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4.6 Quelques points de conclusion
Dans le cas des approches impulsées par les gestionnaires de programme, l’interface avec le client est temporaire, puisque l’accueil et l’enregistrement des demandes sont effectués par des vagues d’enregistrement en masse peu fréquentes. Dans ce type d’approche, la plupart des pays font appel à des équipes ou à des agents communautaires pour enregistrer les ménages38. Ces arrangements sont particulièrement courants pour les modalités d’enregistrement en masse. Certains gestionnaires de registres sociaux (comme le Listahanan des Philippines, le SISBEN de Colombie et le SIUBEN de la République dominicaine) engagent des équipes de terrain sous contrat pour enregistrer les populations locales. D’autres utilisent une combinaison d’équipes de terrain sous contrat et de communautés, comme pour le RSU de Djibouti, le RSU du Mali, le RNU du Sénégal et le SPRINT de Sierra Leone. En Indonésie, des équipes du Bureau des statistiques ont mené à bien les enregistrements en masse en 2015 pour la base de données unifiée (UDB).
Les acteurs centraux peuvent assumer différents rôles, comme celui de la gestion des systèmes d’information. Ces systèmes peuvent être utilisés pour automatiser les évaluations socio-économiques. C’est le cas pour les registres sociaux multiprogrammes (comme le Cadastro Único au Brésil) ou pour les systèmes d’information sociale intégrés (comme l’ISAS en Turquie ou le RSH au Chili). Ces acteurs centraux peuvent être les ministères des Affaires sociales ou du Travail. Lorsque les systèmes d’information sont au service de plusieurs programmes (comme dans le cas des registres sociaux), les dispositions institutionnelles de ces systèmes peuvent être distinctes de celles des programmes qui les utilisent. C’est le cas de l’UBR du Malawi qui est géré de manière centralisée par un groupe de travail multiagences. Même lorsque le registre social est hébergé par le ministère central des Affaires sociales, il dessert souvent des programmes utilisateurs extérieurs à ce ministère (comme au Brésil, au Chili, aux Philippines et en Turquie).
Ce chapitre a passé en revue les modalités, les instruments et les techniques utilisés pour l’accueil et l’enregistrement, et l’évaluation des besoins et des conditions de vie. Ces outils se concentrent sur les personnes qui font une demande, s’enregistrent et sont évaluées en fonction de caractéristiques spécifiques, notamment les catégories démographiques, le statut socio-économique, le statut professionnel, le handicap et les risques sociaux. Tant la phase de l’accueil et l’enregistrement que celle de l’évaluation des besoins et des conditions de vie sont affectées par deux défis majeurs auxquels sont confrontés les pays du monde entier : l’inclusion dynamique et la coordination.
L’inclusion dynamique dépend fortement de l’approche choisie par les systèmes de mise en œuvre pour l’accueil et l’enregistrement des demandes, à la demande ou impulsée par les gestionnaires de programmes.
l Avec les systèmes à la demande, les personnes (individus, familles, ménages) peuvent demander à être évaluées et prises en compte pour une inclusion potentielle dans les programmes sociaux à tout moment. Au niveau mondial, la plupart des programmes de protection sociale adoptent l’approche à la demande. Cela inclut les programmes destinés à des catégories démographiques d’individus, de nombreux programmes ciblés sur la pauvreté, la plupart des prestations et des services liés au travail (tels que les prestations de chômage, les services de l’emploi et les PAMT), les prestations et services liés au handicap et les services sociaux. Les systèmes à la demande ont l’avantage de faciliter l’inclusion dynamique, car les personnes peuvent faire une demande à tout moment en fonction de leur propre situation.
