Une ange gardien en enfer Alors que la COVID-19 est d’actualité, je propose une perspective différente de l’aborder en vous présentant « Marie », une préposée aux bénéficiaires qui a donné des soins à des patients atteints par le virus. Autrefois en situation de fugue, Marie étudie maintenant en soins infirmiers tout en occupant son emploi. Elle nous explique, à travers son vécu, comment elle puise le courage nécessaire pour exercer son métier. L’enfer d’une ange KLL — Bonjour. Pourrais-tu nous parler un peu de toi ? M — J’ai 19 ans et je suis passionnée par l’anatomie humaine, la culture japonaise, et je joue du piano depuis 7 ans. Je suis adepte de la série du jeu vidéo Final Fantasy avec lequel je fais des montages. Je suis la première d’une famille reconstituée. Avant de pratiquer mon actuelle profession, j’ai travaillé dans plusieurs domaines : vente, restauration et divertissement. Je me définis comme une personne non-binaire. Je ne me sens ni complètement homme, ni complètement femme. J’ai aussi fugué quelques fois. KLL — Est-ce possible d’avoir plus de détails sur vos fugues ? M — J’ai quitté le domicile familial à quatre reprises entre douze et quinze ans. La première fois que j’ai décidé de partir, c’est après avoir mentionné mon orientation sexuelle à mes parents. De plus, des problèmes de couple m’ont aussi amené à faire ces choix. J’avais un partenaire violent, verbalement et physiquement, ce qui limitait le nombre d’endroits sécuritaires où je pouvais dormir. Par conséquent, je me suis temporairement retrouvé en situation d’errance à l’âge de 15 ans. Étant donné le climat glacial du mois de janvier, ce fut très difficile pour moi. Faute de moyens, j’ai dû dormir sur un banc au terminus d’autobus situé sur la rue de Marly. KLL — Quelles suggestions aurais-tu à donner à un ou une jeune qui est dans cette situation ? M — Ma première recommandation serait de s’informer sur les ressources disponibles. Je crois qu’il est prioritaire de s’intéresser aux ressources d’hébergement existantes. Si j’avais été informée sur le sujet, il aurait été plus facile pour moi de me mettre en sécurité. Également, il est important de considérer l’ensemble de ses besoins. Il faut donc prévoir de la nourriture et des vêtements appropriés. Un minimum d’argent peut se révéler fort utile. Enfin, je pense sincèrement que la persévérance est importante. Bien organisée, la fugue peut s’avérer plus sécuritaire que le milieu de vie de la personne. Réalisation d’un rêve KLL — Qu’est-ce qui te motive à accomplir ton programme d’études ? M — Ce que j’aime de ma formation, c’est l’opportunité de venir en aide aux gens malades et de contribuer à leur bien-être. Aussi, je suis une passionnée du domaine de la santé. Je sens un sentiment de justice naître en moi quand je soigne des gens victimes d’évènement dramatique. Je suis curieuse de nature, alors, en apprendre davantage sur mes principaux champs d’intérêt contribue à ma motivation. À travers tous ces évènements, j’ai pu apporter mon empathie à mes patients. KLL — Qu’est-ce qui te démarque des autres étudiantes ? M — Étant donné les différents obstacles rencontrés dans ma vie, je suis une personne plus consciente de la souffrance des gens et de l’importance de maintenir mes efforts par rapport à mes buts. Je retire une fierté de payer mes propres études. Parce que mes parents ne croyaient pas en mon potentiel, j’ai dû commencer à travailler jeune pour réaliser mes rêves. KLL — Comment tu réussis à persister malgré la pandémie ? M — J’aime voir les améliorations provenant des nouveaux protocoles d’hygiène. Par exemple, nous avons du matériel plus sécuritaire pour nous, ce qui nous permet d’être plus efficaces. Le bon fonctionnement d’un centre hospitalier se fonde sur le travail d’équipe. Une ambiance positive émane alors de cet esprit d’entraide. J’aimerais aussi remercier les citoyens pour leur initiative. Je me souviens d’une école primaire qui nous envoyait des dessins comprenant des arcs-en-ciel. J’en ai retiré de l’espoir ainsi que le courage me permettant de continuer mon parcours. Les nombreux commentaires positifs de mes bénéficiaires sur mon travail me font chaud au cœur. Je les remercie. Gratitude Je remercie mon interlocutrice Marie qui, grâce à la pertinence de ses propos, démontre qu’il est possible de réaliser ses rêves, même quand on a vécu un cauchemar. De cette entrevue, je retiens que l’accomplissement se fonde sur l’effort et la détermination. En conclusion, je vous propose cette réflexion : est-ce que la personne qui dort sur un banc de parc pourrait un jour vous sauver la vie ?
Karl-Layla Lapointe
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LA QUÊTE
OCTOBRE 2020