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Vivre: un déchirement
C ourtoi sie: Claude Cossette
« Quel est le sujet de ton article », me demande ma conjointe, Georgette. « L’optimisme », que je lui réponds. « Tu vas avoir beaucoup de travail à faire » qu’elle me rétorque, pince-sans-rire. Après un instant d’hésitation, je comprends qu’elle ne parle pas du travail sur mon article, mais de travailler sur moi. Suis-je vraiment si pessimiste?
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ASSEZ DE DIFFICULTÉS POUR ÊTRE PESSIMISTE
Les pessimistes ne se perçoivent pas comme tels. Se croyant capables, plus que les autres, de voir et de comprendre ce qui se passe dans le monde, ils s’affirment réalistes. Il y a en effet tant de raisons d’être pessimiste, tel le cosmos qui se perpétue dans la vastitude inanimée, mais grouillante d’évènements dévastateurs, comme les tremblements de terre, les typhons, les orages électromagnétiques et les explosions de supernovae. Et il y a les pertes et les échecs personnels. Les maladies, les accidents, les épidémies. Le travail débilitant, l’épuisement, le chômage, les défaites de toutes sortes. Et la mort elle-même. Il y a aussi les difficultés de la vie en société, les brouilles, les divorces, les affrontements, les meurtres, les guerres, la mort encore. Tout cela n’est que la manifestation de la vie qui bat, qui se reproduit, qui se répète, similaire et différente à chaque fois. Le destin est indifférent à nos états d’âme. Les pessimistes ont donc toutes les raisons d’être pessimistes. « Pessimiste! », redira Georgette.
ASSEZ DE NAÏVETÉ POUR ÊTRE OPTIMISTE
« Heureusement qu’il y a des gens optimistes », que je me répète. Les optimistes mettent de l’avant l’évidente beauté de la nature, de la vie, et même si certains de ses phénomènes sont parfois terrorisants, l’harmonie qui se manifeste dans le fonctionnement du cosmos.
Parallèlement, l’optimiste entretient la croyance qu’un monde différent, mieux pensé, mieux réalisé, est possible. Que l’ordre de la nature n’est pas tout à fait réussi. Que cet ordre n’étant pas d’une rigidité absolue, il peut l’infléchir, l’influencer.
L’optimiste estime qu’il peut corriger le fonctionnement du monde, par exemple, améliorer le déroulement des relations entre humains, entre groupes sociaux. Il est convaincu qu’il peut entraîner plus de paix, plus de justice, plus de solidarité. Fini l’ascendant des uns sur les autres!
Il y a des optimistes qui vont jusqu’à se croire plus fort que la mort. « Ô mort, où est ta victoire? », frondait Paul de Tarse, le jeune converti dans une lettre expédiée au petit groupe de chrétiens de Corinthe.
SOYONS RÉALISTES: LA VIE EST DÉCHIREMENT
Évidemment, pour une personne optimiste, celle qui est réaliste est simplement démissionnaire. En réalité, les êtres humains sont écartelés, murés qu’ils sont dans la mécanique rigide du cosmos et, parallèlement, secoués par les forces complexes et virevoltantes du vivant. Pour la personne réaliste, la vie est donc tragique, soumise à une fatalité implacable. Comme le clown triste, les humains doivent continuer à rire, à faire des pirouettes, à vivre. Comme la mésange qui papillonne gaiement en grappillant sa pitance. Comme le pissenlit, parcelle de vie, qui aspire à vivre et continue à multiplier la vie. Nous mourrons, mais, au fond de nous-mêmes, nous sentons, nous savons que, même si nous marchons vers la mort, la vie, dont nous sommes une braise, est elle-même immortelle. C’est le déchirement tragique que nous vivons, tout un chacun, plus ou moins consciemment. Nous vivons avec une épée au-dessus de la tête, nous vivons une tragédie. C’est notre destin. Et oui, certains jours, cela exige du courage. Le romancier Georges Bernanos a écrit: « L’optimiste est un imbécile heureux, le pessimiste un imbécile malheureux ». Soyons donc réalistes!
