament-Tran, Archéologie de l’espace urbain,p.326 §.3 46

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4.1.1 Méthode de visualisation de l’espace urbain La chorématique est une méthode de visualisation des grandes dynamiques de l’espace urbain. Elle permet de mettre en lumière et d’aider à résoudre les problèmes soulignés par la visualisation de l’espace. Comme les problèmes liés à la retranscription, la constitution de documents synthétiques et dynamiques. Mais aussi de pallier le manque de données de la cartographie qui nécessite une généralisation ou une simplification des espaces.

Le chorème peut se construire à différentes échelles que ce soit d'un îlot urbain, d'un bâtiment ou d'une agglomération. Il peut servir alors à comprendre et à visualiser toute l'évolution d'une ville. Seulement, la cartographie temporelle se heurte à un problème structurel : «Comment représenter le continuum temporel sur une carte, support figé ou instantané dont les composantes existent dans le même temps ?»

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Pour cela, il existe trois types de

solutions. La première consiste à développer une série d'images, la deuxième à utiliser des variables qui sont visuelles que l'on trouve en trois dimensions, et la troisième consiste à représenter un mouvement. Le plus souvent le chorème s'appuie sur la première solution en créant des figures uniques qui résument l'évolution de la ville. Ainsi, la chorématique permet de favoriser le renouvellement grâce à la cartographie dynamique qui se fait par la «réflexion sur les composantes essentielles d'un temps cartographique»51. La cartographie chorématique dépasse des logiques de représentation et de localisation afin de créer une démarche visuelle et explicative. Elle se base sur les interrogations de l'histoire, de l'espace qui définissent l'espace urbain, les problèmes de représentations graphiques sont alors mis de côté. La modélisation graphique est issue du travail de Roger Brunet (1980) qui a introduit la notion de « La Nouvelle Géographie » en France, qui fait de l'espace un texte qui le caractérise comme le livre du monde. Il propose une méthode qui permet de structurer, de penser et de visualiser l'organisation de l'espace. Le chorème représente alors une structure élémentaire de l'espace. La table de chorème résume les structures élémentaires qui composent l'espace et les représente à l'aide de figures qui sont soit ponctuelles, soit linéaires, soit surfaciques. "La chorématique propose une grammaire de l'espace fondée sur les lois de

50 51

Palsky 2004 :345 Palsky 2004 :345

42


la production de l'espace et repose sur la composition de modèle"52. Les modèles élémentaires qui sont créés permettent de décomposer l'organisation de l'espace. On retrouve des modèles généralisés mais aussi des modèles plus spécifiques qui représentent un espace donné. Cette modélisation graphique est dans la plupart du temps utilisée à l'espace de l'échelle urbaine. Dans la première phase d'utilisation de la chorématique, le caractère temporel a été délaissé puis depuis quelques années, celui-ci est réintroduit dans l'analyse spatiale. «La grammaire élémentaire des formes d'action des sociétés sur l'espace s'applique au passé comme elle s'applique à toutes les échelles» 53. La chorématique a surtout été utilisée pour comprendre l'évolution d'un territoire grâce à une succession de chorèmes datés que l'on appelle «chrono-chorème» ou alors «paléo-chorème» ceux-ci exposent les héritages perçus sur l'espace actuel.

4.1.2 La construction d’un langage graphique La chrono chorématique est une méthode de combinaison permettant de modéliser un espace tout en évoquant les questionnements de l'espace urbain. Chacun des modèles, des figures sont à la fois un point de départ mais aussi un point d'arrivée de la réflexion. Comme abordé précédemment, le chorème utilise un langage graphique normalisé s'appuyant sur 3 types de figures (ponctuel, le linéaire, et le surfacique). La construction d'une figure s'appuie sur des composantes historiques et actuelles de l'organisation urbaine. Dans un premier temps, la ville est considérée seulement comme usage fonctionnel dont les quatre principaux sont l'économique, le résidentiel, le politique et le religieux. Dans un deuxième temps, on retrouve les composantes environnementales et sociales. Elles nécessitent une légende et une forme différentes. L'organisation de la ville interagit avec la société, c'est-à-dire les différentes formes sociales sont spatialisées et définissent l'environnement. Également la topographie et l'hydrographie entraînent une diversité de ces deux dernières composantes sur les fonctions de la ville.

52

Brunet in : André et al. p.34,(1930) Théry, H. (1990). Chronochorèmes et paléochorèmes: la dimension temporelle dans la modélisation graphique. ANDRÉ Y., BAILLY A., CLARY M., FERRAS R., GUÉRIN J.-P., Modèles graphiques et représentations spatiales. Paris/Montpellier: Anthropos/Reclus, 41-61. p.60 53

43


Fig 4. Le portefeuille des plans et la grille fonctionnelle des Documents d’évaluation du patrimoine archéologique des villes de France, source pour la chrono-chorématique urbaine. Source : CNAU, Sapin 1998 : 7 http://www.culture.gouv.fr/culture/cnau/pdf/grille_chrono.pdf).

44


La chorématique présente la forme de l’espace urbain. Elle simplifie la forme urbaine grâce à la combinaison de logique sociale. C’est pour cela, que dans la plupart des cas, une ville est représentée par la superposition de cercle concentrique. Une ville se construit autour d’une concentration de population et fonction qui évoluent radialement. La chorématique n’a pas d'échelle, ni d’orientation, elle renvoie à un espace théorique qui n’est pas mesurable. En ce sens, si l'échelle ( espace mesurable et chiffré dans la représentation du réel) est absente, la chorématique utilise une échelle dite relative «différence d’ordre de grandeur entre différents modèles, l’effet de taille conduisant à un saut qualitatif avec le passage à la métapole»54. Aussi, la hiérarchisation des formes urbaines intervient lorsque la structure et la composition d’une métropole sont plus complexes qu’une commune appartenant à celle-ci.

Fig 5. Le langage graphique : les composantes transhistoriques de la « composition » urbaine (Atelier de chrono-chorématique urbaine du CNAU) Source : CNAU, Sapin 1998 : 7

54

Pietramellara, G., Ascher, J., Borgogni, F., Ceccherini, M. T., Guerri, G., & Nannipieri, P. (2009). Extracellular DNA in soil and sediment: fate and ecological relevance. Biology and Fertility of Soils, 45(3), 219-235.

45


La conception de chorème se met en place par une démarche d’aller retour entre les dynamiques passées ( héritages culturels, religieux…) et la cartographie historique. La chrono-chorématique est alors purement déductive d’un point de vue historique. Elle se construit grâce à la généralisation de cartographie, la simplification des formes, elle n’est pas dans une logique simplificative mais plutôt dans une logique explicative. Des méthodes déductives et inductives peuvent être mises en place. Il est seulement important de respecter l'épistémologie mais aussi d'identifier les cas généraux et particuliers afin de sélectionner un chorotype adéquat (configuration spatiale par un arrangement de chorèmes).

