L'Adresse Automne 2021

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ZONE GES TION

CHRONIQUE JURIDIQUE

Et si l’utilisation judicieuse des soins de santé par les usagers passait par la conscientisation ? PAR ME MIRIAM MORISSETTE, ASSOCIÉE THERRIEN COUTURE JOLI-COEUR

LA PANDÉMIE DU CORONAVIRUS A PERMIS DE METTRE EN LUMIÈRE LA FAÇON DONT LES INDIVIDUS INTERAGISSENT ENTRE EUX EN SOCIÉTÉ. NOUS AVONS RÉALISÉ QUE NOUS SOMMES TOUS, EN TANT QU’ÊTRE HUMAIN, INTERRELIÉS TELS LES ATOMES D’UNE MOLÉCULE ET QUE NOTRE COMPORTEMENT INDIVIDUEL A UN IMPACT SUR LA COLLECTIVITÉ.

LA PANDÉMIE ET NOS DROITS La pandémie nous a également fait réaliser que nos droits individuels, qui sont protégés par les Chartes des droits et libertés, pouvaient être restreints pour le bien commun, soit la santé et la sécurité de la population. Nous devrions nous imprégner de ces expériences afin de stimuler une réflexion collective sur la portée de nos décisions individuelles et des limites qui s’imposent dans le cadre de leur exercice.

DROIT ET SYSTÈME DE SANTÉ L’accès universel aux soins de santé publics est un droit reconnu en vertu de la Loi sur l’assurance hospitalisation1 et de la Loi canadienne sur la santé2. Un citoyen est légalement en droit d’exiger que tout service de santé lui soit prodigué, mais ce droit d’accès n’est pas absolu, n’ayant aucun caractère constitutionnel3. Devant la croissance des coûts du système de santé, une main-d’œuvre et des ressources humaines, financières et organisationnelles limitées, il est impératif de recourir de façon judicieuse aux soins afin de pouvoir desservir l’ensemble de la population. La responsabilité de veiller à l’utilisation judicieuse des services de santé repose-t-elle uniquement sur les épaules du réseau et des professionnels de la santé ? Les droits individuels ne priment pas sur les droits collectifs ni sur ce qui peut raisonnablement être dispensé dans notre système de santé. Une telle restriction est spécifiquement indiquée à l’article 13 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux4 (ci-après : « LSSSS ») :

« 13. Le droit aux services de santé et aux services sociaux et le droit de choisir le professionnel et l’établissement prévus aux articles 5 et 6, s’exercent en tenant compte des dispositions législatives et réglementaires relatives à l’organisation et au fonctionnement de l’établissement ainsi que des ressources humaines, matérielles et financières dont il dispose. » L’article 13 de la LSSSS permet donc « d’invoquer le cadre législatif et réglementaire ainsi que la limite des ressources pour justifier une restriction au droit d’accès prévu à l’article 5 de la LSSSS et au droit de choisir le professionnel ou l’établissement prévu à l’article 6 de la LSSSS. »5 La disponibilité des ressources, les services offerts ainsi que les besoins des patients du réseau public de la santé sont tous interreliés : « [L]es services destinés aux bénéficiaires sont comptabilisés d’après les conditions de gestion et ne paraissent que dans la mesure du possible établis et offerts en fonction des besoins de santé. La disponibilité des ressources détermine la disponibilité des services qui vont à leur tour influer sur les besoins et non l’inverse. »6 Les usagers sont-ils toujours conscients de ces limites intrinsèques aux soins de santé ? Les usagers reçoivent-ils la bonne information pour prendre leur décision ? J’aborderai les informations cruciales à cette de décision rationnelle des usagers dans la prochaine parution du magazine L’Adresse.

1. Loi sur l’assurance hospitalisation, RLRQ, c. A-28. 2. Loi canadienne sur la santé, L.R.C., 1985, c. C-6 3. Robert P. KOURI et Catherine RÉGIS, « La limite de l’accès aux soins définie par l’article 13 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux : véritable exutoire ou simple mise en garde ? », (2013) 72 R. du B. 177-211. 4. Loi sur les services de santé et les services sociaux, RLRQ, c. S-4.2. 5. R. P. KOURI et C. RÉGIS, préc., note 1. 6. Louise LUSSIER, « Le processus d’attribution des ressources par les établissements aux bénéficiaires : impact sur le droit aux services et sur la responsabilité «publique» », (1990) 20 R.D.U.S. 285-295 cité par Patrice DESLAURIERS, « La limitation des ressources : circonstance atténuante ou aggravante en matière de responsabilité médico-hospitalière ? », dans Barreau du Québec, Service de la formation continue, Développements récents en droit de la santé (2019), vol. 466, Montréal, Éditions Yvon Blais, 2019, 21.

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