CLAUDE COSSETTE
TROIS RAISONS D’ÊTRE OPTIMISTE
Dire que l’année 2020 et le début de l’année 2021 ont été éprouvants dans pratiquement toutes les sphères de nos vies serait un euphémisme, même pour les plus résilients. Par contre, cette adversité mondiale et locale est un moment opportun à l’introspection sociale ainsi que sur la manière dont nous gérons nos sociétés. Voici donc trois raisons d’être optimistes socialement en 2021.
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Avec l’imposition du couvre-feu aux Québécois, le 9 janvier 2021, est venue la question sensible des sans-abri assujettis à ce dernier. C’est alors que la notion de résidence prend tout son sens. Comment puis-je y rester confiné… si je n’en ai pas de résidence? Évidemment, il y a les refuges qui font un travail essentiel d’accueil des sans-abri, pour ceux qui en ont besoin et qui souhaitent s’y rendre. Mais, il serait ignorant de penser que si l’on prenait l’ensemble des sans-abri de la ville de Québec et leur imposait de rentrer dans un refuge, il y aurait suffisamment de places disponibles. De plus, pour des raisons qui leur appartiennent et qui sont tout aussi valables, certains sans-abri ne souhaitent tout simplement pas dormir dans un refuge. Même si le Service de Police de la Ville de Québec avait manifesté son intention de ne pas donner de contraventions (1 500 $!) aux sans-abri, reste que l’augmentation des interpellations potentielles peut-être un irritant considérable et que certains sans-abri ont le réflexe de se réfugier dans des endroits moins sécuritaires pour échapper aux patrouilles. L’OPTIMISME ici vient du fait que la Cour supérieure a rendu une décision fin janvier, suspendant l’application de l’article 29 du décret, exemptant ainsi les sans-abri de ce couvre-feu. Comme quoi le gros bon sens porte parfois une toge et non un complet cravate! Ce jugement vient confirmer aux yeux du grand public que les sans-abri sont partie intégrante de nos sociétés et qu’ils doivent être pris en considération dans toute décision politique qui les impacte potentiellement.
Avec la pandémie est venu le constat incontestable que nous sommes tous interreliés et que face à cette dernière, nous sommes aussi forts que les plus vulnérables le sont. Les bénéficiaires des organismes communautaires sont fréquemment des personnes ayant une grande mobilité qui fréquentent plus d’un établissement, augmentant ainsi le risque de contraction de la Covid-19. D’autant plus que les individus en risque d’errance fréquentant ces organismes n’ont pas le luxe de se permettre une distanciation sociale, étant au contraire la plupart du temps contraints à une promiscuité indésirable en temps de pandémie. Alors que la vaccination prend tranquillement son élan au Québec et que la pyramide d’inoculation des groupes prioritaires (CHSLD, personnel de la santé, RPA, communauté autochtone, etc.) a été établie, des organismes comme le Regroupement pour les itinérants et itinérantes de Québec (RAIIQ) militent pour que les sans-abri y soient inclus. OPTIMISTE que les autorités de la santé publique se pencheront sur la situation et prioriseront les bénéficiaires des refuges ainsi que son personnel. Cet optimisme peut facilement s’extrapoler à la communauté internationale qui doit, à travers son initiative vaccinale COVAX, soutenir les pays en développement.
Finalement, OPTIMISTE que nous tirerons des leçons de la dernière année, autant au niveau personnel, social et planétaire. L’humanité ne peut se permettre d’ignorer les causes des zoonoses1 comme la Covid-19: trafic d’animaux sauvages, déforestation excessive pour l’élevage animal et l’agriculture, destruction d’habitats naturels, utilisation d’animaux sauvages à des fins médicinales, wet markets2 non régulés, etc. De grands maux qui peuvent nous paraître bien difficiles à influencer du centre-ville de Québec, mais une simple prise de conscience que la pandémie actuelle est liée à notre manque de respect pour la vie naturelle peuvent servir de compas. Cette prise de conscience peut se transposer en petits gestes quotidiens et habitudes qui enverront un télégramme aux entreprises et gouvernements. Un des objectifs étant que certains gouvernements aident les personnes à trouver des alternatives pour gagner leur vie aux gens qui sont contraints d’exploiter la nature pour subvenir à leurs besoins. OPTIMISTE que de grandes idées et grands principes comme la diminution de notre consommation, le respect de notre planète et ses écosystèmes complexes, la diminution de la pauvreté et la reconnaissance que nous sommes imputables des décisions collectives que nous prenons se traduiront en prise de conscience. Certes, la pandémie nous a éloignés physiquement, mais rapprochés en conscience en nous faisant réaliser à quel degré la proximité de nos proches est fondamentale. C’est lorsque l’on perd quelque chose que l’on tient pour acquis que l’on apprend, et nous avons beaucoup appris. En souhaitant pouvoir bientôt se faire bercer par un piano post-pandémique: la main gauche qui joue d’optimisme et la droite qui joue d’empathie envers les plus vulnérables, les leçons apprises qui battent la mesure. À la prochaine ballade,
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SÉBASTIEN AGOSTINI-CAYER
1-Maladies qui se transmettent des animaux aux humains 2- Marchés où sont vendus des animaux vivants pour consommation. On y retrouve parfois des animaux exotiques interdits.