Figure 6. Evolution d’une ville de France (Atelier de chrono-chorématique urbaine du CNAU), Source : CNAU, Sapin 1998 : 7

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Plusieurs facteurs permettent de réaliser une composition de l’espace urbain. Ils sont spécifiés en 5 types de trajectoire (voir fig 7 et tab 2 et3), on retrouve : ● La situation qui définit le système dans laquelle la ville s’organise ainsi que ces changements d'échelles ● Le site ● Les héritages qui sont des composantes temporelles changeant d'échelle ● Les fonctions ● Les niveaux hiérarchiques. La composition des structures élémentaires de chorème est réalisée par la construction de choro-types qui sont généralement de natures différentes. Ils constituent le site de la ville, la situation du type de ville, les frontières, les fonctions, la région etc. Ils peuvent également combiner différents paramètres de la ville. La cartographie chorématique permet alors de visualiser spatialement les logiques sociales et spatiales de la ville. C'est une superposition de couches. Cette démarche permet de comprendre ce qui définit l'organisation urbaine.

Tab 2. Structures élémentaires de l'espace ou le socle de la chorématique. Roger Brunet, La carte-modèle et les chorèmes, Mappe Monde 86/455

55

“Quatre colonnes pour les figures de base, sept lignes pour les stratégies et les dynamiques essentielles, c'est-à-dire pour les finalités et les actions des systèmes spatiaux : 24 chorèmes. Une construction provisoire, à éprouver et enrichir, qui s'est nourrie de la collaboration d'un petit groupe de la Maison de la Géographie” (F. Auriac, V. Cabos, C. Carrié, J.P. Cheylan, R. Ferras, J.P. Gamier)

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La carte chorématique peut être interprétée selon différents niveaux de lecture qui interrogent la composition de l'espace urbain. Une première lecture dite horizontale permet d'identifier les logiques spatiales de la composition urbaine. Les modèles plus spécifiques quant à eux, permettent de mettre en valeur des points communs qui définissent la forme urbaine. On retrouve également des sous-catégories qui représentent les spécificités urbaines. En réalisant une lecture verticale, les différents niveaux de généralités sont révélés et permettent de comprendre l'évolution de la ville sur le long terme.

Fig 7. (Dé)composer la ville : l’exemple du modèle de l’épisode 3 (Atelier de chrono-chorématique urbaine du CNAU). Source : CNAU, Sapin 1998 : 7

Également, une lecture croisée peut être réalisée au sein d'un même document. Des comparaisons peuvent être réalisées entre la trajectoire dite spécifique et la trajectoire générale. Elles permettent de mettre en valeur le décalage temporel associé à un type de ville. Comme dans le tableau ci-dessous ( Tab 3).

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Tab 3. Lectures des tableaux chrono-chorématiques à partir de l’exemple de Poitiers (commentaire de G. Djament sur le tableau de Boissavit-Camus, Guilloteau et Royoux 2010).

Cependant, le nombre de cases n'est pas défini, il est simplement réalisé en fonction de la chronologie de la ville. Il s'agit alors de comparer la composition de deux villes grâce à la table de chorème. La carte chorématique est un outil de communication qui est utile à "des fins pédagogiques mais aussi urbanistiques"56 . 56

Bruno Desachy et Géraldine-Djament-Tran. (2010). Archéologie de l'espace urbain, 325-339 , § 30

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Les structures qui s'en dégagent peuvent être utilisées lors de documents de planification. Elles permettent aussi de donner lieu à différents scénarios de planification urbaine. La recomposition des structures morphologiques, la décomposition urbaine permettent ainsi une réflexion sur la construction de la Fabrique urbaine. La démarche de la Chorématique est un va-et-vient entre une représentation générale et particulière, la décomposition des points communs et des différences qui constituent l'espace urbain et la trajectoire à venir de la ville. ( Voir fig 8) Cette démarche exige de montrer les causes sociales de l'organisation urbaine dans la composition de la carte chorématique.

Fig 8. Les structures de l'espace bolivien selon J.P. Deler, Géographie Universelle, infographie par V. Brustlein. 57 En plus des concepts de chorèmes, le signe est également important. D'après les sémiologues, il semble indispensable de distinguer les objets concrets qui sont produits intentionnellement dont le but est de communiquer une intention ou non. Ces objets, permettent d'obtenir des informations grâce à leur interprétation, ils pourront alors être perçus comme un signe. Lorsque l'interprétation est absente, ils sont considérés comme un indice. 57

Arreghini, L. (1995). La modélisation graphique dans la réalisation des atlas pour le développement. Les atlas pour le développement en coopération, 1-10.

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Cependant, il est essentiel de bien différencier le signe qui donne une identité à une organisation, il est lié à la fonction de communication, par exemple : lorsqu'il y a de la fumée, un indice apparaît celui du feu, mais peu de signes sont visibles sauf si celui-ci est intentionnel, il est indicateur de l'intention et communique des informations. Les phénomènes humains sont porteurs de signification. La signification est un langage qui est bien plus vaste que celui des communications, «il convient de s'interroger sur leur statut : manifestation de signes au sens fort, c'est-à-dire prenant valeur dans un système dont la finalité même et la communication, ou manifestation d'indice.»58. Ce concept permet d'associer un signe à un son dans lequel le sociologue, le géographe, l'historien et tous les aménageurs de l'espace vont l'interpréter dans leur propre discipline.

Fig 9. Signe géographique : Jolivet, R., & Nicolas, G. (1991). Signe géographique: chorèmes et tégéos. Cahiers de géographie du Québec, 35(96), 535-564.

Jolivet, R., & Nicolas, G. (1991). Signe géographique: chorèmes et tégéos. Cahiers de géographie du Québec, 35(96), 535-564. 58

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4.2 Application du chorème au son Il en convient de dire que le chorème provient d'une vision particulière de l'espace géographique qui s'organise autour de processus d'appropriation et d'action spatiale. Le tégéos ( symbole qui désigne un objet matériel dans l’espace) est alors plus enclin à la symbolisation du son dans la forme acousmatique. Les tégéos sont produits selon un point de vue plus général, ils sont plus proches de l'observation, ils sont également plus faciles à modéliser pour créer des hypothèses variées lorsqu'elles servent à représenter des informations qui sont non spécifiées spatialement. Les tégéos se composent d'un système de signes qui permettent de représenter des objets dans un espace géographique ce qui leur donne le statut d'objet géographique. Le chorème est alors une hypothèse entre l'appropriation de l'espace, des actions spatiales et la configuration générale qui s'en génère. Ce sont des signes qui permettent de modéliser un espace. Le chorème permet d'exprimer une organisation spatiale spécifique, l'emploi du tégéos en plus de la carte chorématique, semble plus enclin pour la retranscription graphique du son dans l'espace, car le tégéos fournit des données de description plus générale dans le mode de spatialisation d'un espace urbain. Le son est perçu dans l’espace comme une donnée immatérielle indicatrice ayant une signification précise. Il peut donc être traduit dans la composition d’une carte chorématique par un chorème ou un tégéos. Dans le cas présent ci-dessous le tégéos sera principalement utilisé. Un symbole est associé à chaque son entendu.

