HRONIQUE
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VIVRE : UN DÉCHIREMENT !
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« Quel est le sujet de ton article », me demande ma conjointe, Georgette. « L’optimisme », que je lui réponds. « Tu vas avoir beaucoup de travail à faire » qu’elle me rétorque, pince-sans-rire. Après un instant d’hésitation, je comprends qu’elle ne parle pas du travail sur mon article, mais de travailler sur moi. Suis-je vraiment si pessimiste ?
Tarse, le jeune converti dans une lettre expédiée au petit groupe de chrétiens de Corinthe. SOYONS RÉALISTES : LA VIE EST DÉCHIREMENT
Les pessimistes ne se perçoivent pas comme tels. Se croyant capables, plus que les autres, de voir et de comprendre ce qui se passe dans le monde, ils s’affirment réalistes.
Évidemment, pour une personne optimiste, celle qui est réaliste est simplement démissionnaire. En réalité, les êtres humains sont écartelés, murés qu’ils sont dans la mécanique rigide du cosmos et, parallèlement, secoués par les forces complexes et virevoltantes du vivant. Pour la personne réaliste, la vie est donc tragique, soumise à une fatalité implacable.
Il y a en effet tant de raisons d’être pessimiste, tel le cosmos qui se perpétue dans la vastitude inanimée, mais grouillante d’évènements dévastateurs, comme les tremblements de terre, les typhons, les orages électromagnétiques et les explosions de supernovae.
Comme le clown triste, les humains doivent continuer à rire, à faire des pirouettes, à vivre. Comme la mésange qui papillonne gaiement en grappillant sa pitance. Comme le pissenlit, parcelle de vie, qui aspire à vivre et continue à multiplier la vie.
Et il y a les pertes et les échecs personnels. Les maladies, les accidents, les épidémies. Le travail débilitant, l’épuisement, le chômage, les défaites de toutes sortes. Et la mort elle-même. Il y a aussi les difficultés de la vie en société, les brouilles, les divorces, les affrontements, les meurtres, les guerres, la mort encore.
Nous mourrons, mais, au fond de nous-mêmes, nous sentons, nous savons que, même si nous marchons vers la mort, la vie, dont nous sommes une braise, est elle-même immortelle. C’est le déchirement tragique que nous vivons, tout un chacun, plus ou moins consciemment. Nous vivons avec une épée au-dessus de la tête, nous vivons une tragédie. C’est notre destin. Et oui, certains jours, cela exige du courage.
ASSEZ DE DIFFICULTÉS POUR ÊTRE PESSIMISTE
Tout cela n’est que la manifestation de la vie qui bat, qui se reproduit, qui se répète, similaire et différente à chaque fois. Le destin est indifférent à nos états d’âme. Les pessimistes ont donc toutes les raisons d’être pessimistes. « Pessimiste ! », redira Georgette.
Le romancier Georges Bernanos a écrit : « L’optimiste est un imbécile heureux, le pessimiste un imbécile malheureux ». Soyons donc réalistes !
ASSEZ DE NAÏVETÉ POUR ÊTRE OPTIMISTE
CLAUDE COSSETTE
« Heureusement qu’il y a des gens optimistes », que je me répète. Les optimistes mettent de l’avant l’évidente beauté de la nature, de la vie, et même si certains de ses phénomènes sont parfois terrorisants, l’harmonie qui se manifeste dans le fonctionnement du cosmos. Parallèlement, l’optimiste entretient la croyance qu’un monde différent, mieux pensé, mieux réalisé, est possible. Que l’ordre de la nature n’est pas tout à fait réussi. Que cet ordre n’étant pas d’une rigidité absolue, il peut l’infléchir, l’influencer. L’optimiste estime qu’il peut corriger le fonctionnement du monde, par exemple, améliorer le déroulement des relations entre humains, entre groupes sociaux. Il est convaincu qu’il peut entraîner plus de paix, plus de justice, plus de solidarité. Fini l’ascendant des uns sur les autres ! Il y a des optimistes qui vont jusqu’à se croire plus fort que la mort. « Ô mort, où est ta victoire ? », frondait Paul de
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LA QUÊTE
MARS 2021