OPTIMISME ET UNITÉ AUX COMMANDES D’UN PAYS FRACTURÉ
Le démocrate Joe Biden, investi 46e président des États-Unis le 20 janvier dernier, hérite d’un pays fracturé par les tensions sociales, que certains surnomment les ÉtatsDésunis d’Amérique. Optimiste, le nouveau président parle néanmoins d’unité à onze reprises dans son discours d’investiture et signe 27 décrets en deux jours, ce qui donne le ton de la présidence qu’il entend mener.
Le président a entamé son mandat en signant une série de 17 décrets, dont la suspension de la construction du mur frontalier avec le Mexique. Il a également présenté devant le Congrès un projet de réforme migratoire qui permettra de régulariser la situation de millions de sans-papiers. Cette réforme vise notamment les « Dreamers », ces jeunes entrés clandestinement dans le pays lorsqu’ils étaient enfants, ainsi que les ressortissants de plusieurs pays à majorité musulmane. Le président a également annoncé la mise en place d’un groupe de soutien visant à réunir les centaines d’enfants qui ont été séparés de leur famille à la frontière mexicaine et dont les parents restent introuvables. Enfin, Joe Biden a tenté de déposer un moratoire de 100 jours sur les déportations, lequel a été suspendu par un tribunal américain une semaine plus tard.
FIGURE DE PIONNIÈRES
Kamala Harris, bras droit de Joe Biden, est la première Américaine afroasiatique et première femme nommée à la vice-présidence des États-Unis. Son pouvoir dépendra certes du président, mais il est probable qu’elle occupe un rôle déterminant au Congrès et qu’elle soit placée à la tête d’un gros dossier comme la lutte contre le racisme. Non seulement elle a été procureure générale de la Californie, mais il y a de fortes probabilités qu’elle succède à Joe Biden. Kamala Harris est perçue comme l’avenir du Parti démocrate: elle est jeune, elle possède des acquis et elle a de l’ambition. De plus, les 37 années d’expérience de Joe Biden au Sénat et son expérience comme vice-président font de lui le meilleur instructeur qu’elle puisse avoir. Dans tous les cas, elle incarne un symbole fort qu’il est probable que le président veuille exploiter. Ce dernier a également mis sur pied la toute première équipe de communication pour la Maison-Blanchecomposée exclusivement de femmes.

Début février, Joe Biden a donné suite à une initiative prise en 2011 par Barack Obama pour « promouvoir les droits humains des personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres, queers et intersexes (LGBTQI) à travers le monde ». : Erika Bisaillon
Montage
CHANGEMENT D’IMAGE ET DE PRIORITÉS
Âgé de 78 ans, Joe Biden est le plus vieux président à accéder à ce poste. Sur cette lancée de premières historiques, il a érigé l’équipe la plus diversifiée que le pays ait connue. Souhaitant représenter la population américaine d’aujourd’hui, son cabinet est paritaire et la majorité des membres nommés est issue des minorités.
Bien que certaines de ces nominations nécessitent encore l’approbation du Sénat, les candidatures mises de l’avant apportent un vent de changement. Pour la toute première fois, un Hispanique d’origine cubaine, Alejandro Mayorkas, sera responsable de la politique migratoire du pays. Janet Yellen, de son côté, est la première femme secrétaire au Trésor.