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PARTIE 2 : Appréhension du son par la transcription graphique : Chorèmes et Tégéos , le cas de la place Roumégoux à Gradignan

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Ici la démarche proposée est celle de l'analyse de l'environnement sonore et la construction sensible de l'espace public de la place Roumégoux à Gradignan. La démarche a pour objectif d'intégrer les facteurs d'ambiance sonore dans l'analyse et le diagnostic paysager. La première idée vise à mettre en avant une approche qui est de considérer l'espace public comme une approche à la fois abstraite et immatérielle. Elle n’est pas seulement définie par le vide, par des édifices et par des limites franches. L'idée est de révéler des données sur l'environnement sonore et l'espace sonore qui nous entourent au travers des dimensions perceptives et des modalités d'usages. Il ne s'agit pas d'aborder simplement la place comme un objet défini mais de comprendre et d'examiner les configurations sonores, spatiales. Les analyses de terrain et paysagères consistent à saisir les modalités urbaines et à qualifier les ouvrages bâtis, cela implique une échelle de saisie de données qui sera liée à un champ de perception et à la démarche présentée ci-dessous. L'approche de la démarche est réalisée in situ. Les éléments de méthode proposés s'appliquent à l'analyse de situations concrètes observées sur la place. Ces modalités d'analyse des formes spatiales et des configurations de l'espace visent à croiser différentes disciplines (géographie, histoire, botanique, urbanisme, paysage, photographie) qui abordent la question de l'espace public dans la phase de diagnostic et de projet. Lors de la réalisation d’un diagnostic paysager, les modes d'analyses actuels de l'espace urbain mise en place sont multiples. Les différents aspects de l'espace sont différenciés préalablement, que ce soit les fonctions, les usages, la spatialité, etc. La transcription graphique à l'aide de chorème et tégéos permet alors de croiser les connaissances et savoirs de différentes disciplines pour comprendre comment s'organise la place Roumégoux de Gradignan et ainsi révéler une nouvelle analyse de son espace. Il s'agira alors de proposer une méthode de transcription du sonore. Dans la première partie, plusieurs hypothèses de notation et plusieurs concepts ont été abordés que nous allons présenter et mettre en application. L'objectif est de proposer un outil applicable au paysagiste dans la démarche de projet. L'outil doit permettre une analyse de sites mais aussi permettre une logique d'aménagement futur lors du diagnostic de projet. Les résultats ne sont pas encore aboutis, plus de temps aurait été nécessaire pour accomplir la totalité des concepts et hypothèses de recherche.

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1. Méthode d’action applicable au terrain La place Roumégoux à Gradignan a été choisie par sa situation géographique. Il était nécessaire de choisir un terrain riche en sonorité ayant des couleurs sonores différentes, également la concentration d'usage et de service présente sur le lieu amènent une diversité sonore intéressante pour réaliser une transcription graphique. Lors du choix du site, il était envisagé au départ, de comparer plusieurs sites ayant des fonctions et usages similaires. Le choix s'était porté sur la place Forum de Talence et également son centre bourg et le parvis de la gare de Pessac. Il avait été prévu d'organiser des expériences systémiques à la manière de Georges Perec. Cependant, un seul site, à savoir la place Roumégoux, a été choisi mais l'expérience de l'exercice systémique n'a pas été réalisée dans son intégralité. L'enregistrement sonore est une pratique que l'on appelle le «field recording». Les enregistrements sonores ont été réalisés grâce à un smartphone. Le choix du matériel à été réfléchi, il permet d'être accessible à tous et de pouvoir également être réalisé par les professionnels du paysage lors d'un diagnostic paysager. Il ne demande pas de matériel d'un ingénieur du son. Les différents enregistrements réalisés ont été choisis et sur des emplacements sonores délimités (sonoscènes) qui avaient été définies au préalable. Lors de la phase d'enregistrement (recording), certains ont été faits sur une temporalité (timeline) précise. La globalité des enregistrements était définie par les sonoscènes. Certaines sonoscènes sont fixes, d'autres sont en mouvement (d'un point A à un point B). Le déplacement dans l'espace permet de réaliser des changements d'intensité sonore et d'ambiance sonore ayant des dominances différentes.

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1.1 Analyse paysagère de l’environnement sonore La place Roumégoux est un secteur qui marque le cœur historique du centre ville de Gradignan. La place est connectée à l'église par un parvis en granit à l'Ouest. À l'Est, elle est connectée directement à l'axe principal du Cours du Général de Gaulle, elle se déploie vers l'Ouest sur l' avenue Jean Larrieu et le parc de l'Ermitage. Au Nord, elle s’étend sur l' avenue Charles et Émile Lestage jusqu'au château de l'hôtel de ville de la commune. La place Roumégoux est considérée comme un lieu central dans la commune de Gradignan. En son sein se trouve l'église, des commerces qui arborent au Nord comme au Sud. Cependant avec l'urbanisation et l'augmentation du trafic, la place à aujourd'hui un rôle de stationnement, elle n'est pas considérée comme un lieu de rassemblement, elle est seulement traversée. De ce fait, elle a subi en 2015 des travaux de renouvellement urbain grâce à “l'opération d'aménagement des espaces emblématiques du centre ville portée par Bordeaux métropole”. Ce renouvellement urbain permet à la place Roumégoux de s'adapter aux besoins actuels et à venir de la commune. Le centre ville de Gradignan fait l'objet d'un projet communal sur son intégralité, il s'inscrit dans le projet « Cœur de ville » à l'horizon 2025. La transformation de La place Roumégoux a initié des modifications, des mutations des îlots bâtis, des équipements autour de celle-ci et à proximité de l'église Saint-Pierre. Outre l'apparition de nombreux commerces et restaurants en rez-de-chaussée de bâtiments, on voit l'apparition de nouveaux immeubles d'habitations. C'est par la création de ce nouveau maillage que la place Roumégoux vient s'intégrer dans le nouveau centre-ville de Gradignan. Aujourd'hui, la place Roumégoux se situe entre deux polarités, avec un tissu urbain relativement dense autour du Cours du Général de Gaulle. Accessible principalement en voiture, elle est également desservie par un arrêt de bus situé à environ 200 m. La place s'ouvre au nord et à l'ouest rapidement sur des espaces plus grands. Grâce à l'avenue Charles et Émile Lestage ainsi que l' avenue Jean Larrieu, la place Roumégoux est implantée à proximité du parc de l'Ermitage (le parc de l'Ermitage s'inscrit dans un grand réseau de parc sur la métropole bordelaise. ) Au sud de la place, on retrouve trois îlots bâtis assez denses datant de la fin du XIX ème siècle, tandis que le reste du maillage correspond à un archétype de maison pavillonnaire (maisons plein-pied, semi étage, archétype des habitations des années 70) À l'est, par la rue des Érables actuellement en restructuration, la place Roumégoux est ouverte sur l'hôtel de ville et le parc de Lausanne. La situation géographique de la place 56


montre que celle-ci est bien desservie et centrale, elle est principalement considérée comme une place de quartier.

