N° 41 - Janvier 2021

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culture

La chasse

aux sorcières et sorciers dans le val d’Anniviers au Moyen-âge

S

Le mouvement de persécution systématique des prétendus sorciers commence par les procès de sorcellerie valaisans au XVème siècle, puis se répand en Suisse et prend de l’ampleur au XVIème en Europe. La chasse aux sorciers ne prend fin qu’au XVIIème siècle : 200 ans de tortures, de tribunaux truqués et d’innocents brûlés vifs sur d’injustes bûchers, 10’000 procès en Suisse… Et ce terrible épisode de l’histoire humaine a débuté en Valais, ici même en Anniviers et dans la vallée d’à côté, comme l’atteste le rapport de Hans Fründ rédigé en 1430 : « l’an du Seigneur 1428, on découvrit dans le pays du Valais la méchanceté, les meurtres et l’hérésie des sorciers. Ils furent tout d’abord découverts dans deux vallées, dont l’une s’appelle le val d’Anniviers et l’autre le val d’Hérens et plusieurs d’entre eux furent jugés et brûlés. » En 1427, les seigneurs Hildebrand et Petermann d’Anniviers condamnent au bûcher Agnès Escor de Grimentz1 pour sortilège à son mari. Mais c’est à partir de 1428 que débute en Valais une véritable traque des sorciers, une répression à grande échelle qui répand la terreur. Les événements commencent dans le val d’Anniviers et le val d’Hérens, puis se répandent la même année dans le Bas-Valais et ensuite dans le Haut-Valais germanophone. Dès l’été 1428, la chasse s’étend à la totalité du Valais. On organise alors des enquêtes de grande ampleur pour éradiquer de soi-disant groupes dédiés au diable. Les procès sont en fait des séances

© collection Paolo Marandola

avez-vous que cette chasse qui a terrorisé l’Europe pendant le Moyen-âge faisant 60’000 victimes, a commencé dans les vals d’Anniviers et d’Hérens ?

de torture où les aveux arrachés au supplicié tiennent lieu de preuves. Chaque sorcier est torturé jusqu’à ce qu’il craque et accepte de reconnaître sa culpabilité; on exige en plus qu’il dénonce d’autres innocents, qui seront ensuite eux-mêmes pourchassés. Les noms de ces personnes sont souvent suggérés au supplicié par le tribunal lui-même. En plus des aveux, le tribunal arrache ainsi à l’inculpé les noms de ses prétendus complices et d’autres accusations, qui débouchent ensuite sur de nouvelles arrestations. La chasse aux sorciers se déploie alors comme un immense filet, nourri par ses victimes : rien ne semble pouvoir l’arrêter. Les documents conservés attestent d’au moins 200 sorciers et sorcières qui ont été inquiétés, poursuivis ou obligés de fuir au XVème siècle, rien que dans le diocèse de Sion.2 Mais ce nombre est largement sous-estimé car peu de dossiers de procès de sorcellerie ont été conservés. Il est difficile de réunir des informations sur ce qui s’est réellement passé. En Valais, les autorités laïques, c’està-dire les seigneurs locaux, les châtelains

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ou même les communautés rurales, s’occupent eux-mêmes des enquêtes de sorcellerie, des arrestations et des simulacres de procès. Ce n’est donc pas l’Inquisition qui dirige la répression, comme c’est le cas dans la plupart des autres régions. Les femmes ne sont pas les uniques victimes : ainsi en 1428, Martin Bertod, originaire du val d’Hérens, monte sur le bûcher à Sion devant une foule de 1000 spectateurs; il est accusé d’avoir utilisé des sortilèges et donné du poison à plusieurs personnes. Les sorciers sont accusés d’avoir passé un pacte avec le diable pour obtenir richesse, pouvoir ou vengeance. On prétend qu’ils ont promis à Satan de lui donner une partie de leur propre corps après leur mort ou de lui fournir un animal chaque année. On les accuse de se transformer en bête, surtout en loup ou en porc, de se déplacer en volant sur des tabourets, d’empoisonner des gens, de les rendre malades ou infirmes, de se réunir dans des caves pour boire du vin, de détruire les récoltes, ou encore de tuer des enfants puis de les cuire et de les


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