Joe Biden a nommé Lloyd Austin comme secrétaire de la défense, le tout premier Afro-Américain à diriger le Pentagone. Avril Haines hérite du poste de directrice des services de renseignement américain ce qui fait d’elle la femme la plus puissante des États-Unis après la vice-présidente. Le président a également choisi Pete Buttigieg comme secrétaire aux transports et aux infrastructures, faisant de lui le premier secrétaire ouvertement homosexuel.
Joe Biden a nommé Debra Anne Haaland, membre de la nation Laguna Pueblo, au poste de secrétaire à l’Intérieur. Cet autre choix historique fait d’elle la première Autochtone à être à la tête des terres publiques, des voies navigables, de la faune, des parcs nationaux et des richesses minérales du pays. Comme secrétaire adjointe à la santé, Joe Biden a nommé la pédiatre Rachel Levine, faisant d’elle la plus haute responsable transgenre du gouvernement des États-Unis.
Katherine Tai a été nommée au poste de représentante au commerce et serait la première Américaine d’origine asiatique et la première femme issue d’une minorité visible à occuper ce titre. Xavier Becerra, fils d’immigrants mexicains, serait le premier Américain d’origine hispanique à diriger le département de la Santé et des Services sociaux. Cecilia Rouse serait la première Afro-Américaine présidente du Conseil des conseillers économiques et Neera Tanden, fille d’immigrants indiens, serait la première femme d’une minorité ethnique à diriger le bureau de la gestion et du budget.
DES FEMMES QUI SE FONT ENTENDRE
La dernière année a été difficile pour les droits des femmes. « La pandémie a révélé à quel point le progrès constaté était fragile et précaire », note le Collectif 8 mars qui s’implique chaque année dans la planification de la journée internationale des droits des femmes. Pour l’édition 2021, le thème choisi pour souligner le 8 mars est « Écoutons les femmes ».
Malgré un tableau obscurci par la COVID-19, des femmes d’ici et d’ailleurs continuent de briser des plafonds de verre afin que leurs voix s’élèvent dans de nouvelles sphères de notre société. Si le cabinet hautement féminisé du nouveau président américain Joe Biden a beaucoup fait jaser, il ne faut pas oublier de regarder les avancées des femmes de chez nous.
Vers la fin de l’été 2020, Chrystia Freeland est devenue la première femme à occuper le poste de ministre des Finances dans l’histoire du Canada, une fonction prestigieuse qu’elle ajoute à celle non moins importante de vice-première ministre. En octobre, l’avocate Annamie Paul a été élue à la tête du Parti vert du Canada, devenant ainsi la première femme noire à diriger un parti fédéral au pays. Un peu plus tard ce mois-là, c’est au tour de Rania Llewellyn de faire une première en accédant à la direction de la Banque Laurentienne. Elle est la première femme à diriger une « grande banque » au Canada. Née au Koweït et arrivée au Canada après la guerre du Golfe, Mme Llewellyn a commencé sa carrière comme caissière à temps partiel avant de gravir les échelons jusqu’au sommet de l’institution bancaire.
Au niveau provincial, Dominique Anglade est devenue, en mai, la première femme à prendre la tête du Parti libéral du Québec alors que Janie C. Béïque a décroché l’honneur d’être la première femme PDG du Fonds de solidarité FTQ.
POUR UN SYSTÈME PLUS À L’ÉCOUTE
Depuis le début de l’année 2021, deux projets à l’étude tentent de modifier des systèmes auxquelles les victimes québécoises d’agression et de violence sexuelle ainsi que de violence conjugale sont souvent confrontées. Dans le processus de réforme du Régime d’indemnisation des victimes d’actes criminels (IVAC) en cours, on prévoit corriger « l’insensibilité » du système, notamment, en éliminant le délai maximal de deux ans audelà duquel les victimes de violence sexuelle, de violence conjugale et celles ayant subi de la violence durant leur enfance ne pouvaient plus demander d’indemnisation. Pour les autres crimes, le délai pour porter plainte et être indemnisé passerait de deux à trois ans, si cette réforme est finalement acceptée. Elle prévoit aussi ajouter les victimes d’exploitations sexuelles (pornographie juvénile, leurre d’enfant, traite de personnes, partage non consensuel d’images intimes) à la liste des personnes pouvant être indemnisées. Ensuite, le ministre de la Justice du Québec a fait un pas de plus vers la création d’un tribunal spécialisé dans les cas d’agression sexuelle et de violence conjugale en créant un comité responsable d’évaluer la faisabilité de cette proposition. La création d’un tel tribunal est recommandée dans le rapport déposé en décembre dernier par un comité d’experts sur l’accompagnement des victimes d’agressions sexuelles et de violence conjugale. Plusieurs groupes de femmes ou venant en soutien aux victimes espèrent la concrétisation de ce tribunal spécialisé.
: Tirée du comte Twitter @AnnamiePaul Crédit photo

Annamie Paul est la première femme noire à diriger un parti fédéral au Canada.
VALÉRIE MARCOUX

« Le visuel met en lumière les femmes dans toute leur diversité afin de représenter la pluralité de leurs réalités et des luttes féministes à mener », indique le Collectif 8 mars.
: Valaska. »
: « Le Collectif 8 mars, Crédit photoMolotov communications. Illustration
COUP D’ŒIL AUTOUR MONDE
ONU-Femmes a publié son palmarès des moments les plus marquants pour l’avancée des droits des femmes dans le monde en 2020. À noter que cette publication a été faite à la mi-décembre, peu de temps avant que l’interruption volontaire de la grossesse (IVG) ne devienne officiellement légale en Argentine, une victoire longtemps désirée par les militantes de ce pays et qui aurait certainement mérité une place dans ce top dix.
VALÉRIE MARCOUX
Les femmes leaders de pays se distinguent dans la lutte contre la COVID-19, notamment en Nouvelle-Zélande, Allemagne, Finlande et Bangladesh.
Les États-Unis élisent la première femme vice-présidente de leur histoire, Kamala Harris.
L’Écosse rend les produits menstruels gratuits pour tous.
Les noms des mères figurent maintenant sur les cartes d’identité des enfants en Afghanistan.
Les dirigeants mondiaux ravivent la vision du Programme d’action de Beijing, la feuille de route la plus complète pour faire progresser l’égalité des sexes et qui engage plus de 100 pays dans des actions concrètes. Égalité de rémunération pour les footballeuses au Brésil et en Sierra Leone.
La nouvelle loi koweïtienne sur la violence domestique donne de l’espoir aux femmes.
Le premier « Enfant de l’Année » du TIME’S célèbre le « girl power » et les femmes scientifiques.
La Nouvelle-Zélande nomme la première femme autochtone ministre des Affaires étrangères, Nanaia Mahuta.
Un premier duo féminin remporte le prix Nobel de chimie, Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna.
La ministre néo-zélandaise Nanaia Mahuta porte un tatou facial traditionnel maori.
INFORMER, LE SOURIRE DANS LA VOIX
« Bonjour, Guillaume Bédard en ondes avec vous, il est 8 h! » Derrière le micro de L’allongé sur CHYZ 94,3 ou à Première heure d’ICI RadioCanada Première, les animateurs radio présentent quotidiennement l’actualité. Des sujets graves à ceux plus rafraîchissants, les acteurs de l’information du matin attachent de l’importance à présenter des nouvelles avec enthousiasme.
En ondes, hors du studio radio, Mireille Roberge présente une chronique d’actions citoyennes dans l’émission Première heure. Tôt, à partir de 6 h 40, la chroniqueuse aborde des initiatives nées à Québec et ses environs. « Je parle de gens qui mettent en place des actions et qui méritent qu’on parle d’eux », décrit la journaliste. Elle se dit fière de présenter des informations qui font du bien. « Ce sont des gens qui n’ont pas l’habitude d’être sous les feux de la rampe, mais qui font la différence dans leur milieu », ajoute-t-elle. Mireille Roberge met l’accent sur les histoires humaines qui se cachent dans les coulisses des grands fils d’actualités. « Je deviens très à l’affût, dans la discussion ou sur les réseaux sociaux, pour dénicher ce qui pourrait faire un bon sujet », détaille-t-elle. Elle soutient aussi que « s’intéresser aux personnes derrière les grands événements peut parfois apporter de bonnes surprises ». La chronique apporte une dose d’optimisme dans la matinale. Pour Mireille Roberge, les auditeurs attendent cet équilibre. « On a besoin d’une bouffée d’air frais dans l’émission chargée d’actualité ». La signature de Mireille Roberge est aussi sa voix. « Les gens disent que j’ai le sourire dans la voix, mais je crois que je l’ai toujours eu », s’amuse-t-elle. « C’est le ton que j’ai adopté depuis longtemps donc c’est devenu naturel », poursuit la chroniqueuse.
UN TON TRAVAILLÉ
Dans les studios de la radio des étudiants de l’Université Laval, CHYZ 94,3, Guillaume Bédard anime L’allongé, matinale de la station. Sur ce créneau, les animateurs bénévoles présentent l’actualité du jour, le plus souvent sous forme de revue de presse, appuyée par un travail de recherches pour étoffer les nouvelles. Le ton adopté pour les présenter est un choix travaillé.
« On traite les nouvelles en fonction de l’actualité, mais on peut choisir le ton sur lequel on en parle. La voix demande une conscience constante de l’énergie et du ton que tu y mets », explique Guillaume Bédard. L’actualité générale contient aussi des sujets plus difficiles. En parler ne veut pas dire être austère. L’animateur raconte comment il a abordé le cas de Joyce Echaquan, [ femme autochtone morte à l’hôpital de Joliette en septembre 2020, maltraitée par le personnel qui la soignait] « quand on en parlait, on évoquait sa mort, mais on parlait aussi de la suite, de la réconciliation ».
L’enjeu pour garder l’espoir, même dans les nouvelles tristes, est d’aller au-delà du sensationnalisme. « La meilleure façon d’aller plus loin que les émotions est de prendre le temps de mettre les choses en contexte, d’approfondir », insiste Guillaume Bédard.

Mireille Roberge n’a pas d’équipe avec elle sur le terrain. Pour mettre à l’aise ses invités, son astuce est d’arriver en avance et de jaser.
PLAISIR AUDIBLE
Présenter les deux côtés de la médaille est une pratique journalistique chère à Gabrielle Morissette. Ancienne directrice de l’information de CHYZ 94,3 et chargée de la préparation des journalistes animateurs bénévoles, elle explique pourquoi l’enthousiasme est important pour la station. « CHYZ est un des rares médias à faire des émissions d’actualité de 30 minutes et plus. On ne peut pas se permettre d’être plates. » Elle ajoute: « La plupart des bénévoles sont fiers de ce qu’ils font, ils y prennent du plaisir et ça s’entend. » Les bénévoles de la radio sont des étudiants, mais ils n’étudient pas toujours en communication ou en journalisme. Leur motivation est parfois simplement d’apprendre à s’exprimer clairement. « C’est pour eux un complément extraordinaire », estime Gabrielle Morissette. « Savoir s’exprimer, c’est utile tous les jours de la vie ».
La radio qui s’adresse aux 18-35 ans peut aussi compter sur l’habillage sonore de sa matinale pour transmettre de la bonne humeur. « L’allongé commence avec des bruits du matin, proches de notre réalité, et ce n’est pas des sons qu’on entend habituellement à la radio, ça peut avoir un impact sur le mood général de l’émission ». D’ailleurs, Guillaume Bédard utilise lui aussi le potentiel musical de la diffusion en onde pour mettre l’auditeur de bonne humeur. « Pour bien commencer une émission et une journée, j’écoute Café corsé de Bleu jean bleu ». Bonne écoute!
VICTOR LHOEST
COVID-19 : VOIR LE BON CÔTÉ DES CHOSES
Fermeture des écoles, interdiction de voyager, engorgement du système de santé, perte de proches et l’isolement sans précédent, ce ne sont que quelques-unes des répercussions que la COVID-19 a eues sur le monde au cours de la dernière année. Toutefois, Poulami Roychowdhury, professeure en sociologie à l’Université McGill, suggère que tout dans la vie est balancé et que la pandémie est aussi accompagnée d’effets positifs qui méritent d’être soulignés.