Fig10. Situation de la place Roumégoux - Axonométrie issue du projet de création de ZAC rapport de présentation de Bordeaux Métropole, La FAB, Avril 2016, source Alphaville, Octobre 2016 Les aménagements de cette nouvelle place la rendent, d'un point de vue paysager, partiellement stérile, un manque de qualités paysagères se fait ressentir en son centre. Le revêtement granit présent au sol absorbe la chaleur et l’a réfléchi dès le moindre rayon de soleil, situation qui est vraisemblablement très agréable durant l'hiver mais insoutenable durant l’été en période de forte chaleur. Le principe de terrasse sur deux hauteurs permet à la place d'ouvrir la vue sur l'église et inversement, mais aussi de lui donner de la profondeur de champ. Un effet qui est d'autant plus ressenti par les deux alignements végétaux qui délimitent la place. La place comprend: ●

Au Nord, un parking qui quant à lui est paysager et délimité par une noue paysagère intégrant des lames d'eau en cascade procurant un sentiment d'apaisement et de relaxation lorsque la circulation automobile est très faible.

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● Des massifs paysagers luxuriants sur le pourtour des parkings font de ce lieu un endroit plus ou moins intimiste, une réduction de bruits est bien présente. Le nouvel aménagement réalisé sur la place Roumégoux lui confère des qualités esthétiques indéniables, notamment dans le choix des matériaux mais peu de qualités paysagères sont présentes (écran végétal, alignements etc.). Cependant sa situation et sa structuration lui attribue beaucoup de sonorités différentes et intéressantes.

Fig 11 et 12. Cartographie (11) et Photographies (12) de la répartition des fonctions et usages de la ville de Gradignan. Ech 1/2500

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1.2 Processus d’action La méthodologie d'écoute et de transcription est définie par les fonctions et usages des entités et sous-entités paysagères de la place. Des espaces dits «remarquables» sont définis pour faciliter la lecture de la place. Ceux-ci sont préalablement définis grâce à la cartographie en fonction de l'analyse et des usages que l'on retrouve, ils sont confirmés in situ. Ensuite, un temps d'écoute, d'observation, au travers différentes temporalités (jour nuit, matin, soir, soleil, pluie...) est effectué. Il s'agit alors de mettre en place un parcours sonore sur différentes temporalités que l'on appellera la timeline. Cette temporalité renvoie à des notions d'espace et de temps qui sont un moyen d'appréhender les lieux, l'écoute du monde vivant. Ainsi, une représentation linéaire des événements peut être réalisée et juxtaposée sur un document pour comprendre le paysage sonore de la place sur une journée type. Les scènes choisies (sonoscènes) seront par la suite enregistrées sur plusieurs timeline, cela permettra de comprendre à quel moment et comment sont réalisés les changements de plan sonore et de son dans l'espace, ainsi que leur matérialité. Chaque enregistrement compose une bande sonore d'environ 1 minute 30. Par conséquent, suffisamment d'informations auront été récoltées pour définir les différents événements sonores qui se répètent, également

les

corrélations que l'on retrouve au cours d'une journée type. Une dernière phase de réflexion sera alors mise en place ; celle de la recherche de transcription graphique par le chorème. Un outil emprunté de la géographie dans les analyses spatiales pour l'appliquer aux outils du paysagiste. 2. Diagnostic acoustique à l’urbanité sonore 2.1 Parcours sonore L'expérience du parcours sonore a été réalisée sur un temps long (un semestre). Avant la réalisation du parcours in situ, un temps de compréhension et d'analyse cartographique sont nécessaire. L'objectif est de comprendre et analyser les fonctions et usages sur la place Roumégoux, l'organisation spatiale sur la place et en périphérie de celle-ci, soit dans la ville de Gradignan. La cartographie montre des îlots bâtis entourant la place, ils sont principalement dédiés au rez-de-chaussée au secteur tertiaire. On retrouve alors des commerces et activités associés. Pour les façades bâties au nord-est et sud-ouest les premiers et deuxièmes étages sont dédiés au logement. À l'ouest on trouve l'église et son parvis minéral, et derrière celle-ci un parc se dessine : le parc de l'Ermitage, la place Roumégoux est 59


entourée et cloisonnée par de la voirie. L'avenue Charles-de-Gaulle délimite la place à l'ouest, celle-ci dessert des restaurants et des activités commerciales. Tout comme la place, sa fonction est dédiée au commerce et son usage est principalement passant et traversant. À proximité de la place on retrouve un réseau de parcs à moins de 500 m de la place à l'ouest le parc de l'Ermitage, au Sud le parc Mandavit et le parc Moulineau. Les fonctions à l'administration publique sont principalement étalées et peu présentes autour ou sur la place Roumégoux. Place qui est centrale dans la ville de Gradignan.

Fig 13. Cartographie de la répartition des fonctions et usages de la ville de Gradignan.1/2500 Une fois l'analyse cartographique réalisée, un temps de vérifications est appliqué. Pour cela il est nécessaire de se rendre sur site pour comprendre et vérifier les hypothèses faites sur la cartographie. Dans le cas de Gradignan, l'analyse cartographique, s'est avérée plutôt juste. Ensuite des parcours sonores ont été mis en place. Ceux-ci ont pour objectif de traverser les sites relevés en plan (parc , place, passages, etc.). Ces parcours sonores permettent de révéler l’ambiance sonore de la ville de Gradignan et de comprendre comment fonctionne la place Roumegoux dans le réseau de la ville.

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b

Fig 14. Parcours sonore sur la commune de Gradignan. ech 1/ 2 500

Fig 15. Parcours sonore de la place Roumégoux de Gradignan. ech 1/2500

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2.2 Écoute récurrente L'expérience systémique pratiquée n'est pas explicative, elle est essentiellement interprétative. L'objectif n'est pas de vérifier tel ou tel élément cela ne s'inscrit pas dans une logique hypothético-déductive. L'idée est de comprendre les sonorités, les fluctuations sonores, le fond sonore, qui le plus souvent est inaperçu, inaudible. C'est pour cela que ce travail s'inscrit dans une logique interprétative qui a pour but de recomposer le paysage et les ambiances dans lesquels les sons sont perçus. Autrement dit, pour s'inscrire dans une démarche plutôt classique, le but est de comprendre les phénomènes. On peut ainsi qualifier l'écoute récurrente comme indirecte interprétative et cumulative «tel peut être schématisée notre conception de l'approche qualitative des espaces publics urbains».59 Lors de l'écoute récurrente, il est nécessaire d’avoir plusieurs visées, à savoir de quoi sont composées les qualités sensibles d'un espace public, puis de les appliquer aux qualités sonores d'un espace public, mais également de comprendre la diffusion du son dans un espace public urbain. Beaucoup de problématiques et idéologies sont associées, l'approche qui en est faite et donc indirecte aux yeux de tous. Dans le cas précis du fond sonore, lorsqu'on demande à une personne d'écouter directement en lui posant des questions sur sa perception du son, les réponses risquent d'être hâtives et stéréotypées. Elles ne reflètent pas forcément leurs pensées où leurs perceptions des sons dans l'espace de manière objective. Pour pallier ce manque, l'écoute récurrente et aussi dite multiple est nécessaire pour éviter une écoute arbitraire. Il est important de

