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Pénurie de con ance

PÉNURIE DE CONFIANCE

Anti-masques, critiques de la science et des mesures de con nement, hauts cris contre la violation des libertés: la pandémie du coronavirus a exacerbé le discours individuel au détriment du collectif et de la protection des plus vulnérables. Comme si on vivait une sorte de « pénurie de bienveillance ».

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« Bienveillance? Je dirais plutôt pénurie de con ance », lance d’entrée de jeu le professeur à la Faculté de droit de l’Université Laval, LouisPhilippe Lampron.

Spécialiste de la liberté d’expression et des droits individuels, il observe de près les phénomènes sociaux. Et la crise des derniers mois interpelle le juriste et le chercheur, mais aussi le citoyen en lui. Il ne cache pas son inquiétude face à la montée d’une minorité de plus en plus « décomplexée ». Ceux qui croient que le coronavirus a été crée en laboratoire dans le cadre d’une vaste machination, ceux qui ont banalisé le nombre de morts de la COVID-19, insuf sant à leurs yeux pour justi er des mesures qui font mal à l’économie, ceux qui ne croient plus en rien et « font leurs recherches » basées sur des études scienti ques douteuses. On les entend de plus en plus.

Car même si la polarisation ne date pas d’hier et que des discours de mé ance ont été observés lors de plusieurs débats passés, LouisPhilippe Lampron note une accélération depuis l’arrivée de Donald Trump à la présidence des ÉtatsUnis en 2016.

« Cette pénurie, cette crise de con ance est alimentée par des attaques répétées envers les institutions », estime M. Lampron.

Élus, médias, médecins, scientifiques, organisations mondiales, tout y passe.

« Quand un président dit que les médias et la politique sont là pour nous manipuler, on entre dans un cycle parano. Or, la démocratie repose sur la con ance et là, on a un président qui vient la fragiliser, la briser », illustre le chercheur.

Et le terreau devient alors fertile pour toute sorte de théories du complot et un règne de l’opinion où, à terme, plus aucun débat ne devient possible, chacun étant campé sur sa position au nom du « droit » de penser contre les scienti ques, par exemple. « Ce que ça vient dire aux gens, c’est que leur opinion compte autant que celle des pseudo-experts qui, de toute façon, sont là pour nous manipuler », déplore M. Lampron.

Une réalité ampli ée par les réseaux sociaux et les fameux algorithmes qui ne cessent de renvoyer des publications de gens qui pensent la même chose, créant ainsi une sorte de communauté en vase clos qui conforte les « antitout » dans leurs convictions. « Tout autre point de vue est alors décrédibilisé et les faits n’ont plus d’importance. »

Crédit photo : Louis-Philippe Lampron

Espoir d’un dialogue possible

Mais si Louis-Philippe Lampron ne cache pas un certain découragement devant la montée de ces idées minoritaires et la crise de con ance qu’elles contribuent à alimenter, il martèle lors de l’entrevue à La Quête que tout n’est pas irréversible. Car ce discours demeure justement celui d’une minorité.

« Je suis volontairement optimiste », lance-t-il en soulignant que la grande majorité des gens, au Québec comme ailleurs, respectent les mesures et croient encore en la science. « La minorité a une voix ampli ée, mais il ne faut pas tomber dans l’alarmisme », dit-il.

Des pistes de solutions? Des rubriques de véri cations des faits, qui se multiplient dans les médias sont une bonne chose. « Il faut lutter contre la désinformation », dit-il. Le professeur de droit estime aussi que les réseaux sociaux ont en quelque sorte « montré leurs limites ». « Il faut trouver un nouveau modèle, pour éviter de créer des bulles. » Et ainsi, espère-t-il, l’espoir de rétablir le débat.

VALÉRIE GAUDREAU

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