Spécialisée en droits de la personne et en développement durable, Poulami Roychowdhury avance que la crise sanitaire qui dure depuis un an aurait contribué à l’amélioration de la situation environnementale mondiale. En effet, elle mentionne que le nombre réduit d’avions en circulation, ainsi que le travail à la maison, diminuant les déplacements et par conséquent les trafics routiers, constituent les principaux facteurs qui offrent un répit à l’écosystème de la planète Terre. Selon elle, « les baisses spectaculaires d’émissions de dioxyde de carbone sont directement liées à la réduction drastique des activités industrielles fortement dépendantes du charbon et du pétrole ». Aussi, la professeure souligne que les habitudes de consommation des Québécois ont fortement changé. « Terminés les déjeuners, dîners, soupers au restaurant; terminés les cinémas et les spectacles; terminées les virées de magasinage impromptues: on reste à la maison », dit-elle. Tous ces changements affectent, certes, l’économie québécoise de façon capitale, mais favorisent une stabilité financière pour une majorité de Canadiens, déclare-t-elle. Selon un sondage réalisé par la Banque Royale du Canada, les dépenses réglées avec des cartes de crédit ont diminué de 60 % depuis mars 2020. Mme Roychowdhury reconnaît que la situation financière de plusieurs Québécois s’est détériorée, en raison de la COVID. Par contre, elle prétend que pour une « majorité de Québécois, l’opportunité d’épargner est présente ».
UN TRAVAIL VALORISANT
Rafik Tabli, originaire du Maroc et établi à Trois-Rivières depuis deux ans, fait partie d’une cohorte de professionnels ayant été sélectionnés par le gouvernement pour compléter la formation accélérée de préposé aux soins d’assistance en établissement de santé. Travaillant officiellement dans le domaine des soins d’assistance depuis janvier 2021, Tabli affirme être très épanoui. « Ce n’est pas un emploi facile, mais c’est réconfortant de savoir qu’on aide un peu durant ces temps difficiles », déclare-t-il. Depuis son arrivée au Québec, le jeune homme dit avoir peiné à trouver du travail. Formé en mécanique, il explique que l’obtention d’équivalences n’a pas été un processus simple pour lui. Toutefois, cette formation, développée par le gouvernement Legault en juin 2020, lui a offert une opportunité de se qualifier pour un emploi stable et valorisant.
Lancé en Italie au début de la pandémie de la COVID-19, le slogan, originalement andrà tutto bene, est un phénomène viral qui a été traduit dans plusieurs régions du monde. (Wikemedia Commons)
UNE OPPORTUNITÉ POUR RECOMMENCER
Pour Clara Sansoucy, la pandémie lui a offert le coup de pouce nécessaire afin de quitter l’emploi qu’elle occupait depuis 10 ans. Comptable de formation, Mme Sansoucy ne trouvait plus que son domaine était source d’épanouissement. Se disant coincée et lassée de pratiquer la comptabilité comme elle le faisait, elle a vu en la pandémie l’occasion de faire le grand saut comme travailleuse autonome. « Presque trois mois après cette lourde décision, je peux vous dire que ça été la meilleure décision de ma vie », affirme-t-elle.
Mère de deux enfants en bas âge, Clara Sansoucy craignait que ce changement affecte la situation financière de sa famille. Toutefois, elle explique que puisque « tout est fermé avec la COVID, les dépenses sont réduites et la situation est sous contrôle. Ça ne pouvait pas mieux tomber. » La comptable reconnaît les malheurs causés par la pandémie, mais se dit tout de même reconnaissante pour la dernière année. Elle y a vu la chance de se retrouver, de prendre soin de soi, de redéfinir ses priorités, de passer plus de temps avec sa famille et de « tout simplement ralentir ». « Avant, on se plaignait qu’on n’avait pas le temps qu’on était toujours pressés et stressés. Et si la pandémie nous faisait un cadeau déguisé en nous forçant justement à prendre le temps d’arrêter, de revenir aux sources et d’apprécier les petits bonheurs simples », suggère-t-elle. Poulami Roychowdhury dit espérer et anticiper des changements positifs sur notre société post-COVIDd comme une plus grande conscientisation de l’environnement, une tolérance envers le travail à la maison et une priorisation de la santé mentale et physique.
