société
Comment était votre bulle ?
L
« Le premier week-end du confinement, il y a eu un mouvement d’inquiétude et d’incompréhension qu’on a fortement ressenti au magasin. Les touristes étaient choqués par la fermeture des remontées mécaniques et par cette situation surréaliste et brutale. Certains comprenaient, mais beaucoup minimisaient le risque et trouvaient que les mesures étaient trop restrictives. Ils étaient venus jusque-là et voulaient profiter de leur week-end de ski. Suite au mouvement de panique dans les magasins en plaine, certains ont fait le choix de venir faire leurs courses dans la vallée. Ils avaient peur, parce qu’ils étaient plongés dans l’inconnu. C’était une ambiance bizarre. Les deux premières semaines, j’avais la boule au ventre, c’était compliqué de faire
respecter les gestes barrières dans le magasin. Certaines personnes ne prenaient pas de précautions, venaient plusieurs fois par jour au magasin ou ne se désinfectaient pas les mains. Ce n’était pas si facile de s’habituer à ces nouveaux gestes d’hygiène, pour tout le monde, même pour nous : c’était un apprentissage. Beaucoup de gens ont fui des zones risquées et sont arrivés d’autres cantons ou d’autres pays pour se réfugier dans leur résidence secondaire. Ils sont venus ici pour se protéger. J’ai rencontré un jour un client qui était surpris d’apprendre qu’il y avait des cas de coronavirus dans la vallée ; il avait la fausse impression qu’ici il était à l’abri, que personne n’était contaminé et qu’il ne risquait rien. Maintenant, les gens ont appris à faire attention, les gestes barrières sont devenus une habitude, un réflexe, donc ça me panique moins. » Coralie
« Je voudrais bien que ce soit comme avant, pour revoir mes amis et retourner à l’école. Je n’ai même pas dit au revoir à ma maî-
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tresse, je ne savais pas que c’était le dernier jour d’école. Maintenant, avec mes amies, on ne peut plus échanger des jouets, ou toucher la même chose, ou se dire bonjour. On joue aux barbies à deux mètres l’une de l’autre. Je pense que quand on retournera à l’école on aura des masques et des gants. Mais si mes gants sont trop grands, comment je vais écrire ? … ça me fait un peu peur. Je prendrai tout en double, comme ça je n’aurai pas besoin d’emprunter quelque chose. Je ne prendrai pas de goûter, parce que sinon je risque de le partager à la récré, d’oublier qu’on ne doit pas. » Mafalda
« La globalisation nous montre une autre de ses faces sombres. La science n’est pas surprise par cette première pandémie mondiale, c’est l’économie qui voit son rêve éveillé tourner au cauchemar. Elle ira comme d’habitude saigner les faibles et ponctionner la classe laborieuse pour sauver ses privilèges, et même ses bénéfices. Le spectacle doit continuer, le système ne
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e vendredi noir du 13 mars, notre quotidien s’est disloqué. D’un seul coup, tout s’est effondré comme un château de cartes. Les annonces stupéfiantes ont succédé les unes aux autres. Ecoles vidées, frontières bloquées, restaurants et magasins fermés, avions cloués au sol, confinement… où est-ce que ça allait s’arrêter? Chacun s’est retrouvé enfermé dans sa bulle. La moitié de la planète en résidence surveillée. Bulle paradisiaque ou traumatisante, sereine ou catastrophique, solitaire ou surpeuplée, lente ou frénétique, querelleuse ou amoureuse, affamée ou opulente, douce ou violente, étouffante ou libératrice, protégée ou précaire, ennuyeuse ou épuisante, il y a eu autant de bulles que d’individus, avec chaque fois des drames, des joies et des espoirs. Chaque personne aurait une histoire différente à raconter. En voici quelques-unes d’Anniviers, glanées pendant le confinement: