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4 CHER MAGAZINE GASPĂSIE, CâEST Ă TON TOUR DE TE LAISSER PARLER DâAMOUR
Collectif
8 TERRAIN DE PRĂDILECTION POUR LâĂTUDE DES PLANTES INDIGĂNES
Alexander Reford
10 MIGUASHA : UN ROI, UN PRINCE⊠ET DE TRĂS BELLES PLANTES
Paul Lemieux et Olivier Matton
11 LâEXPLORATION DES CHIC-CHOCS EN 1928
André St-Arnaud
15 DANS LâĆIL DâUNE NATURALISTE
UNE FORĂT VIEILLE DE PLUS DE 650Â ANS
Denis Michaud et Marie-Josée Lemaire-Caplette
Rachel Thibault
16 TRAITS BOTANIQUES REMARQUABLES DE FORILLON
Maxime St-Amour
19 DES PLANTES DU SUD AU NORD
Jean-Philippe Chartrand
22 LE FOIN SALĂÂ : UNE HERBE Ă TOUT FAIRE
Camillia Buenestado Pilon
25 MARCELLE GAUVREAU, INCONTOURNABLE DE LâALGOLOGIE
André St-Arnaud
28 Photoreportage
ANNA LOIS DAWSON HARRINGTON, AQUARELLISTE
31 DISTILLER LA GRANDEUR
ELSIE REFORDÂ : EXOTIQUE ET NATURALISĂE
Alexander Reford
Nos évÚnements
MITTERRAND EN GASPĂSIE
Robert Tremblay
Couverture
Ăpilobes (Epilobium angustifolium) sur lâĂźle Bonaventure, parc national de lâĂle-Bonaventure-et-du-Rocher-PercĂ©.
Jean-Philippe Chartrand
Ăditeur
Frédéric Jacques
32 LE JARDIN POTAGER, UN PATRIMOINE NATUREL
André Babin et Laurie Beaudoin
35 LE POTAGER DE MA GRAND-MĂRE AU PETIT ĂCRAN
Allen Synnott et Marie-Josée Lemaire-Caplette
41 Nos archives
LE TRAITEMENT DES ARCHIVES, UNE ACTION IMPORTANTE ET PRĂCIEUSE
Marie-Pierre Huard
43 Nos objets DES OUTILS Ă LA TONNEÂ : LA FABRICATION DES TONNEAUX
Vicky Boulay
45 Nos personnages
FRANK NARCISSE JEROME : UN DES MILITAIRES LES PLUS DĂCORĂS⊠ET OUBLIĂS
Tom Eden
47 Nos Gaspésiennes
LA MAJOR (RETRAITĂE) PAULETTE BROUSSEAU
Jacques Bouchard
Avril â Juillet 2023
N° 206, volume 60, numéro 1
Ăditeur : MusĂ©e de la GaspĂ©sie
FondĂ© en 1963, le Magazine GaspĂ©sie est publiĂ© trois fois par an par le MusĂ©e de la GaspĂ©sie. Le Magazine vise la diffusion de connaissances relatives Ă lâhistoire, au patrimoine culturel et Ă lâidentitĂ© des GaspĂ©siennes et des GaspĂ©siens. Il est membre de la SociĂ©tĂ© de dĂ©veloppement des pĂ©riodiques culturels quĂ©bĂ©cois (SODEP).
Comité de rédaction
Marie-Pierre Huard, Gabrielle Leduc, Marie-JosĂ©e Lemaire-Caplette, Paul Lemieux, Ălaine RĂ©hel et Jean-Philippe Thibault
Abonnements et ventes
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418 368-1534 poste 104 boutique@museedelagaspesie.ca
Rédactrice en chef
Marie-Josée Lemaire-Caplette
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Coordination et publicités
Gabrielle Leduc
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Recherche iconographique
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Rédaction et collaboration
André Babin, Laurie Beaudoin, Jacques Bouchard, Vicky Boulay, Camillia Buenestado Pilon, Jean-Philippe Chartrand, Tom Eden, Marie-Pierre Huard, Frédéric Jacques, Paul Lemieux, Olivier Matton, Denis Michaud, Alexander Reford, Maxime St-Amour, André St-Arnaud, Allen Synnott, Rachel Thibault et Robert Tremblay
Conception graphique et infographie
MaĂŻlys Ory | Graphiste
Révision linguistique
Robert Henry
Distribution en kiosque
Jean-François Dupuis
Impression
Deschamps Impression
Plateforme numérique magazinegaspesie.ca
DépÎt légal
BibliothÚque et Archives Canada, ISSN 1207-5280 (imprimé)
ISSN 2561-410X (numérique)
BibliothÚque et Archives nationales du Québec, ISBN 978-2-924362-30-3 (imprimé)
ISBN 978-2-924362-31-0 (pdf)
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Magazine Gaspésie
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LeMagazineGaspésieesttout en couleurs grùceaux caisses Desjardins delaGaspésie.
Planche de la Marguerite blanche, une espÚce longtemps considérée comme une mauvaise herbe, entre 1909 et 1929.
Illustration tirĂ©e de : Mauvaises herbes â Farm Weeds, affiche, ministĂšre de lâAgriculture, entre 1909 et 1929; ANQ, AFF B 00003474 CON.
Avec ses forĂȘts majestueuses et ses sous-bois, ses riviĂšres cristallines et ses rivages, ses montagnes grandioses et ses hauts sommets, sa mer imposante et ses grĂšves, la GaspĂ©sie est un espace propice Ă une vĂ©gĂ©tation variĂ©e, tant terrestre quâaquatique, allant de lâĂrable Ă sucre au lichen, en passant par les algues. Ce nâest pas pour rien que depuis presque deux siĂšcles, les scientifiques sâintĂ©ressent Ă cette nature fĂ©conde.
Les plantes et les vĂ©gĂ©taux sont bien vivants : ils migrent, prolifĂšrent, disparaissent⊠De nombreuses espĂšces sont prĂ©sentes sur le territoire depuis des centaines, voire des milliers dâannĂ©es. Leur histoire est aussi la nĂŽtre, forgeant les paysages, crĂ©ant de lâemploi, nourrissant la population, soignant ses maux, fournissant les matĂ©riaux pour la fabrication dâobjets⊠La botanique est une science descriptive et expĂ©rimentale. On identifie et classe les spĂ©cimens, mais on Ă©tudie Ă©galement ses usages. Il reste encore beaucoup Ă faire pour comprendre, conserver et mettre en valeur cette ïŹore, et ce, tant sur les plans botanique, historique, gastronomique que patrimonial.
Le prĂ©sent numĂ©ro nâest quâune petite brĂšche dans ce monde
Oui, en vĂ©ritĂ©, il nâest pas exagĂ©rĂ© de dire que celui qui nâa jamais regardĂ© la grande Nature ne connaĂźt rien; que celui qui nâa jamais dirigĂ© une loupe ou un microscope dans le cĆur dâune ïŹeur nâa jamais vĂ©cu.
FrÚre Marie-Victorin, auteur de Flore laurentienne et fondateur du Jardin botanique de Montréal
LISEZ LâARTICLE LES EXPLORATION DE MARIE-VICTORIN EN HAUTE-GASPĂSIE, PARU EN 2009
vĂ©gĂ©tal qui nous entoure, des premiĂšres explorations Ă lâalgologie, des plantes arctiques-alpines aux forĂȘts anciennes, des champignons sauvages aux jardins potagers, sans oublier les jardins privĂ©s dont un des plus nordiques en AmĂ©rique du Nord se trouve ici avec les fabuleux Jardins de MĂ©tis.
Il y a un bon moment déjà que nous
rĂ©ïŹĂ©chissons Ă appliquer lâĂ©criture inclusive aux textes des numĂ©ros. Bien que cela reprĂ©sente quelques dĂ©fis et une adaptation de part et dâautre, il est temps dâamorcer le processus. Sans doute imparfaite, cette maniĂšre de rĂ©diger les textes se veut une approche Ă©volutive.
LâannĂ©e 2023 marque les 60 ans du Magazine GaspĂ©sie, une des plus vieilles revues dâhistoire au QuĂ©bec. Câest avec enthousiasme que nous amorçons cette annĂ©e de festivitĂ©s pour ce joyau du patrimoine rĂ©gional. Nous partageons notre fiertĂ© avec toute lâĂ©quipe dâartisans·es passĂ©e et prĂ©sente. Bon anniversaire Magazine GaspĂ©sie, et surtout, nous te souhaitons une vie longue et riche dâhistoires!
Rédactrice en chef du Magazine Gaspésie, Musée de la Gaspésie
Champ de Marguerites blanches, une espĂšce trĂšs rĂ©pandue en GaspĂ©sie, 1930. MusĂ©e de la GaspĂ©sie. Collection Chantal Soucy. P247/2/5Le premier numĂ©ro de la Revue dâhistoire de la GaspĂ©sie est publiĂ© le 22 fĂ©vrier 1963 par la SociĂ©tĂ© historique de la GaspĂ©sie fondĂ©e quelques mois plus tĂŽt. Au fil de ses 60 ans, les GaspĂ©siennes et les GaspĂ©siens dâorigine, dâadoption et de cĆur ont créé un lien fort, voire mĂȘme un lien dâamour avec le Magazine GaspĂ©sie. La petite et grande histoire de la pĂ©ninsule intĂ©resse et sĂ©duit de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration. Le souhait initial est ainsi exaucĂ© : « [âŠ] nous lançons notre Revue dâhistoire afin dâĂ©tablir un contact, un trait dâunion entre tous les GaspĂ©siens. »1. Afin de souligner ce 60e anniversaire, nous vous laissons donc la parole.
Je suis nĂ©e en 1923 Ă Carleton-sur-Mer. Le Magazine mâa plu dĂšs le dĂ©but parce que jâaime lâhistoire passĂ©e, prĂ©sente et Ă venir. Les dĂ©couvertes trĂšs bien documentĂ©es sur les premiĂšres GaspĂ©siennes et les premiers GaspĂ©siens, leur vie pĂ©nible, leur environnement en sol nouveau, etc. JâĂ©tais et je suis fascinĂ©e par ces pages de « mon histoire ». Tous les sujets sont traitĂ©s avec intelligence et profondeur. Merci! Câest par la revue que jâai connu la GaspĂ©sie au complet, toujours de belles dĂ©couvertes pour Ă©toffer les thĂšmes variĂ©s, bien situĂ©s dans lâespace et le temps.
Jâai eu le privilĂšge de passer trois ans Ă lâĂcole normale des Ursulines Ă GaspĂ©. Avec ses chroniques, le Magazine GaspĂ©sie nous a situĂ©es dans lâhistoire.
Dans les annĂ©es 1960, mon mari, moi et nos deux garçons avons fait le tour de la GaspĂ©sie en camping, assistĂ©s de rĂ©fĂ©rences judicieuses du Magazine Ă partir duquel un itinĂ©raire intĂ©ressant pour la famille sâest organisĂ©. Le Magazine GaspĂ©sie a Ă©toffĂ© nos vacances, merci!
Nous sommes fiers dâavoir participĂ© au numĂ©ro Toucher du bois. « Omer Poirier : une dĂ©cennie Ă bĂ»cher et draver du bois. » retrace une Ă©tape importante de sa vie passĂ©e en forĂȘt. Un bel hommage et surtout un hĂ©ritage pour la famille! Omer, avec son talent de conteur, son humour et sa grande mĂ©moire ont fait de cette expĂ©rience un moment dâĂ©changes trĂšs agrĂ©able et mĂ©morable. Il est fier dâavoir partagĂ© son vĂ©cu. Il sâest remĂ©morĂ© des instants quâil qualifie dâincroyables, mais de vrais! Et en toute modestie, il ajoute que malheureusement beaucoup de ses collĂšgues ne sont plus lĂ pour valider et bonifier ses propos.
1963. Jâai 13 ans et jâĂ©tudie au SĂ©minaire de GaspĂ©. Un jour, mon prof dâhistoire, lâabbĂ© Michel LeMoignan, demande aux Ă©lĂšves demeurant Ă GaspĂ© de rester aprĂšs la classe. Et lĂ survient la grande demande : vendre des abonnements Ă une revue dâhistoire qui est en train de naĂźtre en GaspĂ©sie. Mon secteur, la cĂŽte du San, oĂč je cognerai aux portes avec mon discours de vente malhabile. Sans trop de succĂšs dâailleurs, si je me souviens bien.
Soixante ans plus tard, le Magazine GaspĂ©sie fait toujours partie de ma vie. Jâen possĂšde une collection complĂšte (enfin presqueâŠ), ai signĂ© une bonne quinzaine de textes dans ses pages et siĂšge au comitĂ© de rĂ©daction en tant quâhistorien. Bon 60e au Magazine!
Omer, Suzette et Yves Poirier Résidents de Saint-Siméon
Par un matin dâĂ©té 1971, alors que je suis en visite Ă Grande-RiviĂšre chez mes grands-parents maternels, bien assis dans la vieille berceuse, mon regard est attirĂ© par une revue que je dĂ©cide de feuilleter. Jâai souvenance que mon grand-pĂšre mâa dit : « Cette revue, câest un petit cadeau que Michel [LeMoignan, un ami de la famille] nous a offert il y a quelques annĂ©es. ». Il sâagissait dâun exemplaire du tout premier numĂ©ro de la Revue dâhistoire de la GaspĂ©sie.
Paul Lemieux Originairede Gaspé et résident de Carleton-sur-Mer
Bon anniversaire, Magazine GaspĂ©sie! Cette publication est pour moi un outil de rĂ©fĂ©rence fort utile qui me permet dâapprofondir certains sujets, dâen apprendre plus sur plusieurs artistes de la rĂ©gion (par exemple) et de dĂ©couvrir avec beaucoup dâintĂ©rĂȘt ces femmes et ces hommes qui ont contribuĂ© Ă façonner la GaspĂ©sie, celle dâhier et celle dâaujourdâhui.
à travers les nombreux numéros du périodique et grùce à la qualité des textes de ses contributrices et contributeurs, je suis sans cesse étonnée par la richesse de la petite et de la grande histoire de la Gaspésie. Longue vie au Magazine Gaspésie!
Marie-Claude Tremblay
Chroniqueuse culturelle, Radio-Canada GaspĂ©sieâĂles-de-la-Madeleine
Une quinzaine dâannĂ©es plus tard, alors en visite chez une cousine Ă PercĂ©, confortablement assis dans un fauteuil, ma main droite fouille dans son porte-journaux et sort quatre numĂ©ros du Magazine que je lui emprunte. Puis, au dĂ©but des annĂ©es 2000, au MusĂ©e de la GaspĂ©sie, jâachĂšte plusieurs numĂ©ros et je mâabonne au Magazine GaspĂ©sie! Dans les jours qui suivent, le hasard fait si bien les choses, je rencontre Jeannine LeMoignan, la sĆur de Michel, qui accepte de me donner une trentaine des premiers numĂ©ros de la revue, du butin rare⊠Puis rĂ©cemment, une de mes institutrices dâenfance que je visite toujours me remet plusieurs numĂ©ros pour enrichir ma collection.
Enfin, au fil des Ă©vĂšnements, jâose Ă©crire quelques historiettes qui y seront publiĂ©es et Ă lâoccasion, je me paie le plaisir dâoffrir des abonnements en cadeau Ă des proches!
Jacques Desbois RĂ©sident de Cap-ChatUn jour, je passe Ă la boutique du MusĂ©e de la GaspĂ©sie, car je souhaite offrir un abonnementcadeau pour NoĂ«l. Jâen profite pour chercher parmi les anciens numĂ©ros afin de trouver ceux qui manquent Ă ma collection.
Alors que je feuillette un vieux numĂ©ro, je trouve une enveloppe⊠adressĂ©e Ă ma grand-mĂšre! Je lâouvre et y trouve une lettre que ma tante a Ă©crite Ă sa mĂšre. Imaginez la chance insigne que la lettre se retrouve entre mes mains!
Quoiquâinvraisemblable, cette histoire est bien vraie!
Je suis une fervente et fidÚle abonnée du Magazine Gaspésie depuis son tout premier numéro en 1963. Son arrivée dans ma boßte aux lettres est chaque fois reçue avec émotion, comme une vieille amie qui vient raviver et enrichir mes souvenirs de Gaspésienne.
Depuis 60 ans, le Magazine Gaspésie, sous ses différentes formes, a su me démontrer la richesse de mes racines. Il a nourri ces derniÚres, alimentant ainsi mon indéfectible amour pour le pays de mes origines, pays qui est pour moi à la fois pÚre et mer.
Merci aux bĂątisseuses et bĂątisseurs de la premiĂšre heure, maintenant disparus, et Ă celles et ceux qui ont si vaillamment su reprendre la barre sous tous les vents.
Charlotte LeclercOriginaire de Carleton-sur-Mer
DâoĂč vient mon intĂ©rĂȘt pour lâhistoire? De descendance acadienne, ma mĂšre Marguerite Leblanc avait une mĂ©moire fabuleuse. Elle avait une facilitĂ© Ă dĂ©fricher la parentĂ© et Ă raconter des histoires. Avec seulement une 3e annĂ©e, elle Ă©crivait presque sans fautes et, pendant quâelle surveillait sa fournĂ©e de pain, elle lisait assidĂ»ment la Revue dâhistoire de la GaspĂ©sie.
Ensuite, elle prenait plaisir Ă relater de façon imagĂ©e ce quâelle venait dây lire et terminait son rĂ©cit en puisant dans son bagage reçu par transmission orale. FascinĂ© par la passion de cette mĂšre pour le passĂ©, jâeus dĂšs mon adolescence (annĂ©es 1960) la piqĂ»re de lâhistoire. Ceci dicta lâorientation de ma carriĂšre dâhistorien, et est un beau clin dâĆil au poste de rĂ©dacteur en chef du Magazine que jâoccuperai plus tard, de 2004 Ă 2018.
Jean-Marie FalluOriginaire de Carleton-sur-Mer et résident de Douglastown
Depuis la crĂ©ation du Magazine, des copies se sont accumulĂ©es dâannĂ©e en annĂ©e. Un constat devient Ă©vident, un mĂ©canisme doit se mettre en place pour distribuer ces trĂ©sors. Le MusĂ©e de la GaspĂ©sie dĂ©cide alors de mettre sur pied un comitĂ© de relance. La premiĂšre rĂ©union a lieu en 2006, nous sommes cinq membres au dĂ©marrage et le Magazine compte 300 abonnements. Nous nous fixons un audacieux objectif dâaller chercher 2 000 abonnements!
Notre stratĂ©gie se prĂ©cise : impliquer des collaboratrices et collaborateurs partout en GaspĂ©sie et mĂȘme au QuĂ©bec. Les contacts se multiplient, les appels se font, des lancements personnalisĂ©s se crĂ©ent sur le territoire⊠Lâesprit de camaraderie est vraiment prĂ©sent, beaucoup de plaisir et de rires dans ce groupe, on se lance mĂȘme des dĂ©fis, qui vendra le plus de magazines? En 2011, câest avec beaucoup dâĂ©motions que le comitĂ© dĂ©voile le chiffre symbolique de 2 000 abonnements atteints.
Avec le recul, je constate lâimportance du travail bĂ©nĂ©vole dans une communautĂ© et lâimpact significatif quâil a eu pour lâessor de la revue. Encore en 2023, plusieurs bĂ©nĂ©voles sont prĂ©sents pour veiller au maintien du Magazine Je suis fiĂšre dây avoir consacrĂ© plusieurs annĂ©es avec mes collĂšgues. Bon 60e! Longue vie au Magazine!
Eileen Adams RĂ©sidente de GaspĂ©Au dĂ©but de lâannĂ©e scolaire 2018-2019, le Magazine GaspĂ©sie a contactĂ© lâĂ©cole Antoine-Roy Ă RiviĂšre-au-Renard afin de solliciter la participation des Ă©lĂšves pour son numĂ©ro Fabuleuses lĂ©gendes. Ils sont alors Ă la recherche dâillustrations pour accompagner les textes. Ironiquement, nous nâoffrions pas de cours dâarts plastiques, mais nous trouvions lâoccasion trop belle pour la laisser passer. Au fil des discussions, une simple demande dâillustrations est transformĂ©e en un projet dâenvergure touchant tous les Ă©lĂšves du 2e cycle.
Ainsi est nĂ©, dans notre Ă©cole, le projet Fabuleuses lĂ©gendes : La lĂ©gende (inconnue) du cap Bon-Ami. En collaboration avec le Magazine, Annick Paradis et moi organisons un concours dâĂ©criture parmi les Ă©lĂšves du cours de français de secondaire 3 oĂč les lĂ©gendes sont Ă©tudiĂ©es. Le texte gagnant est ensuite publiĂ© dans le numĂ©ro 194, puis adaptĂ© en chanson par Mathieu Joncas et les Ă©lĂšves de secondaire 4. Celle-ci est enregistrĂ©e au studio de la Vieille Usine de LâAnse-Ă -Beaufils et les Ă©lĂšves de secondaire 5 prennent en charge le tournage du vidĂ©oclip avec lâaide de Nathalie DaraĂźche. Finalement, les Ă©lĂšves du cours de communication en secondaire 5 organisent le lancement du numĂ©ro du Magazine Ă lâĂ©cole Antoine-Roy. Pour cette soirĂ©e, plusieurs membres de la communautĂ© sont prĂ©sents et nous avons lâhonneur de nous faire raconter la lĂ©gende par Jean-Raymond ChĂąles.
Pour couronner le tout, ce projet a remportĂ© un prix reconnaissance Essor dans la catĂ©gorie Passeur culturel, remis par le ministĂšre de lâĂducation et celui de la Culture et des Communications.