réinterpréter et de croiser les différents

enregistrements de sources sonores d'un même lieu. À un premier niveau, l'idée est de chercher à établir des similitudes sonores provenant d’un même matériau

ou de trouver des sources sonores plus ou moins identiques. Il reste

important de ré-écouter et d’effectuer de nouveau "recording'' pour composer plusieurs corpus différents du site en question. Pour réaliser plusieurs corpus sur une même sonoscène, j'ai pris l'habitude de réaliser différents recording sur plusieurs “timeline. Afin d'avoir un aperçu global, l'exercice de l'écoute ainsi que de l'observation récurrente a été nécessaire pour réaliser différents croquis et cartes mentales qui représentent le fond sonore et les ambiances sonores du même site. 59

Amphoux, P. (2001). L'observation récurrente

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Fig 16. Croquis de l’environnement sonore de la place Roumégoux Il est également nécessaire de préciser des règles pour réaliser une composition et définir des formes d'écritures. Concrètement, cette méthode s'applique sur deux récurrences, chaque récurrence constitue 4 actions: ● La première est une action qui a pour but de se saisir du site notamment de la place Roumégoux. ● La deuxième action consiste à comprendre les sources et antécédents sonores de la place. ● La troisième consiste à réaliser des “recording” sur les lieux choisis. ● La quatrième a pour objectif d'interpréter les enregistrements

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2.2.1 Saisir

Cette action peut être qualifiée d'interprétative et cumulative, elle est aussi indirecte. Au travers les différentes analyses cartographiques effectuées et les parcours sonores réalisés, l'objectif n'est pas d'avoir des témoignages mais bien de faire parler l'espace public, car chaque lieu, en fonction de ses usages, ses pratiques permettent de faire une représentation urbaine plus ou moins complète de l'espace défini. Il n'est pas non plus question de limiter l'observation à la sensibilité de chacun. La pratique du “recording” permet de pouvoir étendre les observations et en faire des rétrospectives.

2.2.2 Compréhension des sources

La compréhension des sources sonores s'appuie sur l'ensemble des travaux et expériences réalisées constituant ce mémoire de recherche. On retrouve alors un travail qui s'intéresse à la sociologie urbaine. La méthode utilisée dans le cas précis de la place Roumégoux peut être considérée comme une adaptation simplifiée, il ne s'agit pas d'entretien mais simplement d'une écoute active et d'une réinterprétation sonore in situ. Cette expérience a été réalisée sur un travail photographique qui permet de promouvoir des émotions, de démontrer des usages et fonctions et qui permet de faire parler les lieux. Également, la technique des entretiens sur «écoute (ré)activée» mise au point par Jean-François Augoyard au laboratoire Cresson, a été utilisée dans le but d'essayer de comprendre des phénomènes sonores. Cette technique a pour principe de qualifier un environnement sonore, de faire réagir la population à leur propre environnement sonore afin de percevoir les ressemblances et différences entre l'enregistrement et la réalité. Cela permet d'écouter des phénomènes particuliers.

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2.2.3 Recording et prise de photos

La sélection de données sonores et numériques, a pour but de diversifier les méthodes de captation. Sur un objet de recherche donné, elle permet de se focaliser sur un espace limité. Dans ce cas, il est important de garder en mémoire que les données représentent une réalité. Lors de l'utilisation de cette méthode il est important de garder une représentation du site en croisant les données, en revenant aux actions précédentes. Aussi, il est important de s'appuyer sur des données cartographiques, topographiques, de toponymie pour comprendre le terrain d'étude. Ici ces analyses sont en deux catégories. La première relève de la morphologie urbaine, les données captées informent sur la situation des parcs, des rues, du linéaire, de l'itinéraire et de la configuration urbaine.

Fig 17. Exemple de sonoscènes et relevé photographique Place Roumégoux et Passage Paul Barreau La seconde permet de faire une distinction entre trois rapports au monde soit : le connu, le vécu et le sensible60. Dans cette seconde catégorie précise, il est important de faire recours à des professionnels (du son). Ils permettent d'avoir un regard critique, de croiser les compétences, d'avoir des interprétations différentes. Pour ma part, j'ai été aidé de Catherine Semidore présidente de l'association “L’ouïe m'enchante” (LOME), chercheuse et enseignante du laboratoire GRECAU et enseignante à l'ENSAP de Bordeaux.

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Amphoux, P., Jaccoud, C., Meier, H., Meier-Dallach, H. P., Gehring, M., Bardyn, J. L., & Chelkoff, G. (1991). Aux écoutes de la ville: la qualité sonore des espaces publics européens, méthode d'analyse comparative. Enquête sur trois villes suisses (Doctoral dissertation, CRESSON, IREC: Institut de Recherche sur l'Environnement Construit).

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Les données récoltées lors de cette phase permettent de synthétiser mais de garder un maximum d'informations, de commentaires et de représentations utiles prises sur le terrain. Quatre distinctions peuvent-être faites61 : ● La première relève de la localisation, elle permet de préciser la localisation de chaque enregistrement sur le terrain et de notifier des points de repères pour certaines prises de vue photographiques. ● La deuxième, s'intitule l'intention : elle permet de préciser le contenu attendu de chaque timeline en précisant quelques ambiances sonores perçues lors des actions précédentes. ● La troisième se qualifie comme étant la composition. Cette phase permet de faire des propositions sur les moyens d'expressions et de réalisation du document cartographique à venir. ● Enfin la quatrième concerne les informations : celles-ci sont destinées à préciser dans la timeline : l'heure exacte, les conditions dans lesquelles ont été prélevées les données sonores. Ce sont des données que l'on peut qualifier de factuelles. Lorsque l'intégralité des données ont été récoltées, un scénario a été réalisé en s'appuyant sur l'ensemble des données relevées précédemment. Dans le cas précis, le scénario prend forme dans un document cartographique montrant les interactions sonores perçues sur la place Roumégoux. Une des difficultés rencontrées lors de la réalisation de ce document est de synthétiser les informations sans perdre leur véracité et sans les abréger. La quantité d'informations doit être juste si il y avait trop d'informations présentes, la cartographie semblerait alors hasardeuse.

