The Red Bulletin CF 07/21

Page 1

SUISSE JUILLET-AOÛT 2021 3,80 CHF

ÇA JOUE OU BIEN ?

Le foot de demain promet d’ĂȘtre tout sauf prĂ©visible : des ballons intelligents, des femmes qui changent la donne, et les USA champions du monde (sans blague) Plus : les 11 thĂšses visionnaires de Ralf Rangnick

ABONNEZ-VOUS DÈS MAINTENANT : GETREDBULLETIN.CH

HORS DU COMMUN


WATCH ME FORD MUSTANG MACH-E. 100% ÉLECTRIQUE. ford.ch


É D I TO R I A L

BIENVENUE

TOUT SERA DIFFÉRENT LA QUADRATURE DU CERCLE L’illustrateur autrichien primĂ© Ă  de multiples ­reprises, Stefan Stratil, a rĂ©alisĂ© les visuels de notre dossier spĂ©cial sur le foot de demain.

heures par jour, le temps d’entraünement d’un gamer. Sa vie consiste à jouer et à dormir. Dix faits sur le boom de l’esport. Page 12

LE DESSERT EN ENTRÉE

Cela amĂ©liore le bienĂȘtre physique. Du moins pour Robert Lewandowski. Les ­astuces d’auto-optimisation de l’élite des footballeurs. Page 70

Bonne lecture ! La RĂ©daction

KICK IT LIKE ELTON!

Voici Elton John en 1974, portant le maillot du FC Watford. Mais pour faire son entrĂ©e sur scĂšne, le chanteur prĂ©fĂšre porter une paire de Gucci. Page 14

GETTY IMAGES

STEFAN STRATIL (COUVERTURE), STUART PATIENCE

16

Ce n’est pas un hasard si le buteur Robert Lewandowski se dĂ©lecte de tartes et desserts en tous genres (voir ci-contre). Ce n’est pas non plus un hasard s’il dĂ©guste ces bombes caloriques en entrĂ©e, comme coup d’envoi de ses repas. S’il le fait, c’est qu’il a une trĂšs bonne raison (rendez-vous page 70 pour en savoir plus). Il s’agit d’un petit changement, certes, mais pointu, dans le monde du football. Cela montre l’importance du dĂ©tail dans un sport en plein chamboulement. C’est pourquoi nous avons consacrĂ© un dossier entier Ă  ces bouleversements, dĂšs la page 45. Mais les changements ne touchent pas que l’univers du foot. Ils concernent tous les sports. À Tokyo, de nombreux athlĂštes recevront enfin la reconnaissance qu’ils mĂ©ritent depuis longtemps, comme la cycliste suisse Nikita Ducarroz, pour qui le BMX fut une rĂ©elle bouĂ©e de sauvetage, Ă  lire page 30.

THE RED BULLETIN

3


CONTENUS The Red Bulletin juillet - aoĂ»t 2021

PORTFOLIO

18 L A MAGIE DES FONDS

FlorilÚge des meilleures ­photos de plongeurs-apnéistes ­réalisées par Franck Seguin.

VÉLO

30 ESPOIR OLYMPIQUE

Comment le BMX a sauvé la vie de Nikita Ducarroz.

46 11 PRÉVISIONS Ralf Rangnick explique ce qui comptera dans le foot Ă  l’avenir. 50 P LANÈTE SUPPORTEURS ! Jane Stockdale leur rend ­hommage en photo. 58 L ES FEMMES EN AVANT Anja Mittag and co ouvrent la voie Ă  la nouvelle gĂ©nĂ©ration. 64 F AIRE LE MUR AUTREMENT Petite rĂ©volution de la dĂ©fense sur coup franc. 66 L A VOIE DU SUCCÈS Les USA seront les champions. Voici leur plan quinquennal. 70 B IOHACKING AUTORISÉ Les mĂ©thodes des stars pour optimiser leurs performances.

DE LA POP À L’IRE Hannah Reid, la chanteuse de London Grammar, apprĂ©cie la diversitĂ©.

MUSIQUE

34 L A COLÈRE DANS L’ART

La chanteuse Hannah Reid est plus engagée que jamais.

ESCRIME

36 TRAINING CRÉATIF

Pourquoi Max Heinzer ­s’entraüne à la patinoire.

GRIMPE

38 MON CHER JOURNAL
 Consigner ses pensĂ©es a ­permis Ă  Petra Klingler ­d’atteindre le sommet.

PERSPECTIVES EXPÉRIENCES POUR UNE VIE AMÉLIORÉE

76 P ERSONAL COACH La hi-tech va tout changer. 80 Q UIZ : QUI A DIT
 Haaland ou Drago ?

34

STEFAN STRATIL

LE FOOT DE DEMAIN

58 DU FOOTBOT AU PODCAST Anja Mittag, entraßneure du RB Leipzig, repense le foot féminin.

38

83 VOYAGE. Le parapentiste Paul Guschlbauer rĂ©vĂšle ses aventures le long de la route Red Bull X-Alps. 88 Q UE DU BON ! Conseils, dates et objets de collection. 90 R ED BULL TV. Actu et temps forts de la tĂ©lĂ©vision. 92 B OULEVARD DES HÉROS. Le plus grand sacrifice de Marlene Dietrich.

6 GALERIE 12 L’ADDITION, S’IL VOUS PLAÎT !

4

14 OBJET TROUVÉ 16 LE MOMENT PHILO : PLATON

9 6 MENTIONS LÉGALES 9 8 LE TRAIT DE LA FIN

DES HAUTS ET DES BAS Petra Klingler nous ouvre son journal intime avant les JO.

THE RED BULLETIN

THOMAS LAISNÉ/CONTOUR, GREG FUNNEL, GIAN PAUL LOZZA, FRANCK SEGUIN

Dossier


18

DE LA SURFACE AUX FONDS MARINS Le photographe Franck Seguin suit les apnĂ©istes sous l’eau.

THE RED BULLETIN

5


FORTALEZA, BRÉSIL

Bassin brĂ©silien RĂ©-ouvrir un parc aquatique rien que pour un pro du wakeboard et lui laisser carte blanche afin qu’il puisse exprimer sa crĂ©ativitĂ©, voilĂ  une belle idĂ©e ! Le chanceux rider est le BrĂ©silien Pedro Caldas, Ă  qui l’on a confiĂ© le Beach Park de Fortaleza. Il a pris ses aises sur huit de ses attractions, dont le plus grand toboggan aquatique au monde (dans la catĂ©gorie tornade), le Vaikuntundo, culminant Ă  25 mĂštres de haut. Son compatriote Marcelo Maragni a sorti son maillot pour documenter cette session inĂ©dite. Scannez le QR code pour voir le clip


7

MARCELO MARAGNI/RED BULL CONTENT POOL



LA BALME, FRANCE

DAVYDD CHONG

Elle fait le pont

DEAN TREML/RED BULL CONTENT POOL

Le confinement a mis un frein Ă  bon nombre de nos passe-temps favoris, comme le shopping de produits Ă  bas prix, le visionnage de mauvais films au cinĂ©, et le plongeon depuis une corniche ­rocheuse dans l’eau. Des mois de couvrefeu en Australie ont donnĂ© l’envie Ă  ­Rhiannan Iffland, une lĂ©gende du Red Bull Cliff Diving, de faire au moins l’une de ces choses. Aussi, lorsque l’idĂ©e d’une plongĂ©e depuis le pont de La Balme (19,5 m), dans le sud-est du pays – shootĂ©e par le Suisse Dean Treml – a Ă©tĂ© Ă©voquĂ©e en septembre dernier, elle a sautĂ© sur l’occasion.

9


BOVEC, SLOVÉNIE

Ballet dans les nuages Il s’agit de la Polonaise Maja Kuczynska, qui, Ă  21 ans, fait dĂ©jĂ  partie de l’élite mondiale des parachutistes. Avec son compatriote, l’as de la voltige ­Ɓukasz Czepiela, elle a conçu un spectacle paradisiaque : Red Bull Game of A.I.R. Ɓukasz exĂ©cute les manƓuvres du programme de voltige en avion : ­loopings, vrilles, saltos avant et arriĂšre, pirouettes, tandis que Maja les rĂ©alise en chute libre. Cela crĂ©e une danse entre l’homme et la machine. Ici, Maja, d’excellente bonne humeur, au-­dessus de la couverture nuageuse qui surplombe la SlovĂ©nie. Scannez le QR code pour voir le clip


11

SAMO VIDIC/RED BULL CONTENT POOL


L’ A D D I T I O N , S ’ I L V O U S P L A Î T  !

LA RÉVOLUTION DE L’ESPORT

La vie est un jeu De gamer à millionnaire ? Rien de plus normal. Les chiffres les plus fous de l’esport : combien d’heures d’entraünement par jour ? Combien gagnent-ils ? Quand prennent-ils leur retraite ?

personnes gagnent leur vie en jouant à Counter-Strike: Global Offensive, le jeu le plus populaire de l’industrie esport.

Plus de 100 millions de personnes assistent au mondial de League of ­Legends. Plus que le Superbowl la mĂȘme annĂ©e (98 millions).

millions de CHF remportĂ©s par le Danois Johan « N0tail » ­Sundstein, 27 ans, lors des 126 tournois Dota 2.

La date du premier tournoi de jeux vidĂ©o Ă  l’universitĂ© de Stanford en Californie. Le jeu Ă©tait Spacewar!, le premier prix : un an d’abonnement au magazine Rolling Stone.

1

600

milliard de dollars (910 millions de CHF) : le CA que va rĂ©aliser le secteur de l’esport en 2021, soit 14,5 % de plus que l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente.

mouvements de doigts par minute : ce que peuvent rĂ©aliser les meilleurs gamers.

ans, c’était l’ñge de « Wolfiez » Ashman (RU), lorsqu’il a ter­ minĂ© deuxiĂšme de la Fortnite World Cup en 2019, devenant ainsi le plus jeune millionnaire au monde. Sa rĂ©compense: 1,14 million de CHF.

heures par jour, la durĂ©e moyenne d’entraĂźnement d’un gamer. Âge moyen de la retraite : 25 ans.

12

27 800 000

de CHF, c’est la somme investie par le rappeur Sean « P. Diddy » Combs en 2018 dans la plateforme d’esport PlayVS, lançant ainsi une mode chez les stars : Drake, J.Lo et d’autres investissent dĂ©sormais dans ce secteur.

685

Ă©quipes d’esport dans les facs anglaises. Plus que les Ă©quipes de foot (662).

THE RED BULLETIN

CLAUDIA MEITERT

15

16

495

heures de chaleur fournies par les sachets chauffe-main que les gamers triturent dans la fraßcheur des studios pour conserver leur motricité fine.

6,4

1972

millions de personnes font partie de la communauté esport dans le monde. 223 millions de joueurs pour 272 millions de spectateurs.

10

GETTY IMAGES (2), F. SCOTT SCHAFER

2019

13 0 29


Elegance is an attitude Simon Baker

HydroConquest


O B J E T T RO U V É

Reginald Dwight, alias Elton John, a débuté sa carriÚre il y a tout juste cinquante ans.