Philippe Meunier
Enseignant de français Ă lâĂ©cole C.-E.-Pouliot
Lâinventaire des plantes, oiseaux et animaux de la GaspĂ©sie est lâun des premiers mandats rattachĂ©s Ă la Commission gĂ©ologique du pays. Lors de la crĂ©ation du nouveau Parlement uni du Haut et du Bas-Canada, la Commission est chargĂ©e de fournir « une description complĂšte et scientifique des roches, des sols et des minĂ©raux du pays »1. Lors de sa fondation en 1842, William Edmond Logan (1798-1875) est nommĂ© pour diriger la recherche. La premiĂšre rĂ©gion quâil explore est la GaspĂ©sie.
Alexander RefordLes journaux des expĂ©ditions de Logan de 1843 et 1844 rĂ©vĂšlent lâendurance de ce gĂ©ologue pionnier alors quâil escalade le littoral, les falaises et les pentes abruptes, aidĂ© par un jeune M. Stevens de Bathurst, au Nouveau-Brunswick, et un guide des PremiĂšres Nations, John Basque, qui les suit en canoĂ«. Ce nâest quâau cap Bon Ami quâil trouve une maison accolĂ©e dâun « premier petit jardin avec les premiĂšres ïŹeurs que jâai vues dans cette partie du monde, en plus dâune abondance de choux et de pommes de terre ». Il rapporte la dĂ©cevante nouvelle Ă son mĂ©cĂšne gouvernemental selon laquelle la rĂ©gion nâa pas de charbon, mais est riche en fossiles.
Ă ses dĂ©buts, la gĂ©ologie est un domaine dâĂ©tude et ses premiers praticiens sont des naturalistes fascinĂ©s par le monde naturel. Ils enregistrent la faune et la ïŹore de la rĂ©gion par intĂ©rĂȘt personnel et professionnel. Leurs conclusions sont
prĂ©sentĂ©es dans des rapports gouvernementaux et devant la SociĂ©tĂ© dâhistoire naturelle de MontrĂ©al. La publication On the Natural History of the Lower St. Lawrence and the Distribution of Mollusca of Eastern Canada (1859) de Robert Bell (18411917) est le fruit de son expĂ©dition pour la Commission gĂ©ologique en 1857 et 1858. Fade inventaire de mammifĂšres, de poissons, de mollusques et de la ïŹore, lâouvrage offre nĂ©anmoins une liste de rĂ©fĂ©rence des espĂšces de lâest du QuĂ©bec observĂ©es avant que la colonisation ne sâinstalle. Les premiers excursionnistes en GaspĂ©sie font parfois des remarques sur les plantes cultivĂ©es. Dans Canadian Scenery District of GaspĂ© de 1866, Thomas Pye commente la fertilitĂ© du sol et le succĂšs des agriculteurs du bassin gaspĂ©sien dans la culture de lĂ©gumes racines et de cĂ©rĂ©ales. « Mais⊠lâagriculture nâest pas systĂ©matique et trĂšs en retard pour lâĂ©poque, toute lâĂ©nergie
des gens Ă©tant consacrĂ©e Ă lâingrĂ©dient de base de lâindustrie - la pĂȘche. »
Des scientifiques de partout en Gaspésie
Les observations de Logan sur la ïŹore alpine des Chic-Chocs amĂšnent dâautres gĂ©ologues et botanistes Ă suivre ses pas. Parmi eux,
William Edmond Logan, My tent, 1843. Les journaux de Logan contiennent des notes, mais également des croquis tels que celui-ci. Illustration tirée de : Bernard James Harrington, Life of Sir William E. Logan... first director of the Geological Survey of Canada, Montréal, Dawson Bros., 1883, p. 152.
John Alpheus Allen (1863-1916), Ă©tudiant Ă lâUniversitĂ© Yale, sâaventure vers le nord en 1881 dans le cadre dâune fĂȘte botanique et inventorie 59 plantes sur le mont Albert et dans les environs de Sainte-Annedes-Monts et de Matane. LâannĂ©e suivante, John Macoun (1831-1920) de la Commission gĂ©ologique du Canada recueille aussi un grand nombre dâĂ©chantillons de la ïŹore arctique sur le mont Albert pour lâHerbier national du Canada; il est devenu Ă moitiĂ© dĂ©lirant lors de la prospection de plantes Ă cause des piqĂ»res de mouches noires.
En 1876, John William Dawson apporte un nouveau dynamisme Ă lâobservation scientifique dans la rĂ©gion en se faisant construire une rĂ©sidence Ă MĂ©tis-sur-Mer. Il y passe lâĂ©tĂ© chaque annĂ©e jusquâĂ sa mort en 1899. Dawson est gĂ©ologue et son travail de palĂ©obotaniste lui vaut des Ă©loges et une mention dans la publication historique de Darwin en 1860, LâOrigine des espĂšces. Câest Ă MĂ©tis, pendant ses vacances, quâil Ă©crit certains de ses articles scientifiques (dont plusieurs sâopposent Ă la thĂ©orie de la sĂ©lection naturelle de Darwin). Il observe le rivage lors dâexcursions quotidiennes avec son marteau de roche et son sac de collecte. Ses spĂ©cimens sont dĂ©posĂ©s au MusĂ©e Redpath de lâUniversitĂ© McGill oĂč il est directeur. LâintĂ©rĂȘt de Dawson pour les plantes fossiles laisse croire que la ïŹore vivante nâest pas dâune importance primordiale. Il offre sa curiositĂ© scientifique aux membres de sa famille qui partagent sa passion pour le monde naturel. Son fils George Mercer Dawson deviendra un gĂ©ologue rĂ©putĂ© alors
que sa fille, Anna Lois, illustre ses articles.
LâĂ©tude de la botanique dans les institutions universitaires favorise les expĂ©ditions vĂ©gĂ©tales Ă travers le monde. Des endroits isolĂ©s comme la GaspĂ©sie intĂ©ressent particuliĂšrement pour la recherche de populations non perturbĂ©es de plantes indigĂšnes. Le botaniste de Harvard Merritt Lyndon Fernald (1873-1950) fait de la GaspĂ©sie lâun de ses domaines de recherche Ă partir de 1904 avec une sĂ©rie dâexpĂ©ditions pour identifier de nouvelles espĂšces. La ïŹore alpine unique est au cĆur de sa thĂ©orie (maintenant rejetĂ©e) selon laquelle les 300 plantes endĂ©miques de la rĂ©gion du golfe du Saint-Laurent non trouvĂ©es le long des hautes terres des Appalaches sont le rĂ©sultat du fait que la rĂ©gion a Ă©chappĂ© Ă la derniĂšre phase de glaciation. Le frĂšre Marie-Victorin sâest appuyĂ© sur le travail de Fernald pour son livre Flore laurentienne (1935) et pour Ă©clairer sa propre herborisation dans la rĂ©gion oĂč il fait plusieurs sĂ©jours. Il entretient dâailleurs une correspondance rĂ©guliĂšre avec Fernald quâil considĂšre comme son « botanical father ».
LâintĂ©rĂȘt pour les plantes sâĂ©tend au-delĂ des botanistes. Les rĂ©sidents·es dâĂ©tĂ© ou des environs sont parfois des scientifiques ou des
amatrices et amateurs passionnĂ©s. Dawson attribue Ă une « Miss Carey » lâidentification des espĂšces le long du Saint-Laurent alors quâEugĂ©nie Lalonde Ranger (1878-1969) rĂ©colte de nombreux spĂ©cimens lors de ses Ă©tĂ©s Ă PercĂ©. Pour sa part, le prĂȘtre AndrĂ©-Albert Dechamplain (19001986) est un naturaliste aguerri fĂ©ru de botanique qui enseigne plusieurs matiĂšres en lien avec les sciences naturelles au SĂ©minaire de Rimouski. Il se promĂšne en GaspĂ©sie pour Ă©tudier les plantes et rĂ©colter des spĂ©cimens. Entre autres, il aurait accompagnĂ© le frĂšre Marie-Victorin lors de ses relevĂ©s au mont Albert. Il existe sans doute des albums dâaquarelles et dâherbiers rĂ©unis par les visiteuses et visiteurs de la rĂ©gion aux 19e et 20e siĂšcles. Une fois trouvĂ©s et inventoriĂ©s, ils deviendront des complĂ©ments importants Ă lâenregistrement de la ïŹore de la rĂ©gion.
Pour en savoir plus, lisez lâarticle « Sur les traces du botaniste Merritt Lyndon Fernald » dans le numĂ©ro SĂ©jour nature (n° 195), paru en 2019.
Remerciements aux Archives nationales du Québec qui ont mis gracieusement à disposition leur photographie.
Note 1. Dictionnaire biographique du Canada, « sir William Edmond Logan »
FrĂšre Marie-Victorin lors dâun de ses sĂ©jours en GaspĂ©sie, annĂ©es 1930. Archives UniversitĂ© de MontrĂ©al. E01185FP009715
Premier contact
Depuis nombre dâannĂ©es, une plante fossile magnifique, Archaeopteris halliana, trĂŽne Ă lâentrĂ©e de lâexposition permanente du musĂ©e dâhistoire naturelle du parc. Pour le public de tout Ăąge, il sâagit dâun premier contact avec lâunivers fossile que prĂ©serve ce petit parc dâune superficie de 0,8 kilomĂštre2. Ce spĂ©cimen Ă©tonne, voire surprend, par sa qualitĂ© de fossilisation, chaque dĂ©tail de sa structure vĂ©gĂ©tale ayant Ă©tĂ© conservĂ©e lors du lent processus de conservation.
La dĂ©couverte des premiĂšres plantes fossiles de Miguasha remonte au 19e siĂšcle et les descriptions scientifiques initiales portent la signature du cĂ©lĂšbre palĂ©obotaniste John William Dawson, une sommitĂ© de lâUniversitĂ© McGill. Au fil des ans et des fouilles, six espĂšces de plantes fossiles vont enrichir ce trĂ©sor gaspĂ©sien, inscrit au patrimoine mondial de lâUNESCO depuis 1999.
Un environnement tropical
Au DĂ©vonien, il y a 380 millions dâannĂ©es, un ïŹeuve, prenant ses sources dans les jeunes Appalaches Ă proximitĂ©, sâouvre sur un large estuaire avant de se jeter dans la mer. Cet
Connus de par le vaste monde, les fossiles du parc national de Miguasha ont fait la rĂ©putation de cette falaise gaspĂ©sienne. Parmi eux, certains poissons ont acquis leurs lettres de noblesse, tels le prince Eusthenopteron foordi ainsi quâElpistostege watsoni qui, depuis la dĂ©couverte dâun premier spĂ©cimen complet Ă lâĂ©tĂ© 2010, porte avec fiertĂ© le titre de roi de Miguasha. Mais Ă cĂŽtĂ© de ces gĂ©ants de la palĂ©ontologie, se trouvent aussi des plantes fossiles, moins connues, mais toutes aussi exceptionnelles.
environnement se trouve sous un chaud soleil tropical, puisquâau cours de cette pĂ©riode gĂ©ologique, la plaque continentale de lâAmĂ©rique du Nord se situe sous lâĂ©quateur.
Sur les berges de cet estuaire, les plantes de lâespĂšce Archaeopteris halliana croissent et peuvent atteindre jusquâĂ sept mĂštres de hauteur. Son tronc, formĂ© de lignine et de cellulose, affiche une structure semblable Ă celle des conifĂšres actuels. Sa partie supĂ©rieure prĂ©sente un assemblage de branches sur lesquelles sâĂ©talent des frondes sâapparentant Ă celles des fougĂšres. DispersĂ©es par le vent et lâeau, les spores produites par certaines frondes favorisent de nouvelles pousses de la plante. ConsidĂ©rĂ©e comme lâun des premiers arbres ayant poussĂ© sur Terre, cette plante, avec une rĂ©partition mondiale, forme lâessentiel des premiĂšres forĂȘts dĂ©voniennes. Archaeopteris fait partie dâun groupe qui donnera naissance aux gymnospermes actuelles, dont font partie les conifĂšres.
Une fossilisation de tissus mous
Il y a 380 millions dâannĂ©es, certains de ces arbres se sont retrouvĂ©s dans
les eaux de lâestuaire, dans le fond duquel ils vont ĂȘtre enfouis rapidement dans les sĂ©diments et se fossiliser avec le temps. Contrairement aux poissons dont les parties minĂ©ralisĂ©es (os, arĂȘtes, Ă©pines) vont se fossiliser, la plante prĂ©sente uniquement des tissus mous, mais un Ă©lĂ©ment de la plante demeure, soit le carbone qui en se fossilisant devient charbon.
Clin dâĆil sur les ginkgos
Au plan ïŹoristique, au parc, il faut aussi mentionner la prĂ©sence de deux Ginkgo biloba bien vivants. Ces arbres originaires dâAsie peuvent vivre des milliers dâannĂ©es et font partie dâun groupe apparu au Permien, il y a 270 millions dâannĂ©es. SurnommĂ© « lâarbre aux quarante Ă©cus », le ginkgo affiche un feuillage automnal dorĂ© qui tombe de façon soudaine. Ces deux arbres grandissent prĂšs du musĂ©e dâhistoire naturelle. Pour ĂȘtre mis en terre au parc, ils ont dĂ» recevoir lâapprobation des autoritĂ©s gouvernementales quĂ©bĂ©coises, Ă©tant donnĂ© quâils ne font pas partie de la ïŹore indigĂšne du territoire.
Une ïŹore dâhier et dâaujourdâhui Ă dĂ©couvrir au parc national de Miguasha.
Le domaine dâexploration botanique du frĂšre Marie-Victorin (1885-1944) est surtout la province de QuĂ©bec, mais il sâĂ©tend parfois Ă lâOntario et aux Maritimes, et mĂȘme Ă lâAfrique et aux Antilles. Ă partir de 1930, une longue sĂ©rie dâexplorations est faite avec ses collaborateurs dont deux fructueuses saisons (1930 et 1931) dans la baie des Chaleurs auxquelles sâajoute une autre courte saison (1936) en GaspĂ©sie, possiblement du cĂŽtĂ© nord. En 1928, un jeune savant, Jacques Rousseau (1905-1970), va rĂ©aliser dans les Chic-Chocs, provenant dâun mot miâgmaque qui signifie « barriĂšre impĂ©nĂ©trable », un voyage dâexploration scientifique dont le rĂ©cit fait penser Ă un roman dâaventures.
André St-Arnaud Directeur, Cercles des Jeunes Naturalistes
Les explorations de Jacques Rousseau sont nombreuses et importantes, et sâĂ©tendent sur plusieurs annĂ©es. Au premier rang se trouvent ses travaux sur la rĂ©gion de lâestuaire du Saint-Laurent dans les annĂ©es 1920 et 1930. Viennent ensuite ses trois voyages dans les Chic-Chocs (1928, 1931, 1939) et une campagne dans la vallĂ©e de la MatapĂ©dia (1929).
Sans doute quâune excursion en GaspĂ©sie entreprise par des amatrices et amateurs pour contempler les beautĂ©s de la nature et de ses richesses dans ce coin de pays nâoffre rien dâextraordinaire, mais une exploration scientifique au cours de laquelle la voyageuse ou le voyageur est forcĂ© de pĂ©nĂ©trer dans des endroits reculĂ©s dont les scientifiques seuls ont le courage de sonder les mystĂšres, prĂ©sente un intĂ©rĂȘt passionnant. Tel est le voyage entrepris, au mois de juin 1928, par le botaniste Jacques Rousseau, assistant du frĂšre Marie-Victorin au Laboratoire de botanique de lâUniversitĂ© de MontrĂ©al. Il nâest ĂągĂ©
que de 22 ans, mais il a pour lui son énergie, son talent, le témoignage de son célÚbre maßtre et plusieurs travaux intéressants.
Lâexploration racontĂ©e ici, entreprise par Jacques Rousseau, est une contribution au travail du frĂšre Marie-Victorin sur la ïŹore du QuĂ©bec , avec lâaide du Conseil national de recherches. Les matĂ©riaux recueillis sâajoutent Ă ceux que le frĂšre a dĂ©jĂ herborisĂ©s en 1923. Ils feront lâobjet de publications ultĂ©rieures qui formeront une Ă©tude dâensemble sur la rĂ©gion de la GaspĂ©sie. Le travail nâest quâamorcĂ©, dâimmenses Ă©tendues de prairies alpines dans les Chic-Chocs nâont pas encore Ă©tĂ© visitĂ©es. LĂ©opold Fortier (1901-1984), ingĂ©nieur-chimiste, Ă©tudiant en botanique systĂ©matique, se joint Ă lâexploration, Ă titre bĂ©nĂ©vole.
Dans les solitudes
Jacques Rousseau part de Montréal vers la mi-juin pour poursuivre une exploration botanique longtemps
rĂȘvĂ©e et collectionner des Ă©chantillons de la ïŹore gaspĂ©sienne dont on parle depuis quelques annĂ©es. Au cours de son voyage qui dure plus de deux mois, le jeune botaniste se rend au Bic, Ă Saint-ValĂ©rien et sur la cĂŽte nord de la GaspĂ©sie. Mais le but principal de cette randonnĂ©e est la visite du massif central des ChicChocs. « Depuis plusieurs annĂ©es, Ă©crit-il dans son journal de voyage, nous avions projetĂ© dâaller sur la « Table ». Enfin, notre projet sera rĂ©alisĂ©. »
Le massif central des Chic-Chocs quâon a surnommĂ© « La Table », Ă cause de la forme gĂ©nĂ©ralement aplatie des sommets, nâa reçu quâune dizaine de visites depuis 1850. Ă part le garde-forestier de Grande-VallĂ©e, Jean-Baptiste Chicoine (1885-1975), il nây a que des gĂ©ologues, des botanistes et quelques chasseurs aventureux qui y ont pĂ©nĂ©trĂ©.
Câest cette rĂ©gion sauvage que Jacques Rousseau explore durant 15 jours pour en rapporter quantitĂ© dâĂ©chantillons qui seront Ă©tudiĂ©s au cours de lâautomne et de lâhiver, et
parmi lesquels on sâattend de faire des dĂ©couvertes intĂ©ressantes. Il est trĂšs probable quâen classifiant ses plantes au Laboratoire de lâUniversitĂ©, on sâapercevra que plusieurs dâentre elles ne sont pas encore connues. Mais ces rĂ©sultats nâont pas Ă©tĂ© obtenus sans peine et il faut suivre notre explorateur dans ses randonnĂ©es aventureuses pour constater que lâĂ©motion dâun botaniste en face dâune ïŹeur, prĂ©parĂ©e par tant de travaux et de fatigue, ne saurait ĂȘtre exagĂ©rĂ©e.
Câest Ă Mont-Louis que commence la phase la plus intĂ©ressante du voyage de Jacques Rousseau, le 7 aoĂ»t. Son compagnon, LĂ©opold Fortier, est venu lây rejoindre, Ă lâhĂŽtel, la veille au soir.
DĂšs le matin du 7, nos hardis voyageurs partent en automobile, mais, au bout de 11 km, ils doivent continuer Ă pied. Câest Ă ce moment que la misĂšre fait son apparition. LĂ©opold Fortier doit porter une charge de 80 livres et Jacques Rousseau de 65 Ă 70 livres, Ă part la carabine 303 indispensable. En effet, on ne passe pas 15 jours Ă marcher sans prendre de nourriture⊠et, ne consommerait-on que du bacon (nos voyageurs en mangent trois fois par jour), il faut tout de mĂȘme le porter! Et puis, le matĂ©riel dâĂ©tude : carton, cartable, prĂ©parations diverses pour conserver les insectes et⊠les hommes contre les piqĂ»res des gladiateurs de lâair⊠les maringouins, etc., tout cela finit par faire du poids.
Enfin, Ă midi, nos voyageurs atteignent le dĂ©pĂŽt de la Seigneurie de « La Madeleine ». Ils ont la bonne fortune dây trouver trois compagnons de route, robustes dĂ©fricheurs, qui vont dĂ©barrasser la « trail » (sentiers piĂ©tonniers) entre la Fourche du Nord et le lac de La Madeleine, câest-Ă -dire, une distance de 32 km.
Le dĂ©part nâest pas encourageant, car nos voyageurs ont devant eux une pente raide de 3 km de longueur. De plus, lâascension se fait sous un soleil ardent et pas une goutte dâeau Ă boire! Quâimporte; câest pour la
science, et nos voyageurs oublient leur fatigue pour cueillir au passage de la Clintonie borĂ©aleâŠ
AprĂšs la pente raide, câest le sommet uniforme du plateau et nos explorateurs marchent toujours. Enfin, ils arrivent au camp du lac Ă 19 h 45. Ils y rencontrent le gardeforestier Tom Henley qui met son tĂ©lĂ©phone Ă leur disposition.
TĂ©lĂ©gramme original Jacques Rousseau se met aussitĂŽt en communication avec le tĂ©lĂ©graphiste de Mont-Louis et lui demande dâadresser au frĂšre Marie-Victorin le message suivant : « Venez Mont-Louis, HĂŽtel, Auclair, TĂ©lĂ©phone Tabletop. » Le frĂšre reçoit le tĂ©lĂ©gramme ainsi : « Venez Mont-Louis, HĂŽtel, eau claire, tĂ©lĂ©phone, table »⊠Il croit donc que câest le seul hĂŽtel de la cĂŽte oĂč lâon peut trouver de lâeau potable, une bonne table et, en plus, le tĂ©lĂ©phone, aussi il dĂ©cide de venir sây installer
La soirĂ©e se passe agrĂ©ablement au camp du lac. Ă 5 h du matin, nos voyageurs sont debout. Ils ont le plaisir dâapercevoir, dans la clartĂ© du matin, le but de leur voyage, « La Table » et le mont Auclair (1 105 mĂštres dâĂ©lĂ©vation) qui en est un Ă©lĂ©ment. Vers 8 h, le 8 aoĂ»t, ils font la traversĂ©e du lac Mont-Louis avec Tom Henley qui les conduit dans un canot brisĂ© qui prend beaucoup lâeau; puis, la marche recommence, Ă travers les obstacles semĂ©s sur la route difficile. Les marcheurs passent par la chaĂźne des Sept Lacs et arrivent au camp de la Fourche du Nord, oĂč Jean-Baptiste Chicoine vient les rencontrer. Ils ont fait 19 km depuis le lac Mont-Louis et devront parcourir encore 8 km avant dâatteindre Tabletop. Ce massif est renommĂ© en 1965 monts McGerrigle, en lâhonneur du gĂ©ologue du mĂȘme nom. AprĂšs une nuit au camp de la Fourche du Nord, ils partent, Ă midi, Ă cause de la pluie, et, au prix dâune sĂ©rie de nouvelles fatigues et
de chutes rĂ©pĂ©tĂ©es au milieu des broussailles de la route, ils arrivent au camp de Chicoine, Ă 3 000 pieds (915 mĂštres) dâaltitude.
