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4.1.2 La construction d’un langage graphique

la production de l'espace et repose sur la composition de modèle"52 . Les modèles élémentaires qui sont créés permettent de décomposer l'organisation de l'espace. On retrouve des modèles généralisés mais aussi des modèles plus spécifiques qui représentent un espace donné. Cette modélisation graphique est dans la plupart du temps utilisée à l'espace de l'échelle urbaine.

Dans la première phase d'utilisation de la chorématique, le caractère temporel a été délaissé puis depuis quelques années, celui-ci est réintroduit dans l'analyse spatiale. «La grammaire élémentaire des formes d'action des sociétés sur l'espace s'applique au passé comme elle s'applique à toutes les échelles» 53 . La chorématique a surtout été utilisée pour comprendre l'évolution d'un territoire grâce à une succession de chorèmes datés que l'on appelle «chrono-chorème» ou alors «paléo-chorème» ceux-ci exposent les héritages perçus sur l'espace actuel.

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4.1.2 La construction d’un langage graphique

La chrono chorématique est une méthode de combinaison permettant de modéliser un espace tout en évoquant les questionnements de l'espace urbain. Chacun des modèles, des figures sont à la fois un point de départ mais aussi un point d'arrivée de la réflexion. Comme abordé précédemment, le chorème utilise un langage graphique normalisé s'appuyant sur 3 types de figures (ponctuel, le linéaire, et le surfacique). La construction d'une figure s'appuie sur des composantes historiques et actuelles de l'organisation urbaine. Dans un premier temps, la ville est considérée seulement comme usage fonctionnel dont les quatre principaux sont l'économique, le résidentiel, le politique et le religieux. Dans un deuxième temps, on retrouve les composantes environnementales et sociales. Elles nécessitent une légende et une forme différentes. L'organisation de la ville interagit avec la société, c'est-à-dire les différentes formes sociales sont spatialisées et définissent l'environnement. Également la topographie et l'hydrographie entraînent une diversité de ces deux dernières composantes sur les fonctions de la ville.

52 Brunet in :André et al. p.34,(1930) 53 Théry, H. (1990). Chronochorèmes et paléochorèmes: la dimension temporelle dans la modélisation graphique. ANDRÉ Y., BAILLY A., CLARY M., FERRAS R., GUÉRIN J. -P., Modèles graphiques et représentations spatiales. Paris/Montpellier: Anthropos/Reclus, 41-61. p.60

Fig 4. Le portefeuille des plans et la grille fonctionnelle des Documents d’évaluation du patrimoine archéologique des villes de France, source pour la chrono-chorématique urbaine. Source : CNAU, Sapin 1998 : 7 http://www.culture.gouv.fr/culture/cnau/pdf/grille_chrono.pdf).

La chorématique présente la forme de l’espace urbain. Elle simplifie la forme urbaine grâce à la combinaison de logique sociale. C’est pour cela, que dans la plupart des cas, une ville est représentée par la superposition de cercle concentrique. Une ville se construit autour d’une concentration de population et fonction qui évoluent radialement. La chorématique n’a pas d'échelle, ni d’orientation, elle renvoie à un espace théorique qui n’est pas mesurable. En ce sens, si l'échelle ( espace mesurable et chiffré dans la représentation du réel) est absente, la chorématique utilise une échelle dite relative «différence d’ordre de grandeur entre différents modèles, l’effet de taille conduisant à un saut qualitatif avec le passage à la métapole»54 . Aussi, la hiérarchisation des formes urbaines intervient lorsque la structure et la composition d’une métropole sont plus complexes qu’une commune appartenant à celle-ci.

Fig 5. Le langage graphique : les composantes transhistoriques de la « composition » urbaine (Atelier de chrono-chorématique urbaine du CNAU) Source : CNAU, Sapin 1998 : 7

54Pietramellara, G.,Ascher, J., Borgogni, F., Ceccherini, M. T., Guerri, G., & Nannipieri, P. (2009). Extracellular DNAin soil and sediment: fate and ecological relevance. Biology and Fertility of Soils, 45(3), 219-235.

La conception de chorème se met en place par une démarche d’aller retour entre les dynamiques passées ( héritages culturels, religieux…) et la cartographie historique. La chrono-chorématique est alors purement déductive d’un point de vue historique. Elle se construit grâce à la généralisation de cartographie, la simplification des formes, elle n’est pas dans une logique simplificative mais plutôt dans une logique explicative. Des méthodes déductives et inductives peuvent être mises en place. Il est seulement important de respecter l'épistémologie mais aussi d'identifier les cas généraux et particuliers afin de sélectionner un chorotype adéquat (configuration spatiale par un arrangement de chorèmes).

Figure 6. Evolution d’une ville de France (Atelier de chrono-chorématique urbaine du CNAU), Source : CNAU, Sapin 1998 : 7

Plusieurs facteurs permettent de réaliser une composition de l’espace urbain. Ils sont spécifiés en 5 types de trajectoire (voir fig 7 et tab 2 et3), on retrouve : ● La situation qui définit le système dans laquelle la ville s’organise ainsi que ces changements d'échelles ● Le site ● Les héritages qui sont des composantes temporelles changeant d'échelle ● Les fonctions ● Les niveaux hiérarchiques.