Le dernier show Chaussures de scĂšne Gucci de la rock star anglaise pour sa tournĂ©e d’adieux Farewell Yellow Brick Road, 2021 En septembre 2018, Elton John entamait, Ă  74 ans, sa tournĂ©e d’adieux mondiale qui devait s’achever en dĂ©cembre 2020. Mais pour les raisons que l’on connaĂźt, il a dĂ» se rĂ©soudre Ă  repousser sa retraite. Les concerts devraient reprendre en septembre en Allemagne (allĂ©luia !) et se prolonger jusqu’en dĂ©cembre 2023. La totalitĂ© de sa garde-robe est signĂ©e de la marque italienne Gucci. « Les costumes ont toujours Ă©tĂ© un Ă©lĂ©ment essentiel de mes spectacles car je suis esclave de mon piano. »

14

THE RED BULLETIN

MIGNOT/NYT/REDUX/LAIF, GETTY IMAGES

ELTON JOHN


Vous aimez la libertĂ©. Il vous donne l’espace nĂ©cessaire. Le nouveau Taycan Cross Turismo. Soul, electrified. DĂ©marrez votre prochaine aventure. Lors des Taycan Days du 19 au 26 juin 2021: www.porsche.ch/taycan


L E M OM EN T PHILO

PLATON DIT :

« L’amour est libre et spontané »

Ne cherchons-nous pas tous des partenaires qui correspondent Ă  nos dĂ©sirs ? Naturellement, et c’est bien pour cela que nous sommes si malheureux. L’éros n’est pas une super glue peralgorithmes mettant de coller deux moitiĂ©s aux n’ont rien Ă  voir proportions Ă©gales, mais un feu qui s’embrase dans l’altĂ©ritĂ© du partePour ainsi dire, oui. avec l’éros. naire. Si tout se dĂ©roule exactement C’est vous qui le dites. Mes contempoLa seule chose rains, Ă  juste titre, se reprĂ©sentaient la selon vos calculs, il n’y a plus de dĂ©Ă  faire, c’est ouvrir veloppement possible. RĂ©sultat : un force de l’amour, ou plus prĂ©cisĂ©ment couple figĂ© dans l’harmonie. Si, en de la passion amoureuse, comme un son cƓur et revanche, vous ressentez de l’amour angelot muni d’un arc et d’une flĂšche. son esprit. » pour une personne qui ne vous corSelon eux, la flĂšche d’Éros frappait de respond pas du tout au dĂ©part mais maniĂšre imprĂ©visible et impĂ©rieuse, avec laquelle vous pensez pouvoir mĂ»rir, alors l’éros embrasant une passion affranchie de toute rĂšgle ou de vous donne des ailes et vous permet de vous dĂ©passer. tout algorithme; une passion libre, spontanĂ©e, comme un enfant en train de jouer. Donc, selon vous, les services de rencontres numĂ©riques ne servent Ă  rien? Mais les chances d’ĂȘtre touchĂ© par l’amour (ou par Exactement. Les algorithmes n’ont rien Ă  voir avec l’éros, si vous prĂ©fĂ©rez) ne sont-elles pas multipliĂ©es l’éros. La seule chose Ă  faire, c’est s’abandonner Ă  la si, grĂące Ă  une prĂ©sĂ©lection numĂ©rique, on ne rencontre que des personnes qui nous correspondent ? vie, ouvrir son cƓur et son esprit Ă  l’inattendu, se laisser toucher. L’éros est une Ă©nergie pure et c’est Certes, c’est ce que pensait mon ami Aristophane Ă  qui seulement en l’acceptant que l’on pourra se sentir j’ai fait dire que les humains Ă©taient autrefois ronds vivant, en toute joie et en toute passion. comme des boules que Zeus, dans sa colĂšre, a coupĂ©es en deux : et depuis, nous recherchons dĂ©sespĂ©rĂ©ment PLATON (428 –348 av. J.-C.) est le philosophe le plus influent notre deuxiĂšme moitiĂ©, la meilleure. Si c’était le cas, de la culture europĂ©enne. Ses dialogues, conservĂ©s dans leur les algorithmes pourraient effectivement nous aider intĂ©gralitĂ©, rĂ©vĂšlent son grand talent littĂ©raire et sa capacitĂ© Ă  Ă  trouver un partenaire. Les personnes prises dans le rĂ©sumer toute la sagesse de la GrĂšce antique en une philosofeu de l’éros pourront croire qu’elles n’ont Ă©tĂ© complĂ©phie. L’AcadĂ©mie athĂ©nienne qu’il a fondĂ©e a Ă©tĂ© le centre inteltĂ©es que par leur partenaire, mais c’est une impression lectuel du monde antique pendant prĂšs de mille ans. trompeuse, en dĂ©finitive. Vous n’avez peut-ĂȘtre pas encore trouvĂ© votre bonne moitiĂ©, cher monsieur Platon.

16

CHRISTOPH QUARCH, 56 ans, est un philosophe allemand, thĂ©ologien, coach en entreprise et auteur de nombreux ouvrages philosophiques. Dernier paru : Platon und die Folgen (trad. Platon et consĂ©quences), Ă©d. J.N Metzler, Stuttgart.

THE RED BULLETIN

BENE ROHLMANN

the red bulletin : Une cĂ©lĂšbre agence de rencontres en ligne affirme qu’un cĂ©libataire tombe amoureux toutes les onze minutes sur sa plateforme. Des algorithmes intelligents Ă©valuent les profils des utilisateurs et dĂ©terminent un profil correspondant grĂące aux « matching points ». Beaucoup de couples heureux ont, paraĂźt-il, vu le jour de cette façon
 Qu’en pensez-vous? Platon : Si je vous comprends bien, vous me demandez si je pense que les actions du dieu que les Grecs appellent Éros peuvent ĂȘtre calculĂ©es « Les mathĂ©matiquement.

Si vous saviez 
 mais passons. Voyez-vous, on ne peut pas dire qu’il y a un moment prĂ©cis oĂč l’ĂȘtre humain est parfaitement accompli ; les chercheurs en neuroscience vous le confirmeront. Nous ne sommes pas les piĂšces d’un puzzle qu’il suffit d’assembler et tant mieux si ça passe. Le miracle de l’éros, c’est autre chose : c’est une Ă©nergie qui vous pousse Ă  Ă©largir et Ă  dĂ©velopper votre potentiel, Ă  mĂ»rir, Ă  choisir une nouvelle vie et Ă  grandir. RĂ©pondre en tous points aux attentes et aux dĂ©sirs de l’autre n’est pas synonyme de relation heureuse et durable. Se soutenir mutuellement pour s’épanouir ensemble, voilĂ  la bonne formule.

DR. CHRISTOPH QUARCH

Pour Platon, le philosophe grec, ce dĂ©sir universel de trouver le partenaire idĂ©al est totalement surĂ©valuĂ©, comme il nous l’explique dans notre entretien fictif sur l’amour et la passion avec le philosophe allemand Christoph Quarch.


NEW Ć KODA

ENYAQ iV

100% Ă©lectrique. 100% pour vous. Choisissez la joie et la facilitĂ© avec le Ć KODA ENYAQ iV entiĂšrement Ă©lectrique. Il se distingue par une technologie avant-gardiste tout en restant une voiture du prĂ©sent: pratique au quotidien, avec beaucoup d’espace et une grande autonomie. Bien entendu, il est Ă©galement disponible en version 4x4. Testez-le maintenant! Ć KODA. Made for Switzerland.


P O RT FO L IO

«  Ces photos d’apnĂ©e sont mes projections mentales » AuprĂšs de l’élite de l’apnĂ©e, Franck Seguin accompagne des phĂ©nomĂšnes passĂ©s d’explorateurs de l’inconnu Ă  icĂŽnes du monde digital. Texte PH CAMY

L’avenir

Rade de Villefranche-sur-Mer, France, 2006 « L’une de mes premiĂšres photos d’apnĂ©e. Je rencontre ces champions français, et je veux faire connaĂźtre ces aventuriers dans la presse, car quelque chose d’important naĂźt : l’avenir. Je deviens alors ami avec Guillaume NĂ©ry. Pour cette photo, je lui ai demandĂ© de porter une combinaison colorĂ©e, plutĂŽt que ses vieilles tenues noires habituelles. »

18

THE RED BULLETIN


THE RED BULLETIN

19


P O RT FO L IO

Le marcheur

Au large de l’üle Maurice, ocĂ©an Indien, 2017

« Le projet One Breath Around The World : deux ans de par le monde Ă  la rencontre de gens et de lieux d’exception. Ici, Ă  20m, Guillaume marche au milieu de ce groupe de femelles et de jeunes cachalots. Le cachalot est l’apnĂ©iste du monde animal le plus performant, avec des apnĂ©es atteignant 90 min et des descentes vertigineuses Ă  plus de 3000m de profondeur. »

20

THE RED BULLETIN


THE RED BULLETIN

21


P O RT FO L IO

22

THE RED BULLETIN


Superhéros

Îles du Frioul, Marseille, France, 2015

Un extraterrestre

CĂ©note Angelita, YucatĂĄn, Mexique, 2018

« Pour le double champion du monde Morgan Bourc’his, qui a commencĂ© par ĂȘtre enseignant, les autres comptent beaucoup. C’est un mec extraordinaire, d’une extrĂȘme bontĂ©, aux capacitĂ©s physiques hors-normes. Ce pote que tu rĂȘverais d’avoir, avec lequel rien ne peut t’arriver. Je l’ai toujours vu comme un superhĂ©ros. Ça va bien avec cette photo. »

« Guillaume NĂ©ry dans un nuage de sulfure d’hydrogĂšne, une rĂ©action chimique entre l’eau douce, l’eau de mer et la putrĂ©faction des arbres qui tombent dans ces riviĂšres sous-marines depuis la surface de la jungle. Il paraĂźt dĂ©contractĂ©, mais il est Ă  30 m de fond, et nous sommes au milieu de la jungle, Ă  prĂšs de 5 h de piste de quoi que ce soit. »

THE RED BULLETIN

23


P O RT FO L IO

Le MbappĂ© de l’apnĂ©e ?