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P Amphoux, P. (2001). L'observation récurrente.,la fiche synoptique aux preneurs de son formalisée dans les travaux sur le sonore,identité sonore des villes européennes, op.cit, pp. 20-21

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2.2.4 Interprétation

Les hypothèses concernant les informations sonores perçues sur la place, qui ont été relevées avant la phase de recording, durant la phase de compréhension des sources ont permis de faire certaines interprétations et représentations de la place. Il s'agit alors dans cette phase de les classer et de mieux les analyser. Dans ce cas, l'idée est de classer les données par sonoscène pour pouvoir décrire le contenu de chaque scène et en faire une nouvelle interprétation. Il a été constaté que plusieurs enregistrements de sonoscènes différentes semblent être similaires voire dans certains cas identiques. Cependant cette analyse doit être considérée comme étant subjective, elle dépend de la sensibilité de chacun. Les hypothèses et les interprétations sont retravaillées, certaines sont modifiées, leur contenu est précisé (source, origine,nature des informations etc.). Ce travail est répété plusieurs fois, pour dans un premier temps, avoir des analyses plus ou moins diverses qui seront complétées par la suite. On arrive finalement à trouver et à désigner les dominances sonores, les redondances, les récurrences, qui sont très spécifiques à chaque recording. Dans le cas précis de la place Roumégoux environ cinq enregistrements audios ont été effectués par sonoscène. On retrouve également, six sonoscènes différentes ainsi que deux parcours en périphérie de la place. Le nombre de ces enregistrements était ici, suffisant pour assurer la démarche de ce travail, ils permettaient également de rester objectif et de ne pas saturer. Une multiplicité d'informations entraîne une saturation dans le nombre de données et dans sa compréhension. À l'inverse un échantillon par sonoscène n'est pas représentatif, il ne permet pas un maximum de compréhension et d'expressivité du site.

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Fig 18. Transect de 3 sonoscènes de la place Roumégoux présentant l’intensité sonore en fonction de la durée et de la cadence générale.

La question d'équilibre pour la place de Gradignan a été résolue en doublant chaque prise pour les sonoscènes, chaque parcours a été reproduit quant à eux, trois fois. Interprétation de l'ambiance générale de la place Roumégoux : La position centrale dans la ville de Gradignan lui confère une situation agréable au premier abord. Seulement lorsqu'on s'installe au centre de cette place, la minéralité de celle-ci révèle beaucoup d'incohérence au nord. Le lieu, contrairement à la carte, ne semble pas avoir de fonction précise. Elle est simplement traversée d'un commerce à l'autre. Au niveau des caractéristiques sonores, les bruits et couleurs sonores se mélangent. On trouve néanmoins une dominante de bruits artificiels qui rappelle rapidement la présence de la route très passante en direction du Sud, elle est d'autant plus passante aux heures pleines de 11h 13h et 16h30 19h. Lorsque l'on se situe au nord de la place Roumégoux, soit devant le parvis de l'église, on entend également une dominance de bruits artificiels qui rappelle rapidement le pavage sur lequel les voitures circulent. À proximité du parking et des massifs paysagers on entend une sonorité plutôt naturelle qui provient de système artificiel (eau qui s'écoule le long des lames d’eau de la fontaine). Mais son débit à très faible intensité l’a rend inaudible à une certaine distance. Ce son, à cet endroit, procure un sentiment d'apaisement, un retour au naturel, mais il reste souvent inaudible et donc étouffé par la circulation automobile avoisinante. 68


Cette place montre un paysage sonore multiscalaire grâce à une superposition de couches sonores, une dominance de sons artificiels, en arrière-plan on retrouve les sons naturels. C’est cette superposition de couches qui crée le paysage sonore de la place Roumégoux, le fond sonore de celle-ci semble également aussi diversifié que son premier plan.

Pour révéler la forme acousmatique du paysage sonore de la place Roumégoux, le nombre d'écoutes récurrentes a été augmenté afin de réussir à dissocier le premier plan de l'écoute. Pour le cas de la place, la forme acousmatique a été déterminée par la manière dont les sons sont perçus dans l'espace. La forme acousmatique se traduit en réalité par les sons et les bruits dont la source n'est pas visible et n'est pas non plus définissable dans l'espace. Ce qu’il ressort des premières écoutes, sont des bourdonnements venant des sons artificiels produits soit par les véhicules, soit par les outils technologiques de sources humaines (climatisation, camion frigorifique etc.). Sur une journée, entre 8h et 18h la forme acousmatique se révèle principalement au travers de sons issus de l'activité humaine. Lors des périodes nocturnes, à partir de 21h jusqu'à 5h du matin, la forme acoustique est traduite par des bruits blancs qui sont de sources artificielles liées à l'activité humaine ou de sources naturelles. Pour les sons que l'on peut qualifier de naturels, les bruits blancs et le fond sonore qui y sont associés sont difficilement définissables et traductibles dans l'espace notamment sur la place Roumégoux. 3. De l’analyse à la cartographie temporelle : mise en place de chorèmes et tégéos Transcription Graphique : Essais et résultats

3.1 Application du chorème La cartographie à l'aide du chorème permet de représenter de manière schématique la place Roumégoux de Gradignan. La méthode de chorème est dans ce cas précis une méthode qui est adaptée à l'étude sonore et à la configuration urbaine de Gradignan. Il s'agit avant tout de rappeler ,”que c'est un outil de modélisation parmi d'autres” selon Roger Brunet (1970). C'est un modèle qui est critiqué notamment par l'utilisation des formes géométriques simples ainsi que leur localité peu précise. Cependant pour la place Roumégoux la simplicité des formes géométriques permettent de renseigner plus facilement les informations pour définir et produire les chorèmes. Le symbole permettant de transcrire un flux est plus efficace

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schématiquement que textuellement.62 Ainsi, l'immatérialité du son et sa forme acousmatique peuvent-être retranscrites facilement. La symbolisation qui suit s'appuie sur le travail de R.Brunet. Mais elle pourrait être adaptée et simplifiée par chaque utilisateur pour la faire corréler à son terrain d’étude. Les informations en matière de géographie et de cartographie m'ont amené à plusieurs questionnement : ● Le choix de l'application du symbole à certains niveaux de décisions, des approches qui doivent être simplifiées. L'objectif n'est pas de reproduire une cartographie parfaite et détaillée des ambiances sonores et de la forme acousmatique mais de montrer des informations précises. ● Le maintien d'une approche globale en supprimant des détails qui peuvent sembler essentiels lors de la construction d’un document spatial Après ces questionnements, il m'a été nécessaire de produire des cartographies simplifiées qui ne s'appliquent pas réellement au néologisme du chorème. C'est selon moi une vision des événements sonores s'appuyant sur une partie de la symbolisation de R.Brunet (1980). En théorie, il est facile de résumer la structure et la morphologie d'une place mais son application en cartographie chorématique paraît plus complexe. Il s'agit avant tout de mettre en valeur, de trouver les éléments les plus marquants. Il faut se poser la question de la légitimité de chaque élément marquant. Ces choix sont personnels, ils dépendent de chaque individu. Pour maximiser la lisibilité, dans la réalisation de la carte chorématique, des éléments doivent être pris en compte : la taille de la carte, l'utilisation du noir et blanc ou de la couleur. S'il y a de la couleur, le nombre de couleur maximale doit être défini et également le nombre de chorèmes à visualiser. Pour la place Roumégoux 10 chorèmes maximum ont été définis.

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Laurini, R., & Servigne, S. (2011, July). Leçons tirées d’une expérience de chorémisation automatique. In SAGEO 2011 International Conference on Spatial Analysis and GEOmatics, Conférence internationale de Géomatique et d'Analyse Spatiale (p.2-3. pp. 1-15). Inconnu.

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La représentation graphique se divise en deux parties qui sont : la création d'une cartographie géographique du territoire où les formes géographiques sont simplifiées, des contraintes topographiques peuvent être imposées de manière à ce que les bâtiments où les éléments principaux restent positionnés correctement après la simplification et la schématisation. Pour la place Roumégoux cette hypothèse à été émise puis supprimée, car la topographie existante reste relativement faible (moyenne de 2% entre le parvis de l'église st Pierre et le Cours du Général de Gaulle). Et la seconde partie consiste à la désignation de chorème, cette méthode s'appuie sur le travail de B.Buttenfield, 1991. Un tableau, permettant la visualisation de chorème a été construit et aide à comprendre l'origine de chaque élément. L'origine se trouve dans ce tableau, elle se traduit par son information, sa description, et sa situation. 3 niveaux de lecture permettent de comprendre le document : ● Le premier degré d’information correspond à des données initiales de base présentes sur le site. ● Le deuxième degré d’information correspond à des connaissances des éléments compris et interprétés lors des écoutes récurrentes ● Le troisième degré d’information correspond à la schématisation de manière textuelle du chorème.

Degrés d’informations

Représentation urbaine

Mouvement et fluctuation

Degré 1

Voirie et circulation urbaine caractérisée par un linéaire

Mouvement des usages Flux

Degré 2

Voirie et circulation urbaine : importance de la circulation sur des amplitudes horaires données

Pattern, orientation du flux et son importances selon la timeline

Degré 3

Représenté par un cercle plein, une couleur associée à deux période, matin = noir, après-midi = blanc

Flèches indiquant la direction, couleur associée au cercle, deux épaisseurs définissent l’importance

Tab 4. Représentation des flux de la circulation urbaine autour de la place Roumégoux. 71


Fig 19. Esquisse et essai chorématique de la Place Roumégoux

Tab 5. Stratégies et dynamiques spatiales essentielles adoptées 72


Fig 20. Proposition de carte chorématique des dynamiques spatiales essentielles de la Place Roumégoux

Tab 6. Stratégies et dynamiques sonores essentielles adoptées

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Fig 21. Proposition de carte chorématique des dynamiques sonores essentielles de la Place Roumégoux 3.2 Résultats L'acceptation des chorèmes dans le diagnostic de site au cœur du projet de paysage, oblige certaines recherches sur les notions de chorématique mais aussi leur fonctionnement au travers la cartographie. Historiquement les cartes chorématiques sont utilisées par les géographes mais il semblerait nécessaire de les utiliser et de les mettre en lumière dans d'autres champs de discipline d'aménagement spatial. D’un point de vue géographique : Toutes les données géographiques sur site ont des aspects géométriques qui relèvent de la spatialité, elles ont aussi des attributs non spatiaux qui sont principalement rattachés à la population, aux fonctions, aux usages, aux lumières, aux sons etc. L'intérêt de la carte chorématique permet de mixer la schématisation de ses attributs. Seulement, pour la place Roumégoux il est difficile de placer à la même échelle tous ces attributs ayant des aspects différents. Par exemple les îlots bâtis, la matérialité de la place avec son pavage granit a dans le paysage, une importance bien plus considérable que celle de

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la végétation. Un deuxième exemple dans le sonore, les sonorités artificielles provenant des climatisation ou des moteurs des automobiles ont bien plus d'importance que les bruits blancs provenant des éclairages publics. D’un point de vue cognitif : Leur compréhension difficile nécessite certaines recherches qui permettraient d'établir des règles et d’élaborer une méthode permettant la simplification du chorème et son utilisation dans les pratiques paysagères. Dans le cas de Gradignan, de la place Roumégoux, le chorème ne permet pas de simplifier et de clarifier les informations sonores notamment celles qui concernent le fond sonore. Mais aussi les informations dont les sources se situent hors du champ d'intervention. À titre indicatif, l'utilisation du chorème à tendance à modifier la pensée et l'interprétation. Son utilisation ne m'a pas permis de symboliser les éléments qui me sont inconnus. Seuls les éléments connus ont pu être modélisés et positionnés sur la cartographie. Alors, la limite de l'utilisation du chorème, pour la forme acousmatique du paysage sonore, se fait ressentir. Une question se pose, doit-on simplement se contenter de dessiner les correspondances et fluctuations de chaque profil matériel et/ou immatériel relevé? Ou bien doit-on également représenter le niveau d'interactions et fluctuations de chaque profil?

L'usage de la sémiologie de Jacques Bertin dans l'ouvrage La graphique de 1967 est un élément primordial à prendre en considération dans la conception et la représentation des cartes chorématiques. Un document associé pourrait permettre de prendre en considération les variables qui sont actuellement peu considérées.

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CONCLUSION Les concepts du paysage sonore sont des outils indispensables pour comprendre l'environnement qui nous entoure. Les recherches dans ce domaine ainsi que les évolutions autour de ce concept m'ont permis de mieux comprendre l'étendue de ce qui constitue un paysage sonore. Le vocabulaire technique, les modalités de recherches du paysage sonore, la transcription graphique et les problématisations sur la notion de paysage sonore sont des sujets au cœur de l'actualité. Les travaux de Pierre Schaeffer, François Bayle et de R.Murray Schafer ont renforcé l'étude de la forme acousmatique, de la transcription graphique du sonore, le lien incommensurable entre le sonore et le visuel. Les principes de l'écologie sonore et du design sonore sont repris dans les travaux de R.Murray Schafer. Ces travaux exposent le paysage sonore et montrent qu'ils offrent une lecture différente des paysages. C'est ce que j'ai tenté d'observer au cours de cette recherche en étayant mes propos grâce aux travaux de François Bayle. Dans un premier temps en m'appuyant sur les liens qui opèrent entre la définition du paysage et celle du paysage sonore dans les différents champs disciplinaires. Puis dans un second temps, par une réflexion autour de la notion de soundscape et la manière dont les sons sont spatialisés. La partie historique démontre la musicalité des jardins depuis l'Antiquité, mais aussi, la présence de celle-ci, dans différents projets de paysage qui intègrent la notion du sonore, notamment par des objets, des structures ou œuvres d’arts. Ces projets démontrent encore qu’aujourd'hui le paysage sonore est une alternative dans la manière de “faire projet”. La question du sonore dans le projet de paysage n’est pas toujours prise en considération par l'ensemble des aménageurs. L'objet même de cette étude est ensuite abordée par le médium de la géographie. Notamment pour le choix d’un outil de transcription graphique du sonore dans le paysage, plus particulièrement de la forme acousmatique. Pierre Schaeffer indique que pour transcrire le sonore il s'agit simplement de l'écouter et de l’interroger car le sonore et le visuel coexistent. Alors, la question d'une méthode interprétative du son a été posée. Celle de la formalisation d'un outil peu contraignant. Ainsi, le choix du chorème m’a semblé être l’une des solutions des plus adaptées. Le choix du terrain d'étude, l'ensemble des recherches et concepts traités lors de la première