La composition des structures élémentaires de chorème est réalisée par la construction de choro-types qui sont généralement de natures différentes. Ils constituent le site de la ville, la situation du type de ville, les frontières, les fonctions, la région etc. Ils peuvent également combiner différents paramètres de la ville. La cartographie chorématique permet alors de visualiser spatialement les logiques sociales et spatiales de la ville. C'est une superposition de couches. Cette démarche permet de comprendre ce qui définit l'organisation urbaine.

Tab 2. Structures élémentaires de l'espace ou le socle de la chorématique. Roger Brunet, La carte-modèle et les chorèmes, Mappe Monde 86/455

55 “Quatre colonnes pour les figures de base, sept lignes pour les stratégies et les dynamiques essentielles, c'est-à-dire pour les finalités et les actions des systèmes spatiaux : 24 chorèmes. Une construction provisoire, à éprouver et enrichir, qui s'est nourrie de la collaboration d'un petit groupe de la Maison de la Géographie ” (F. Auriac, V. Cabos, C. Carrié, J.P. Cheylan, R. Ferras, J.P. Gamier)

La carte chorématique peut être interprétée selon différents niveaux de lecture qui interrogent la composition de l'espace urbain. Une première lecture dite horizontale permet d'identifier les logiques spatiales de la composition urbaine. Les modèles plus spécifiques quant à eux, permettent de mettre en valeur des points communs qui définissent la forme urbaine. On retrouve également des sous-catégories qui représentent les spécificités urbaines. En réalisant une lecture verticale, les différents niveaux de généralités sont révélés et permettent de comprendre l'évolution de la ville sur le long terme.

Fig 7. (Dé)composer la ville : l’exemple du modèle de l’épisode 3 (Atelier de chrono-chorématique urbaine du CNAU). Source : CNAU, Sapin 1998 : 7

Également, une lecture croisée peut être réalisée au sein d'un même document. Des comparaisons peuvent être réalisées entre la trajectoire dite spécifique et la trajectoire générale. Elles permettent de mettre en valeur le décalage temporel associé à un type de ville. Comme dans le tableau ci-dessous ( Tab 3).

Tab 3. Lectures des tableaux chrono-chorématiques à partir de l’exemple de Poitiers (commentaire de G. Djament sur le tableau de Boissavit-Camus, Guilloteau et Royoux 2010).

Cependant, le nombre de cases n'est pas défini, il est simplement réalisé en fonction de la chronologie de la ville. Il s'agit alors de comparer la composition de deux villes grâce à la table de chorème. La carte chorématique est un outil de communication qui est utile à "des fins pédagogiques mais aussi urbanistiques"56 .

56Bruno Desachy et Géraldine-Djament-Tran. (2010). Archéologie de l'espace urbain, 325-339 , § 30

Les structures qui s'en dégagent peuvent être utilisées lors de documents de planification. Elles permettent aussi de donner lieu à différents scénarios de planification urbaine. La recomposition des structures morphologiques, la décomposition urbaine permettent ainsi une réflexion sur la construction de la Fabrique urbaine. La démarche de la Chorématique est un va-et-vient entre une représentation générale et particulière, la décomposition des points communs et des différences qui constituent l'espace urbain et la trajectoire à venir de la ville. ( Voir fig 8) Cette démarche exige de montrer les causes sociales de l'organisation urbaine dans la composition de la carte chorématique.

Fig 8. Les structures de l'espace bolivien selon J.P. Deler, Géographie Universelle, infographie par V. Brustlein.

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En plus des concepts de chorèmes, le signe est également important. D'après les sémiologues, il semble indispensable de distinguer les objets concrets qui sont produits intentionnellement dont le but est de communiquer une intention ou non. Ces objets, permettent d'obtenir des informations grâce à leur interprétation, ils pourront alors être perçus comme un signe. Lorsque l'interprétation est absente, ils sont considérés comme un indice.

57 Arreghini, L. (1995). La modélisation graphique dans la réalisation des atlas pour le développement. Les atlas pour le développement en coopération, 1-10.

Cependant, il est essentiel de bien différencier le signe qui donne une identité à une organisation, il est lié à la fonction de communication, par exemple : lorsqu'il y a de la fumée, un indice apparaît celui du feu, mais peu de signes sont visibles sauf si celui-ci est intentionnel, il est indicateur de l'intention et communique des informations. Les phénomènes humains sont porteurs de signification. La signification est un langage qui est bien plus vaste que celui des communications, «il convient de s'interroger sur leur statut : manifestation de signes au sens fort, c'est-à-dire prenant valeur dans un système dont la finalité même et la communication, ou manifestation d'indice.»58 . Ce concept permet d'associer un signe à un son dans lequel le sociologue, le géographe, l'historien et tous les aménageurs de l'espace vont l'interpréter dans leur propre discipline.

Fig 9. Signe géographique : Jolivet, R., & Nicolas, G. (1991). Signe géographique: chorèmes et tégéos. Cahiers de géographie du Québec, 35(96), 535-564.

58 Jolivet, R., & Nicolas, G. (1991). Signe géographique: chorèmes et tégéos. Cahiers de géographie du Québec, 35(96), 535-564.