Le lendemain, 10 aoĂ»t, les chercheurs de plantes reprennent leur randonnĂ©e, Ă 6 h 30 du matin, dans lâatmosphĂšre suffocante dâune brume Ă©paisse. Ils marchent, marchent toujours. Ils pourront tomber de fatigue, souffrir de la soif, de la chaleur; peu importe, ils ont pour eux une force plus grande que tous les obstacles : ils ont atteint leur but. Ă 8 h, ils sont Ă Tabletop, au plus haut point.
Le sommet! Que de fois nos botanistes ont rĂȘvĂ© de lâatteindre! Que de fois ils lâont entrevu en imagination, dans le silence de lâĂ©tude, Ă la lecture des rĂ©cits enthousiastes des explorateurs, leurs maĂźtres. Et voilĂ que leur rĂȘve est devenu une rĂ©alitĂ©, ils ont fait leur premiĂšre conquĂȘte, ils ont ouvert le chemin de la victoire. Il faut lire la page de journal oĂč Jacques Rousseau signale cette glorieuse phase de son voyage : « Dieu soit louĂ©! VoilĂ un projet bien ancien de rĂ©alitĂ©. Ce rĂȘve commencĂ© avec ma vie de botaniste trouve enfin sa rĂ©alisation. Câest un coin bien intĂ©ressant de notre pays que ce plateau gĂ©ant. Sur le sommet, tente dâun garde-feu. Il y a un tĂ©lĂ©phone, une tour de 6 pieds [prĂšs de 2 mĂštres] de hauteur oĂč se trouve la carte du district. Vers le sud-est, une source alimentĂ©e par un petit glacier de 100 pieds [30 mĂštres] de long par environ 30 [9 mĂštres] de large. Il est encore bon pour durer une partie des mois dâaoĂ»t, car son Ă©paisseur est assez considĂ©rable. Sur le sommet le plus Ă©levĂ©, nous ne retrouvons pas lâun des cairns Ă©levĂ©s par Fernald [Merritt Lyndon Fernald (1873-1950), botaniste amĂ©ricain] au cours de ses explorations. Peut-ĂȘtre a-t-il Ă©tĂ© employĂ© ultĂ©rieurement Ă la construction de la petite tour?
Le gĂ©ologue Coleman [Arthur Philemon Coleman (1852-1939), gĂ©ologue canadien] lâavait retrouvĂ© en 1917, mais le temps ou les hommes ne lâont pas Ă©pargnĂ©. Eh bien, soit; nous en construirons un autre, tĂ©moin de
notre humble contribution Ă lâĆuvre si bien commencĂ©e. ».
Au cours de leurs explorations sur la surface du mont, nos voyageurs parviennent Ă localiser un glacier quâils apercevaient depuis longtemps. En gravissant la cime du Vieillard (mont ainsi nommĂ© Ă cause de sa forme arrondie comme le dos dâun vieillard), ils constatent que ce glacier est jusquâalors inconnu. Aucune carte nâen signale la prĂ©sence.
Ce glacier, situĂ© au nord-ouest du Vieillard, repose au fond dâun cirque trĂšs vaste. Ă son extrĂ©mitĂ© infĂ©rieure, une moraine forme un barrage qui a permis Ă un petit lac de se former, alimentĂ© par un ruisseau qui passe sous le glacier oĂč il sâest creusĂ© un chemin dans une chambre souterraine dâune profondeur de 15 pieds (4,5 mĂštres) et oĂč lâon peut pĂ©nĂ©trer. Le ruisseau coule dans un canyon dont les parois sont de 10 Ă 15 pieds (3 Ă 4,5 mĂštres) de
hauteur. Le cirque laisse pousser sur ses cÎtés des plantes de toutes sortes, dont Jacques Rousseau fera une riche collection.
Que dans ces rĂ©gions sauvages dont la description seule inspire une sorte de terreur, on trouve des orignaux et des caribous, câest tout Ă fait naturel : mais que lâon y rencontre des insectes, voilĂ qui semble Ă©trange. Cependant, Jacques Rousseau rapporte dans son journal avoir trouvĂ© un papillon au sommet du mont Jacques-Cartier. Il a vu aussi une multitude de souris, campagnols et musaraignes dont il a conservĂ© quelques spĂ©cimens. Contrairement Ă lâopinion de Coleman, nos naturalistes rencontrent plusieurs crapauds dâAmĂ©rique sur la route de MontLouis Ă Tabletop.
On sait déjà que la végétation des Chic-Chocs est trÚs différente de celle du reste du Québec; on en
trouve deux exemples frappants en parcourant le journal de Jacques Rousseau. Le jeune botaniste signale la présence de framboises (nommées Ronce pubescente) dont chaque grain est gros comme une cerise. Ces fruits sont excellents, mais leur goût est quelque peu différent de celui des framboises auquel on est habitué.
Fait qui peut paraĂźtre extraordinaire, il rapporte aussi des saules dans son herbier. Ces arbres nains ont environ un pouce de hauteur et ne portent que deux ou trois petites feuilles. Leurs racines sont beaucoup plus longues que lâarbre lui-mĂȘme qui pousse dans les fentes de roche. Ces arbres nains ont toutes les caractĂ©ristiques du saule, dâoĂč lâappellation Saule herbacĂ© par les botanistes.
Il ne faut pas sâimaginer que le voyage de nos explorateurs, si intĂ©ressant quâil soit, sâest accompli sans aucune difficultĂ©. En effet, il faut se rappeler que les valeureux chercheurs ont dĂ» parcourir 54 km dans les bois et sur les pics dĂ©nudĂ©s, de Mont-Louis Ă Tabletop. Au retour, Rousseau fait remarquer dans son journal que ses bottes nâoffrent plus guĂšre une grande protection Ă ses pieds endoloris, dont les extrĂ©mitĂ©s passaient Ă travers. Pour comble de malheur, le jeune botaniste a brisĂ© ses lunettes quâil a dĂ» rĂ©parer tant bien que mal pour continuer son expĂ©dition. Les chutes sensationnelles dans les broussailles ne se comptent pas, mais nos voyageurs sâamusent de ces contretemps qui ne les ont pas empĂȘchĂ©s dâatteindre leur but.
En arrivant Ă Tabletop, le but de leur voyage, nos jeunes explorateurs, au comble de la joie, veulent commĂ©morer cet Ă©vĂšnement de leur vie. Ils Ă©lĂšvent un cairn en pierre de forme pyramidale, de 6 pieds (1,8 mĂštre) de base. Les quatre faces du cairn sont orientĂ©es dâaprĂšs les points cardinaux. Jacques Rousseau rĂ©dige une inscription quâil enferme dans une
Tabletop, 10 août 1928.
Exploration botanique sous les auspices du Lab. de botanique de lâUniversitĂ© de MontrĂ©al et du National Council of Research, conduite par LĂ©opold Fortier et Jacques Rousseau.
Partis de Mt-Louis 7 aoĂ»t, avons couchĂ© Lac Mt-Louis; 8 aoĂ»t, avons couchĂ© Fourche du Nord; 9 aoĂ»t, arrivons au camp du garde-feu sur le flanc de Tabletop vers 3 000 pieds [915 mĂštres] dâaltitude. M. Baptiste Chicoine, GrandeVallĂ©e, et son fils Hilaire, ĂągĂ© de 14 ans, garde-feux. 10 aoĂ»t, avons gravi Botanist Dome oĂč se trouve tente du garde-feu. Dans nos loisirs occasionnĂ©s par brume Ă©paisse, avons bĂąti ce cairn Ă 50 pieds [15 mĂštres] Ă lâest de la tente. OrientĂ© selon les points cardinaux. Le travail de construction demandĂ© 10 heures dâouvrage en tout. Demeurerons ici jusquâau 21 probablement.
Léopold Fortier
Ingénieur Chimiste
Montréal
B.Chicoine
Garde-feu
Jacques Rousseau Lab. Bot. Univ. Montréal
Hilaire Chicoine Ass. Garde-feu
bouteille et dĂ©pose Ă lâintĂ©rieur du cairn.
Le retour des explorateurs sâaccomplit sans incident marquant. AprĂšs tant de fatigue, dâefforts et de privations, ils sont heureux de revenir vers la civilisation. ChargĂ©s de matĂ©riaux dont la classification exigera des Ă©tudes patientes et ardues, les courageux voyageurs sont contents dâavoir rĂ©alisĂ© le projet quâils cares-
saient depuis plusieurs annĂ©es. Leur travail pourra ĂȘtre mĂ©connu des profanes, le cairn, souvenir de leur expĂ©dition pourra pĂ©rir, mais nos hardis explorateurs garderont la satisfaction dâavoir fait Ćuvre utile.
Pour en savoir plus : Le fonds JacquesRousseau, dont son journal, est conservĂ© Ă lâUniversitĂ© Laval, P174/B-31, P/174/B-32.
Jâobserve. Depuis la tendre enfance, jâobserve, dans les herbes hautes derriĂšre la maison, les bourdons allant dâune inflorescence Ă une autre, que plus tard jâidentifierai : la bardane, lâachillĂ©e, lâanaphale, la tanaisie, la chicorĂ©e et autres de la famille des composĂ©es qui envahissent les champs et les bordures de chemin.
Enfant, naviguant avec les voisins·es de notre chalet sur le barachois lagunaire de SaintOmer, nous glissons sur cette lugubre mini-forĂȘt de zostĂšres, dĂ©couverte Ă marĂ©e basse et cachant les mĂ©chants crabes. De retour sur les rives bordĂ©es dâĂ©lymes et dâammophiles ou blĂ©s de mer, je goĂ»te la salicorne et la Sabline faux-pĂ©plus qui assaisonneront plus tard mes salades et mes hamburgers.
Ă lâĂąge adulte, ce penchant sâest affirmĂ©. Je fouille les diffĂ©rents milieux de vie pour rĂ©colter les cent plantes de lâherbier nĂ©cessaire Ă ma deuxiĂšme annĂ©e de biologie Ă lâUniversitĂ© du QuĂ©bec Ă Rimouski (UQAR). La Mitrelle nue est mon coup de cĆur. DĂ©licate, verdĂątre, la ïŹeur dentelĂ©e comme un ïŹocon de neige mâest apparue dans une clairiĂšre de forĂȘt de conifĂšres, sur une souche envahie de mousses, Ă la lumiĂšre oblique dâune fin de journĂ©e, dans son Ă©clatante beautĂ©.
Entre-temps, les parcs nationaux me font de lâĆil et me permettent de trouver ma voie. Je parcours ces espaces privilĂ©giĂ©s. Je suis payĂ©e pour faire ce que jâaime faire le
plus au monde : faire dĂ©couvrir aux personnes qui le veulent bien les merveilles qui nous entourent. Quel immense bonheur! Parlons des hauts sommets des Chic-Chocs et des monts McGerrigle oĂč se rĂ©fugie une ïŹore arctique-alpine : Bouleau nain, Saule arctique entre lesquels sâinstallent, en forme de coussinets, lâArmĂ©rie du Labrador, la SilĂšne acaule et la Diapensie de Laponie. Et dans lâascension des ïŹancs de ces montagnes, nous croisons une succession altitudinale de forĂȘts correspondant Ă la mĂȘme succession en latitude qui est observable par le hublot dâun avion en voyage vers le Grand Nord quĂ©bĂ©cois.
Comme chaque Ă©cosystĂšme a sa forĂȘt, la mer qui entoure la pĂ©ninsule a les siennes. Les grandes algues brunes Ă©chouĂ©es sur la plage, les laminaires appelĂ©es goĂ©mons par nos grands-pĂšres, bien accrochĂ©es sur les roches du fond forment une forĂȘt trĂšs dense et se dressent sous la zone des marĂ©es, comme un brise-lames protĂ©geant les habitants·es du littoral des vagues fortes venues du large. La forĂȘt plus petite
des fucus ou varech, tout aussi touffue, garde Ă lâabri toute une faune contre la sĂ©cheresse occasionnĂ©e par le soleil plombant Ă marĂ©e basse et contre les prĂ©dateurs marins Ă marĂ©e haute.
Mais si dans toutes ces expĂ©riences, lâhumain nâĂ©tait pas prĂ©sent, mon travail de naturaliste ne serait pas complet. Ă PercĂ©, je nâaurais pas Ă©tĂ© pleinement satisfaite si je nâavais pas rĂ©ussi Ă rĂ©pondre de façon diplomate Ă une dame qui sâexclame « Quoi? Lâeau est salĂ©e? ». Sur lâĂźle Bonaventure, en balade avec trois couples, Ă quatre pattes, je dĂ©gage dĂ©licatement les racines en forme de corail de la Corallorhiza maculata, pour leur faire dĂ©couvrir le bien-fondĂ© de son appellation. Jâai su donner pleinement, que ce soit Ă ce directeur dâun musĂ©e dâhistoire naturelle de Boston qui voulait les noms latins des plantes, aux amoureux du rĂ©seau national des parcs quĂ©bĂ©cois et Ă ce couple si touchant qui Ă©coutait, les yeux grands ouverts et qui mâa dit « Quoi, câest vivant? ». Jâai eu lâimpression dâouvrir, pour ces derniers, une grande fenĂȘtre sur le mondeâŠ
LâĂ©tude des plantes du parc national Forillon nous rĂ©vĂšle bien des choses. Elle nous rappelle de grandes migrations, elle nous invite Ă remonter loin dans le temps, elle nous enseigne aussi Ă reconnaĂźtre que le changement fait partie de lâhistoire de notre planĂšte.
Maxime St-Amour Biologiste, chef de lâinterprĂ©tation naturelle, historique et culturelle, parc national Forillon de 1970 Ă 1998, et rĂ©sident de Cap-des-Rosiers
Bien au-delĂ de lâidentification des plantes, qui demeure la base de la botanique, les Ă©tudes scientifiques sur leur prĂ©sence ici ou leur absence, leur arrivĂ©e, leur occupation respective de certaines zones du territoire selon lâhabitat qui leur convient ou leur persĂ©vĂ©rance Ă se maintenir dans certains de ces habitats depuis des siĂšcles, nous racontent des histoires captivantes. LâinterprĂ©tation de la botanique du parc doit se faire de façon dĂ©ductive, câest-Ă -dire basĂ©e sur des faits Ă©tudiĂ©s et reconnus. Autrement, lâinterprĂ©tation se ferait de façon intuitive, voir mĂȘme Ă©motive ou imaginaire, ce qui ne serait ni sĂ©rieux ni valable.
La plus ancienne plante de Forillon se trouve dans les grÚs qui bordent la cÎte sud de la péninsule, depuis Petit-Gaspé vers Penouille et Saint-Majorique. Les fossiles de cette
plante Ă©teinte dateraient de quelque 375 millions dâannĂ©es Ă une pĂ©riode oĂč le nouveau continent Ă©mergeait de la mer en se butant contre le coin nord-ouest du continent africain, situĂ© alors un peu au nord de lâĂ©quateur.
Comme en tĂ©moignent les strates entrecroisĂ©es de cette formation rocheuse de sable, cette plante primitive vivait en bordure de continent, possiblement en eau saumĂątre dans un contexte dâeau courante, du moins Ă lâoccasion. CâĂ©tait il y a environ 175 millions dâannĂ©es avant lâouverture de lâocĂ©an Atlantique. Psilophyton princeps, la plus ancienne plante de Forillon, Ă©tait donc une plante tropicale.
rare
Dâautres plantes Ă©tablies Ă Forillon sont arrivĂ©es ici depuis longtemps, soit Ă la fin de la derniĂšre glaciation, il y a quelque 10 000 ans. Quand la
calotte glaciaire continentale sâest mise Ă reculer lors de sa fonte, le sol quĂ©bĂ©cois rabotĂ© et chamboulĂ© par le glacier est vite colonisĂ© par des plantes adaptĂ©es Ă ce type de milieu ouvert et froid en bordure du glacier. Ainsi, des plantes de lâArctique sây implantent.
Aussi, des espĂšces vivant dans le rude contexte alpin des montagnes Rocheuses et de la CordillĂšre canadienne (Ă lâouest des Rocheuses) auraient migrĂ© dâouest en est jusquâici Ă cette mĂȘme pĂ©riode, colonisant ainsi lâĂ©troit corridor fraĂźchement libĂ©rĂ© par la fonte du glacier continental.
Il faut savoir que ces plantes, tant arctiques quâalpines, « poussent dans des milieux ouverts et dĂ©nudĂ©s, oĂč elles nâont pas Ă concurrencer dâautres plantes⊠elles exigent de vivre seules et passablement parsemĂ©es⊠lĂ oĂč les arbres ne poussent pas et oĂč lâĂ©tĂ© et la pĂ©riode de croissance sont courts. »1. Elles
Présente en Alaska au niveau de la mer, dans les montagnes
Rocheuses jusque dans lâUtah et pouvant parvenir Ă 3 300 mĂštres (10 800 pieds) dâaltitude, la Drave incertaine, avec ses petites fleurs jaunes, nâa Ă©tĂ© trouvĂ©e dans tout lâest du continent quâĂ Forillon.
doivent de plus pousser sur de la roche calcaire.
Les hautes falaises de Forillon correspondent parfaitement aux conditions Ă©numĂ©rĂ©es. Leur orientation face aux vents froids, la froideur de la mer Ă leur pied, les courtes pĂ©riodes dâensoleillement qui y prĂ©valent contribuent Ă la rigueur nĂ©cessaire des conditions de croissance quâexigent ces plantes. Ces parois rocheuses ont Ă©tĂ© complĂštement lessivĂ©es par les hauts niveaux marins postglaciaires. Puis, par la suite, ce milieu sâest maintenu dĂ©nudĂ© par lâĂ©rosion constante des falaises, surtout par lâaction du
gel-dĂ©gel. Câest un habitat Ă la fois austĂšre et dangereux.
Une anecdote Ă ce sujet : en 1971, jâai accompagnĂ© le Dr Pierre Morissette, botaniste de lâUniversitĂ© Laval, chargĂ© de faire lâinventaire des plantes arctiques-alpines de Forillon. Alors quâon explorait un talus dans les falaises, un petit Ă©clat de pierre en chute libre a frappĂ© sa botte neuve en cuir Ă©pais et lâa coupĂ©e jusquâĂ la chaussette. Un milieu dangereux? Oui, certes, et ce, par tous les temps. Pour trouver une ïŹeur, avait-il dĂ©fiĂ© la mort?
Ces plantes arctiques-alpines sont considĂ©rĂ©es comme les plantes rares de Forillon. Pourquoi? Dâabord, parce quâelles poussent ici de façon disjointe de leur milieu dâorigine lointain. Puis, elles ne comptent quâune trentaine dâespĂšces. Et enfin, certaines sont prĂ©sentes en moins dâune dizaine de plants. Leur prĂ©sence ici est lâune des cinq caractĂ©ristiques fondamentales Ă la base du choix de Forillon comme premier territoire quĂ©bĂ©cois pour devenir un parc national fĂ©dĂ©ral en 1970.
Un autre habitat nordique, une taĂŻga forestiĂšre
Au centre de la ïŹĂšche de sable de Penouille persiste une taĂŻga forestiĂšre. La taĂŻga est cette zone juste au sud de la toundra du Grand Nord quĂ©bĂ©cois. Elle est caractĂ©risĂ©e par la prĂ©sence de conifĂšres (Ăpinettes noires) clairsemĂ©s croissant sur un sol sablonneux et recouvert de riches tapis de lichens et autres plantes basses. La taĂŻga marque la transition entre la toundra ouverte au nord sans forĂȘt et la forĂȘt borĂ©ale aux arbres poussant serrĂ©s au sud.
« ll arrive souvent quâon retrouve au sud des habitats typiques des rĂ©gions plus nordiques. Mais normalement, cela se produit en gagnant de lâaltitude. Or, Penouille est sis au niveau de la mer. De plus, il y fait souvent plus chaud quâĂ bien dâautres endroits dans le parc. »2 Cet habitat situĂ© dans la baie de GaspĂ© est donc une intrigue Ă©cologique.
Hypothétiquement, la combinaison de certaines conditions comme la présence de sable, la pauvreté du sol
et les facteurs climatiques crĂ©erait des conditions de croissance qui rappelleraient la sĂ©vĂ©ritĂ© de celles de la taĂŻga. Dâailleurs, on remarque aussi que des Ăpinettes noires sur Penouille se reproduisent par marcottage, soit des arbres naissant Ă partir de branches basses dâoĂč croissent des racines. Comme au Nouveau-QuĂ©bec, il sâagit dâune adaptation aux milieux difficiles.
Tout un cortĂšge de plantes intĂ©ressantes, adaptĂ©es Ă ce contexte sablonneux, sây trouve rĂ©uni : Ă©ricacĂ©es, lycopodes, champignons, etc. Ces plantes sont souvent associĂ©es symbiotiquement, câest-Ă -dire quâelles ont besoin les unes des autres pour exister. Ce ne sont pas des plantes rares, sauf la Hudsonie tomenteuse, mais certaines de leurs associations particuliĂšres le sont.
Penouille prĂ©sente donc une Ă©cologie unique du QuĂ©bec continental. Son caractĂšre de nordicitĂ© devrait ĂȘtre reconnu comme primordial et le parc national Forillon pourrait considĂ©rer intervenir de façon sĂ©lective pour prĂ©venir que des espĂšces envahissantes introduites comme le Caragana (Caraganier de SibĂ©rie) et le Pin blanc, un conifĂšre plutĂŽt typique du sud, ne viennent pas saper le caractĂšre nordique singulier de Penouille. On voit dĂ©jĂ que ce pin et dâautres « envahisseurs » sâinstallent et que ce sera sĂ»rement au dĂ©triment de lâĂpinette noire qui donne Ă Penouille toute son importance patrimoniale naturelle.