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partie ont permis d'aborder une méthode de transcription spatiale et temporelle du sonore. Les parcours sonores, l'écoute récurrente, les enregistrements sonores des différentes sonoscènes sont les outils principaux de la création de la carte chorématique. Cette méthodologie est principalement axée sur le lien entre le sonore et le visuel. Les résultats sont identifiables lors de sa transcription, la carte chorématique propose une analyse à la fois paysagère et spatiale mais également une analyse temporelle, une analyse acousmatique du paysage sonore de la place Roumégoux. Cependant beaucoup d'éléments restent à préciser et à mettre en place sur un temps de recherche plus important. Cette démarche ne constitue pas une méthode « aboutie ». Effectivement, d'autres moyens matériels et intellectuels pourraient enrichir la carte chorématique et les résultats obtenus. Par exemple, la représentation des effets sonores produits dans le paysage, également la représentation de la configuration, des fluctuations sonores dans l'espace. La mise en place de chorème et de tégéos sont-ils les meilleures manières pour décrire la forme acoustique et acousmatique du son dans le paysage? Faut-il s'inspirer de la notation diastémique, de la partition, pour simplifier la représentation spatiale sans perdre de sa justesse ? Les entretiens et enquêtes publiques concernant la perception sonore en milieu urbain, peuvent aussi être une manière de composer une cartographie collective. Des comparaisons entre différents sites d'études permettraient également de compléter la méthode de cartographie et d'analyse in situ. Le choix de différents centre ville, places, placettes, jardins et rues pourraient ainsi permettre de compléter et d'approfondir la recherche. La notion de transcription graphique est un sujet qui doit être complété, approfondi pour étayer la méthode effectuée. Cependant, il est important de notifier qu'il s'agit d'un travail destiné aux paysagistes et aménageurs de l’espace. La question du sonore dans le projet de paysage est un sujet important et majeur dans la réalisation de projets permettant l'amélioration d'un cadre de vie, une méthode pour comprendre et qualifier les espaces sonores semble alors essentielle pour prendre en compte cette dimension.

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ANNEXES

Villa d’Este à Tivoli, source: https://info.rome-roma.net/de/tivoli-villa-dhadrien-et-villa-deste/

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Jeanne Lafon. Esthétiques sonores et transsensorielles du rapport à la ville dans les parcs et jardins urbains63 Au cœur du parc Monceau, les buttes, la végétation isolent. Ils servent d’écran contre le bruits de la circulation

63

Lafon, J. (2016). Esthétiques sonores et transsensorielles du rapport à la ville dans les parcs et jardins urbains. Projets de paysage. Revue scientifique sur la conception et l’aménagement de l’espace, (14).

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Parc de La Villette,Alexandre Chemettof, 1987, Jardin de bambous 64

64

Diagonale pour des bambous, 1986-1987, travail in situ permanent, Parc de la Villette, Paris, en collaboration avec Alexandre Chemetov, architecte, Paris, France. © Daniel Buren/ADAGP, Paris. Détail.

80


Warja Lavater et la « sémantique structurale » des contes65, légende et schéma quinaire des cinq imageries (Le Petit Chaperon Rouge, Le Petit Poucet, Blanche Neige, Cendrillon et La Belle au Bois Dormant)

65

Meunier, C. (2013). Les imageries de Warja Lavater: une mise en espace des contes…. Revue Hypothèses, billet, 396.

81


Partition de lecture d’ « Artikulation » de Gyorgy réalisée par Rainer Wehinger. Cette partition est dédiée à une utilisation électroacoustique.

Une partition jouable de la pièce de Marco Marini.66

66

Cahen, R. (2007, November). ENIGMES: la partition navigable. In Proceedings of the 19th Conference on l'Interaction Homme-Machine (pp. 275-278).

82


Specola, pièce acousmatique de LL De MARS - 2004/2005

Specola est une œuvre acousmatique et instrumentale écrite pour quatre instrumentistes ou quatre instrumentistes plus un ou deux ordinateurs. Cela dépendant de l’interprète. Si celui couple les ordinateurs ou les machines utilisés il en aura besoin que d’une. Chaque interprète à la liberté de produire et de développer les sons qu’ils souhaitent. Acousmonium de François Bayle 1975

83


84


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RÉSUMÉ Aujourd'hui la thématique du paysage sonore est reconnue dans les modalités paysagères comme une entité spatiale propre qui doit être comprise dans les actions spatiales et paysagères. Le sonore exige d'être retranscrit par textuellement ou visuellement pour être traité.

Il représente une préoccupation majeure pour les aménageurs de l’espace, qui

cherchent à définir un confort sonore. L'objet de cette recherche est une étude de la notion de paysage sonore, plus particulièrement de sa forme acousmatique, intelligible et de son intégration en milieu urbain et périurbain.. En effet, le son est une manière d'appréhender l'espace, seulement, comment doit il être retranscrit?.Une étude de cas, celle de la place Roumégoux à Gradignan permet d’expérimenter une méthode de transcription graphique du sonore paysager à l’aide de chorème. Mots clés : Paysage - Paysage sonore - Place - Parcs - Jardins - Histoire - Art Acousmatique - Chorème -Musique - Projet de paysage - Design Sonore - Ecologie sonore Transcription - Représentation - Graphique - Recherche - Sons - Sonore

ABSTRACT Actually, the thematic of the sound landscape is recognized in the landscape modalities as a proper spatial entity that must be understood in the spatial and landscape actions. The sound requires to be retranscribed textually or visually to be treated.

It

represents a major concern for spatial planners, who seek to define a sound comfort. The object of this research is a study of the notion of soundscape, more particularly of its acousmatic and intelligible form and its integration in urban and peri-urban environments. Indeed, the sound is a way of apprehending the space, only, how it must be retranscribed... A case study, that of the place Roumégoux in Gradignan allows to experiment a method of graphic transcription of the landscape sound using choreme. Keywords : Landscape - Soundscape - Square - Parks - Gardens - History - Art - Acousmatics - Choreme - Music - Landscape Project - Sound Design - Sound Ecology - Transcription Representation - Graphic - Research - Sounds

École Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Bordeaux


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