SPORT EN FAUTEUIL ROULANT
SÉRIE 4/4: TOKYO 2020
Des conditions très différentes Catherine Debrunner et Tobias Fankhauser se sont lancés dans les Jeux Paralympiques tant attendus avec des expectatives et des antécédents très inégaux. Nicolas Hausammann
Catherine était au top de sa forme, endurcie par le camp d’entraînement de Papendal. Elle s’est rendue à Tokyo avec l’espoir de gagner sa première médaille paralympique. Tobias Fankhauser, en revanche, n’a pu voir que le plafond de sa chambre d’hôpital au lieu de la superbe piste d’entraînement de Bâle-Campagne – une infection ayant soudain interrompu sa préparation. Avez-vous rempli vos propres attentes? Catherine: Pour moi, tout s’est passé à merveille. J’ai réalisé d’excellentes performances dans toutes les disciplines. Mon objectif principal était de décrocher une médaille, chose faite à la toute première course (le bronze). En fait, je voulais garder l’or pour Paris 2024 (rires), mais je n’allais quand même pas la refuser. Tobias: Ma performance est difficile à classer. Dix jours avant les JP, j’étais au CSP de Nottwil avec une infection, de la fièvre et des antibiotiques. Pendant longtemps, il n’était même pas sûr que je puisse me rendre à Tokyo. À cause des séquelles de l’infection, je ne pouvais pas donner le meilleur de moi-même. Mais en me classant 4e à la course sur route, j’ai obtenu le meilleur résultat possible. Comme les handbikeurs et handbikeuses étaient logé·e·s à l’extérieur du village, dans un hôtel situé près du circuit «Fuji Speedway»,
nous n’avions pas de contacts avec les athlètes des autres disciplines et pays. Cela me rend un peu mélancolique. Dans quel état d’esprit êtes-vous: en route vers le prochain objectif ou enfin une pause bienvenue? Tobias: C’est fou ce que cette préparation m’a coûté physiquement et mentalement. J’ai besoin de recharger mes batteries. Mon prochain objectif concerne donc mes études. Les objectifs sportifs restent encore en suspens. Cela va dépendre de la force de ma motivation et du soutien dont je bénéficierai à différents niveaux. Catherine: Pour le moment, je me consacre à ma famille et à mon filleul, qui me remettent les pieds sur terre après tous ces événements forts en émotion. Il y aura donc une petite pause avec quelques jours de vacances. Mais ensuite, ce sera objectif Paris – c’est seulement dans trois ans. Parlons de la pression: comment la gérez-vous, et avez-vous développé une sorte de dépression post-olympique? Catherine: J’ai pu garder mon flegme et me lancer dans les courses l’esprit libre. En plus, après la médaille de bronze, ça s’est presque fait tout seul. Il est donc peu probable que j’aie une dépression post-olympique. Ma famille m’aide beaucoup à me sentir en sécurité et à trouver la paix.
Tobias: Suite à mes ennuis de santé, la pression de la qualification était presque plus forte cette année que celle des JP euxmêmes. Les autres athlètes avaient certainement plus de pression et d’attentes de l’extérieur. J’ai savouré la bonne ambiance avec mes potes de handbike et c’est l’esprit léger que j’ai pris le départ de mes courses. Après les JP, je suis toutefois content de prendre un peu de distance avec le sport. Que retenez-vous de ces Jeux? Tobias: Il a fallu pas mal d’humour pour surmonter les premiers jours. On nous a toujours vanté les talents d’organisation des Japonais et la minutie de leur travail. Or quand nous avons voulu nous rendre sur la piste de course, il y avait bien dix bénévoles sur place, mais aucun car accessible en fauteuil roulant. Catherine: Avant ma course en or, j’ai dit à Samantha Kinghorn dans la «call room»: «Let’s beat the Chinese today.» Après la course, elle m’a raconté qu’elle s’était souvenue de mes paroles dans le dernier virage et qu’elle n’avait pas laissé son adversaire la dépasser. C’est bien que de telles amitiés existent malgré la compétition. Peu avant la mise sous presse de ce numéro, Tobias Fankhauser a annoncé qu’il arrêtait les compé titions. Une rétrospective de sa carrière paraîtra dans le prochain Paracontact.
Paracontact I Hiver 2021 33