AprĂšs les plantes du nord, des espĂšces du sud
La tempĂ©rature moyenne plus chaude quâaujourdâhui, il y a environ
7 000 Ă 5 000 ans, a favorisĂ© une migration de plantes du sud vers le nord. Câest ainsi que des chĂȘnaies et des Ă©rabliĂšres se sont installĂ©es ici et, avec elles, certaines plantes de sousbois typiques des rĂ©gions plus au sud.
Les plantes venues du sud ont envahi et délogé les plantes arctiques-
alpines partout, sauf lĂ oĂč les conditions extrĂȘmes ont perdurĂ©.
Lâhabitat forestier de Forillon est typiquement borĂ©al. On pourrait Ă©laborer sur ses multiples facettes en dĂ©crivant ses diffĂ©rents peuplements
forestiers. Toutefois, cette description risquerait dâĂȘtre trop technique et spĂ©cialisĂ©e.
Ainsi, je vais plutĂŽt souligner que jâai dĂ©jĂ trouvĂ©, en 1972, dans cette forĂȘt borĂ©ale un Thuya occidental (communĂ©ment appelĂ© « cĂšdre ») qui mesurait prĂšs de 18 pieds (5,5 mĂštres) de circonfĂ©rence. Une carotte prĂ©levĂ©e par des spĂ©cialistes de lâUNESCO une vingtaine dâannĂ©es plus tard a rĂ©vĂ©lĂ© que cet arbre existait dĂ©jĂ Ă lâarrivĂ©e de Jacques Cartier en 1534. Il serait, en fait, Ă Forillon, un monument botanique vieux de 500 ans.
Une simple fleur peut émouvoir
Pour terminer, une autre anecdote : en 1976, Forillon accueille un groupe international de botanistes en congrĂšs. Lors du souper de clĂŽture de lâĂ©vĂšnement, le botaniste porteparole conclut son exposĂ©, dont chaque phrase est traduite pour les convives parlant une douzaine de langues diffĂ©rentes, en disant que ce quâil a trouvĂ© de plus extraordinaire en ce qui concerne les plantes en GaspĂ©sie, ce sont : « les magnifiques prairies de Taraxacum ». En entendant le nom latin du pissenlit, dont lâutilisation est commune dans la communautĂ© scientifique, tous, se sont levĂ©s Ă lâunisson et ont applaudi chaudement cette ïŹeur souvent mal aimĂ©e au QuĂ©bec qui pare en abondance nos champs au mois de juin.
Notes
La GaspĂ©sie regorge de cette diversitĂ© dâĂ©cosystĂšmes dont sont friands les botanistes, les naturalistes ou simplement les fervents es de la nature. Ces Ă©cosystĂšmes engendrent une impressionnante variĂ©tĂ© de plantes dont un infime Ă©chantillon est prĂ©sentĂ© ici en photos.
Jean-Philippe Chartrand Biologiste, directeur au dĂ©veloppement du crĂ©neau dâexcellence rĂ©crĂ©otouristique ACCORD pour la GaspĂ©sie, et rĂ©sident de Port-Daniel
Le Sabot de la Vierge (CypripĂšde acaule, Cypripedium acaule) est une orchidĂ©e Ă la ïŹeur trĂšs distinctive qui est prĂ©sente dans divers types dâhabitats : milieux secs ou humides, Ă©clairĂ©s ou ombragĂ©s. Ce spĂ©cimen a Ă©tĂ© choisi pour la photo parmi une cinquantaine de ses congĂ©nĂšres prĂšs dâun des sommets du mont ValliĂšresde-Saint-RĂ©al dans les Chic-Chocs.
LâIris Ă pĂ©tales aigus (Iris setosa) rappelle lâemblĂšme ïŹoristique du QuĂ©bec, lâIris versicolore (ou Iris du Canada). Le premier est associĂ© aux milieux maritimes. Celui-ci a Ă©tĂ© photographiĂ© au parc Colborne Ă Port-Daniel-Gascons Ă quelques mĂštres de lâeau
Le Trille rouge (ou Trille dressĂ©, Trillium erectum) est prĂ©sent dans les forĂȘts mixtes et de bois franc. Ainsi, il est peu commun dans le haut pays gaspĂ©sien. Le spĂ©cimen a Ă©tĂ© photographiĂ© dans le bassin versant de la riviĂšre Restigouche oĂč Ă©rabliĂšres et peuplements de trembles matures ne sont pas rares.
La Marguerite blanche (Leucanthemum vulgare) est une ïŹeur trĂšs commune qui profite des milieux ouverts. Elle se rĂ©pand dans les champs et les bĂ»chĂ©s. Ces spĂ©cimens ont Ă©tĂ© photographiĂ©s sur un lot agricole de Cap-dâEspoir et contribuent Ă prĂ©senter une scĂšne des plus typiques de la vie rurale.
La SarracĂ©nie pourpre (Sarracenia purpurea) est une plante carnivore Ă©troitement associĂ©e aux tourbiĂšres. Les feuilles en forme de tubes piĂšgent les insectes. Ceux-ci seront « digĂ©rĂ©s » pour fournir des nutriments Ă la plante et compenser ainsi la pauvretĂ© du sol. La GaspĂ©sie a peu de lacs en comparaison Ă dâautres rĂ©gions du QuĂ©bec, mais elle a pourtant Ă©tĂ© aperçue dans les terres prĂšs de la Pointe-Saint-Pierre.
La LinnĂ©e borĂ©ale (Linnaea borealis) porte ses ïŹeurs en clochette toujours en paires. Petites et prĂšs du sol, ces ïŹoraisons passent souvent inaperçues pour les randonneuses et randonneurs. Pourtant lâespĂšce est commune dans lâensemble des forĂȘts borĂ©ales autour du globe, dont celles de la GaspĂ©sie, y compris Ă lâĂźle Bonaventure.
Le Lychnis alpin (Silene suecica) fait partie des plantes arctiquesalpines. Pour sâassurer dâĂȘtre butinĂ© frĂ©quemment par les rares insectes sur les sommets, la tige et les feuilles, tout comme les ïŹeurs, sont dâun vif violet. Il est commun en NorvĂšge et en SuĂšde, mais prĂ©sent aussi dans les Alpes, les PyrĂ©nĂ©es et les montagnes de lâAmĂ©rique du Nord. Elles sont bien visibles le long du sentier du mont Albert, sur le plateau et dans la Cuve du Diable.
Le SilĂšne acaule (Silene acaulis) est trĂšs intimement associĂ© aux habitats de montagnes. Sa forme en coussin compact permet de retenir lâhumiditĂ© et une certaine chaleur provenant du sol. Cet avantage est dĂ©terminant pour la survie de lâespĂšce bien adaptĂ©e au climat des Alpes, des PyrĂ©nĂ©es, des Rocheuses⊠et des Chic-Chocs!
Le Kalmia Ă feuilles Ă©troites (Kalmia angustifolia) est une plante commune de la forĂȘt borĂ©ale assez coriace pour coloniser les ïŹancs de montagnes et les sommets peu Ă©levĂ©s. Ses petites feuilles cirĂ©es et sa ïŹeur aux pĂ©tales soudĂ©s rĂ©sistent au froid, Ă la chaleur, Ă la sĂ©cheresse et aux forts vents. Tout ce quâil faut pour survivre Ă la limite forestiĂšre des monts Xalibu, Richardson ou du pic du BrĂ»lĂ©.
Ce site est exceptionnel pour plusieurs raisons. Dâabord, il nâa subi aucun ravage important, que ce soit par un incendie ou une Ă©pidĂ©mie dâinsectes, ce qui est plutĂŽt rare. De plus, ce secteur nâa jamais Ă©tĂ© « bĂ»ché ». En GaspĂ©sie, on dĂ©nombre trĂšs peu dâendroits oĂč les arbres nâont pas Ă©tĂ© abattus au moins une fois par le passĂ©. Cette forĂȘt a ainsi pu traverser le temps, comptant des arbres matures de plus de 600 ans. Certains dâentre eux ont un diamĂštre allant jusquâĂ 130 cm (50 pouces) et peuvent atteindre jusquâĂ 28 mĂštres (92 pieds) de hauteur. On y trouve aussi une bonne quantitĂ© de bois morts, ce qui crĂ©e de belles percĂ©es et permet Ă de jeunes arbres de se frayer un chemin et Ă la forĂȘt de se rĂ©gĂ©nĂ©rer. Ătant lâexpression de la longue maturation des arbres, cette dynamique est sans doute plus vieille encore que les arbres les plus ĂągĂ©s qui sây trouvent. Enfin, la cĂ©driĂšre est situĂ©e dans la vallĂ©e de la riviĂšre du Grand Pabos, lĂ oĂč le sol est recouvert de dĂ©pĂŽts riches en nutriments Ă la suite dâinondations passĂ©es, ce qui favorise la croissance des arbres et des vĂ©gĂ©taux
En plus des cĂšdres, cette forĂȘt ancienne est composĂ©e de Sapins baumiers, de FrĂȘnes noirs et de Bouleaux jaunes. Les sous-bois ont
PrĂšs de la riviĂšre du Grand Pabos, au nord de Chandler, se trouve un Ă©cosystĂšme forestier exceptionnel de la pĂ©ninsule : une cĂ©driĂšre dâau moins 650 ans, ce qui en fait lâune des plus anciennes du QuĂ©bec. La forĂȘt est majoritairement composĂ©e de Thuyas occidentaux, que nous appelons cĂšdres au Canada. Cette forĂȘt ancienne couvrant 24 hectares est une aire protĂ©gĂ©e par le ministĂšre des Ressources naturelles et des ForĂȘts du QuĂ©bec selon la Loi sur la conservation du patrimoine naturel.
aussi une végétation assez riche, dont une petite fougÚre calcicole, Cystopteris bulbifera, qui est peu commune au Québec.
La forĂȘt ancienne de la RiviĂšre-duGrand-Pabos est une aire protĂ©gĂ©e. Toutefois, lâespace qui lâentoure ne lâest pas. Ă proximitĂ©, la zone dâexploitation contrĂŽlĂ©e (ZEC) des Anses comporte aussi de spectaculaires thuyas et dâimposants Ă©rables et merisiers, sans compter nombre de cours dâeau ainsi que la ïŹore qui comprend des espĂšces menacĂ©es ou vulnĂ©rables, ou susceptible de lâĂȘtre, dont le Calypso bulbeux, le CypripĂšde royal et la Dentaire Ă deux feuilles (Cardamine diphylla), une petite ïŹeur protĂ©gĂ©e contre la rĂ©colte abusive nâayant pas Ă©tĂ© identifiĂ©e par des experts.
En 2020, en apprenant que ce secteur devait subir des coupes forestiĂšres, le comitĂ© citoyen SolidaritĂ© GaspĂ©sie sâest mobilisĂ© grĂące Ă la vigilance du directeur de la ZEC, Douglas Murphy, et Ă mon intervention. Ces dĂ©marches, appuyĂ©es par une entente avec le Conseil rĂ©gional de l'Environnement GaspĂ©sieĂles-de-la-Madeleine (CREGIM) et la SociĂ©tĂ© pour la nature et les parcs
(SNAP), ont permis de reporter la coupe, puis dâinstaurer un moratoire. Elles ont aussi donnĂ© lieu, entre autres, Ă un important rapport sur la validation des Ă©cosystĂšmes forestiers exceptionnels prĂ©sents sur le territoire, dirigĂ© par lâingĂ©nieur forestier Normand Villeneuve du ministĂšre des Ressources naturelles et des ForĂȘts. Des dĂ©marches sont toujours en cours, mais la mobilisation citoyenne semble donner espoir quâune partie de la ZEC sera dĂ©sormais conservĂ©e.
Selon le registre des aires protĂ©gĂ©es au QuĂ©bec, il existe en GaspĂ©sie onze forĂȘts anciennes, cinq forĂȘts rares et huit forĂȘts refuges, mais plusieurs autres sites mĂ©ritent dâĂȘtre conservĂ©s. Les Ă©cosystĂšmes sont complexes et plus vastes que des aires restreintes.
Transport de la ZostĂšre marine Ă LâIsle-Verte oĂč elle est surnommĂ©e « mousse de mer », entre 1920 et 1933.
Maison
Louis-Bertrand
Le foin salĂ© est une graminĂ©e humide qui vit dans lâeau prĂšs des rives du fleuve et du golfe du Saint-Laurent ainsi que de celles de la baie des Chaleurs. FauchĂ© par les Mi'gmaqs depuis des centaines dâannĂ©es, ce foin pousse au ras des marais salĂ©s, Ă lâembouchure de riviĂšres et dans les barachois. On lâutilise pour nourrir le bĂ©tail, isoler, calfeutrer, rembourrer. Coup dâĆil sur cette herbe Ă tout faire.
Le foin vert ou salĂ© connaĂźt diverses dĂ©signations populaires, dont herbe Ă outardes ou Ă bernaches puisquâil sert de nourriture Ă ces oiseaux aquatiques et Ă quelques mollusques. En fait, son vrai nom est Zostera marina (ZostĂšre marine). En GaspĂ©sie, elle forme le plus souvent des herbiers insĂ©rĂ©s Ă lâintĂ©rieur de nos barachois. Contrairement Ă ce que lâon peut penser en la voyant, il ne sâagit pas dâune algue, mais bien dâune plante vasculaire indigĂšne au Canada.
Les herbiers de zostĂšre participent Ă la stabilisation des Ă©cosystĂšmes marins et offrent un habitat Ă de nombreuses espĂšces dâanimaux et de poissons. Historiquement, ce foin est bien connu des GaspĂ©siennes et des GaspĂ©siens, qui le transforment et lâutilisent de plusieurs maniĂšres.
SĂ©chĂ©, il est offert comme nourriture pour le bĂ©tail et sert aussi Ă rembourrer des meubles. Enfin, quelques sources mentionnent quâon lâutilise pour effectuer le calfeutrage et lâisolation des maisons, une fois pressĂ©.
Le foin salĂ© est aussi recensĂ© dans dâautres endroits au QuĂ©bec et au Canada, comme chez les Acadiennes et les Acadiens de la NouvelleĂcosse. Ce foin « permettait de sâassurer que le bĂ©tail ne mourrait pas de faim en attendant la rĂ©colte des premiers foins cultivĂ©s »1. Il est ramassĂ© Ă lâaide dâaboiteaux, des espĂšces de digues mises en place dans les marais. Selon les recherches de lâhistorien Michel Goudreau, des digues auraient Ă©tĂ© posĂ©es dans la riviĂšre Ristigouche par les Acadiens.
Ă la suite de la Bataille de la Ristigouche, de nombreux Acadiens ayant transitĂ© par La Petite-Rochelle sâinstalleront Ă Bonaventure (1760), puis Ă TracadiĂšche (1767) (aujourdâhui Carleton-sur-Mer) sans titre de propriĂ©tĂ©.
De leur cĂŽtĂ©, les Miâgmaqs revendiquent les terres de la riviĂšre CascapĂ©dia Ă la riviĂšre Ristigouche ainsi que des droits exclusifs de pĂȘche et de chasse sur la riviĂšre Ristigouche.
Pour nourrir leur bĂ©tail, les Acadiens de la Baie viendront faucher le foin dans les prairies humides Ă lâembouchure de la Petite riviĂšre du Loup en Ă©change dâune redevance perçue par les Mi'gmaqs. Ainsi, lâĂ©quilibre des relations est fragile : les Miâgmaqs laissent aux Acadiens le droit de sâapprovisionner en foin, tant quâils sont payĂ©s et que les Acadiens ne revendiquent pas cette portion du territoire. Toutefois, la guerre dâIndĂ©pendance amĂ©ricaine augmente la prĂ©caritĂ© des Acadiens, qui sont irritĂ©s que les Miâgmaqs ne leur laissent pas mettre de trappes dans la forĂȘt ou pĂȘcher le saumon et quâils aient augmentĂ© leurs redevances pour la rĂ©colte du foin salĂ©. De leur cĂŽtĂ©, les Mi'gmaqs rĂ©torquent que lâexploitation intensive du foin nuit Ă la ressource, que les Acadiens font fuir le gibier et quâils ne paient pas leur dĂ».
Les tensions montent dâun cran Ă lâarrivĂ©e des Loyalistes dans la baie des Chaleurs en 1784. Un besoin de dĂ©limitation des terres se fait sentir. Pour rĂ©soudre le conïŹit entre Mi'gmaqs et Acadiens, le lieutenantgouverneur de la GaspĂ©sie Nicholas Cox se rend dans la Baie, officialise lâentente pour le fauchage du foin entre les deux peuples et rassure les Mi'gmaqs : ceux-ci ne perdront pas leurs droits territoriaux. Mais cette entente nâest que provisoire et deux ans plus tard, Lord Dorchester, gouverneur de la province de QuĂ©bec, met sur pied une Commission sur les terres gaspĂ©siennes. Au terme de celle-ci, en 1786, les terres revendiquĂ©es par les Mi'gmaqs sont remises dans les mains de la Couronne britannique, qui souligne que les Miâgmaqs doivent faire de la place pour « ses autres enfants, les Anglais et les Acadiens, quâils doivent considĂ©rer comme des frĂšres ». Les Miâgmaqs consentent Ă cĂ©der leurs droits aux Britanniques sur les territoires de Nouvelle et Miguasha en Ă©change de droits exclusifs de pĂȘche.
MalgrĂ© cela, lâentente ne sera pas respectĂ©e, car les autoritĂ©s britanniques continuent dâoctroyer des terres aux Loyalistes. Parmi eux, le juge Isaac Mann voit sa demande dâobtention de terres acceptĂ©e Ă Pointe-Ă -la-Croix (incluant les prairies de foin salĂ©), ce Ă quoi sâopposent les Acadiens, ceux-ci ayant une entente avec les Mi'gmaqs pour le fauchage du foin. MalgrĂ© deux pĂ©titions, les autoritĂ©s statuent en faveur dâIsaac Mann, et jugent que les Acadiens doivent dĂ©sormais lui louer des droits dâexploitation.
Au tournant du 19e siĂšcle, la situation ne sâamĂ©liore pas; elle se dĂ©grade mĂȘme au profit dâune guerre Ă trois pour les ressources. Ă la lutte pour le foin se rajoutent les problĂšmes de surpĂȘche et dâarpentage. Edward Isaac Mann, hĂ©ritier des terres de son pĂšre Isaac, empĂȘche les Acadiens et les Miâgmaqs dâavoir accĂšs aux prairies salĂ©es, Ă©voquant une « concession de la Couronne » et le risque dâaller en prison si celle-ci est contestĂ©e. Il interdit Ă©galement aux Mi'gmaqs et aux Acadiens dâaccĂ©der aux Ăźles de la riviĂšre Ristigouche. Il y fauche le foin, qui est abondant, et le vend aux marchands de la rive sud de la baie des Chaleurs, au grand dam des Acadiens et des Mi'gmaqs. Une annĂ©e, le manque de foin les obligera Ă sacrifier 200 bĂȘtes faute de fourrage.
Les revendications des Acadiens, Miâgmaqs et Loyalistes conduisent Ă la crĂ©ation de la Commission des terres de la GaspĂ©sie en 1820. Les Mann font lâobjet de tirs groupĂ©s
de la part des Acadiens et des Mi'gmaqs, qui revendiquent les terres et lâobservance de lâaccord de 1784 pour la coupe du foin. En 1824, elles sont toutefois reconnues au fils dâEdward Isaac, Thomas Mann, avant quâune partie ne passe entre les mains de Robert Christie un peu plus tard dans lâannĂ©e. Malheureusement, la ressource se tarit graduellement bien que des commerçants continuent de faucher le foin pour une production trĂšs limitĂ©e.
Lâhistorien Jean Provencher nomme plusieurs usages historiques de cette herbe. « Lâherbe Ă bernaches sert
dâisolant pour les maisons et de litiĂšre pour les bĂȘtes. On lâutilise aussi pour rembourrer les colliers de chevaux, les siĂšges de voiture, les matelas, les paillasses et mĂȘme les sommiers disposĂ©s sous les matelas de laine. On rĂ©pĂšte dans la rĂ©gion que dormir sur de la zostĂšre guĂ©rit du rhumatisme. »2
Outre lâalimentation des bĂȘtes Ă cornes, le foin salĂ© est aussi utilisĂ© Ă des fins de rembourrage et de calfeutrage. On isole mĂȘme des maisons avec cette herbe. En 1800, lâune des plus anciennes maisons de Saint-Omer, celle de John Grant, est calfeutrĂ©e de ZostĂšre marine.
Le foin salĂ©, Ă lâinstar du foin des champs, est entreposĂ© dans des dĂ©pendances. Sur le terrain de la beurrerie de Saint-Omer, il existe Ă lâĂ©poque une grange Ă foin salĂ©, que lâon presse et envoie en Europe
pour calfeutrer les maisons. à Maria, M. Loubert possÚde une grange à foin salé attenante à la coopérative.
Un commerce de foin salĂ© est aussi recensĂ© dans la baie de CascapĂ©dia pour des fins de rembourrage. Sur le banc Laviolette Ă Saint-Omer, on rĂ©colte cette herbe quâon sĂšche et presse, avant dâen bourrer les siĂšges et de calfeutrer les maisons. Une prĂ©sence historique de lâexportation du foin salĂ© est aussi retracĂ©e Ă PaspĂ©biac vers la fin du 19e siĂšcle.
Enfin, on rĂ©colte aussi cette « mousse de mer » Ă LâIsle-Verte, au Bas-Saint-Laurent. Celle-ci est Ă la fois fauchĂ©e pour alimenter le bĂ©tail et pour la vente Ă des entreprises comme Ford qui lâutilisent pour rembourrer les siĂšges des automobiles.