Rade de Ville­ franche-sur-Mer, France, 2021 « Celui qui devrait ĂȘtre la future grande star, Arnaud Jerald. Un mec moderne, branchĂ©, trĂšs performant. Il vient de loin, car il a souffert de dyslexie et de dyspraxie Ă©tant jeune, et aujourd’hui c’est un peu un Kylian MbappĂ© de l’apnĂ©e. Son image, ou son esprit, se multiplie dans l’eau, avant qu’il ne bascule dans l’autre monde, Ă  111 m. »

24

THE RED BULLETIN


THE RED BULLETIN

25


P O RT FO L IO

Bienveillance

Tahiti, PolynĂ©sie française, 2019 « Arnaud Jerald Ă  gauche, Guillaume NĂ©ry Ă  droite. Le jeune prodige et le Master – des rĂŽles que les deux plongeurs acceptent bien volontiers. Entre les apnĂ©istes français, ça n’est que de la bienveillance et de l’entraide. C’est une photo un peu symbolique, mais on ne va pas parler de passation, parce que Guillaume, l’aĂźnĂ©, reste le leader mondial incontestĂ©, c’est un extraterrestre. »

Cosmique

Rade de Villefranche-sur-Mer, France, 2020 « NĂ©ry dans l’espace. Avec cette photo, j’ai l’impression d’avoir rĂ©ussi Ă  retranscrire un aspect cosmique du fond de l’eau. Dans un site et avec un apnĂ©iste que je connais trĂšs bien, je me suis attachĂ© Ă  trouver des bleus diffĂ©rents, Ă  me renouveler. »

26

THE RED BULLETIN


Un dessin

Tahiti, PolynĂ©sie française, 2019 « Guillaume (droite) toujours ravi d’embarquer Arnaud (gauche), ce champion qui prend son envol, dans un projet ou une virĂ©e. L’idĂ©e de cette image, c’était de voir le jeune prodige Ă©voluer avec le grand champion, dans un instant complice. Cela rappelle les bandes dessinĂ©es d’aventures, avec l’épave d’avion, et les poissons Ă  leurs trousses. Ça pourrait ĂȘtre un dessin. »

THE RED BULLETIN

27


P O RT FO L IO

28

THE RED BULLETIN


LE PHOTOGRAPHE « L’apnĂ©e Ă©volue rapidement, et sa pratique explose Ă  travers le monde. On est loin du Guillaume en lunettes de piscine, qui ouvre ce sujet ». L’apnĂ©e, Franck Seguin (photojournaliste, et responsable de la photo Ă  L’Équipe) la documente depuis 15 ans, Ă  son top : des Français pour la plupart, dont l’icĂŽne planĂ©taire, Guillaume NĂ©ry. « Quand j’ai connu ces mecs, c’était des aventuriers, des leaders qui exploraient un monde inconnu », se souvient Franck Seguin. DĂ©sormais, le monde digital relaye volontiers les performances et exploits esthĂ©tiques de ces champions, et Franck n’est jamais loin. Notamment dans la fameuse rade de Villefranche-sur-Mer, lieu historique de l’apnĂ©e. Mais pas pour engranger les followers sur les rĂ©seaux sociaux. « J’essaie de raconter des histoires, de documenter les ­aventures de champions reconnus ou de jeunes prodiges car je suis avant tout photojournaliste. Mon mĂ©tier, c’est d’informer. » Instagram : @franckseguinphoto

L’apnĂ©e

Rade de Villefranche-sur-Mer, France, 2006 « Cette photo, c’est l’apnĂ©e. L’inspiration avant de plonger, ou la premiĂšre goulĂ©e d’air en revenant Ă  la surface
 Ce genre d’image n’existait pas Ă  l’époque. Quinze ans se sont Ă©coulĂ©s, et dĂ©sormais, avec des talents comme Arnaud Jerald, je documente le futur. Avec lui et ses aĂźnĂ©s, dont Guillaume NĂ©ry, ici, nous avons d’autres histoires Ă  raconter. »

THE RED BULLETIN

29


VĂ©lo

Nikita Ducarroz, 24 ans, est l’un des plus grands talents du BMX en Suisse et un espoir pour les JO de Tokyo. Sa tendance Ă  la dĂ©pression ne lui a pas portĂ© prĂ©judice, au contraire. Entretien WERNER JESSNER  Photo LUIS CASANOVA

À 12 ans, Nikita a dĂ©cidĂ© qu’elle ne monterait plus jamais dans un avion, mĂȘme si cela impliquait qu’elle ne pourrait plus retourner voir ses grands-parents Ă  GenĂšve. Ses parents – pĂšre suisse, mĂšre amĂ©ricaine – ont toujours veillĂ© Ă  ce que leur fille ait des contacts avec les deux cĂŽtĂ©s de la famille. Nikita vivait Ă  Glen Ellen, au nord de San Francisco et y Ă©tait scolarisĂ©e, mais elle passait ses Ă©tĂ©s en Suisse, et la famille parlait français Ă  la maison. Cette Ă©poque Ă©tait rĂ©volue. Certains jours, Nikita n’arrivait mĂȘme plus Ă  sortir de sa chambre tant elle broyait du noir. Elle s’asseyait face Ă  son ordinateur et passait son temps sur YouTube. Un jour, elle est tombĂ©e par hasard sur une vidĂ©o de BMX freestyle. Cela lui a plu. S’il y avait bien une chose qu’elle avait toujours aimĂ©, c’était faire du vĂ©lo. Ça remontait Ă  la fois oĂč elle Ă©tait partie faire du camping avec ses parents : elle s’était construit de petits tremplins dans la forĂȘt et s’amusait Ă  sauter par-dessus. En plus, le BMX prĂ©sentait un avantage certain par rapport au foot qu’elle avait pratiquĂ© plus jeune : c’était une activitĂ© qu’elle pouvait faire seule, en tĂȘte-Ă -tĂȘte avec sa rampe en bois, sans avoir ­besoin de parler Ă  personne.

30

Elle s’était dĂ©jĂ  essayĂ© Ă  tant d’autres choses avant qui l’avaient rapidement lassĂ©e. Mais cette fois-ci, c’était diffĂ©rent. « J’ai une capacitĂ© d’attention trĂšs rĂ©duite. Mais avec le BMX, il y a toujours quelque chose de nouveau Ă  essayer et il n’y a pas de limites Ă  l’amĂ©lioration. C’est ce qui m’a aidĂ©e Ă  persĂ©vĂ©rer. » Sans parler, bien sĂ»r, de la satisfaction d’avoir appris un nouveau trick et de rĂ©ussir Ă  le rentrer : « C’est une sensation tellement agrĂ©able qu’on voudrait la revivre encore et encore. »

Nikita fait partie de ces gens qui ont du mal au début.

Se lever. DĂ©marrer. Et cela n’a pas changĂ©. Il lui arrive encore d’avoir des blocages, et dans ces cas-lĂ , elle se murmure Ă  elle-mĂȘme que ça ira mieux une fois qu’elle se sera lancĂ©e. Les routines l’aident Ă  faire ce premier pas, aprĂšs quoi les choses deviennent plus faciles. Ne pas rĂ©flĂ©chir, agir. En mode automatique. Le talent de Nikita, couplĂ© Ă  l’ambition dont elle fait preuve Ă  l’entraĂźnement, l’ont rapidement amenĂ©e Ă  participer Ă  des compĂ©titions, ce qui lui a posĂ© quelques problĂšmes : l’obligation de voyager. De rencontrer des inconnus. De sortir de sa chambre d’hĂŽtel. « Ce qui me rend le plus heureuse, c’est quand je peux rider sans pression dans un park trop cool. » Mais alors pourquoi s’infliger la pression des compĂ©titions ? Et devenir la premiĂšre (et la seule) participante

À 19 ans, Nikita Ducarroz est remontĂ©e dans un avion.

Pour la premiĂšre fois et, Ă  sa grande surprise, elle a dĂ©couvert le bonheur de se balader par monts et par vaux : « Ce qui me plaĂźt le plus dans ma façon de vivre, c’est que ça m’a permis de me faire des amis aux quatre coins de la planĂšte. Le BMX, c’est comme une grande famille. MĂȘme si on est en concurrence, chacun ride autant pour lui-mĂȘme que pour une cause commune : promouvoir notre sport. » Et personne ne le promeut autant que notre AmĂ©ricano-Suisse aux cheveux bruns, avec ses deux nationalitĂ©s et sa licence helvĂ©tique. Si elle s’est installĂ©e en Caroline du Nord, c’est parce que lĂ -bas, elle a trouvĂ© la meilleure communautĂ© et les

THE RED BULLETIN

ROBERT SNOW/RED BULL CONTENT POOL

« Le BMX m’a sauvĂ© la vie »

suisse en BMX aux Jeux olympiques, en plus ? « De la pression, il m’en faut quand mĂȘme un minimum, admetelle. C’est ce qui m’aide Ă  me lever le matin et Ă  enfourcher mon vĂ©lo. À ne pas m’arrĂȘter. C’est important de se dĂ©passer et de faire des choses qu’on n’a pas vraiment envie de faire – comme prendre l’avion par exemple. » Chaque fois qu’elle s’est blessĂ©e et qu’elle n’a pas pu rider, elle s’est rendu compte Ă  quel point cela lui manquait. C’était comme si on la privait du mĂ©dicament dont elle avait besoin pour ĂȘtre heureuse. Et au passage, elle a rĂ©alisĂ© qu’il n’y avait pas que cela qui lui manquait, qu’il y avait d’autres choses qu’elle aimait, qu’elle adorait, mĂȘme : ses potes avec qui elle traĂźne et s’entraĂźne. L’excitation avant les contests, le sentiment d’avoir rĂ©ussi, l’euphorie aprĂšs un ride qui s’était dĂ©roulĂ© exactement comme elle l’avait prĂ©vu. Voyager. Oui, oui, voyager.


«  Le BMX, c’est comme une grande famille. » Nikita Ducarroz sur ce qu’elle apprĂ©cie le plus dans son sport.

THE RED BULLETIN

31


Nikita Ducarroz est rarement a­ ussi détendue et heureuse que sur son BMX.

­ eilleures opportunitĂ©s qui soient. m « Avant, je roulais deux, trois, quatre jours par semaine, maintenant, c’est tous les jours sans exception. MĂȘme si je ne me donne pas forcĂ©ment toujours Ă  fond, cette routine quotidienne Ă©vite Ă  mon cerveau de retomber dans ses vieux travers. Un petit-dĂ©j’ et hop, je pars rouler. » Rien d’étonnant Ă  ce qu’elle fasse des progrĂšs. « Quand on voit un enfant tous les jours, on ne se rend pas compte qu’il grandit. C’est seulement quand on ne l’a pas vu depuis un moment qu’on le remarque. C’est pareil pour ma façon de rider : dans mon groupe d’entraĂźnement, on grandit tous au mĂȘme rythme. » Le dernier contest auquel elle a participĂ©, c’était en 2019. Comment a-t-elle rĂ©sistĂ© mentalement Ă  ce break imposé ? « Je me suis efforcĂ©e de ne pas y penser en faisant des choses auxquelles je n’ai pas de temps ou presque Ă  consacrer d’habitude : du yoga. Lire. J’ai dressĂ© une liste des choses que j’ai envie de faire quand la compĂ©tition reprendra. Il a fallu que je garde mon cerveau occupĂ© pour ne pas sombrer dans la dĂ©pression et j’ai misĂ© sur des distractions qui pouvaient m’aider en vue des Jeux olympiques. » 32

Nikita Ducarroz est entrée dans la cour des grands.