Cependant, les approches à la demande ont l’inconvénient d’exiger une capacité administrative importante. Elles dépendent de l’existence d’un réseau permanent et étendu d’interfaces avec les clients (en personne ou numérique), ainsi que du financement continu des coûts administratifs fixes (tels que le personnel des bureaux locaux). l Avec l’approche impulsée par les gestionnaires de programmes, des cohortes de ménages sont enregistrées en masse selon un calendrier qui dépend
principalement de la capacité et du financement. Les processus impulsés par les gestionnaires de programmes sont principalement utilisés pour les programmes d’aide sociale destinés aux ménages pauvres ou vulnérables dans les pays en développement ou dans des situations où la capacité administrative locale est limitée. Ils ont tendance à être plus statiques (ce qui signifie que leurs informations sont souvent obsolètes), car ils n’ouvrent l’enregistrement que rarement, généralement tous les trois à cinq ans. De telles vagues d’enregistrement en masse, rapides et uniques, peuvent également être utilisées pour soutenir la réponse aux catastrophes dans des zones spécifiques. Cependant, les approches de cohorte impulsée par les gestionnaires de programmes ne permettent pas aux agences de répondre aux circonstances idiosyncrasiques ou aux chocs qui sont spécifiques aux conditions de vie individuelles des clients (comme la naissance d’un enfant, le vieillissement, la perte d’un emploi, un handicap, la situation socio-économique d’une famille individuelle, ou les vulnérabilités spécifiques de ce client). Ces approches reposent généralement sur des équipes contractuelles. Leurs besoins de financement sont « ponctuels» — ce qui signifie que des sommes importantes sont nécessaires pour financer les vagues d’enregistrement en masse, avec un financement moindre pendant les années intermédiaires.
Des processus et des systèmes partagés pour l’accueil et l’enregistrement des demandes et l’évaluation des besoins et des conditions de vie offrent des possibilités de coordination entre plusieurs programmes. Deux aspects de l’intégration ont été abordés dans ce chapitre :
l L’utilisation de processus communs pour l’accueil et l’enregistrement des demandes et l’évaluation des besoins et des conditions de vie par plusieurs programmes. Lorsque les programmes ont besoin d’informations communes provenant de groupes de populations similaires, il peut être efficace de partager les processus d’accueil et d’enregistrement plutôt que de collecter des informations similaires séparément. Cela nécessite des questionnaires harmonisés pour l’accueil et l’enregistrement des demandes. Les programmes multiples peuvent également utiliser
des outils d’évaluation communs tels que l’évaluation des ressources ou l’évaluation des ressources par approximation. Ces outils permettent de déterminer l’éligibilité à des prestations telles que les pensions sociales pour les personnes pauvres, les personnes âgées ou les personnes en situation de handicap, les prestations d’activation et les ensembles de services pour les travailleurs à faibles revenus, les services sociaux pour les familles à faibles revenus, les bourses d’études basées sur les besoins et les subventions d’assurance maladie sous condition de ressources. Si ces programmes peuvent avoir des exigences individuelles spécifiques, ils requièrent tous une sorte d’évaluation socio-économique des besoins et des conditions de vie. Les registres sociaux permettent de mettre en place des processus communs d’accueil, d’enregistrement et d’évaluation des besoins et des conditions de vie pour plusieurs programmes. l L’évaluation multidimensionnelle des besoins et des conditions de vie. Chaque personne ayant des caractéristiques différentes, ces processus peuvent recueillir des informations et évaluer les profils des personnes en fonction de diverses caractéristiques pour, par exemple, le dépistage des risques sociaux chez les demandeurs d’emploi, en plus des facteurs liés au travail ou la mise sous condition de ressources des prestations catégorielles, du chômage ou du handicap.
En somme, plusieurs facteurs favorisent un accueil et un enregistrement précis et efficaces ainsi que l’évaluation des besoins et des conditions de vie :
l Des processus simples et centrés sur l’humain (qu’ils soient numériques ou en personne); l Des agents d’accueil ou des travailleurs sociaux bien formés, dotés de compétences relationnelles; l Des aménagements pour les personnes éprouvant des difficultés d’accès (adaptations pour les personnes en situation de handicap, traduction linguistique, etc.); l Des questionnaires d’accueil et des formulaires de demande courts et faciles à comprendre, fondés sur le principe de la collecte d’informations minimales; l L’utilisation des informations déjà présentes dans le système pour éviter de les collecter à nouveau;