Une ressource abondante? MĂȘme si une exploitation historique de la ressource est relatĂ©e, lâavenir commercial de la ressource nâest pas pour autant assurĂ©. En 1932, « la zostĂšre aurait mĂȘme commencĂ© Ă disparaĂźtre le long de la cĂŽte de lâAtlantique »3 en raison dâun champignon.
En 2002, une dizaine de zosteraies (herbiers de zostĂšre) jonchent le secteur de la MRC Avignon, notamment : dans le marais cĂŽtier de Pointe-Ă -la-Batterie; dans lâestuaire de la riviĂšre Verte et dans celui du ruisseau Kilmore Ă Maria; dans les barachois de Saint-Omer, de Miguasha, de la riviĂšre Nouvelle et de Carleton-sur-Mer; dans lâherbacĂ©e riveraine de lâanse des McKenzie Ă Escuminac, et de celles de Pointe Verte et Pointe Kilmore Ă Maria; et dans la baie de CascapĂ©dia. Cette herbe se rencontre aussi sur de nombreuses battures du SaintLaurent, dont plusieurs en GaspĂ©sie.
Aujourdâhui, le foin salĂ© existe toujours, mais les zosteraies se font plus rares. Seulement huit herbiers quĂ©bĂ©cois font lâobjet dâun suivi annuel.
Remerciements Ă la Cole Harbour Rural Heritage Society et Ă la Maison LouisBertrand qui ont mis gracieusement Ă disposition leurs photographies.
Notes
1. Le village historique acadien de la Nouvelle-Ăcosse, « Barges Ă foin salé ».
2. Jean Provencher, Les quatre saisons, « Dossier sur la mousse de mer »
3. Ibid
Scientifique, pĂ©dagogue et chroniqueuse, la Rimouskoise Marcelle Gauvreau (1907-1968) consacre son activitĂ© Ă la rĂ©colte et Ă lâĂ©tude des algues marines. De 1933 Ă 1937, « Elle parcourait les rives du Saint-Laurent tantĂŽt en bateau avec les garde-cĂŽtes ou les pĂȘcheurs, tantĂŽt pieds nus sur les grĂšves et les rochers, elle chassait les algues marines. Puis revenue Ă la ville, seule le soir dans la vieille universitĂ©, elle examinait le rĂ©sultat de ses pĂȘches pendant que les rats dĂ©molissaient murs et plafonds. »1 .
André St-Arnaud Directeur général, Cercles des Jeunes Naturalistes
Marcelle Gauvreau porte alors surtout son attention sur la distribution de ces vĂ©gĂ©taux dans la rĂ©gion gaspĂ©sienne. Elle Ă©tudie aussi la rĂ©gion de Charlevoix-Saguenay avec Claire Morin (1905-1994) et fait une saison aux Ăles-de-la-Madeleine avec Georgette Simard (1911-2001).
Une premiÚre étude collective
En 1934, le botaniste Joseph-Ămile
Jacques donne une confĂ©rence Ă lâAssociation canadienne-française pour lâavancement des sciences (Acfas) sur
quelques algues dâeau douce de la GaspĂ©sie. Le biologiste et botaniste Jules Brunel (1905-1986), qui a pris part aux premiĂšres campagnes de lâInstitut Botanique entre 1920 et 1924, se livre ensuite Ă des travaux dâalgologie dâeau douce dans la rĂ©gion de MontrĂ©al, travaux oĂč il a comme collaboratrice CĂ©cile Lanouette (19141994). En 1938, il fait un sĂ©jour au parc national des Laurentides alors que pour la saison suivante, on le trouve sur la CĂŽte-Nord, depuis Mingan jusquâĂ Blanc-Sablon, faisant dâimportantes rĂ©coltes dâalgues.
Le professeur William Randolph Taylor (1895-1990), de lâUniversitĂ© de Chicago, auteur de Marine Algae of the North-eastern coast of North America paru en 1937, a bien voulu dĂ©terminer les spĂ©cimens recueillis lors de la premiĂšre exploration, et
rĂ©viser les autres spĂ©cimens rĂ©coltĂ©s et identifiĂ©s par Marcelle Gauvreau les annĂ©es suivantes. Des notes originales sont prĂ©sentĂ©es sur le sujet lors de quatre congrĂšs de lâAcfas dans les annĂ©es 1930.
AprÚs cinq étés de recherche active
sur le terrain et une annĂ©e complĂšte Ă la rĂ©daction, un premier travail sur les algues marines quĂ©bĂ©coises est prĂ©sentĂ© par Marcelle Gauvreau, en 1939, Ă la FacultĂ© des sciences de lâUniversitĂ© de MontrĂ©al, pour lâobtention dâune maĂźtrise. Ce mĂ©moire fait dâelle la premiĂšre femme Ă obtenir une maĂźtrise en science et lui vaut le prix de lâAcfas.
Pour ce premier travail, Marcelle Gauvreau doit ses remerciements au frĂšre Marie-Victorin (1885-1944), Ă Jules Brunel, Ă Jacques Rousseau (1905-1970), botaniste au Jardin botanique de MontrĂ©al, ainsi quâĂ Rudolph Martin Anderson (18761961), zoologiste, et Ă Alf Erling Porsild (1901-1977), botaniste, qui lui ont permis de consulter lâHerbier national du Canada et de retenir, pour les Ă©tudier, de nombreux spĂ©cimens.
En 1940, le travail dactylographiĂ©, reliĂ©, ayant pour titre : Les Algues marines du QuĂ©bec, est dĂ©posĂ© Ă la bibliothĂšque de lâInstitut botanique de lâUniversitĂ© de MontrĂ©al. Une dizaine dâannĂ©es passent, durant laquelle le professeur ElzĂ©ar Campagna (1898-1987), de lâĂcole SupĂ©rieure dâAgriculture de Sainte-Anne-de-la-PocatiĂšre, rĂ©colte des algues marines en GaspĂ©sie (1938 Ă 1950), entre autres Ă Baie-des-Sables, Sainte-Flavie, Sainte-FĂ©licitĂ©, Matane, Cap-Chat, Les MĂ©chins, Marsoui, Gros-Morne, RiviĂšre-Madeleine, Mont-Louis, RiviĂšre-au-Renard, LâAnse-au-Griffon, Grande-RiviĂšre, Cap-dâEspoir et Chandler. Ces herborisations apportent un complĂ©ment intĂ©ressant aux recherches dĂ©jĂ effectuĂ©es par Marcelle Gauvreau.
En juillet 1950, un groupe dâune quarantaine dâĂ©tudiants·es, constituĂ© en majeure partie de personnes vouĂ©es Ă lâenseignement des sciences naturelles, se rend Ă la Station de biologie de GrandeRiviĂšre, en GaspĂ©sie, pour y suivre des cours de biologie marine organisĂ©e par les Cercles des Jeunes Naturalistes, en collaboration avec le ministĂšre de la Jeunesse et du Bien-Ătre social et le personnel
attachĂ© Ă la Station de biologie. ElzĂ©ar Campagna y donne les cours dâalgologie et organise de nombreuses excursions.
SoulevĂ© par le dynamisme de leur professeur, le groupe rĂ©clame la publication de lâouvrage-manuscrit qui sert Ă identifier leurs rĂ©coltes : Les algues marines du QuĂ©bec. Ă cette fin et sur la recommandation de Jacques Rousseau et de Jules Labarre (1904-2001), professeur Ă la facultĂ©
VOYEZ DIVERS CROQUIS DâALGUES RĂALISĂS PAR EUGĂNIE LALONDE RANGER
de pharmacie de lâUniversitĂ© de MontrĂ©al, lâOffice provincial des recherches scientifiques du QuĂ©bec et le DĂ©partement des pĂȘcheries accordent un octroi de 1 400 $ pour une publication lâannĂ©e suivante. Ainsi, Marcelle Gauvreau sâest remise Ă lâĆuvre pour rĂ©organiser la ïŹore algologique du QuĂ©bec, Ă©tudier de nouveau ses rĂ©coltes et celles qui lui ont Ă©tĂ© soumises par Campagna et par diffĂ©rents collectionneurs et collectionneuses, en noter les diverses localitĂ©s et, de plus, agrandir le cadre de distribution en consultant les publications les plus importantes parues depuis 1940. Le travail est ainsi considĂ©rablement augmentĂ©.
Tous les spĂ©cimens dâherbier sont vus, notĂ©s et Ă©tudiĂ©s par Marcelle Gauvreau. Pour Grande-RiviĂšre et les localitĂ©s environnantes, ElzĂ©ar Campagna et les frĂšres Sylvio (Albert Legault, 1919-2011), Samuel (Samuel Brisson, 1918-1982) et Claude (Marcel CĂŽtĂ©, 1916-2004) des frĂšres des Ăcoles chrĂ©tiennes Ă Mont-Saint-Louis et MontrĂ©al possĂšdent toutes les espĂšces reprĂ©sentatives de la rĂ©gion gaspĂ©sienne. Des duplicatas de tous les spĂ©cimens rĂ©coltĂ©s sont demeurĂ©s Ă lâUniversitĂ© du Michigan. Les autres sont offerts Ă lâHerbier Marie-Victorin au Jardin botanique de MontrĂ©al.
Puis, enfin, vient la publication en 1956 du premier livre sur les algues, sous les auspices du Jardin botanique de MontrĂ©al. Malheureusement, pour des raisons dâordre financier, il est impossible de publier intĂ©gralement le texte de Marcelle Gauvreau ni de reproduire toutes ses
illustrations. Le Jardin botanique doit gĂ©nĂ©raliser la distribution gĂ©ographique et omettre les longues listes de spĂ©cimens quâelle a Ă©tudiĂ©s. Sâil y perd sur certains points, lâouvrage y gagne peut-ĂȘtre sur dâautres. Ce livre est appelĂ© Ă ĂȘtre la base de toutes les Ă©tudes futures.
Remerciements aux Archives de l'UQAM qui ont mis gracieusement Ă disposition leur photographie.
Note
1. Le Grand QuĂ©bec, « Promotion de la femme » Extrait d'un croquis dâalgues et dâherbes marines provenant dâun herbier constituĂ© par EugĂ©nie Lalonde Ranger, vers 1950. MusĂ©e de la GaspĂ©sie. Don dâEugĂ©nie Lalonde Ranger Couverture de la publication Les algues marines du QuĂ©bec, Jardin botanique de MontrĂ©al, 1956. Collection AndrĂ© St-ArnaudNĂ©e en 1851, Anna Lois Dawson est la fille aĂźnĂ©e du rĂ©putĂ© gĂ©ologue et palĂ©obotaniste John William Dawson (1820-1899) qui est professeur et recteur de lâUniversitĂ© McGill. Anna apprend le dessin lors de ses Ă©tudes. Le dessin et lâaquarelle font partie des arts enseignĂ©s aux femmes dans le cadre de leur Ă©ducation pour devenir de « bonnes et heureuses Ă©pouses ». Talentueuse, elle remporte un premier prix juste avant dâĂȘtre diplĂŽmĂ©e Ă lâEstablishment for the Education of Young Ladies Ă MontrĂ©al en 1867. Elle poursuit sa formation artistique en 1873 Ă Toronto alors que sa famille y sĂ©journe.
William Dawson est un auteur prolifique, signant plus de 300 articles scientifiques au cours de sa longue carriĂšre Ă McGill. Plusieurs dâentre eux sont illustrĂ©s par des dessins dâAnna, portant lâabrĂ©viation « ALD »
pour « Anna Lois Dawson ». Combien de plus sont le fruit de son travail sans que le crĂ©dit lui soit accordĂ©? Ses Ćuvres sont tout de mĂȘme exposĂ©es Ă quelques occasions, incluant au Royal Canadian Academy of the Arts Ă MontrĂ©al en 1882 oĂč deux de ses aquarelles sont prĂ©sentĂ©es. Son travail suscite lâĂ©loge du critique dâart du Daily Witness et de la Gazette
Un corpus impressionnant
La trĂšs grande partie de son travail est rĂ©alisĂ© Ă MĂ©tis-sur-Mer oĂč sa famille possĂšde une rĂ©sidence dâĂ©tĂ©. Une fois mariĂ©e Ă Bernard James Harrington, professeur de chimie Ă lâUniversitĂ© McGill, Anna continue dây passer ses Ă©tĂ©s avec ses neuf enfants puisque le couple est propriĂ©taire de la maison voisine de celle des Dawson. Elle y produit de nombreux croquis et aquarelles, principalement
liĂ©s Ă la nature. Son travail comprend Ă©galement des scĂšnes du lac George, du Bas-Saint-Laurent et de MontrĂ©al. Peu reconnue et mĂȘme peu mentionnĂ©e de son vivant, Anna Lois Dawson Harrington dĂ©cĂšde en 1917 et laisse un corpus important dâĆuvres, dont environ 200 aquarelles qui sont aujourdâhui conservĂ©es au MusĂ©e McCord Stewart.
Lâexposition Anna Lois Dawson Harrington (1851-1917) sera prĂ©sentĂ©e aux Jardins de MĂ©tis en 2024.
Remerciements Ă Alexander Reford, directeur des Jardins de MĂ©tis, et Ă HĂ©lĂšne Samson, commissaire de lâexposition, pour leur prĂ©cieuse collaboration.
Remerciements au MusĂ©e McCord Stewart qui ont mis gracieusement Ă disposition les Ćuvres de leurs collections.
1. Anna Lois Dawson Harrington, Todies, Little Metis, aquarelle sur papier, 17,9 x 24,3 cm, 1899. Don de Mrs. Donald Byers, Musée McCord Stewart, M982.579.70
2. ALD (pour Anna Lois Dawson), Calamites, Ferns, & C., lithographie, 51,1 x 35,6 cm, vers 1872. Ces croquis de plantes fossiles et de fougÚres illustrent un ouvrage sur la géologie de J. W. Dawson.
Don de Mrs. Donald Byers, Musée McCord Stewart, M982.586.1.2
3. Anna Lois Dawson Harrington, Vegetation of the Devonian period, vers 1870. Cette Ćuvre non signĂ©e illustre la ïŹore prĂ©sente durant la pĂ©riode dĂ©vonienne dans une publication de J. W. Dawson.
Illustration tirée de : John William Dawson, Geological history of plants, New York, D. Appelton and company, 1888, p. 49.
4. Anna Lois Dawson Harrington, Ladiesâ Slippers, Metis, aquarelle sur papier, 26,8 x 20,1 cm, 1883. Il sâagit de CypripĂšdes royaux. Don de Mrs. Donald N. Byers, MusĂ©e McCord Stewart, M982.579.93
5. Anna Lois Dawson Harrington, Little Metis, aquarelle sur papier, 24,2 x 17,1 cm, 1883. Cette aquarelle représente trois de ses enfants récoltant des plantes dans le bois prÚs de leur résidence à Métis-sur-Mer.
Don de Mrs. Donald N. Byers, Musée McCord Stewart, M982.579.12
6. William Notman, Miss Anna Lois Dawson, Montréal, négatif sur verre inversé, 17,8 x 12,7 cm, 1871.
Musée McCord Stewart, I-61215
Habitat Honguedo inc. est une entreprise de gestion immobiliÚre fondée en 1975. Le nom de la compagnie, inspiré de la langue des Autochtones, signifie « lieu de rassemblement ».
Lâentreprise est créée par quatre anciens professeurs du CĂ©gep de la GaspĂ©sie et des Ăles : messieurs Jean Lamy, Roger Denis, Joseph Le Moignan et Jean-Paul Roussy. Ces associĂ©s, dĂ©jĂ en affaire en 1974 par lâacquisition de lâhĂŽtel Baker, souhaitent dĂ©velopper davantage le domaine de lâimmobilier Ă GaspĂ©.
En 1975, Habitat Honguedo inc. fait lâachat dâune subdivision dâun terrain et des bĂątiments qui appartiennent Ă lâhĂŽtel Baker ltĂ©e. Les bĂątiments sont dĂ©mĂ©nagĂ©s rue Baker et convertis en logements. Câest ce qui permet, en 1976, de disposer dâun grand terrain pour la construction de la premiĂšre phase de lâimmeuble de bureaux Pierre-Fortin. LĂ encore, lâhistoire est une source dâinspiration pour les actionnaires qui, en donnant au lieu le nom de Pierre Fortin, veulent rendre hommage Ă un personnage plus grand que nature.
Pendant les premiĂšres annĂ©es, les associĂ©s accomplissent, en mĂȘme temps, leurs tĂąches professorales et lâadministration de la compagnie. En 1988 toutefois, vu lâampleur du travail et quelques difficultĂ©s administratives et financiĂšres, Jean-Paul Roussy quitte son emploi au CĂ©gep pour devenir directeur gĂ©nĂ©ral, Ă temps plein, de lâentreprise.
DĂšs son entrĂ©e en fonction, le nouveau d.g. Ă©tablit un plan de redressement financier. En 1989, pour rĂ©pondre Ă la demande, on procĂšde Ă un agrandissement de lâĂ©difice Ă bureaux de 12 000 pieds2 , portant lâoffre totale dâespaces locatifs Ă 23 365 pieds2
PrĂšs de 40 ans plus tard, en 2015, Habitat Honguedo inc. a besoin dâun nouvel Ă©lan pour son dĂ©veloppement. Câest Ă ce moment que monsieur François Roussy entre en scĂšne en tant que directeur gĂ©nĂ©ral. Deux ans plus tard, les associĂ©s dĂ©cident de
Pierre Fortin a Ă©tĂ©, entre autres, mĂ©decin volontaire Ă Grosse-Ăle lors de l'Ă©pidĂ©mie de typhus en 1847 et en 1848, commandant d'un escadron de cavalerie lors des Ă©meutes Ă MontrĂ©al en 1849, magistrat chargĂ© de l'application des lois sur les pĂȘcheries pour le Bas-du-Fleuve et les cĂŽtes du golfe du Saint-Laurent de 1852 Ă 1867, commandant des goĂ©lettes La Canadienne et NapolĂ©on III ainsi que dĂ©putĂ© Ă©lu sans opposition, deux mandats de suite, pour le parti conservateur dans GaspĂ© Ă l'AssemblĂ©e lĂ©gislative et Ă la Chambre des communes en 1867 et en 1872.
passer le flambeau et lui vendent leurs actions. Il devient alors prĂ©sident-directeur gĂ©nĂ©ral et vient assurer la relĂšve dâHabitat Honguedo inc.
Encore aujourdâhui, lâentreprise demeure Ă lâĂ©coute de sa clientĂšle et des besoins du marchĂ©. Câest pourquoi elle continue dâoffrir une variĂ©tĂ© de services tels que la location dâespaces de bureaux avec salles de repos et de rĂ©union ainsi que 26 appartements locatifs, de diffĂ©rentes grandeurs. De plus, lâacquisition de nouveaux terrains, au cours des derniĂšres annĂ©es, permettra le dĂ©veloppement des affaires pour assurer lâavenir de cette entreprise qui cĂ©lĂšbrera un demi-siĂšcle dâactivitĂ© en 2025!
Les champignons et la ïŹore sauvages font bonne figure au sein du terroir botanique gaspĂ©sien; ce dernier est un vĂ©ritable laboratoire Ă ciel ouvert pour la distillerie. Effectivement, on peut penser au Puddingstone nĂ©cessitant des lactaires dâĂ©rable afin de donner un goĂ»t sucrĂ© Ă la crĂšme ou encore au lichen et aux feuilles de framboisiers qui donnent les caractĂ©ristiques uniques Ă lâamaretto Dartmouth.
Au dĂ©part, lâidĂ©e du gin aux champignons est nĂ©e dans la tĂȘte du jeune co-propriĂ©taire Michael Briand. Alors quâil sâaffairait dans la cour arriĂšre de sa maison, situĂ©e Ă lâĂ©poque Ă Douglastown, il sâest demandĂ© comment valoriser cette
Ă GaspĂ©, le gin Radoune est sans doute un des produits de consommation courants le plus facilement associĂ© aux champignons. La distillerie OâDwyer, qui le produit depuis 2016, a relevĂ© le dĂ©fi de mettre la richesse mycologique de la GaspĂ©sie en bouteille.
FrĂ©dĂ©ric Jacques Co-fondateur, distillerie OâDwyer
manne qui poussait librement au mois de septembre, « comme des champignons! ». Câest lorsque jâai commentĂ© une de ses publications sur les rĂ©seaux sociaux que Michael a dĂ©couvert mon existence. Ătant donnĂ© mon expĂ©rience en recherche dans le domaine de la chimie organique, le projet mâa rapidement sĂ©duit. Je travaillais depuis plusieurs annĂ©es sur un gin aux algues, donc je maĂźtrisais dĂ©jĂ bien lâart de la distillation et ainsi, nous partions sur une base solide.
Afin de sâassurer dâobtenir un produit de qualitĂ©, nous avons contactĂ© GaspĂ©sie Sauvage, qui rĂ©colte des produits sauvages dans leurs milieux naturels, pour quâils nous fournissent en champignons locaux. Pour diffĂ©rentes raisons organoleptiques, notre choix sâest arrĂȘtĂ© sur lâarmillaire de miel, la chanterelle en tube et Ă©videmment, la chanterelle commune. AprĂšs des mois de dur labeur, ensemble, nous avons créé la Radoune, dont le nom est une dĂ©-
formation de « Au-Ras-des-Dunes » reprĂ©sentant la riviĂšre Morris lovĂ©e au creux de la vallĂ©e situĂ©e entre RiviĂšre-au-Renard et GaspĂ©. Premier gin Ă base de champignons, ce spiritueux reconnu fait rayonner la ïŹore de chez nous partout au QuĂ©bec et mĂȘme en Europe.
La famine liĂ©e Ă la pomme de terre en Irlande entre 1845 et 1849 a tuĂ© des millions de personnes et a reçu le nom de « grande noirceur ». La cause de la famine est un champignon nommĂ© « blight » (ou mildiou) qui a infectĂ© la pomme de terre. Cela a forcĂ© des milliers dâIrlandais Ă trouver refuge ailleurs et certains ont trouvĂ© leur foyer en GaspĂ©sie.
