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PÉNURIE DE BRAS Les Québécois sont prompts à se plaindre de « manquer de quelque chose ». Chaque jour, des lamentations sont répercutées dans les médias. « J’attends pour ma hanche depuis six mois ; nous manquons de chirurgiennes ». « Ça m’a pris une heure pour entrer au travail, nous manquons d’autoroutes ». « Ma petite-fille éprouve des difficultés d’apprentissage, nous manquons d’orthopédagogues ». Puis, on manque de chaleur, ou de pluie, ou de soleil. Sinon, de temps, de vacances, de revenus. Pas assez de sommeil, d’énergie, de plaisir. Pas assez d’air! La plupart de ces pénuries ne sont que de fausses pénuries, car elles sont anodines ou passagères. Depuis des années, les employeurs du Québec répètent qu’ils souffrent d’une pénurie de travailleurs. Le journal Les Affaires affirmait, il n’y a pas longtemps, que « les employeurs québécois sont avant tout à la recherche de bras, et non pas de cerveaux ». Je pense au contraire que les pénuries de cerveaux ou de cœur sont plus inquiétantes que celle de bras. PÉNURIE DE MATIÈRE GRISE La matière grise est la partie du cerveau qui permet de penser. Plus abondante, elle élargit la possibilité de raisonner, d’analyser, d’expliquer. D’exercer un meilleur jugement. Or, Le Québec reste le cancre titrait L’Actualité. Le ministère de l’Éducation prétend que 80 % des ados obtiennent leur DEP, alors qu’en réalité, seulement 54 % complètent leur secondaire en cinq ans. Le Québec reste également la pire province en matière de décrochage scolaire : dans les écoles publiques, le tiers des élèves éprouvent des difficultés d’apprentissage. Ensemble, fermons cette blessure! Et puis, chaque année, des dizaines de milliers de Canadiens déménagent aux États-Unis. Beaucoup sont des travailleurs qualifiés dans les domaines de la science et de la technologie. C’est une perte pour notre société. Conséquemment, nous risquons de nous trouver en pénurie de professionnels et de spécialistes.
Et ce sont encore les actuels jeunes cerveaux qui trouveront une parade pour contrer le réchauffement climatique! PÉNURIE DE SOLIDARITÉ La COVID-19 a montré combien nous sommes tous dans la même aventure, des préposés aux infectiologues, des manutentionnaires aux présidents d’entreprise, des camionneurs aux chefs politiques. Nous sommes tous dans le même bateau et nous avons tous le devoir de nous retrousser les manches et de ramer. La société a besoin de tous les bras… et de tous les cerveaux. Pour voir loin en avant ou pour regarder loin derrière, pour analyser ce que nous avons fait dans le passé et pour repérer quoi faire dans l’avenir, nous avons besoin de la matière grise. Pour découvrir, inventer, créer, voire pour improviser devant une urgence, ça prend des cerveaux développés. Cela est vrai, mais ce qui sera toujours vrai, c’est le rôle déterminant des gens de cœur, car ce qui est désastreux pour une communauté, c’est la pénurie de compassion, de bienveillance, d’humanité, bref, de solidarité. En ville, si ce n’est en faveur des proches, ce sentiment règle peu les comportements. Or, pour combler cette pénurie, il ne suffit pas de crier : « So, so, so-li-da-ri-té ! ». La solidarité s’exprime par l’agir : c’est laisser de côté un peu de soi pour avancer avec les autres. C’est ouvrir les yeux et les oreilles devant « l’autre », quel qu’il soit, voisin ou étranger, riche ou pauvre, réfugié, itinérant, bref, différent. Voir en cette personne un « proche ». Puis, évoluer, grandir, changer sous son influence. Changer ses pensées, ses paroles, ses agissements.
Solidaires, nous pourrons alors entendre les paroles du poète africain Léopold Senghor : « Il y a ta bonté marine comme un fjord de douceur, et le sapin qui reste vert sous la mort blanche ».
CLAUDE COSSETTE
Or, ce sont les cerveaux qui apportent le progrès. Les cerveaux canadiens ont offert au monde le vaccin Ébola ou le fauteuil roulant électrique, la souffleuse à neige ou le modem 56 kbits, le blé précoce ou le beurre d’arachide.
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LA QUÊTE
OCTOBRE 2020