Pour la premiĂšre fois, le BMX fera partie des disciplines olympiques et le monde entier aura les yeux rivĂ©s sur elle. Mais si elle s’est mise au BMX, c’est parce qu’elle pouvait le pratiquer toute seule et qu’il n’y avait personne pour l’observer. « C’est quelque chose que j’arrive un peu mieux Ă  gĂ©rer maintenant – probablement aussi grĂące Ă  ma routine. Il y a des jours oĂč je suis au fond du trou et oĂč je dois me rappeler d’agir en professionnelle. C’est quand mĂȘme de ma carriĂšre qu’il s’agit. »

« Je ne me suis jamais sentie aussi bien. »

Comment sa vie aurait-elle tournĂ© sans le BMX ? « Je serais probablement toujours assise dans le noir Ă  ne pas faire grand-chose. » Et elle aime toujours autant rester assise : « Ce sont mes amis qui me traĂźnent dehors. Et il faut que je sache Ă  l’avance oĂč on va et pour combien de temps. » Quand Nikita Ducarroz pense Ă  Tokyo, elle ressent un mĂ©lange de joie et de stress. « De la joie parce que j’aurai la chance d’y ĂȘtre, et du stress parce que ce sont les Jeux olympiques. La vĂ©ritĂ©, c’est qu’aucun d’entre nous ne sait Ă  quoi s’attendre parce que ce seront nos premiers Jeux Ă  tous. Encore une chose qui peut devenir un facteur de tension. » Elle sera nerveuse, forcĂ©ment, prĂ©ditelle. « Je ne suis pas particuliĂšrement compĂ©titive. Battre les autres, ça ne m’intĂ©resse pas vraiment. Mais je suis dure et j’ai des exigences Ă©levĂ©es envers moi-mĂȘme. » Nikita sait comment elle rĂ©ussira Ă  gĂ©rer tout cela. « À chaque contest, je trompe mon cerveau en me rĂ©pĂ©tant que c’est simplement une session de ride avec les mĂȘmes personnes que d’habitude. Et que je peux le faire. Que je me prouve chaque jour que j’en suis capable. » Elle est du genre Ă  penser beaucoup trop, dĂ©plore-t-elle. Mais il y a une chose que Nikita a apprise au fil des ans : les heures et les minutes qui prĂ©cĂšdent chaque ride sont les pires. DĂšs qu’elle s’élance dans le half-pipe, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, elle est dans son Ă©lĂ©ment. Il n’y a rien pour la distraire, aucun mur noir qui se dresse devant elle. Elle est totalement concentrĂ©e sur elle-mĂȘme. Plus que la plupart. Et en ce moment, la jeune femme de 24 ans est au top de sa forme : « Franchement, je ne me suis jamais sentie aussi bien. » On est loin du discours d’une ­personne qui aurait peur de sortir de chez elle. Instagram  : @nikita.ducarroz THE RED BULLETIN

ROBERT SNOW/RED BULL CONTENT POOL

VĂ©lo



Musique

Comment Hannah Reid, 31 ans, chanteuse du groupe d’indie pop London Grammar, transforme sa colĂšre contre les hommes au pouvoir en une musique Ă©tincelante. Texte STEPHANIE PHILLIPS  Photo WILL REID

Lorsque nous rejoignons Hannah Reid dans sa maison de l’ouest de Londres, elle nous explique comment elle et son groupe ont tirĂ© profit du confinement : « Au lieu de faire une tournĂ©e, nous avons Ă©tĂ© crĂ©atifs. Nous avons beaucoup Ă©crit et travaillĂ© sur un quatriĂšme album. » C’est une surprise, car le troisiĂšme album de London Grammar vient tout juste de sortir. Californian Soil est une suite cohĂ©rente de chansons habilement conçues qui traitent de la misogynie toxique, de la fin du rĂȘve amĂ©ricain et de l’évolution personnelle de Reid. Les morceaux affichent davantage de confiance en soi que ceux des albums prĂ©cĂ©dents. La musicienne trentenaire attribue cette nouvelle assurance Ă  son Ăąge, Ă  ses expĂ©riences et Ă  l’inspiration insufflĂ©e par une nouvelle gĂ©nĂ©ration d’artistes fĂ©minines. the red bulletin : Vous avez connu la cĂ©lĂ©britĂ© assez jeune. En quoi cet Ă©tat de choses vous a influencĂ© sur le plan personnel ? hannah reid : Nous avons obtenu notre premier contrat d’enregistrement lorsque j’avais 21 ans et cela m’a certainement transformĂ©e sur le plan personnel. L’industrie musicale est un milieu vraiment sans merci. Elle est complĂštement dominĂ©e par

34

les hommes, et le simple fait d’évoluer dans cet environnement s’est avĂ©rĂ© un changement radical pour moi. Quand vous rencontrez le succĂšs, une foule de personnes que vous ne connaissez mĂȘme pas a tout Ă  coup une opinion sur vous et votre travail. Vous courez le risque de perdre le sens de ce que vous ĂȘtes. Mais je pense que je l’ai retrouvĂ© avec le troisiĂšme album. J’ai beaucoup changĂ© en tant que personne, et on retrouve aussi une Ă©nergie diffĂ©rente derriĂšre ma musique et mes textes. L’album est plutĂŽt pop selon nos standards, mais certains textes sont plus sombres et agressifs que d’habitude. L’assurance est-elle venue avec l’ñge ? Sur le premier album, j’étais en fait trĂšs perdue et vulnĂ©rable, comme beaucoup de jeunes au mĂȘme Ăąge. Sur le second, je me cachais derriĂšre les paroles. Maintenant, j’assume. C’est : « Je dis ce que je veux. » Vous avez mentionnĂ© que vous considĂ©riez cet album comme ­fĂ©ministe
 Les paroles le sont certainement. J’ai vĂ©cu des expĂ©riences marquantes en tant que femme dans l’industrie musicale. Quand je rentrais chez moi et que j’en parlais Ă  mes amies, je rĂ©alisais qu’elles

Pensez-vous que le mouvement #MeToo aura un effet durable sur l’industrie musicale ? #MeToo est semblable Ă  Black Lives Matter – ce mouvement a poussĂ© les gens Ă  s’interroger et Ă  rĂ©flĂ©chir. MĂȘme des hommes trĂšs bien avec lesquels j’ai travaillĂ© m’ont dit : « Je n’avais pas du tout rĂ©alisĂ© que les femmes ressentaient ça. » #MeToo fut un Ă©norme pas en avant. Vous inspirez-vous rĂ©ellement d’autres artistes fĂ©minines ? J’aime toutes les formes d’art crĂ©Ă©es par des femmes qui traitent de la conscience de nos propres forces et de la prise en charge de nos vies. En ce moment, une nouvelle gĂ©nĂ©ration d’artistes fĂ©minines comme Arlo Parks et Billie Eilish montre la voie Ă  suivre. Elles sont nettement plus jeunes que moi, mais elles sont maĂźtresses de leur carriĂšre et disent ce qu’elles ont envie de dire. Cela m’a beaucoup aidĂ©e. Votre nouvelle confiance en vousmĂȘme vous fait-elle songer Ă  entreprendre une carriĂšre solo ? Il existe une magie entre nous trois, au sein du groupe, que j’apprĂ©cie grandement. Peu importe la maniĂšre dont la musique change d’un album Ă  l’autre, nous avons toujours Ă©voluĂ© en tant que trio. C’est fascinant d’en faire partie. Je me vois peut-ĂȘtre un jour Ă©crire un album de country vraiment obscur et tragique que personne n’écoutera probablement. Mais c’est encore loin. L’album Californian Soil de London ­ rammar est sorti au printemps. G

THE RED BULLETIN

WILL REID/CONTOUR BY GETTY IMAGES

« #MeToo fut un Ă©norme pas en avant »

avaient toutes vĂ©cues les mĂȘmes choses mĂȘme si elles n’évoluaient pas du tout dans la mĂȘme sphĂšre. C’était dĂ©cevant. Je me disais : « Wahou, le monde n’a pas Ă©voluĂ© comme je le pensais. »


« Les artistes comme Billie Eilish me donnent un nouveau courage. » Hannah Reid s’inspire d’une gĂ©nĂ©ration d’artistes fĂ©minines Ă©mergente qui ont confiance en elles.

THE RED BULLETIN

35


Escrime Max Heinzer, 33, en tenue d’escrime: 3e tentative aux JO.

Le pouvoir de la crĂ©ativitĂ© Il domine ses adversaires avec des attaques uniques, s’entraĂźne dans une cage de hockey : l’escrimeur Max Heinzer redouble d’idĂ©es pour enfin remporter l’or olympique. Texte HANNES KROPIK

Au moment dĂ©cisif, Max Heinzer n’hĂ©site pas une seconde : dĂ©terminĂ©, il bondit en avant, dĂ©vie le fer de son attaquant, dĂ©ploie son corps, coupe soudain le mouvement de son bras droit et laisse les forces de la physique travailler pour lui. Son Ă©pĂ©e se courbe brusquement « et d’un vif mouvement du poignet, je produis l’impact nĂ©cessaire ». La pointe touche le dos de son adversaire pris de court. Triomphant, le Suisse de 33 ans lĂšve les bras au ciel. Cette attaque aussi pĂ©rilleuse que spectaculaire, le back flick, est 36

devenue la marque de fabrique de l’épĂ©iste, 17 fois mĂ©daillĂ© aux championnats du monde et d’Europe. Une technique qui rappelle une certaine scĂšne de Troie, le blockbuster hollywoodien de 2004, oĂč l’on voit Brad Pitt, alias Achille, ne faire qu’une bouchĂ©e d’un terrible colosse de la mĂȘme maniĂšre, ce qui fait bien rire Heinzer. « Je n’ai pas essayĂ© de copier Brad Pitt. J’étais encore un ado Ă  l’époque, mais ce tour, je l’ai appris tout seul pour tromper mon ennui », nous explique le champion helvĂšte, seiziĂšme, et premier Suisse, au

c­ lassement mondial. « J’avais cinq ans quand je me suis mis au fleuret, une discipline oĂč les touches ne sont valables que dans la zone du tronc. À 13 ans, je suis passĂ© Ă  l’épĂ©e et lĂ , les touches sont autorisĂ©es de la tĂȘte aux pieds. Je trouvais que cela manquait de piment, alors j’ai cherchĂ© des moyens de vaincre mes adversaires Ă  la dure. » L’escrime encourage et stimule la crĂ©ativitĂ©. Heinzer se prĂ©pare aux JO dans un centre sportif ultramoderne, l’OYM de Cham, oĂč s’entraĂźnent Ă©galement les joueurs de hockey sur glace de l’EV Zug. « On me permet d’utiliser un appareil qui tire des palets sur le gardien. ForcĂ©ment, c’est un peu bizarre de voir un escrimeur Ă©quipĂ© de pied en cap dans les buts, explique-t-il, mais j’ai constatĂ© que quand des palets me foncent dessus Ă  85 km/h et que j’arrive, au prix de gros efforts, Ă  les repousser l’épĂ©e au poing, j’amĂ©liore mon temps de rĂ©action et je gagne en sĂ©rĂ©nitĂ©. » EspĂ©rons que ce sera Ă©galement le cas lors des Jeux olympiques oĂč il a une revanche Ă  prendre, ayant Ă©chouĂ© en huitiĂšme de finale lors de ses dĂ©buts en 2012 face au VĂ©nĂ©zuĂ©lien RubĂ©n Limardo, qui remportera l’or. En 2016, Ă  Rio, ses rĂȘves de gloire sont de nouveau brisĂ©s en quart de finale par le futur champion olympique, le Sud-­ CorĂ©en Park Sang-young. Max Heinzer avait prĂ©vu de poursuivre sa carriĂšre jusqu’aux Jeux de 2024. Mais les circonstances provoquĂ©es par la pandĂ©mie pourraient l’amener Ă  prolonger, lui qui a Ă©tĂ© sĂ©lectionnĂ© pour Tokyo en individuel et par Ă©quipe. Cependant, une chose reste sĂ»re, comme le ­dĂ©clare fermement Max Heinzer : « À Tokyo, je vais tout donner ! » Instagram : @maxheinzer THE RED BULLETIN