En hommage Ă cette partie de lâhistoire, nous avons appelĂ© la distillerie OâDwyer : « O » signifiant « descendant de » et « Dwyer » signifiant « noirceur » en gaĂ©lique. Câest aussi la raison pour laquelle nous mettons des champignons dans la majoritĂ© de nos produits.
Le jardin potager fait partie de notre paysage. Son histoire est millĂ©naire et continue de nourrir la flore et la mĂ©moire mondiale. Dans sa dĂ©finition du patrimoine naturel, lâOrganisation des Nations Unies pour lâĂ©ducation, la science et la culture (UNESCO) inclut dâailleurs le concept de jardin. PrĂšs de nous, le jardin potager de Mme Rose Ă Bonaventure est cultivĂ© depuis plus de 130 ans et constitue un patrimoine acadien qui mĂ©rite que nous nous y attardions.
André BabinPropriétaire de la maison et du jardin de Mme Rose à Bonaventure
Laurie BeaudoinDâabord, voyons rapidement la dĂ©finition des mots « jardin » et « potager ». Le jardin est un lieu oĂč on cultive de façon ordonnĂ©e des plantes domestiquĂ©es. Le potager est, quant Ă lui,
un jardin ou une partie de jardin oĂč se pratique la culture de plantes comestibles. En rĂšgle gĂ©nĂ©rale, tout jardin possĂšde un potager, mĂȘme les plus cĂ©lĂšbres comme les jardins de Versailles.
Le jardin de Mme Rose Lors de lâexposition Maisons mĂ©moire : La maison de Mme Rose prĂ©sentĂ©e en 2021 au MusĂ©e acadien du QuĂ©bec Ă Bonaventure, nous avons dĂ©sirĂ© souligner lâimportance
de ce patrimoine. Le projet Maisons mĂ©moire sâoriente dâabord sur le patrimoine bĂąti. Son but est de transmettre lâhistoire dâune maison par des objets et des souvenirs afin de faire connaĂźtre et estimer la richesse et la diversitĂ© du patrimoine bĂąti acadien au QuĂ©bec, mais aussi sensibiliser les publics Ă sa conservation.
En collectant les rĂ©cits de mĂ©moire pour lâexposition, il est devenu clair que lâhistoire de la maison de Mme Rose est indissociablement liĂ©e Ă celle de son jardin. La culture du potager par cinq gĂ©nĂ©rations est un incroyable exemple de pratique alimentaire par des familles acadiennes de notre territoire.
Comment nos fruits et légumes favoris sont-ils arrivés dans nos jardins?
Le jardin potager est une forme agricole domestique qui joue un rĂŽle majeur dans lâacclimatation et le dĂ©veloppement de diffĂ©rentes espĂšces vĂ©gĂ©tales. En effet, le potager est un lieu oĂč nous testons et adaptons les plantes destinĂ©es Ă la consommation. Câest aussi la forme dâagriculture la plus rĂ©pandue.
Pensons Ă lâincroyable ingĂ©niositĂ© de la technique ancestrale de culture des trois sĆurs (maĂŻs, courge et haricot) dĂ©veloppĂ©e par les Mayas et
Ă©tendue Ă une bonne part de lâAmĂ©rique du Nord, notamment chez les Iroquoiens du Saint-Laurent; ou encore aux spĂ©cialitĂ©s italiennes que nous devons Ă la « tomatl », nom aztĂšque donnĂ© au fruit originaire dâAmĂ©rique centrale. Si Ă une certaine Ă©poque la tomate a provoquĂ© mĂ©fiance et dĂ©goĂ»t, elle est depuis la fin du 19e siĂšcle un symbole de la cuisine italienne et cette rĂ©volution, nous la devons dâabord Ă sa culture potagĂšre.
DĂšs leur arrivĂ©e en AmĂ©rique, les colons français sâintĂ©ressent aux ressources locales. Les racines de la cuisine acadienne se trouvent dâailleurs dans la relation entre les Acadiens, les Miâgmaqs, la ïŹore et leur territoire maritime dâaccueil.
Si lâutilisation des espĂšces indigĂšnes comme la courge et le haricot est dâabord timide dans le potager des Acadiennes et des Acadiens, lâimpact demeure durable. La culture culinaire acadienne, avec son fricot Ă base de pomme de terre, ses fayots et sa salade de passe-pierre (nom acadien donnĂ© Ă la salicorne, aussi appelĂ©e plantain maritime), tĂ©moigne de cette relation entre les peuples et leur territoire. De bien des façons, lâalimentation est utilisĂ©e afin de communiquer une appartenance identitaire Ă lâAcadie et permet symboliquement de rattacher le passĂ© au prĂ©sent.
En 1979, lorsquâil achĂšte la maison de Rose Bujold avec sa conjointe Diane Arsenault, AndrĂ© Babin sâintĂ©resse immĂ©diatement au jardin. Cette aventure dĂ©bute Ă leur retour en rĂ©gion gaspĂ©sienne au moment oĂč ils cherchent Ă acheter une premiĂšre propriĂ©tĂ©. Ils parlent alors avec les gens de leur entourage puisque les propriĂ©tĂ©s sont rares sur le marchĂ© immobilier de lâĂ©poque, tout comme celui dâaujourdâhui.
Câest la mĂšre dâAndrĂ©, ThĂ©rĂšse Poirier, qui leur rapporte en premier une potentielle mise en vente. Elle
leur dit : « jâai jouĂ© aux cartes avec des amies hier soir et lâune dâelles, Rose Bujold, pense bientĂŽt vendre sa maison ». Il nâen faut pas plus pour organiser une rencontre chez elle, au 216 route Henry Ă Bonaventure, Ă quelques jours de NoĂ«l 1978. Le coup de cĆur est instantanĂ©. Un avant-midi Ă boire du thĂ©, manger des galettes et discuter, et elle accepte de leur vendre la maison Ă une condition, celle dây vivre encore un an. La vente est conclue.
Qui est Mme Rose Bujold?
NĂ©e en 1920 dans le secteur de Cullenâs Brook Ă Bonaventure, elle Ă©pouse vers 1940 Stanislas Poirier (1903-1971) et emmĂ©nage dans la maison familiale de son Ă©poux. Construite vers 1890, la maison se situe Ă quelques centaines de mĂštres de la maison de son enfance. AprĂšs ses noces, elle habite avec son mari, les parents, une tante et les frĂšres et sĆurs de ce dernier. Mme Rose rapporte quâil y a un temps oĂč 18 personnes vivaient dans la maison. Le couple nâaura quâun seul enfant, une fille, Alida Poirier (1942-2008).
Rose, comme bien des femmes de son Ă©poque, est de toutes les besognes. Elle sâoccupe Ă la ferme,
au poulailler, Ă la porcherie, au jardin potager et aux ruches. De plus, Rose voit au bon fonctionnement du couvoir coopĂ©ratif de Bonaventure dont Stanislas est le gĂ©rant. Plusieurs habitants·es du secteur se souviennent Ă©galement dâelle comme sage-femme et habilleuse pour les mariages. AprĂšs la fermeture du couvoir, ils achĂštent le magasin gĂ©nĂ©ral situĂ© au coin des routes Henry et Saint-Georges. Celui-ci est en service jusquâau dĂ©cĂšs de Stanislas, en 1971, aprĂšs quoi Mme Rose prend sa retraite. Au moment dâĂ©crire ces lignes, Mme Rose, Ă 102 ans, et habite le Centre dâhĂ©bergement de soins de longue durĂ©e (CHSLD) de Maria.
Cultiver un jardin centenaire
Lorsquâil acquiert la maison presque centenaire de Mme Rose, AndrĂ© prend conscience du grand jardin avec ses plantes vivaces qui ont traversĂ© plusieurs gĂ©nĂ©rations et de lâhistoire de la propriĂ©tĂ© qui sâĂ©tend au-delĂ de ses murs. Ă leur prise de possession, le jardin est cultivĂ© depuis plus de 80 ans au mĂȘme endroit, sans interruption. AndrĂ© et Diane dĂ©cident de poursuivre la conservation de ce patrimoine dâexception.
« Nous avons grandi avec lâinïŹuence de plusieurs personnes et de leurs jardins. De mon cĂŽtĂ©, ce fut celui de ma grand-mĂšre Alma avec ses rangĂ©es de lĂ©gumes et de ïŹeurs, du champ de patate de mon grand-pĂšre Alexis et finalement dans le jardin de ma mĂšre. Pour Diane, celui de ses parents producteurs maraĂźchers. Le jardin que nous a lĂ©guĂ© Mme Rose
nous a aussi inïŹuencĂ©s Ă reprendre le ïŹambeau. Nous formions une belle Ă©quipe pour prendre soin de ce coin de pays avec une belle terre fertile » raconte AndrĂ© Babin.
Pour AndrĂ©, ses racines familiales et acadiennes ont inïŹuencĂ© sa pratique de jardinage. La continuitĂ© de ce patrimoine lui procure une alimentation saine, de proximitĂ© et de fraĂźcheur, mais aussi un grand divertissement. « Du temps de mon enfance, nous attendions le vendeur de semences qui passait de village en village. Pour mes grands-parents, lâimportant Ă©tait dâavoir beaucoup de pomme de terre, de lĂ©gumes frais et de lĂ©gumes de conserve sans oublier les petits fruits sauvages pour les confitures. Aujourdâhui, nos jardins accueillent de nombreuses variĂ©tĂ©s grĂące aux catalogues et Ă Internet. Les techniques aussi sont diffĂ©rentes. Jâai plaisir de voir et de participer Ă cette Ă©volution. »
Le tĂ©lĂ©roman Lâombre de lâĂ©pervier connaĂźt un vif succĂšs lors de sa diffusion en 1998 et en 2000, particuliĂšrement en GaspĂ©sie puisque lâhistoire sây dĂ©roule. Les tournages extĂ©rieurs sont filmĂ©s au parc national Forillon. De nombreuses personnes du coin y collaborent de diverses maniĂšres. On pense bien sĂ»r aux figurants·es, mais plus surprenant, lâun dâeux se voit confier la tĂąche de crĂ©er des jardins potagers fidĂšles Ă ceux des familles gaspĂ©siennes dans les annĂ©es 1920, Ă©poque oĂč se dĂ©roule lâintrigue.
Horticulteur et rĂ©sident de LâAnse-au-Griffon
Rédigé par Marie-Josée Lemaire-Caplette Rédactrice en chef
Pour Allen Synnott, lâaventure commence Ă lâautomne 1996 alors quâil est envisagĂ© de tourner les scĂšnes du tĂ©lĂ©roman sur son terrain et sur celui de son voisin Ă LâAnse-au-Griffon. Câest Ă ce moment-lĂ quâil rencontre lâĂ©quipe de tournage et quâil parcourt avec eux lâespace. Le projet tombe finalement Ă lâeau puisque le secteur de Grande-Grave sera
choisi comme lieu. Toutefois, ce nâest que le dĂ©but de lâaventure pour M. Synnott! Le 23 juin 1997, Allen reçoit un coup de fil du responsable des dĂ©cors extĂ©rieurs qui a remarquĂ© lâimposant potager de M. Synnott sur son terrain lors de sa visite. La demande est simple de prime abord : concevoir deux potagers dâantan avec des rĂ©coltes « à terme ».
Avant de lui accorder officiellement le contrat, le responsable lui demande un croquis du grand potager qui fera environ 30 pieds (9 mÚtres) de large par 40 pieds (12 mÚtres) de long. Tout de suite, Allen pense à sa grand-mÚre Rosanne Sylvestre (1905-1996) qui était une excellente jardiniÚre et une cuisiniÚre hors pair. Ayant eu 19 enfants, elle pouvait compter
sur le potager qui fournissait les lĂ©gumes pour que toute la famille ait le ventre bien plein. Cette derniĂšre Ă©tant rĂ©cemment dĂ©cĂ©dĂ©e, il demande Ă sa mĂšre CĂ©cile CĂŽtĂ© de dessiner le croquis. Cette derniĂšre a hĂ©ritĂ© du pouce vert, mais surtout des connaissances de sa mĂšre en matiĂšre de jardinage. Le croquis est immĂ©diatement acceptĂ©, mais la demande se complexifie Ă lâannonce de lâĂ©chĂ©ance : tout doit ĂȘtre en place pour le 8 aoĂ»t, ce qui laisse environ un mois et demi!
De la semence au potager Allen Synnott possĂšde les Serres Synnott de 1989 Ă 2017. Il dĂ©tient un diplĂŽme de lâInstitut de technologie agroalimentaire du QuĂ©bec en horticulture ornementale, en plus dâavoir suivi diverses formations comme producteur de serres. Mais pour lui, le plus important est le savoir des Anciens. Allen possĂšde donc lâexpertise pour rĂ©aliser ces
potagers, le défi est le temps.
Ne disant jamais non, Allen Synnott se met en mode dĂ©brouillardise. Nous sommes Ă la fin juin, tout a Ă©tĂ© vendu et les serres sont vides. QuâĂ cela ne tienne, on repart des semis et on fait pousser les lĂ©gumes en serres pour accĂ©lĂ©rer leur croissance. Carottes, tomates, rutabagas, pommes de terre, fĂšves, etc., sont ainsi plantĂ©s. On fait preuve dâingĂ©niositĂ©, par exemple, les choux poussent dans des pots dâun gallon afin dâarriver Ă maturitĂ©.
AprĂšs un dĂ©lai dâune petite semaine supplĂ©mentaire, le grand jour arrive et la plantation en terre a lieu le 16 aoĂ»t 1997. Ăa demande une grosse journĂ©e de travail de transplanter tous les lĂ©gumes en rangs bien droits. Lâentretien et lâarrosage seront assurĂ©s par lâĂ©quipe de tournage. Celle-ci en profite aussi pour piger dans le potager et se rĂ©galer des lĂ©gumes. Ă la fin du projet, il en reste toutefois beaucoup et câest lâorganisme Blanche-Goulet qui se voit remettre la rĂ©colte.
Conseiller en tous genres
LâĂ©quipe de tournage nâhĂ©site pas Ă consulter Allen Synnott lorsquâelle se bute Ă des obstacles en tous genres. Allen se souvient entre autres que le gazon, alors bien jaune, doit devenir vert pour « avant hier ». Il se retrouve donc Ă peindre le gazon avec un produit spĂ©cial sans danger pour la nature, en plus dâĂ©tendre du sulfate de fer qui fait verdir lâherbe.
Les scĂšnes intĂ©rieures sont tournĂ©es Ă MontrĂ©al; on y voit des arbres matures par les fenĂȘtres. Lors du tournage extĂ©rieur, on remarque
quâil nây a aucun arbre devant les maisons. On demande alors Ă M. Synnott rien de moins que dâen planter! Allen part ainsi en tracteur sur sa terre Ă bois et dĂ©racine des bouleaux quâil met en pot. Le lendemain matin, ils sont tous morts. Il recommence avec dâautres essences, sans succĂšs. Puis, il a une idĂ©e! Il va chez ses parents qui possĂšdent des pruniers importĂ©s par Blanche Bernard, une voisine, de la baie des Chaleurs. Les pruniers rĂ©sistent et Allen fournit donc 15 de ces arbres en pot. Un seul sera finalement utilisĂ©.
Ces anecdotes illustrent les dĂ©fis occasionnĂ©s par le tournage et lâingĂ©niositĂ© des gens en coulisses pour les relever. Toujours aussi passionnĂ©, Allen Synnott se remĂ©more ses moments avec plaisir, mais câest surtout le souvenir du savoir transmis par sa grand-mĂšre et sa mĂšre qui le rend fier et lui met le sourire aux lĂšvres.
Elsie Reford (1872-1967) est surtout reconnue pour avoir façonnĂ© un domaine horticole aux portes de la GaspĂ©sie; ses jardins auront 100 ans en 2026. Ă la suite de leur ouverture au public le 24 juin 1962, les Jardins de MĂ©tis sont devenus avec le temps un des fleurons de la rĂ©gion et un de ses attraits les plus frĂ©quentĂ©s. Câest le premier investissement majeur du gouvernement Lesage pour crĂ©er des pĂŽles dâattraction sur la route touristique de la GaspĂ©sie.
Au moment de son ouverture en 1962, on vante le Domaine Reford (le site porte le nom de Jardins de MĂ©tis seulement depuis 1978) et sa collection de « plantes ornementales ». Aujourdâhui, les spĂ©cialistes en horticulture divisent les plantes entre plantes exotiques et plantes indigĂšnes. Et le plus souvent, on ajoute deux autres catĂ©gories, soit les plantes naturalisĂ©es et les plantes envahissantes. Les plantes naturalisĂ©es sont des plantes exotiques qui se reproduisent naturellement dans leur nouvel environnement, comme le Rosa rugosa ou la Marguerite blanche.
Les plantes exotiques envahissantes modifient lâĂ©cosystĂšme naturel, comme lâĂrable de NorvĂšge, la Berce de Caucase ou le Phragmite, et font partie de celles contre lesquelles on lutte pour les enlever ou les contrĂŽler.
La valorisation des plantes indigĂšnes du QuĂ©bec prend de lâampleur aprĂšs quâElsie a quittĂ© la scĂšne. Les guides Fleurbec commencent Ă se promener dans les mains des randonneuses et randonneurs, et des botanistes Ă partir de 1975, en initiant plusieurs Ă la reconnaissance des plantes indigĂšnes autour de nous. OĂč se situe donc Elsie
Reford dans la culture et la mise en valeur des plantes indigĂšnes de la vallĂ©e du Saint-Laurent? Autodidacte, elle commence son jardin Ă lâĂ©té 1926. Lâhistoire familiale raconte quâElsie, alors atteinte dâune appendicite, doit laisser de cĂŽtĂ© pour lâĂ©tĂ© sa vraie passion, la pĂȘche au saumon. Le jardinage est conseillĂ© par son mĂ©decin; une activitĂ© plus sereine pour une femme « fragile » en rĂ©cupĂ©ration de chirurgie. Elle a alors passĂ© le cap des 54 ans.
32Â ans de passion
Elsie Reford commence son travail de jardiniĂšre. Elle arrĂȘte seulement Ă la fin de lâĂ©té 1958, Ă lâĂąge de 86 ans. Tous les jours, ou presque, de mai Ă octobre, pendant 32 ans, ses carnets de notes tĂ©moignent de son amour pour le jardinage et de son intĂ©rĂȘt pour les plantes et leur rendement Ă Grand-MĂ©tis. Elle rĂ©ussit Ă implanter et Ă cultiver sur son domaine des dizaines dâespĂšces exotiques, la plus remarquĂ©e Ă©tant le pavot bleu provenant de lâHimalaya. Bien avant lâapparition des cartes de zones de rusticitĂ© des plantes dâAgriculture Canada, son jardin est un champ dâessai. « Trial and error » (essaierreur) est son guide. Son portefeuille et sa patience lâaident Ă implanter des espĂšces rares (et coĂ»teuses) pour voir leur capacitĂ© Ă rĂ©sister au climat du bord du ïŹeuve
Saint-Laurent. Subissant un Ă©chec une annĂ©e, on change telle plante de place (de mĂȘme que de sol et de fertilisant) lâannĂ©e suivante. Elle cumule les Ă©checs, mais ses rĂ©ussites sont nombreuses.
DĂšs la fin des annĂ©es 1930, elle commence Ă partager ses succĂšs avec les plantes dans des articles quâelle Ă©crit pour des revues spĂ©cialisĂ©es publiĂ©es au Royaume-Uni et aux Ătats-Unis, notamment ceux de la SociĂ©tĂ© royale dâhorticulture de
Londres et de la North American Lily Society.
Le défi des plantes exotiques
Elles aussi jugĂ©es « fragiles », les plantes exotiques sont devenues pour elle un dĂ©fi horticole sans pareil. Et malgrĂ© la qualitĂ© de ses jardiniers, elle vante surtout le climat comme lâalliĂ© naturel le plus aidant, car la neige hĂątive lâhiver ainsi que la fraĂźcheur et lâhumiditĂ© lâĂ©tĂ© offrent aux plantes exotiques les conditions idĂ©ales pour favoriser leur acclimatation dans un Ă©cosystĂšme fort diffĂ©rent de leur habitat naturel. On calcule environ 3 500 espĂšces, variĂ©tĂ©s et cultivars dans sa collection, une collection qui a peu dâĂ©quivalent au Canada dans les annĂ©es 1930, Ă lâexception du Jardin botanique de MontrĂ©al, des Jardins Burlington en Ontario et des jardins de Jennie Butchart Ă Brentwood Bay, prĂšs de Victoria en Colombie-Britannique. MĂȘme si le vocabulaire distingue la plante exotique de lâindigĂšne, pour le jardinier ce clivage nâest pas important. Elsie Reford est plutĂŽt motivĂ©e par le dĂ©sir de pouvoir offrir une ïŹoraison sur une saison entiĂšre. Le jardin est une piĂšce de théùtre, il y a des vedettes horticoles et plusieurs acteurs dans un second rĂŽle. On
parle de plus en plus de « scĂ©nographie horticole », reconnaissant que le jardin et ses plantes sont un ensemble et que la jardiniĂšre ou le jardinier est Ă la fois auteur, chorĂ©graphe, metteur en scĂšne et technicien. Les plantes indigĂšnes et exotiques sont utilisĂ©es pour leur force et leur beautĂ©, de mĂȘme que les plantes annuelles sont incorporĂ©es pour ajouter couleurs de ïŹoraison ou de feuillage, hauteur ou parfum. LâamĂ©nagement de son jardin est aussi inspirĂ© des principes et exemples du « wild gardening » ou jardinage sauvage, un mouvement nĂ© en Angleterre Ă la fin du 19e siĂšcle, sous lâinïŹuence du jardinier et Ă©crivain irlandais William Robinson, auteur du livre The Wild Garden (1870). Ce mouvement favorise lâintĂ©gration des plantes indigĂšnes et exotiques.
