fondée sur une échelle liée au degré ou à la durée du handicap. Par exemple, pour être éligible aux prestations de la DA en Argentine, un individu doit avoir une perte de capacité de gains évaluée à au moins 76 %. Le coefficient d’éligibilité correspondant au degré de handicap est de 71 % pour le programme de DA de la Bulgarie, de 60 % pour celui de Maurice et pour l’AI de la Turquie, et de 50 % pour l’AI du Koweït (voir le tableau 5A.4 de l’annexe 5A). Dans les autres programmes, l’éligibilité est liée à des types spécifiques de handicap. En Albanie par exemple, les prestations de DA sont réservées aux personnes souffrant d’un « handicap physique, sensoriel, mental ou psychologique remontant à la naissance, à un accident ou à une maladie ». La mise en œuvre peut être difficile à cause des exigences en matière d’information et parce que le critère de handicap peut être contesté. Les exigences d’information concernent les évaluations médicales, fonctionnelles ou complètes du handicap, comme discuté au chapitre 4. La subjectivité peut s’immiscer dans le
processus lorsque les responsables du programme y appliquent des critères d’éligibilité. Les critères d’éligibilité du programme peuvent ne pas être alignés ou complètement définis par l’évaluation médicale ou fonctionnelle, ce qui implique un degré de discrétion du travailleur social ou d’auto déclaration. Cela peut entraîner des difficultés au moment de communiquer les décisions d’éligibilité aux demandeurs, ainsi qu’un risque de réclamations et de recours plus nombreux. Ces recours pourront même aller jusqu’au système judiciaire. Citons comme exemple la pension sociale brésilienne BenefIcio de Prestacao Continuada (BPC), qui est un droit garanti par la Constitution pour les personnes âgées pauvres et les personnes pauvres en situation de handicap. Compte tenu de ce droit et d’une certaine marge d’interprétation des critères d’éligibilité, des demandeurs qui se sont vu refuser des prestations ont fait appel aux tribunaux, si bien qu’un nombre important de bénéficiaires ont été jugés éligibles par le système judiciaire (encadré 5.4).
Encadré 5.4 Recours au système judiciaire lorsque les prestations sont un droit constitutionnel : la pension sociale BPC du Brésil
E
n termes de dépenses publiques, la pension sociale BenefIcio de Prestacao Continuada (BPC) est le plus vaste programme d’assistance sociale du pays. La BPC fournit une aide au revenu aux personnes pauvres âgées et en situation de handicap.a Les dépenses de la BPC sont passées de 0,3 % à 0,69 % du PIB entre 2000 et 2015. Ce chiffre est à comparer aux dépenses du programme de transferts monétaires bien connu, Bolsa Familia, qui représentait 0,45 % du PIB en 2015. L’extension de la couverture a été l’une des raisons clés de l’accroissement des dépenses de la BPC. Plus précisément, la couverture est passée de 1,6 million de personnes en 2002 à un total de 4,2 millions en 2015. Les personnes en situation de handicap représentent le plus grand groupe de bénéficiaires, avec 55 % des bénéficiaires de la BPC en 2015, les personnes âgées constituant les 45 % restant. Le vieillissement et l’évolution démographique expliquent
une partie, mais pas la totalité, des pressions à la hausse exercées sur la couverture de la BPC. L’un des facteurs expliquant l’élargissement de la couverture est l’augmentation de la prévalence de l’éligibilité aux prestations de la BPC accordée par les tribunaux. Celle-ci est liée aux fondements juridiques de la BPC qui en font un droit constitutionnel. De nombreux demandeurs se sont tournés vers le système judiciaire pour obtenir ces prestations lorsque leurs demandes introduites par les voies normales dans les bureaux locaux de sécurité sociale étaient rejetées. De nombreuses études ont documenté le rôle du système judiciaire dans l’octroi des prestations, mettant en évidence les tensions entre l’agenda des droits des citoyens, les difficultés pratiques de la mise en œuvre et les pressions budgétaires. En effet, une part importante et croissante des prestations a été accordée par le biais du système judiciaire, atteignant 18,7 % de l’ensemble des prestations de la BPC en suite
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LES SYSTÈMES DE MISE EN ŒUVRE DE LA PROTECTION SOCIALE : UN MANUEL DE RÉFÉRENCE