VALERIANO DI DOMENICO/RED BULL CONTENT POOL

« Je voulais vaincre mes adversaires Ă  la dure. »


PROMOTION

Performances durables pour une conduite plaisir

LA NOUVELLE ID.4 GTX La nouvelle ID.4 GTX est le premier modĂšle de la Plateforme Modulaire Électrique (MEB) Ă©quipĂ© d’un bimoteur avec quatre roues motrices – pour une efficacitĂ© Ă  toutes Ă©preuves, et sur tous les plans, puisque la puissance du moteur est rĂ©partie sur les quatre roues selon les besoins de la conduite.

VOLKSWAGEN

La derniĂšre-nĂ©e de la gamme ID. est la preuve qu’une voiture Ă©lectrique peut en avoir sous le capot : sportive, ce modĂšle GTX de l’ID.4 assure un plaisir de conduite jusqu’alors inĂ©dit dans les gammes 100 % Ă©lectriques. Transmission intĂ©grale, accĂ©lĂ©ration rapide : rĂ©active, elle enchaĂźne sans problĂšme jusqu’à 480 kilomĂštres, ce qui suffit largement pour un trajet Ă  la journĂ©e ou une excursion nature. Le tout avec des pointes jusqu’à 180 km/h. Il n’y a pas que dans les buts de l’équipe nationale suisse qu’il y a de la puissance : le gardien Yann Sommer mise sur le nouveau ID.4. GTX.

« CETTE VOITURE EST SILENCIEUSE, MANIABLE ET D’UNE BONNE ACCÉLÉRATION. COMBINÉ À UN EXTÉRIEUR SEXY ET DE BONS RÉSULTATS EN TERMES D’EFFICACITÉ ET DE DURABILITÉ, CE MODÈLE A TOUT POUR PLAIRE. » YANN SOMMER

Les performances sportives d’une GTI, le confort d’un SUV et la frugalitĂ© d’une ID. : le nouveau modĂšle sport 100 % Ă©lectrique de Volkswagen, la ID.4 GTX, allie efficacitĂ© et durabilitĂ©. L’aspect extĂ©rieur de l’ID.4 GTX souligne son caractĂšre original, puisqu’il associe plaisir de conduite Ă  un look robuste, gage de sĂ©rieux et de sĂ©curitĂ©. La bande lumineuse, typique de la sĂ©rie, a Ă©tĂ© rehaussĂ©e d’élĂ©ments esthĂ©tiques pour un atout sĂ©duction indĂ©niable, sur les extrĂ©mitĂ©s des parechocs et sur les feux de freinage Ă  l’arriĂšre, qui forment un X quand les freins sont engagĂ©s.

Entrez dans le monde de la mobilitĂ© Ă©lectrique en testant vous-mĂȘme :

ID.4 GTX, ID.4 & ID.3 RÉSERVEZ DÈS MAINTENANT VOTRE SÉANCE D’ESSAI SUR VOLKSWAGEN.CH


Grimpe

ELLE SE HISSE AU SOMMET Petra Klinger aux Championnats du monde Ă  Hachioji, au Japon.

38


La championne du monde suisse de bloc, PETRA KLINGLER, 29 ans, tient un journal intime depuis des annĂ©es. Elle nous rĂ©vĂšle les 12 entrĂ©es qui l’inspirent le plus, et lui donnent une force mentale pour Tokyo.

Toujours plus haut

GETTY IMAGES

Texte WOLFGANG WIESER


Grimpe

7 septembre 2020

Concentre-toi

40

17 septembre 2020

Souviens-toi des bons moments C’était une journĂ©e oĂč tout lui avait rĂ©ussi. Impossible Ă  rater dans son journal : le 17 septembre est marquĂ© d’un « SUPER STRONG » Ă©crit en lettres rouges. Avec un gros smiley souriant juste Ă  cĂŽtĂ©. « Deux petits mots, juste pour me rappeler tout ce qui a bien marchĂ© ce jour-lĂ . Et plus gĂ©nĂ©ralement pour me souvenir des belles choses. Quand je suis sur le point de tomber dans une spirale de pensĂ©es nĂ©gatives, je peux me raccrocher Ă  mon journal et y puiser de la force. Ça m’aide aussi Ă  garder mon sang-froid dans des moments critiques. »

26 septembre 2020

Sois bienveillante avec toi-mĂȘme Un chiffre Ă©crit, entourĂ© et aurĂ©olĂ© de dix petits rayons : « 8,71 sec ». C’est le jour oĂč Petra a Ă©tabli un nouveau record de vitesse pour la Suisse (record qu’elle battra elle-mĂȘme, deux mois plus tard, pour atteindre 8,598 secondes). « Ça souligne ce que j’ai dit auparavant : Ă  l’entraĂźnement, je n’avais pas rĂ©ussi Ă  faire cette voie de vitesse, je tombais Ă  chaque fois. Et lĂ , je rĂ©ussis Ă  battre un record. La compĂ©tition, c’est vraiment mon truc. Il faut juste que j’apprenne Ă  ĂȘtre davantage bienveillante avec moi-mĂȘme. »

« À chaque fois que j’écris ou que je relis mon journal, ça m’aide Ă  recharger mes batteries. » 9 janvier 2021

Lance-toi de nouveaux défis

PAGES MANUSCRITES C’est ainsi que Petra conserve et trie ses pensĂ©es.

« Un jour important : rĂ©union avec mon Ă©quipe. J’ai Ă©crit la liste de tous mes rendez-vous pour l’annĂ©e. On savait Ă©videmment que ça n’allait pas ĂȘtre une annĂ©e normale. Mais on s’est dit qu’on allait se prĂ©parer comme on l’avait fait auparavant. La rĂ©union se dĂ©roulait en ligne, bien sĂ»r, la preuve que ce n’était pas tout Ă  fait normal, ou plutĂŽt : c’était la nouvelle normalitĂ©. Le Let’s do it ! que j’ai Ă©crit, il faut le voir comme une incitation Ă  ne pas perdre courage, comme un coup de boost. » THE RED BULLETIN

GIAN PAUL LOZZA

’ L

Ă©criture de Petra Klingler est souple, toute en rondeurs et lĂ©gĂšrement inclinĂ©e vers la gauche – comme si les lettres avaient voulu s’étirer une derniĂšre fois avant de se coucher tranquillement sur le papier. Ses g et ses y se terminent en de gracieuses volutes et les mots en majuscule sont souvent suivis de points d’exclamation encourageants ou de petits soleils rayonnants : « SUPER STRONG ! », ou « Sentir le rythme –> Tam ta tam tam  » Son journal, Petra l’a commencĂ© Ă  la fin de l’annĂ©e 2014 « comme un soutien mental » selon ses mots, et aussi « comme une aide pour mieux [s’] organiser et analyser. » Mais elle Ă©crit avant tout pour une raison : se souvenir. « J’avais souvent l’impression de ne pas m’ĂȘtre assez entraĂźnĂ©e. Alors que j’avais juste oubliĂ© tout ce que j’avais fait ! À prĂ©sent, je peux le vĂ©rifier grĂące Ă  mes petites notes. » Le journal lui sert aussi Ă  consigner toutes sortes de pensĂ©es positives, ce qu’elle a dĂ» d’abord apprendre Ă  faire : « Ça n’a vraiment pas Ă©tĂ© facile. J’ai eu beaucoup de difficultĂ©s, au dĂ©but, Ă  trouver trois choses positives Ă  dire sur ma journĂ©e. Ces derniĂšres annĂ©es m’ont appris Ă  reconnaĂźtre aussi les petits succĂšs du quotidien. »

Une phrase tirĂ©e de son carnet : « Tout donner & utiliser le temps qu’on a ! FAIRE CONFIANCE À MES SENSATIONS DE MOUVEMENT ! » Pourquoi avoir Ă©crit ça ? « Ce jour-lĂ , l’entraĂźnement ne s’était pas trĂšs bien passĂ© et j’avais envie, en Ă©crivant ça, de me rappeler le fait que ce n’est pas l’entraĂźnement qui dĂ©cide d’une victoire, mais la compĂ©tition. J’ai aussi appris que je dois avant tout me concentrer sur moi, sur ce que je fais, et non pas sur les autres athlĂštes qui m’entourent. »


« Je suis compĂ©titive de nature. Mais je dois apprendre Ă  ĂȘtre plus tendre avec moi.» Petra, tout sourire, n’est jamais aussi ­dĂ©tendue que devant un mur
 Ă  escalader.


TOUT EST SOUS CONTRÔLE

Il faut parfois descendre et reculer un peu pour pouvoir mieux s’élever.

5 février 2021

Accepte les jours oĂč tu montres des faiblesses «   et pourtant, ça me prĂ©occupe encore pendant des jours », Ă©crit Petra en ce dĂ©but d’annĂ©e 2021. Ce qui la tourmentait : « Nous avions prĂ©vu de faire un entraĂźnement de vitesse avec notre coach Ă  distance, par vidĂ©o. J’avais une idĂ©e de ce que je voulais faire, et je pensais plutĂŽt aux aspects techniques. Mais mon coach a juste dit : “Vas-y !” Je n’ai pas rĂ©ussi Ă  bien grimper et ça m’a frustrĂ©e. Je voulais rĂ©pondre aux attentes, utiliser Ă  fond tout le temps que j’avais avec lui, mais je n’avais tout simplement plus assez d’énergie. Or, j’ai eu du mal Ă  le reconnaĂźtre. Et puis en relisant dans mon journal ce que j’avais fait durant la semaine, je me suis rendue compte que je m’étais entraĂźnĂ©e comme une dingue. C’était donc tout Ă  fait normal que je n’en puisse plus. C’est grĂące Ă  mon journal que j’ai pu reconnaĂźtre et accepter le fait que j’ai le droit d’ĂȘtre fatiguĂ©e. »

« GrĂące Ă  mon journal, j’ai pu reconnaĂźtre et accepter le fait que j’ai le droit d’ĂȘtre fatiguĂ©e. » 42

6 février 2021

9 février 2021

Grimpe Ă  ton rythme

RĂ©jouis-toi des bons jours

« Le jour d’aprĂšs. Je l’ai pris comme exemple pour montrer ma façon de me motiver. J’y ai notĂ© trois points positifs de la journĂ©e : “Nouveau jour, nouvelle Ă©nergie”, “Me suis laissĂ© le temps, gros efforts mais sans stress” et “Ai fait mon truc”. Et la petite ampoule qui rayonne Ă  cĂŽtĂ©, c’est pour me rappeler les trois choses que j’ai apprises : “DĂ©tendue dans les Ă©paules”, “Fermer la main au bon moment” et “Sentir le rythme –> Tam ta tam tam
” C’est ce que je fais avant de grimper : je n’apprends pas toujours les mouv’ sur un mur en les visualisant, mais aussi en calquant un rythme sur eux. Et j’imagine dans ma tĂȘte quel rythme ça pourrait crĂ©er, si je les enchaĂźnais. »

« Une difficile mais belle journĂ©e d’entraĂźnement », avec un smiley. « Il n’en faut parfois pas plus : ĂȘtre contente, tout simplement. Pas besoin de longues explications. Je suis satisfaite de ma journĂ©e, et ça me suffit amplement. » 27 fĂ©vrier 2021

Fais-toi confiance AprĂšs une chute Ă  l’entraĂźnement, ­Petra rĂ©ussit ce jour-lĂ  Ă  repartir trĂšs vite Ă  l’attaque. « CROIRE EN MOI » : c’est ce qu’elle a Ă©crit alors dans son journal. « Il fallait que je me rende compte que je devais me faire confiance, notamment sur certains ­enchaĂźnements. Souvent, j’arrive mieux Ă  les ressentir qu’à les comprendre logiquement. C’est mon corps qui me dit ce que je dois faire. » THE RED BULLETIN


Grimpe

« Soudain, j’étais la numĂ©ro un. C’était un rĂŽle dans lequel je ne me sentais pas Ă  l’aise. »

10 avril 2015

Accepte ce qu’il t’arrive

J’Y SUIS PRESQUE

La corde entre les dents, les bras en pleine action, le but est en vue


8 mars 2021

GETTY IMAGES, GIAN PAUL LOZZA

Être ouverte aux alternatives « Ressentir les mouvements. » Le lendemain d’une compĂ©tition, Petra rĂ©flĂ©chit Ă  la façon d’aborder un bloc en particulier et quelles prises d’élan elle peut ­rĂ©aliser pour arriver jusqu’au bout. Elle a vu une autre athlĂšte l’aborder diffĂ©remment. « Il y a tellement de possibilitĂ©s pour grimper une voie. C’est pour cette raison qu’il est crucial de rester ouvert Ă  de nouvelles solutions qui pourraient peut-ĂȘtre s’avĂ©rer meilleures que les autres. »

THE RED BULLETIN

27 février 2015

Sois consciente de ce que tu as encore Ă  apprendre Retour en arriĂšre. Cela fait Ă  peine trois mois que Petra a commencĂ© Ă  tenir un journal de bord. Ce jour-lĂ , il y a six ans (dĂ©jĂ ), elle Ă©crit : « L’entraĂźnement n’est pas lĂ  pour te montrer Ă  quel point tu es forte, mais pour te ­rĂ©vĂ©ler tout ce que tu peux encore apprendre. » La grimpeuse suisse aime feuilleter ses carnets, des annĂ©es aprĂšs, pour se remĂ©morer tout le chemin parcouru : « Ça m’aide Ă  avoir un vrai feedback sur moi-mĂȘme : je vois mes progrĂšs, et le fait d’écrire tout cela de ma propre main va crĂ©er un vĂ©ritable engagement, parce qu’on ne peut plus l’effacer. Ça reste. »

Petra dessine au stylo noir une grosse flĂšche suivie d’une phrase, Ă©crite comme Ă  son habitude Ă  l’encre bleue, mais surlignĂ©e au marqueur orange : « Je suis une leader & on a le droit de compter sur moi. » Comment comprendre cette phrase ? « Deux grimpeuses venaient d’arrĂȘter leur carriĂšre et je me suis donc retrouvĂ©e propulsĂ©e Ă  la premiĂšre place. C’était une position qui me mettait mal Ă  l’aise, parce qu’il y avait tout Ă  coup beaucoup plus d’attentes Ă  mon Ă©gard et que je sentais davantage de pression de l’extĂ©rieur. Je ne pouvais plus faire mon truc tranquillement, dans l’ombre des autres. J’ai eu du mal Ă  accepter cela, et cette phrase symbolise en fait le premier pas dans la bonne direction. » 26 juin 2015

Sois heureuse, tout simplement « Haiyang » : elle a Ă©crit ce mot en repassant plusieurs fois sur les traits, en le soulignant et en l’entourant de ses petits smileys fĂ©tiches. Et puis ces quelques mots : « Super cool, concentrĂ©e & centrĂ©e sur ce que je faisais », « Bien senti comment me dĂ©placer ». Pas d’autre commentaire. C’est pourtant le jour oĂč Petra Klingler a remportĂ©, dans cette ville de Chine, sa premiĂšre Coupe du monde. « J’étais stupĂ©faite – et puis Ă  un moment donnĂ©, il faut arrĂȘter d’analyser. »   43


RED BULL FLUGTAG 2021.

ON RECHERCHE : PRODIGES DE HAUTE VOLÉE. INSCRI P JUSQU TION 3 JUILL ’AU ET 202 1

Toutes les infos pour participer sur redbull.ch/ïŹ‚ugtag ou via QR-Code

19 SEPTEMBRE, LAUSANNE


Dossier

LE FOOT DE DEMAIN


sera autre. DĂ©couvrez ici l’intĂ©rĂȘt qu’ont les joueurs pros Ă  former leur cerveau au piano, pourquoi le foot fĂ©minin arrive (enfin) en prime time Ă  la tĂ©lĂ©, et la raison pour laquelle Messi est plus prĂšs qu’on ne le croit de marquer ses derniers buts sur coup franc. Mais pas d’inquiĂ©tude : le ballon sera toujours rond
 rondement hi-tech.

STEFAN STRATIL

46 L’ESPRIT MÈNE LE JEU 50 LES FANS DONNENT LE TON 58 LES FEMMES CHANGENT LA DONNE 64 DES MURS D’INGÉNIOSITÉ 66 LES USA CHAMPIONS DU MONDE 70 LE BIOHACKING SERA LA NORME 76 PCC : PERSONAL COACH COMPUTER 80 LE SILENCE EST CULTE

THE RED BULLETIN

45


Ce visionnaire est le cerveau derriĂšre le succĂšs du Red Bull Salzburg et du RB Leipzig. De la provocation victorieuse Ă  l’échec de la Super League en passant par la taille des gardiens, RALF RANGNICK, 62 ans, tacle 11 questions sur l’avenir du foot.

QUAND L’ESPRIT MÈNE LE JEU

À QUOI RESSEMBLERA LE FOOT DE DEMAIN ? Entretien : Christian Eberle-Abasolo Photos : Philipp Horak

46

THE RED BULLETIN


Dossier foot

1. Dans dix ans, quand j’assisterai Ă  un match de la Ligue des Champions, quelles seront les diffĂ©rences les plus frappantes ?

Ces derniĂšres annĂ©es, le foot est devenu un sport de grande vitesse et ce n’est pas fini. La prĂ©cision, la justesse des passes et la rapiditĂ© des prises de dĂ©cision augmentent constamment : les joueurs n’ont presque plus le temps ni l’espace nĂ©cessaire pour rĂ©ceptionner un ballon calmement. Avant, on pouvait encore entendre des phrases d’experts du genre : « Il faut quelqu’un pour ralentir le jeu, pour poser le pied sur le ballon. » Essaie donc de faire ça aujourd’hui contre une grande Ă©quipe : tu te feras bouffer tout cru.

2. Les performances physiques ont augmentĂ© constamment ces derniĂšres dĂ©cennies. Peut-on rendre les jeunes joueurs encore plus performants ?

En termes de performances, on ne verra plus d’évolutions transcendantes, mais la prĂ©vention des blessures va prendre de l’ampleur. Le suivi des donnĂ©es permet Ă  nos entraĂźneurs de dĂ©terminer le degrĂ© d’intensitĂ© d’une sĂ©ance d’entraĂźnement de maniĂšre prĂ©cise et de juger le bon moment pour faire une pause. C’est lĂ  que le diable se cache, dans les dĂ©tails. À l’avenir, on va mettre l’accent sur le concept train the brain, autrement dit l’entraĂźnement cognitif : provoquer les joueurs et les faire sortir de leur zone de confort, leur imposer des conditions de jeu difficiles et leur faire prendre des dĂ©cisions dans un espace restreint et sous pression. Par exemple, nous avons fait installer un compte Ă  rebours sur un terrain d’entraĂźnement : dix secondes pour marquer un but, huit pour rĂ©cupĂ©rer un ballon perdu, le tic-tac qui rĂ©sonne constamment en arriĂšre-fond. Une situation inĂ©dite et insupportable pour les joueurs. Mais c’était justement l’effet recherchĂ©, ce fameux train the brain : jouer avec leurs nerfs pour les faire changer de comportement. THE RED BULLETIN

« L’avenir est au coaching du cerveau qui fait sortir les joueurs de leur zone de confort. » L’artisan du succĂšs : Ralf Rangnick a menĂ© Hoffenheim et RB Leipzig en Bundesliga en tant qu’entraĂźneur. Il a Ă©tĂ© directeur sportif Ă  Leipzig et Ă  Salzbourg et est considĂ©rĂ© comme l’un des pĂšres du pressing game.

3. Y aura-t-il encore des joueurs qui feront les quatre-cent coups en dehors du terrain ?

Il y en aura toujours, bien entendu, mais ils ne tireront pas le meilleur parti de leur carriĂšre. Pendant longtemps, une opinion rĂ©pandue chez les entraĂźneurs et les experts de la tĂ©lĂ© Ă©tait qu’« il faut bien quelques salopards dans l’équipe qui boudent les entraĂźnements et passent leurs nuits Ă  boire comme des trous. » Ce genre de joueurs n’a plus aucune chance aujourd’hui. Ce serait comme si Max

Verstappen essayait de gagner une course de Formule 1 en mettant du ­diesel dans son moteur.

4. La professionnalisation croissante des jeunes a-t-elle sonnĂ© le glas du bon vieux « foot de rue » ? À mon avis, il ne reste plus beaucoup d’endroits en Europe oĂč l’on joue vraiment dans la rue. Je considĂšre que c’est plutĂŽt le rĂŽle des clubs et des acadĂ©mies d’intĂ©grer des Ă©lĂ©ments du foot de rue dans leurs entraĂźnements. Cela permet

47


de s’affirmer, de tenir tĂȘte Ă  ses aĂźnĂ©s et de lutter pour chaque victoire. Mais Ă  la place, on observe des clubs tellement obsĂ©dĂ©s par la pression exercĂ©e sur les trĂšs jeunes joueurs qu’ils prĂ©voient de ne plus compter les buts, de supprimer les victoires, les dĂ©faites et les tableaux de classement. C’est complĂštement dĂ©bile ! Si vous aviez dit cela Ă  Joshua Kimmich (actuellement professionnel au Bayern de Munich, ndlr) quand il avait 8 ans, il aurait rĂ©pondu: « Je joue uniquement pour gagner et pour ĂȘtre meilleur que mes adversaires. » C’est avec cette mentalitĂ© qu’à 18 ans, alors que personne ne le connaissait Ă  Leipzig, il se battait avec ses coĂ©quipiers quand il jugeait qu’ils ne se donnaient pas Ă  fond dans un quatre contre quatre. Et c’est pour ça qu’il Ă©volue aujourd’hui Ă  Munich. Cet Ă©tat d’esprit, il faut l’enseigner davantage dans les acadĂ©mies.­

5. Que doit changer le foot pour attirer la gĂ©nĂ©ration gaming, ce jeune public Ă  la capacitĂ© de concentration rĂ©duite ?

Je pense que cette histoire de capacitĂ© d’attention rĂ©duite est un clichĂ©. L’esport en est le meilleur exemple : les jeunes sont parfaitement aptes et disposĂ©s Ă  se concentrer sur une seule chose pendant plusieurs heures. On observe Ă©galement un dĂ©sir accru de comprĂ©hension du jeu, des statistiques, des passes, des buts prĂ©vus, de la distance parcourue et des ­vitesses de pointe. On dispose actuellement de donnĂ©es sur Ă  peu prĂšs tout. La numĂ©risation et l’intelligence artificielle vont continuer Ă  progresser. La vraie question, autant pour les spectateurs que pour le staff des entraĂźneurs, est de savoir comment interprĂ©ter ces donnĂ©es. Ce qui est formidable avec toutes ces innovations, c’est qu’au bout du compte, l’humain l’emporte toujours : c’est Ă  nous d’analyser ces informations, de les interprĂ©ter en consĂ©quence.

6. À quels changements de rĂšgles ĂȘtes-vous favorable ?

Je continuerais Ă  autoriser cinq remplacements comme en 2020 avec la pandĂ©mie. Cela donne un jeu plus vif, Ă©vite les blessures et garantit une bonne humeur dans le groupe. Et puis il faudrait rĂ©flĂ©chir Ă  ce que j’ai dĂ©jĂ  fait remarquer il y a quinze ans : la taille des buts est-elle 48

« Le succĂšs, c’est trois C : concept, compĂ©tence et capital. Le capital n’est pas tant le problĂšme, mais les deux autres Ă©chouent souvent. » Chaque club a besoin d’une identitĂ©, estime Ralf Rangnick : « Un entraĂźneur tel que JĂŒrgen Klopp a Ă©lectrisĂ© des villes entiĂšres comme cela a Ă©tĂ© le cas Ă  Dortmund et Ă  Liverpool. »

e­ ncore appropriĂ©e ? À l’époque oĂč le but a Ă©tĂ© fixĂ© Ă  2,44 m de haut sur 7,32 m de large, une personne moyenne mesurait environ 10 cm de moins qu’aujourd’hui, ce qui vaut aussi pour les gardiens de but. En Ă©largissant la cage de 3 cm et en l’allongeant de 2 cm, vous verrez atterrir beaucoup plus de buts dans les filets.

7. Quels sont les principaux traits de caractùre qu’un entraüneur ­devra avoir dans dix ans pour remporter des grands titres ?

ComprĂ©hension de l’équipe, leadership et compĂ©tences en matiĂšre de prise de dĂ©cision. En gros, tout ce qu’un manager

moderne devrait possĂ©der dans le secteur privĂ©. Lors de mon premier poste en tant qu’entraĂźneur, nous Ă©tions trois : le co-entraĂźneur, l’entraĂźneur des gardiens de but et moi-mĂȘme. Aujourd’hui, tu dois gĂ©rer avec quinze Ă  vingt spĂ©cialistes, des analystes vidĂ©o aux nutritionnistes. Et il ne suffit pas de dĂ©lĂ©guer des tĂąches Ă  ces experts, il faut savoir dialoguer avec eux. Un coach doit avoir des connaissances beaucoup plus approfondies que par le passĂ©.

8. Par quoi commencer pour rĂ©ussir avec une Ă©quipe dans dix ans ?

Le club a besoin d’une philosophie claire : quelles sont les valeurs que je dĂ©fends ? THE RED BULLETIN


Dossier foot

« L’intelligence artificielle reste en plein essor. Mais au final, ce qui est bien, c’est que les humains interprĂ©teront toujours les donnĂ©es. » Son credo :  « L’essence doit rester l’amour du sport. » Le bĂątisseur Ralf Rangnick aime les vieux stades.

Regardez la deuxiĂšme division de la Bundesliga, avec des clubs plus modestes comme Bochum, FĂŒrth ou Kiel. Ils sont au top. D’accord, le Bayern, une fois de plus, est champion, mais si Erling Haaland Ă©tait au RB Leipzig au lieu du Borussia Dortmund, le RB Leipzig serait champion cette annĂ©e. C’est une hypothĂšse, d’accord, mais regardez sa moyenne de buts par rapport aux occasions manquĂ©es Ă  Leipzig. En gros, si tu fais les choses bien, tu peux surpasser les clubs qui ont plus de ressources financiĂšres que toi. Ce sera toujours le cas dans vingt ans. Je refuse de valider cet argument que l’argent permet de marquer des buts ou de gagner des championnats : il y a trop de contre-exemples.

10. Que diriez-vous aux initiateurs de la Super League ?

Faites entrer un peu plus d’expertise footballistique dans la discussion. Dans la Super League, les discussions Ă©taient trop unilatĂ©rales. Il n’y en avait que pour l’expertise Ă©conomique. Sans ĂȘtre un fan inconditionnel, il suffit d’observer le niveau d’endettement des principaux clubs pour comprendre que tout tournait autour de l’argent. À ce niveau-lĂ , je suis un traditionaliste convaincu : la pyramide du foot basĂ©e sur la rĂ©ussite est indispensable. Les petits clubs doivent ĂȘtre promus et les grands clubs traditionnels, s’ils gĂšrent mal pendant des annĂ©es, doivent ĂȘtre relĂ©guĂ©s. Quand j’étais responsable du Global Soccer Ă  Red Bull, j’ai vraiment eu du mal Ă  accepter ce systĂšme de franchise Ă  l’amĂ©ricaine et je ne crois pas que je retenterai l’expĂ©rience.

11. Qu’est ce qui Ă©tait mieux avant dans le foot ?

Dans la libre Ă©conomie, on parle d’identitĂ© d’entreprise : sans elle, il n’y a pas de comportement d’entreprise. Pour un club, c’est la mĂȘme chose : si tu n’as pas d’identitĂ© ou si celle-ci varie en fonction de l’entraĂźneur, tu n’es rien. Le succĂšs ­dĂ©pend des trois C : concept, compĂ©tence et capital. Le capital n’est pas tant le problĂšme. LĂ  oĂč le bĂąt blesse, c’est au niveau du manque de compĂ©tences des dĂ©ciTHE RED BULLETIN

deurs et du concept. C’est ce que j’appelle aussi l’idĂ©e de jeu. Regardez ce que ­JĂŒrgen Klopp a fait Ă  Dortmund ou Ă  ­Liverpool. Ce n’est pas seulement le club ou les joueurs qu’il a Ă©levĂ©s Ă  un autre ­niveau. C’est toute la ville.

9. Y aura-t-il encore des histoires d’outsiders, ou l’époque sera-telle aux champions en sĂ©rie ?

L’ambiance dans les stades. Je me souviens de ces matches dans l’ancien stade de Stuttgart, au Highbury d’Arsenal, au stade de White Hart Lane, Ă  Upton Park
 rien que d’y penser, j’en ai la chair de poule. À l’époque, il n’y avait presque pas de loges ou de salons VIP. On allait voir un match, pas raconter sa vie au cours d’un dĂźner mondain. Il n’y en avait que pour le foot, pour le cƓur, l’émotion et l’amour du sport. C’est pour cela qu’à l’avenir, il ne faudra pas perdre de vue ce qui est essentiel. Les nouvelles mĂ©thodes de dĂ©veloppement des joueurs et des Ă©quipes sont les bienvenues, c’est certain. Mais c’est l’amour du sport qui reste au cƓur de tout.   49


Ils élÚvent des humains au rang de dieux, font vibrer les stades, conquiÚrent des villes entiÚres. Un hommage aux fans de foot par la photographe écossaise JANE STOCKDALE. Et trois prédictions de changements* majeurs liés au foot.

LES FANS DONNENT LE TON

Photos : Jane Stockdale *PrĂ©visions : rapport de projet Football 2050 de Stefan Bader et Werner Grabherr ; teamwerk-sport.com/soccer-2050

POUR L’AMOUR

50

THE RED BULLETIN


LE BASCULEMENT

« C'est lĂ  que l’Argentine est entrĂ©e en finale de la Coupe du monde. » La photographe Jane Stockdale se souvient de ce soir de juillet 2014 Ă  Copacabana, au BrĂ©sil. « La plage s’est mise Ă  trembler. » Photo de son projet Watching the World Cup.

THE RED BULLETIN

DU SPORT

51


HYPER TENSION

Stockdale a assistĂ© Ă  la finale de la Coupe du monde 2018 FranceCroatie dans les rues de Paris, comme des centaines de milliers de personnes. « Puisque j’étais incapable d’obtenir un billet, c’était la solution la plus logique. »

LA DÉSILLUSION

« Nous sommes Ă  Rio de Janeiro, le soir de la demi-finale 2014, BrĂ©silAllemagne. Sono pour faire la fĂȘte, feux d’artifice
 Tout Ă©tait prĂȘt. Et puis le match s’est terminé  7 buts Ă  1 pour l’Allemagne. Un dĂ©sastre. »

52

THE RED BULLETIN


Dossier foot

LES ROIS DU MONDE

En 2018, la police parisienne avait bouclĂ© la fan zone, et la ville n’appartenait qu’aux supporteurs. « L’énergie dans les rues Ă©tait incroyable ».

UNE VAINE MOTIVATION

Encouragements des supporteurs argentins lors de la retransmission publique de la finale de la Coupe du monde 2014. En vain. « Ils Ă©taient dĂ©vastĂ©s. »

PrĂ©vision n° 1

Un supporteur jubile plus dans un endroit qui ne lui est pas familier GrĂące Ă  l’audio 3D et aux prises de vue Ă  360°, les cinĂ©mas deviennent aussi des endroits oĂč l’on peut regarder le foot en groupe. Encore plus d'ambiance ? Il existe des concepts visant Ă  reproduire les matches de la Coupe du monde en direct dans d’autres stades grĂące Ă  la technologie des hologrammes.