DINA JEHHAR
LES COULEURS ESSENTIELLES S’APPRÊTENT À RECONQUÉRIR LES RUES
Emprunter le charme des rues pour les transformer en galeries d’art, c’est l’une des missions derrière le projet Les couleurs essentielles. Inauguré en mars dernier par la maison d’édition montréalaise Paperole, le but de ce projet est de soutenir le personnel soignant et remettre de la gaieté là où la crise sanitaire a laissé un goût amer et déprimant. Jacinthe Pilote, l’initiatrice du mouvement, revient sur les motivations derrière la mise en place de cette exposition itinérante, et nous fait part de la suite des projets de Paperole.
Cela a eu un effet domino. Les couleurs essentielles a d’abord trouvé racine à Montréal avant de poursuivre son expansion dans la capitale et d’autres villes. Ce qui était censé être une vidéo de soutien destinée aux hôpitaux s’est rapidement transformée en un projet collaboratif promu par des artistes locaux et internationaux. « Quand j’ai vu les dessins arriver, j’en ai reçu beaucoup et puis je me suis dit “ah non, ça ne peut pas être que dans les hôpitaux” », soutient la fondatrice de Paperole. Ici à Québec, c’est Dominic Guay, associé chez Triade Marketing, qui a été à la tête de ce projet haut en couleur dont certaines œuvres sont encore tapissées sur quelques croisements de rues.
UNE MISSION PLURIELLE
En fusionnant l’art et la santé, Jacinthe Pilote avait pour intention de communiquer soutien et courage tout en rappelant la nécessité du monde artistique. « On ne parlait que des services essentiels, c’était comme si, tout d’un coup, les artistes n’étaient comme pas considérés dans la crise. J’ai voulu leur donner un rôle pour aider la santé mentale des gens », témoigne la bachelière en design graphique. Une initiative qui se veut également altruiste et inclusive a notamment vu le jour. « Le projet était pour la rue. Ce n’était pas un projet élitiste. Si le projet est dans la rue, c’est parce que tout le monde peut en profiter et c’est ça qui est beau. Tu n’as pas besoin d’entrer dans un musée pour voir le projet », déclare-t-elle.
L’ART: UN REMÈDE INTEMPOREL
Alors que la crise et les restrictions sanitaires sont toujours d’actualité, les couleurs peuvent encore sembler essentielles. Le projet qui fêtera son premier anniversaire an en avril prochain a déjà trouvé un héritier. En effet, la maison d’édition montréalaise a lancé, pas plus tard qu’en décembre, un nouveau concept visant à afficher des dessins dans les vitrines des magasins locaux. « La stratégie principale est d’aider les commerçants et les restaurateurs, il ne s’agit là que d’une première phase », explique Jacinthe. Ce projet encore embryonnaire a reçu le soutien de son premier artiste, Benoît Tardif, illustrateur montréalais, qui a déjà contribué au premier projet. Cette nouvelle aventure rencontre cependant quelques obstacles, notamment celui de convaincre les locataires des immeubles qui n’ont pas l’habitude de traiter ce genre de demande. « C’est beaucoup de dialogue », insiste l’éditrice. L’un des terrains d’attaque n’est autre que la rue Saint-Denis, une rue commerçante populaire de Montréal qui a longtemps été désertée après l’annonce de la pandémie. Si le milieu artistique est désormais destiné à affronter des changements sans précédent, cela ne représente pas une fin en soi pour l’éditrice, bien au contraire. « Quand t’es quelqu’un de créatif, les problèmes peuvent devenir des pistes créatives, de nouvelles manières de voir les choses », confiet-elle.
La fondatrice de Paperole ne souhaite pas s’arrêter là et aspire à donner une nouvelle vie aux couleurs essentielles. « On espère un jour pouvoir organiser une exposition avec tous les dessins des artistes, faire une espèce de rétrospective des différents projets qui ont été réalisés à travers ce projetlà », ajoute-t-elle. Il faudra être encore un peu patient pour savoir si ces initiatives naissantes connaîtront le même succès que la première, et notamment si l’affichage en vitrine trouvera aussi sa place dans les petits commerces de Québec.
: Océane Kouassi
Crédit photo
OCÉANE KOUASSI