Les plantes indigĂšnes sont importantes aux yeux dâElsie Reford. Au dĂ©but, elles jouent un rĂŽle secondaire. Avec le temps, elle apprend que certaines plantes dâici sont essentielles. Par exemple, bien avant que les recherches des derniĂšres dĂ©cennies Ă©tablissent le rĂŽle et la relation entre les arbres et les mycorhizes dans la croissance des racines des plantes, elle lutte pour prĂ©server les arbres. Les Ă©pinettes, mĂ©lĂšzes, cĂšdres, bouleaux, peupliers et sorbiers ne sont pas coupĂ©s, mais plutĂŽt prĂ©servĂ©s pour offrir une protection aux plates-bandes et espĂšces qui poussent Ă leurs pieds. Leur forme et leur Ă©cran vert offrent aussi une arriĂšre-scĂšne fort importante pour mettre en vedette les espĂšces pleines de couleurs. Des arbres exotiques, notamment des pommiers, pommetiers, marronniers, noyers et aubĂ©pines sont ajoutĂ©s pour bonifier la forĂȘt de feuillus.
Un vaste terrain de jeux
DotĂ©e dâun domaine de prĂšs de 1 000 acres avec des boisĂ©s, des champs, des cours dâeau et les rives de la riviĂšre Mitis sur plus de quatre kilomĂštres, Elsie Reford ne
manque pas dâendroits pour prĂ©lever des plants dans leur milieu naturel. Mais ses explorations en « touring car » (voiturette de tourisme) pour montrer les beautĂ©s de la rĂ©gion avec ses invitĂ©s·es sont transformĂ©es en explorations botaniques. Elle fait souvent la cueillette en milieu naturel (ce qui est fortement dĂ©conseillĂ© et mĂȘme contraire Ă la loi aujourdâhui). Souvent, son carnet indique que ses yeux dâhorticultrice sont toujours en alerte. Et que sa pelle, sa truelle et son seau ne sont jamais loin. On a donc des talles de cypripĂšdes (Cypripedium parviïŹorum) et des colonies de fougĂšres qui sont le fruit de ses explorations
botaniques il y a plus de 80 ans. Son intĂ©rĂȘt pour les orchidĂ©es indigĂšnes, quâelle a mĂȘme lĂ©guĂ© Ă son petitfils Robert, qui explore avec elle les fossĂ©s et les boisĂ©s, a fait de lui un orchidophile et un ornithologue averti.
Son amour des lys engendre une de ses grandes dĂ©ceptions comme collectionneuse, car le Lis du Canada (Lilum canadense), la seule espĂšce indigĂšne du lys, ne lui offre que des Ă©checs. Le lys pousse et ïŹeurit pour elle, mais ne survit pas aux hivers. On a rĂ©ussi Ă lâimplanter ces derniĂšres annĂ©es, mais le criocĂšre du lys, un insecte envahissant du Japon, nous offre des dĂ©fis
quâElsie Reford nâa pas eu Ă relever. De domaine privĂ© Ă jardin populaire
Le frĂšre Marie-Victorin connaĂźt bien la GaspĂ©sie. Est-ce que lâauteur de la bible des plantes indigĂšnes du QuĂ©bec, Flore laurentienne, est une inspiration pour Elsie Reford? Leur
correspondance est muette sur le sujet, mais on croit que MarieVictorin fait partie des « experts botaniques » citĂ©s dans son carnet, qui se sont arrĂȘtĂ©s pour voir son domaine Ă Grand-MĂ©tis et qui lâont quittĂ© fort impressionnĂ©s. On sait que son bras droit, Henry Teuscher, architecte-paysagiste et
concepteur du Jardin botanique de MontrĂ©al, sây est arrĂȘtĂ© plus dâune fois. AprĂšs une premiĂšre visite en 1940, Teuscher et Elsie Reford sâĂ©changent des plantes. Teuscher fait la promotion de lâĆuvre dâElsie dans ses confĂ©rences Ă MontrĂ©al et Ă New York. Câest grĂące Ă son enthousiasme et Ă sa rĂ©putation que les jardins dâElsie Reford ont Ă©tĂ© sauvegardĂ©s, ayant convaincu le gouvernement quâun domaine privĂ© aux portes de la GaspĂ©sie pouvait devenir un jardin public et populaire.
Aujourdâhui, on reconnaĂźt lâavantgardisme dans lâapproche dâElsie Reford. Son jardin est tĂ©moin dâune Ă©poque, mais aussi dâune approche Ă©cologique moderne. Elle Ă©tait une femme exotique, mais qui sâest naturalisĂ©e. Son jardin demeure un heureux mĂ©lange de plantes de diverses rĂ©gions du monde, dont bon nombre de la rĂ©gion quâelle a transformĂ©es avec son jardin.
Elsie Reford dans le jardin du ruisseau, vers 1930.
Il est toujours pertinent de parler du traitement des documents offerts par les donatrices et donateurs puisque câest une Ă©tape trĂšs importante dans un centre dâarchives. Plus particuliĂšrement, il est intĂ©ressant de se pencher sur ce que rĂ©vĂšle le traitement. Prenons en exemple deux petits fonds dâarchives de deux dames importantes pour lâhistoire et le patrimoine de la GaspĂ©sie : EugĂ©nie Lalonde Ranger et Carmen Roy.
Le traitement des archives est une Ă©tape cruciale permettant une bonne conservation et menant vers une mise en valeur adĂ©quate. Contrairement Ă la croyance populaire, les documents ne font pas que dormir sur une tablette! Le Centre dâarchives souhaite permettre une consultation simple et efficace dâun fonds ou dâune collection dâarchives conservĂ©s entre ses murs. En premier lieu, il faut prendre en compte lâentiĂšretĂ© des documents donnĂ©s. Par la suite, lâarchiviste, une ressource Ă contrat ou un·e bĂ©nĂ©vole ayant reçu une formation de lâarchiviste divise ces documents selon des thĂ©matiques prĂ©cises que nous nommons sĂ©rie. Il se peut que les thĂ©matiques puissent ĂȘtre aussi subdivisĂ©es.
La personne responsable du traitement doit, entre autres, enlever les broches, car elles rouillent, sortir les photographies des albums et sâassurer que les cartes demeurent Ă
plat. Lorsque cette Ă©tape est terminĂ©e et que les documents sont mis dans des chemises sans acide, câest la description qui dĂ©bute. Elle mĂšne Ă la composition dâun document nommĂ© « instrument de recherche » ou « description des dossiers ». DĂšs lors, toutes les personnes qui se prĂ©sentent au Centre dâarchives peuvent consulter ce document et ainsi ĂȘtre en mesure de connaĂźtre le contenu des fonds et des collections dâarchives. Il nây a pas de consultation sans traitement! IdĂ©alement, les documents sont ensuite numĂ©risĂ©s. Cela favorise la diffusion, car le public ne pouvant se rendre au Centre dâarchives a ainsi lâoccasion de les consulter. Câest une longue Ă©tape qui demande beaucoup de ressources. Depuis quelque temps, le MusĂ©e de la GaspĂ©sie se donne les moyens dây arriver peu Ă peu.
Allons-y maintenant avec deux exemples concrets de traitement de fonds dâarchives, rĂ©cemment
effectuĂ©s par Ălaine RĂ©hel, bĂ©nĂ©vole au Centre dâarchives.
Fonds Eugénie
Lalonde Ranger
EugĂ©nie Lalonde Ranger naĂźt Ă Vaudreuil le 6 juillet 1878. Elle mĂšne une carriĂšre journalistique en Ă©crivant entre autres pour La Patrie. SâintĂ©ressant Ă©normĂ©ment Ă la biologie et Ă la gĂ©ologie, elle passe ses vacances dâĂ©tĂ© Ă PercĂ©, et ce, pendant plus de 48 ans! Elle profite de lâendroit pour parfaire ses recherches sur ses deux sujets de prĂ©dilection et crĂ©e son musĂ©e de PercĂ©.
PionniĂšre dans la rĂ©gion, elle lĂšgue ses archives Ă la toute jeune SociĂ©tĂ© historique de la GaspĂ©sie en 1964. Elle y adhĂšre lâannĂ©e prĂ©cĂ©dente et collabore plusieurs fois Ă la Revue dâhistoire et de traditions populaires de la GaspĂ©sie (lâancĂȘtre du prĂ©sent Magazine GaspĂ©sie).
Le traitement nous permet de comprendre lâimplication de
Marie-Pierre Huard Archiviste, MusĂ©e de la GaspĂ©sieMme Lalonde-Ranger dans le milieu culturel et gĂ©ologique de la pĂ©ninsule. La correspondance dĂ©crite nous renseigne sur les relations quâelle a avec Michel LeMoignan, Claude Allard, Mireille Ăthier, en plus dâĂ©voquer Paul Dansereau. Le traitement nous permet aussi de classer convenablement tous les documents en lien avec la crĂ©ation de son musĂ©e de PercĂ©, tous les articles quâelle Ă©crit sous diffĂ©rents pseudonymes ainsi que ses cahiers de notes dont un sur les sciences occultes!
Fonds Carmen Roy Carmen Roy naĂźt Ă Bonaventure le jour de NoĂ«l 1919. Elle grandit Ă Cap-Chat. Câest Marius Barbeau qui lâinitie au monde folklorique alors quâelle fait ses Ă©tudes Ă lâUniversitĂ© Laval, et ce, dĂšs 1947. Pendant les quatre annĂ©es qui suivront, Carmen Roy entreprend un grand projet dâenquĂȘte orale en GaspĂ©sie
qui la mĂšne vers lâĂ©criture de sa thĂšse LittĂ©rature orale en GaspĂ©sie. DĂšs le dĂ©but des annĂ©es 1950, elle travaille au MusĂ©e national du Canada (aujourdâhui le MusĂ©e canadien de lâhistoire). Câest elle qui sera Ă la direction du Centre canadien dâĂ©tudes sur la culture traditionnelle lors de sa crĂ©ation au musĂ©e en 1970.
Les premiers documents du fonds Carmen Roy sont arrivĂ©s au MusĂ©e de la GaspĂ©sie lâannĂ©e de son dĂ©cĂšs en 2006. Dâautres sont donnĂ©s en 2013 et en 2022. Le traitement effectuĂ© par notre bĂ©nĂ©vole nous permet de connaĂźtre la grande diversitĂ© des documents, et ce, mĂȘme si elle dispose de deux autres fonds dâarchives conservĂ©s dans deux autres institutions diffĂ©rentes. Le trĂšs grand nombre de photographies personnelles nous permet de voir cette grande dame de
lâethnologie et du folklore diffĂ©remment. La correspondance, maintenant bien classĂ©e, nous informe sur les relations professionnelles quâelle entretenait et les sujets qui lâanimaient. En effet, nous apprenons quâelle avait un projet trĂšs prĂ©cis de crĂ©er un musĂ©e dâhistoire et de traditions populaires Ă PercĂ© dĂšs 1954. GrĂące aux enregistrements sonores dĂ©crits, le public peut Ă©couter une conversation entre elle et lâartiste Suzanne GuitĂ© en 1980.
Vous venez de lire deux petits exemples parmi tant dâautres Ă©voquant lâimportance du traitement des fonds dâarchives. Sans cette Ă©tape, le MusĂ©e nâest pas en mesure de bien conserver et connaĂźtre le contenu des boĂźtes quâil a le privilĂšge de sauvegarder. Et dans ce cas, il demeure impossible dâaller vers une diffusion optimale!
Portraits de quatre jeunes femmes; Carmen Roy est la deuxiĂšme en partant de la gauche, 1938. MusĂ©e de la GaspĂ©sie. P106 Fonds Carmen Roy. Extraits dâune lettre envoyĂ©e Ă Carmen Roy par Charles-Ămile Gadbois, crĂ©ateur du recueil La Bonne chanson. Il indique ses instructions concernant la collecte de donnĂ©es que Carmen Roy sâapprĂȘte Ă effectuer, 1948.
Autrefois, la fabrication des tonneaux reprĂ©sente lâun des savoir-faire les plus importants au sein des communautĂ©s de pĂȘcheurs en GaspĂ©sie. Ils sont employĂ©s autant pour lâentreposage des denrĂ©es que pour le transport de celles-ci, et surtout pour lâexportation de la morue sĂ©chĂ©e salĂ©e. Plusieurs des outils nĂ©cessaires Ă la confection des tonneaux sont communs Ă la menuiserie, comme les compas, les vilebrequins, les rabots, les haches et les scies. Ainsi, cette chronique ne dresse pas un inventaire exhaustif de tous les outils utilisĂ©s ou de toutes les Ă©tapes nĂ©cessaires Ă leur fabrication, mais elle se penche plutĂŽt sur quelques piĂšces parmi les plus intĂ©ressantes conservĂ©es dans les rĂ©serves du MusĂ©e de la GaspĂ©sie en lien avec la tonnellerie.
Vicky Boulay Conservatrice, Musée de la GaspésieLe façonnage des douves (douelles)
Une Ă©tape importante est le façonnage des douves ou des douelles, câest-Ă -dire des piĂšces de bois qui
forment le corps des tonneaux. Le principal outil employé à cette étape est la plane. En tonnellerie, elle est utilisée pour exécuter les opérations de parage et de vidage. Le parage
consiste Ă arrondir lâextĂ©rieur de la douve afin de lui donner une courbe suivant la circonfĂ©rence du tonneau alors que le vidage est lâopĂ©ration par laquelle la surface intĂ©rieure
dâune douve est façonnĂ©e afin de la rendre concave.
Contrairement Ă la plane qui est un outil commun en menuiserie, le jabloir est un outil exclusif Ă la fabrication des tonneaux. Il a pour fonction est de crĂ©er le jable, câest-Ă -dire la rainure qui est pratiquĂ©e Ă lâextrĂ©mitĂ© des douelles dâun tonneau pour y fixer le fond.
La tille de lâĂźle Jersey Une tille est une petite hache en forme dâherminette, dont le fer est perpendiculaire au manche et le tranchant recourbĂ© vers celui-ci. TrĂšs courte, elle est manipulĂ©e dâune seule main et est adaptĂ©e Ă diverses tĂąches, notamment pour niveler lâextrĂ©mitĂ© dâun tonneau. LâintĂ©rĂȘt de cet objet est liĂ© Ă son propriĂ©taire, John Sorsoleil. Entre 1830 et 1835, il quitte lâĂźle Jersey avec sa famille et plusieurs autres pour sâinstaller Ă Jersey Cove, un petit hameau situĂ© entre LâAnseau-Griffon et Cap-des-Rosiers dont, le nom rappelle le lieu dâorigine de ses habitants·es. Dans cette traversĂ©e, il aurait amenĂ© avec lui quelques biens, dont cette tille. En 1870, John Sorsoleil, sa famille et ses camarades jersiais ont quittĂ© Jersey Cove. Câest son arriĂšre-petit-fils, Carl O. Nelson, qui a remis cette piĂšce au MusĂ©e de la GaspĂ©sie. Elle constitue une des seules traces matĂ©rielles du passage de ces insulaires en GaspĂ©sie.
Joseph Adélard Briard, menuisier
De Joseph Adélard Briard (1909-1994)
de Cap-aux-Os, le Musée conserve deux outils en lien avec la tonnellerie :
une rouanne ainsi quâune scie Ă chantourner. Une rouanne est un outil Ă main permettant dâinscrire sa marque sur les tonneaux. Le tonnelier, le fabricant ou, par exemple, lâagent des accises peuvent appliquer une telle inscription. La scie Ă chantourner est utilisĂ©e quant Ă elle pour scier en rond les fonds des tonneaux dâaprĂšs le tracĂ© fait au compas. M. Briard est menuisier et a occupĂ© plusieurs fonctions au cours de sa vie. Il a notamment travaillĂ© au phare de Pointe-Ă -la-RenommĂ©e et a participĂ© Ă la construction des bĂątiments du site de Fort-PĂ©ninsule durant la DeuxiĂšme Guerre mondiale.
Il ne reste que trÚs peu de détentrices et détenteurs en Gaspésie
de ce savoir-faire qui autrefois comptait parmi les habiletĂ©s techniques les plus rĂ©pandues. LâĂ©conomie de la rĂ©gion Ă©tant alors tournĂ©e vers lâexportation de ses ressources, les gens qui fabriquent des tonneaux Ă©taient nombreux sur la pĂ©ninsule. Aujourdâhui, il est possible de visiter lâun des bĂątiments du Site historique national de PaspĂ©biac (SHNP) entiĂšrement dĂ©diĂ© Ă lâinterprĂ©tation et la mise en valeur de ce mĂ©tier.
Remerciements Ă Jeannot Bourdages, conservateur du SHNP ainsi quâĂ Hubert Briard pour les prĂ©cieuses informations.
1. Tille ou asse de rabattage de John Sorsoleil, vers 1850. MusĂ©e de la GaspĂ©sie 2. Rouanne et scie Ă chantourner de Joseph AdĂ©lard Briard, vers 1950. MusĂ©e de la GaspĂ©sie 3. Plane de Joseph Roy de Val-dâEspoir, vers 1930. MusĂ©e de la GaspĂ©sie. Don de Denis RoyEn 1915, les Fusiliers du St-Laurent (189e bataillon), sous le commandement du lieutenantcolonel Philippe-Auguste Piuze, entreprennent une campagne de recrutement en GaspĂ©sie. Bien que la grande majoritĂ© des soldats enrĂŽlĂ©s par le 189e sont, selon la terminologie de lâĂ©poque, des Canadiens français, un bon nombre dâanglophones et dâAutochtones se sont joints Ă eux.
Parmi les nouvelles recrues, on retrouve Frank Narcisse Jerome de Gesgapegiag. NĂ© le 17 juillet 1885, son baptĂȘme est cĂ©lĂ©brĂ© Ă lâĂ©glise Sainte-Brigitte de Maria. ĂgĂ© de 29 ans, Jerome sâenrĂŽle le 6 juin 1916 Ă New Carlisle. Nul ne peut se douter ce jour-lĂ que Frank Narcisse Jerome va devenir un des soldats les plus dĂ©corĂ©s de toute lâhistoire militaire canadienne.
Peu de temps aprĂšs lâarrivĂ©e du 189e bataillon en Angleterre Ă lâau-
Il est difficile de chiffrer le nombre exact de soldats autochtones qui se sont enrĂŽlĂ©s au sein de la Force expĂ©ditionnaire canadienne lors de la PremiĂšre Guerre mondiale Ă travers le pays. Dans certaines communautĂ©s isolĂ©es, il y a peu dâintĂ©rĂȘt des jeunes hommes Ă se joindre aux rangs de lâarmĂ©e, tandis que dans dâautres, les recruteurs sont trĂšs peu enclins Ă accepter les gens issus de ces communautĂ©s. Par contre, en GaspĂ©sie, au sein des deux communautĂ©s miâgmaques les plus populeuses, Listuguj et Gesgapegiag, le taux dâenrĂŽlement durant la pĂ©riode 1914-1918 est sensiblement Ă©quivalent Ă celui de la population non autochtone de la rĂ©gion.
Tom Eden
tomne de 1916, lâĂ©tat-major de la Force expĂ©ditionnaire canadienne dĂ©cide dâutiliser ses membres pour renforcer dâautres unitĂ©s dĂ©jĂ prĂ©sentes au front. Le rĂȘve de mener un bataillon composĂ© dâhommes du Bas-Saint-Laurent et de la GaspĂ©sie au champ de bataille se termine ainsi pour le lieutenant-colonel Piuze. Pour Frank Narcisse Jerome, cette tournure dâĂ©vĂšnement signifie un transfert au 14e bataillon, le Royal Montreal Regiment.
Ă la fin novembre 1916, quelques jours aprĂšs la fin de la Bataille de la Somme, un des chapitres les plus sanglants de la PremiĂšre Guerre mondiale, Frank Narcisse Jerome arrive au front. Le premier grand rendez-vous de Jerome face Ă lâennemi se produit le 9 avril 1917 lors dâune bataille devenue mythique Ă la crĂȘte de Vimy. Câest ici, prĂšs de la ville française dâArras, que pour la premiĂšre fois de la guerre, toutes les forces canadiennes vont combattre ensemble. AprĂšs des mois de
préparation minutieuse, sur un front de sept kilomÚtres, les Canadiens, sous le commandement du général britannique sir Julian Byng, réussissent à soutirer ce promontoire stratégique des mains des Allemands.
Une bravoure rĂ©compensĂ©e Ă la suite de son baptĂȘme de feu Ă Vimy, Frank Narcisse Jerome va suivre une formation sur une arme avec laquelle il va rapidement devenir un expert : la mitrailleuse Lewis. Outil indispensable pour les unitĂ©s dâinfanterie canadienne lors de la PremiĂšre Guerre mondiale, la mitrailleuse Lewis a une capacitĂ© de tir de 550 cartouches de calibre .303 par minute.
LâĂ©tĂ© et lâautomne 1917 vont ĂȘtre particuliĂšrement Ă©prouvants pour les troupes canadiennes. Tour Ă tour, elles engagent des combats sanglants contre les Allemands Ă la cĂŽte 70, en France, et Ă Passchendaele, en Belgique. Ă la suite de
ceci, Frank Narcisse Jerome et le 14e bataillon se retrouvent prĂšs dâArras Ă la fin novembre 1917. Câest ici que Jerome se voit dĂ©cerner sa premiĂšre MĂ©daille militaire pour bravoure.
La MĂ©daille militaire est dĂ©cernĂ©e aux soldats du Commonwealth en reconnaissance dâun ou de plusieurs actes de bravoure. La citation pour la premiĂšre MĂ©daille militaire que reçoit Frank Narcisse Jerome se lit comme suit : « Pour sa bravoure et son dĂ©vouement au devoir⊠En tant que membre dâun Ă©quipage de mitrailleuse Lewis. SĂ©vĂšrement Ă©branlĂ© Ă deux reprises par des explosions dâobus, cet homme continue son service, aide Ă repousser deux raids ennemis, puis forme volontairement une patrouille pour obtenir des identifications. Son sang-froid sous le feu Ă©tait une brillante incitation Ă tous les grades. ».
Une reconnaissance toute relative
Câest en 1918 que les Canadiens sâimposent comme des soldats capables de frapper rapidement et de foncer Ă travers les lignes allemandes avec brio. Avec ses camarades du 14e bataillon, Frank Narcisse Jerome prend de lâassurance et devient un leader respectĂ© pour sa bravoure et sa compĂ©tence. Il est dĂ©corĂ© de la MĂ©daille militaire Ă deux autres reprises au cours de cette annĂ©e et gravit les Ă©chelons, se voyant bientĂŽt promu sergent.
En tout, seulement 38 Canadiens se sont vu dĂ©cerner la MĂ©daille militaire Ă trois reprises. En fait, le sergent Jerome se retrouve ex aequo avec le caporal Francis Pegahmagabow comme le soldat autochtone le plus dĂ©corĂ© de lâhistoire militaire canadienne. Bien que Pegahmagabow ait connu une certaine notoriĂ©tĂ©
dans lâaprĂšs-guerre, devenant chef de sa communautĂ©, Wausauksing, en Ontario, il en est tout autre pour Frank Narcisse Jerome. Il est retournĂ© Ă Gesgapegiag aprĂšs la guerre et a vĂ©cu dans un anonymat relatif. En 1926, il Ă©pouse Rose Anna VĂ©zina Ă lâĂ©glise de Saint-Jules-de-CascapĂ©dia. Jerome dĂ©cĂšde le 21 juin 1934, quelques semaines avant son 49e anniversaire. Il repose dans le « vieux cimetiĂšre » Ă Gesgapegiag, au coin de la rue Main et du Chemin Eagle, alors quâune pierre tombale est aussi prĂ©sente dans le nouveau cimetiĂšre derriĂšre lâĂ©glise Kateri Tekakwhita. EspĂ©rons que la mĂ©moire collective permettra de prĂ©server son nom Ă travers lâhistoire.
Il nâexiste malheureusement aucune photographie de Frank Narcisse Jerome.
Citation de la premiÚre Médaille militaire remise à Frank Narcisse Jerome pour bravoure, 1918. BibliothÚque et archives Canada
Médailles militaires décernées à Frank Narcisse Jerome en 1918-1919.
Paulette Brousseau est native de Petite-VallĂ©e. En 1975, elle joint les Forces armĂ©es canadiennes. Lâexcellence de son dossier scolaire lui permet de choisir lâun des mĂ©tiers les plus exigeants alors disponible. Pour elle, pas question de mĂ©tiers traditionnellement destinĂ©s surtout aux dames. Il y a tout lieu de croire quâelle serait la toute premiĂšre femme Ă devenir Ă©lectrotechnicienne en instrumentation dâavion au sein de lâAviation royale canadienne.
Jacques BouchardCapitaine (retraité), conjoint de Paulette Brousseau et résident de Petite-Vallée
Paulette rĂ©ussit dâabord, avec brio, lâexigeant cours de recrue Ă la base militaire de SaintJean-dâIberville aprĂšs un entraĂźnement intensif de quelque trois mois. Ce succĂšs lui permet de poursuivre sa formation, mais cette fois en Ă©lectronique. Quelque temps plus tard, soit en juillet 1976, elle se retrouve Ă lâĂ©cole dâĂ©lectronique de lâaviation (CFSAOE) Ă la base de Borden, en Ontario, oĂč elle se perfectionne dans son domaine, tout en maĂźtrisant de mieux en mieux la langue de
Shakespeare. Elle est alors initiĂ©e aux rudiments de son nouveau mĂ©tier Ă lâaide dâaĂ©ronefs destinĂ©s Ă la chasse anti-sous-marine. En 1976, Paulette est mutĂ©e Ă la base de Bagotville, au Saguenay. Les avions de chasse les plus perfectionnĂ©s de lâAviation royale canadienne ainsi que les hĂ©licoptĂšres de recherche et sauvetage deviennent son nouveau terrain de jeu.
En 1980, Paulette est mutée à la base militaire du commandement aérien de Portage-la-Prairie, située
au Manitoba. Son expertise est alors mise Ă profit afin de maintenir en excellent Ă©tat de vol les aĂ©ronefs servant Ă la formation des aspirants-pilotes. Trois ans plus tard, elle est de retour Ă Bagotville, mais cette fois ce sont les avions de chasse ultramodernes Hornet F18 qui font lâobjet dâun entretien mĂ©ticuleux grĂące aux connaissances de techniciens comme Paulette, laquelle continue Ă travailler dans un environnement oĂč la gent fĂ©minine se fait rarissime. Au cours de sa carriĂšre, elle
obtiendra les diffĂ©rentes qualifications de son mĂ©tier sur 14 diffĂ©rents types dâavions, du CF-101 Voodoo au CF-18 Hornet incluant le CT-114 Tutor (Snowbird), et du CH-136 Kiowa au CH-118 Iroquois (recherche et sauvetage). En 1983, elle suit une formation, Digital Computer Principles Ă Kingston en Ontario, qui consiste Ă construire un ordinateur, alors que ceux-ci font leur apparition. Cette formation lui permettra plus tard de se joindre Ă lâĂ©quipe de techniciens des F-18 comme analyste informatique (EPLTS).
En 1990, elle quitte le domaine de lâaviation pour collaborer Ă lâĂ©tude notariale de son conjoint. Ses vastes connaissances acquises au cours de sa carriĂšre militaire lui sont dâun grand secours afin dâapprivoiser les Ă©quipements informatisĂ©s que le notariat utilise. Sportive Ă©mĂ©rite, Paulette dĂ©tient une ceinture noire, 2e dan, dĂ©cernĂ©e par Judo Canada.
Une femme major : une rareté
Quelques annĂ©es plus tard, le naturel revient au galop. Paulette retourne au centre de recrutement afin de devenir officier instructeur du mouvement des cadets. Son leadership exceptionnel est mis Ă profit et ses supĂ©rieurs lâinvitent Ă poursuivre sa formation sur la voie
accĂ©lĂ©rĂ©e. En lâespace de seulement quelques mois, elle est promue capitaine et devient commandant dâune unitĂ©. Son travail acharnĂ©, ses capacitĂ©s hors du commun et son expĂ©rience antĂ©rieure du monde militaire lui valent dâĂȘtre promue au grade de major. Paulette devient ainsi la toute premiĂšre femme Ă atteindre cet important grade au sein de sa qualification dans lâEst du QuĂ©bec.
Son attitude positive, son dossier Ă©difiant, sa diplomatie, sa connaissance Ă©laborĂ©e de la culture militaire et la maĂźtrise des connaissances variĂ©es de son domaine dâexpertise lui valent dâĂȘtre invitĂ©e Ă devenir Aide de Camp honoraire auprĂšs du cabinet du lieutenant-gouverneur du QuĂ©bec. Câest auprĂšs de cette institution que Paulette continue Ă dĂ©velopper constamment ses talents dans lâart du protocole.
Au cours de son illustre carriĂšre militaire, Paulette reçoit les distinctions suivantes, notamment : la dĂ©coration canadienne avec agrafe, la mĂ©daille du 50e anniversaire du JubilĂ© de la Reine Ălisabeth II et celle du 60e anniversaire du JubilĂ©
de la Souveraine, la mĂ©daille du Souverain pour le bĂ©nĂ©volat, la mention Ă©logieuse du ministre des Anciens combattants, la mĂ©daille dâor du lieutenant-gouverneur du QuĂ©bec remise par lâhonorable Pierre Duchesne et la mĂ©daille pour services exceptionnels du lieutenant-gouverneur du QuĂ©bec dĂ©cernĂ© par lâhonorable Michel Doyon. Paulette obtient Ă©galement une lettre de fĂ©licitations du premier ministre du Canada Stephen Harper et une du premier ministre du QuĂ©bec Jean Charest, lâĂ©pinglette du 150e anniversaire du Canada et lâĂ©pinglette du JubilĂ© de platine de Sa MajestĂ© la reine Elisabeth II. Enfin, en 2004, elle reçoit le Prix du Duc dâĂdimbourg Ă titre de leader, DĂ©fi Jeunesse Canada. Au-delĂ de ces reconnaissances, Paulette Brousseau a surtout su tracer sa propre voie grĂące Ă ses compĂ©tences et sa dĂ©termination.
Note
à travers mes souvenirs, mon histoire gaspésienne gravite autour de la visite officielle du président de la République française François Mitterrand, le mardi 26 mai 1987, à Gaspé, Fort-Prével et Percé.
Robert Tremblay
Responsable de la visite protocolaire de Mitterrand en Gaspésie
Ce quâil faut savoir, câest que Mitterrand doit venir au Canada pour une visite officielle, mais quâun arrĂȘt au QuĂ©bec ne coĂŻncide pas avec le volet canadien. Sachant cela, le dĂ©lĂ©guĂ© gĂ©nĂ©ral du QuĂ©bec Ă Paris Jean-Louis Roy nĂ©gocie alors de son cĂŽtĂ© avec lâĂlysĂ©e, afin de mieux protĂ©ger et promouvoir les intĂ©rĂȘts du QuĂ©bec. Or, dans le journal Le Soleil du 24 mai 1987, la Presse canadienne rapporte les propos de Roy, en mentionnant que la partie quĂ©bĂ©coise du voyage a Ă©tĂ© nĂ©gociĂ©e par QuĂ©bec de bout en bout, en toute indĂ©pendance. Il rajoute aussi quâil nây a pas eu de rencontre tripartite et que lâambassadeur Ă Paris Lucien
Bouchard et lui-mĂȘme, ont toujours Ă©tĂ© reçus sĂ©parĂ©ment Ă lâĂlysĂ©e.
Jean-Louis Roy souligne quâil nây a pas eu dâaccrochage et que lâambassade canadienne a fait son travail avec lâĂlysĂ©e, nous de mĂȘme, mais nous ne nous sommes jamais rĂ©unis Ă trois, spĂ©cifie Roy.
DĂšs la fin de fĂ©vrier 1987, les contacts et les rencontres avec les gens du ministĂšre des Relations internationales et du Consulat gĂ©nĂ©ral de France Ă QuĂ©bec sont Ă lâagenda. La tĂąche est Ă©norme et tout doit se concrĂ©tiser dans la perspective de la rĂ©ussite certaine dâune
telle visite officielle, et ce, selon les exigences du Protocole conjointement avec lâĂlysĂ©e. Pour ce faire, le cĂŽtĂ© sĂ©curitĂ© est principalement chapeautĂ© par la SĂ»retĂ© du QuĂ©bec et la Gendarmerie royale du Canada. De plus, quatre gardes du corps de la sĂ©curitĂ© rapprochĂ©e de Mitterrand viennent sâinstaller Ă GaspĂ© dĂšs avril 1987, afin de fignoler le tout dans les plus grands dĂ©tails, comme ils sont habituĂ©s de le faire dans le cadre des visites officielles du prĂ©sident français.
Mais, Ă la demande de nos amis de lâHexagone, une installation sine qua non spĂ©ciale est requise. Il est alors primordial dâĂ©tablir un lien direct et constant entre GaspĂ©
Couverture du programme Visite officielle au Québec du président de la République française et de Mme François Mitterrand, 1987. Musée de la Gaspésie. P321 Fonds Robert Tremblay.
et le palais de lâĂlysĂ©e Ă Paris. Ainsi, je me rappelle que lâĂ©quipe de QuĂ©bec-TĂ©lĂ©phone installe une antenne « provisoire » sur le territoire gaspĂ©sien. Or, Ă partir de leurs installations centrales de la rue Adams Ă GaspĂ©, une antenne parabolique de lien micro-ondes rejoint le rĂ©seau hertzien de Capdes-Rosiers, afin dâĂ©tablir un circuit prioritaire transatlantique Ă haut niveau de sĂ©curitĂ©, dĂ©diĂ© Ă lâusage unique de lâĂlysĂ©e. Comme me le fait remarquer Gaby Johnson, directeur dâexploitation de QuĂ©bec-TĂ©lĂ©phone Ă GaspĂ©, les communications par satellites en 1987 nâexistent pas encore et on doit traverser lâocĂ©an par cĂąble sous-marin.
Or, au matin du 23 mai 1987, nous prenons livraison des voitures utilisées dans le cortÚge de certains dignitaires. Déjà , la voiture toute spéciale présidentielle est entreposée dans un endroit secret et bien gardé.
Soulignons ici que durant la nuit du 25 au 26 mai 1987 précédant la
venue de Mitterrand, un maĂźtrechien de la SĂ»retĂ© du QuĂ©bec sâassure que le couvercle en acier de chaque trou dâhomme soit soudĂ©, et ce, sur lâentiĂšretĂ© du parcours prĂ©sidentiel, tout en vĂ©rifiant lâabsence dâexplosifs et tous autres objets suspects.
Un protocole rĂ©glĂ© au quart de tour Mon travail consiste Ă recevoir et Ă mâoccuper du protocole concernant les dignitaires de la France, du QuĂ©bec et les diffĂ©rents reprĂ©sentants rĂ©gionaux de la GaspĂ©sie. Les journalistes internationaux, nationaux et rĂ©gionaux sont aussi invitĂ©s au dĂ©jeuner historique offert par le ministre des Relations internationales du QuĂ©bec, Gil RĂ©millard. Ainsi, le dĂ©roulement officiel de la journĂ©e du 26 mai 1987 dĂ©bute avec lâarrivĂ©e de Mitterrand Ă lâaĂ©roport de GaspĂ© Ă 11 h. Nous voyons de plus en plus de gardes du corps de la sĂ©curitĂ© rapprochĂ©e sur tout le terrain dâopĂ©ration. Soulignons aussi la prĂ©sence dâune vedette maritime de la SĂ»retĂ© du QuĂ©bec surveillant les abords du MusĂ©e de la GaspĂ©sie.
Premier arrĂȘt : GaspĂ© Ă lâĂ©tape de la prĂ©paration entourant la visite de la cathĂ©drale de GaspĂ©, nous apprenons, de la part de lâĂlysĂ©e, quâil nâest absolument pas
question que Mitterrand entre dans une Ă©glise, car il nâapprĂ©cie guĂšre sây montrer, malgrĂ© son mysticisme connu. Or, nous leur mentionnons que nous dĂ©sirons seulement et simplement lui prĂ©senter le tableau de Charles-de-Foucray qui orne un mur situĂ© juste Ă lâentrĂ©e latĂ©rale et quâil nâa pas Ă se dĂ©placer davantage dans ce lieu. Dâautant plus, prĂ©cisons-nous, que lâĆuvre a Ă©tĂ© donnĂ©e par le gouvernement français et installĂ©e dans la cathĂ©drale en 1984; elle illustre lâarrivĂ©e de Jacques Cartier Ă GaspĂ© en 1534. Câest Ă notre avis, un beau parallĂšle Ă faire avec la visite officielle du prĂ©sident de la RĂ©publique française, leur disonsnous. Câest ainsi que nos arguments rĂ©ussissent Ă lui faire franchir quelques pas dans la cathĂ©drale, et ce, sans aucune dĂ©ception de part et dâautre, car aprĂšs avoir franchi la porte, il nâa quâĂ se retourner et lever les yeux sur la toile. LâĂlysĂ©e constate alors le tout petit chemin Ă parcourir et la simplicitĂ© de notre « tour de force ».
Par la suite, Mitterrand et le premier ministre Robert Bourassa dĂ©posent chacun une gerbe de ïŹeurs au pied de la croix de Jacques Cartier avant de se rendre au MusĂ©e de la GaspĂ©sie pour une visite. Câest lĂ que le prĂ©sident français prononce son discours inoubliable et historique devant plus de mille personnes et 120 journalistes de tous les pays.
Une foule impressionnante est réunie pour le discours du président de la République française François Mitterrand sur le site du Musée de la Gaspésie, 1987. Musée de la Gaspésie. Fonds Musée de la Gaspésie. P1/7/3
Déjeuner officiel à Percé
Arrivés à Percé en provenance de Gaspé, deux hélicoptÚres se posent à 13 h sur le domaine du restaurant
Le Gargantua. Les dignitaires sont conduits en voiture jusquâau quai, afin que le prĂ©sident de la RĂ©publique sâadonne Ă des poignĂ©es de main avec les pĂȘcheurs. Il fait aussi un arrĂȘt Ă La Maison du PĂȘcheur, un restaurant trĂšs connu. Le chef et propriĂ©taire Georges Mamelonet le reçoit en lui faisant une brĂšve prĂ©sentation des produits marins quâil utilise pour sâen faire une rĂ©putation dĂ©jĂ enviĂ©e de tous. Rappelons que Mamelonet est issu de lâĂcole de la Marine nationale française Ă Marseille et il sâentretient maintenant avec le compatriote invitĂ©.
De retour avec les voitures officielles, le président de la République française et son épouse Danielle Gouze (alors toujours nommée comme madame François Mitterrand), le premier ministre du Québec Robert Bourassa et Andrée Simard, René Lévesque et Corinne CÎté-Lévesque, et le ministre des Finances du Québec Gérard-D. Levesque et Denyse Lefort sont conduits au restaurant Le Gargantua. à 13 h 30, débute le déjeuner privé offert par le premier ministre du Québec. Pierre et
Ginette PĂ©resse, dâorigine bretonne, accueillent leurs prestigieux invitĂ©s·es. En bons GaspĂ©sien et GaspĂ©sienne dâadoption depuis 1959, ils concoctent homards, crabes, pĂ©toncles et bigorneaux; fromages et vins de choix accompagnent le copieux banquet.
Déjeuner protocolaire et médiatique à Fort-Prével
Ă la suite de la visite au MusĂ©e de la GaspĂ©sie, jâaccueille de mon cĂŽtĂ© les dĂ©lĂ©gations française et quĂ©bĂ©coise ainsi que de nombreux journalistes Ă lâAuberge du Fort-PrĂ©vel pour un dĂ©jeuner offert par le ministre des Relations internationales du QuĂ©bec, Gil RĂ©millard. Ă 13 h, sur le parvis extĂ©rieur Ă lâentrĂ©e principale de lâĂ©tablissement hĂŽtelier, je reçois un Ă un les hauts dignitaires Ă leur sortie des limousines et des autocars, en
leur souhaitant personnellement la bienvenue et je les invite à se rendre dans la salle de réception officielle. Plusieurs personnes du Protocole sont déjà assignées pour les accompagner.
Avec tout le dĂ©corum, le ministre Gil RĂ©millard porte un toast Ă la fin du dĂ©jeuner. Par la suite, jâaccompagne les plus hauts dignitaires et nous nous rendons sur le grand balcon franc nord surplombant le terrain gazonnĂ© du complexe hĂŽtelier, car les nombreux journalistes sont conviĂ©s Ă une sĂ©ance de photos que je qualifie dâimpressionnante.
La rĂ©ception officielle se termine Ă 14 h 45 pour les invitĂ©s·es de lâAuberge du Fort-PrĂ©vel qui se dirigent maintenant vers lâaĂ©roport de GaspĂ©.
Du cĂŽtĂ© du Gargantua, la suite de Mitterrand quitte PercĂ© Ă 15 h 05 Ă bord des deux hĂ©licoptĂšres affrĂ©tĂ©s. De son cĂŽtĂ©, Didier Mulet, garde du corps de la sĂ©curitĂ© rapprochĂ©e du PrĂ©sident, me confie plus tard que RenĂ© LĂ©vesque lui demande gentiment sâil peut retourner Ă lâaĂ©roport dans la camionnette conduite par ce sympathique gendarme français. Ăvidemment, mĂȘme surpris, il accepte volontiers de raccompagner son unique et illustre passager, car son Ă©pouse Corinne prĂ©fĂšre le retour dans lâhĂ©licoptĂšre attitrĂ©. Sans doute veut-il admirer davantage Ă son aise le trajet restant par la route, avant de quitter possiblement avec nostalgie, sa natale GaspĂ©sie.
La journĂ©e sâachĂšve donc Ă lâaĂ©roport de GaspĂ©. Tous les dignitaires sont lĂ . La tempĂ©rature est idĂ©ale et les astres sont ainsi alignĂ©s.
Tant de siĂšcles aprĂšs, les lys du roi François 1er portĂ©s par Jacques Cartier de Saint-Malo signifient pour les habitants du QuĂ©bec et particuliĂšrement ceux de la GaspĂ©sie la signification dâun dĂ©but, la signification de temps nouveaux, des terres nouvelles pour des temps nouveaux. De fait, [câest] Ă partir de lĂ que sâĂ©difiera la lente Ă©laboration dâun peuple.
Extrait du discours de François Mitterrand, président de la République française, à Gaspé, 26 mai 1987.
de lâescalier le menant au Dash 8, il revient Ă nouveau sur le tarmac et nous partageons une solide poignĂ©e de main et un bref Ă©change de cordialitĂ©.
Comme prĂ©vu, le 26 mai 1987 Ă 15 h 30, le prĂ©sident de la RĂ©publique française et madame François Mitterrand montent Ă bord de lâavion prĂ©sidentiel et quittent GaspĂ© Ă destination de QuĂ©bec.
Pour en savoir plus : Un recueil Ă©toffĂ© rĂ©digĂ© et assemblĂ© par Robert Tremblay est disponible pour consultation au Centre dâarchives du MusĂ©e de la GaspĂ©sie. Il comprend des souvenirs, des documents officiels, les menus, une revue de presse, etc.
Toutefois, en attendant le dĂ©part, je vois le premier ministre Robert Bourassa sâentretenir avec Mitterrand juste Ă cĂŽtĂ© de son Dash 8. Je prends alors congĂ© de
mon interlocuteur français pour me rendre auprĂšs du PrĂ©sident et lui faire les salutations dâusage protocolaires, mais comme il a dĂ©jĂ un pied posĂ© sur la premiĂšre marche
-p.51-52 : Les légendes des deux photos de croix de Saint-Jean-de-Brébeuf ont été inversées.
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