THE RED BULLETIN

53


Dossier foot

PrĂ©vision n° 2

Un fan vibre pour son joueur favori plus que pour son Ă©quipe Nous nous attachons Ă©motionnellement plus fortement Ă  des personnes qu’à des groupes abstraits, c’est pourquoi les fans se concentrent sur les joueurs individuels. Ce qui se profile : des matches avec des Ă©quipes composĂ©es des footballeurs les plus populaires, comme avec les A ­ ll-Star au basket en AmĂ©rique.

LA VOIX DE L'ESPOIR

« La photo a Ă©tĂ© prise chez moi, au Celtic Park, Ă  Glasgow, en Écosse, en 2011 pour ĂȘtre prĂ©cise. » Dix ans plus tard, elle peut se rĂ©jouir avec les supporteurs Ă©cossais : aprĂšs 25 ans d’attente, l’équipe nationale participe Ă  nouveau Ă  un championnat europĂ©en.

54

THE RED BULLETIN


THE RED BULLETIN

55


LE MILLION !

PrĂ©vision n° 3

PlanĂšte supporteurs

« AprĂšs le triomphe de la France en finale de la Coupe du monde 2018, plus d’un million de personnes ont fait la fĂȘte sur les Champs-ÉlysĂ©es. Incroyable ! »

De nombreuses mesures de marketing sont destinĂ©es au marchĂ© asiatique. Et le focus est mis sur l’Afrique : avec une augmentation de la population de 1,1 Ă  2,44 milliards d’habitants d’ici 2050, la croissance Ă©conomique et le nombre grandissant de joueurs de haut niveau font que les clubs s’intĂ©ressent aussi ­davantage aux supporteurs africains.

LES VISAGES DE LA FRANCE

Du sport masculin de la classe ouvriÚre à un événement planétaire mixte. Les photos de Stockdale (ici Paris 2018) dressent un portrait diversifié des fans de foot.

56

THE RED BULLETIN


Dossier foot

AU-DELÀ DES MOTS

« Je ne peux exprimer la joie qu’a ressentie le peuple français aprĂšs avoir remportĂ© le titre de la Coupe du monde avec des mots. Par contre, cette photo la rend trĂšs bien. »

UN COUP DE ROUGE ?

« J’ai dĂ» traverser des nuĂ©es de fumigĂšnes en route vers mon hĂŽtel le soir de la victoire Ă  Paris. Ça en valait la peine. » Plus de photos : janestockdale.co.uk THE RED BULLETIN

57


Jeux olympiques, Coupe du monde, Ligue des champions : l’ex-footballeuse ANJA MITTAG, 36 ans, a tout gagnĂ©. Aujourd’hui co-entraĂźneure du RB Leipzig, elle veut Ă©lever son sport au niveau supĂ©rieur, avec passion et esprit d’innovation.

LES FEMMES CHANGENT LA DONNE

C’EST ICI QUE ÇA SE JOUE Texte : Nicol Ljubić  Photos : Urban Zintel

Anja Mittag a vĂ©cu les choses telles qu’elles devaient ĂȘtre durant la saison 2002/03. Dernier match de la saison, ultime affrontement entre le Turbine Potsdam et le FFC Francfort, le cham­ pionnat est en jeu. 7 900 spectateurs entassĂ©s dans le stade Karl Liebknecht de Babelsberg. « Cette atmosphĂšre, cette exaltation, j’ai adorĂ©. » C’était sa premiĂšre saison en Bundes­ liga, et aprĂšs de nombreux matches devant quelques dizaines de spectateurs, c’était aussi la premiĂšre fois qu’elle se disait que les gens s’intĂ©ressaient enfin au foot fĂ©minin ! Ça devrait toujours se passer comme ça, s’est-elle dit, et pas qu’au tout dernier match, lorsque le titre est en jeu.

De l’eau a coulĂ© sous les ponts ­ epuis, et les choses ont Ă©voluĂ© Ă  vitesse d

58

Le RB Leipzig s’est rĂ©cemment hissĂ© en 2e Bundesliga grĂące Ă  un foot rapide. Ici, Marlene MĂŒller dribble contre le FFC Niederkirchen lors de la Coupe d’Allemagne de football.

passĂ©e au RB Leipzig et a ainsi Ă©tĂ© pro­ mue en 2e Liga. En fait, il y a longtemps qu’elle voudrait cesser de jouer pour se concentrer sur son poste d’entraĂźneure individuelle, mais comme il manque tou­ jours des joueuses pour cause de bles­ sures, elle est encore sur le terrain, Ă  36 ans. Anja Mittag a jouĂ© 158 matches pour l’équipe nationale allemande et rem­ portĂ© tous les titres possibles : joueuse de l’annĂ©e, meilleure buteuse, recordwo­ man des buts lors des compĂ©titions entre les clubs de l’UEFA ainsi que cham­ pionne olympique, championne du

monde, multiple championne d’Europe, championne d’Allemagne et de SuĂšde, gagnante de la coupe et de la Ligue des champions. Si le foot est aujourd’hui plus fĂ©minin que jamais, c’est notam­ ment grĂące Ă  des athlĂštes comme elle. Quand elle a commencĂ©, le Turbine Potsdam n’avait mĂȘme pas de tenues d’entraĂźnement. Anja Mittag se souvient de l’époque oĂč l’une venait Ă  l’entraĂźne­ ment avec un maillot de Dortmund, l’autre avec un sweat Ă  capuche. Et les trajets de retour dans le bus avec les joueuses qui se faisaient masser par le physiothĂ©rapeute. Aujourd’hui, les THE RED BULLETIN

RB LEIPZIG

grand V. Les records se sont succĂ©dé : 60 700 spectateurs lors du match de championnat entre l’AtlĂ©tico Madrid et le FC Barcelone, 77 800 lors du match test entre l’Angleterre et l’Allemagne au stade de Wembley. 993 millions de tĂ©lĂ©s­ pectateurs Ă  travers le monde pour la CM 2019 en France, soit 30 % de plus que lors de la CM au Canada quatre ans plus tĂŽt. Au cƓur de cette transforma­ tion : Anja Mittag. Il n’y a guĂšre de meil­ leur tĂ©moin de tout ce qui s’est passĂ© dans le foot fĂ©minin au cours des vingt derniĂšres annĂ©es. Anja Mittag a rejoint le Turbine Potsdam en 1re Bundesliga en 2002. Au cours de sa carriĂšre, elle a entre autres jouĂ© pour le FC RosengĂ„rd et le FC Malmö en SuĂšde, le Paris Saint-Germain et le VfL Wolfsburg. En 2019, elle est


Dossier foot

Mission offensive : en tant qu’entraüneure, Anja Mittag se concentre principalement sur la formation des attaquantes.

THE RED BULLETIN

59


Bases solides : Ă  Leipzig, les femmes bĂ©nĂ©ficient d’une excellente infrastructure.

60

THE RED BULLETIN


Dossier foot

Ă©quipes peuvent compter sur plusieurs kinĂ©s ; les joueuses reçoivent des programmes d’entraĂźnement et au lieu d’ĂȘtre massĂ©es dans le bus, elles ont le temps de rĂ©cupĂ©rer. Il n’y a pas qu’un seul entraĂźneur adjoint responsable Ă  la fois des gardiens et de l’entraĂźnement athlĂ©tique, mais un pour chaque domaine. Les joueuses bĂ©nĂ©ficient maintenant de l’infrastructure masculine car de nombreux clubs de Bundesliga ont reconnu l’importance du foot fĂ©minin et son potentiel. C’est le cas notamment du FC Bayern, du VfL Wolfsburg, du TSG Hoffenheim, du Bayer Leverkusen, du Werder Bremen et du RB Leipzig.

L’équipe nationale fĂ©minine en

Allemagne et les succĂšs remportĂ©s ont jouĂ© un rĂŽle particuliĂšrement important dans cette Ă©volution. Anja Mittag les appelle les « chevaux de trait ». Elle se souvient d’un match amical contre le BrĂ©sil Ă  Francfort en 2009 devant 44 800 spectateurs. Puis est venue la Coupe du monde 2011 en Allemagne qui a attirĂ© un total de 845 700 spectateurs dans les stades. Le match contre l’Espagne lors de la Coupe du monde 2019 a Ă©tĂ© regardĂ© par 6,15 millions de tĂ©lĂ©spectateurs Ă  la tĂ©lĂ© allemande, le chiffre le plus Ă©levĂ© de toutes les Ă©missions en prime time ce jour-lĂ . Mais ce n’est pas seulement la perception par le public de l’équipe nationale qui a fait avancer le foot fĂ©minin, c’est aussi la prĂ©sence d’une infrastructure qui a longtemps Ă©tĂ© fermĂ©e aux femmes dans les clubs. C’est aussi le fait, par exemple, qu’un chef de cuisine Ă©tait prĂ©sent non seulement lors des grands tournois mais aussi lors des stages et des matchs internationaux. Et que les footballeuses ont pu aussi compter sur des physiothĂ©rapeutes, de bons terrains d’entraĂźnement et de vrais stades. Cependant, selon Anja Mittag, la poussĂ©e la plus significative pour le foot fĂ©minin est venue du fait que d’autres pays d’Europe ont aussi commencĂ© Ă  investir dans ce sport. Avec pour rĂ©sultat que, pour une fois, ce n’est pas l’équipe allemande qui a remportĂ© le titre au championnat d’Europe en 2017 mais l’équipe nĂ©erlandaise. « Tout d’un coup, on a remarquĂ© que les choses bougeaient dans d’autres pays, que quelque chose se passait. La compĂ©tition s’amĂ©liorait et en tant que footballeuse, il Ă©tait soudaiTHE RED BULLETIN

Au milieu de l’attention : Anja Mittag dans l’aile des joueurs du centre d’entraünement.

nement possible de jouer en Angleterre, en Espagne, en France, et en SuĂšde. Quand j’ai commencĂ© le foot, je n’avais pas tant d’options. Maintenant, elles sont bien plus nombreuses, ce qui est super pour le dĂ©veloppement du foot fĂ©minin. »

C’est notamment l’Angleterre qui

a boostĂ© le football fĂ©minin avec la premiĂšre ligue professionnelle d’Europe, la WSL (Women’s Super League). Le championnat attire les meilleures footballeuses au monde, y compris certaines figures de l’équipe nationale allemande, comme Melanie Leupolz et Leonie Maier. RĂ©cemment, la Danoise Pernille Harder est passĂ©e du VfL Wolfsburg au Chelsea FC pour un montant record, selon les rumeurs, de 380 000 CHF. La WSL vient de signer un accord de trois ans avec la BBC et Sky Sports. À partir de la prochaine saison, 66 matches seront diffusĂ©s chaque sai-

« Nous devons ĂȘtre des pionniĂšres pour la gĂ©nĂ©ration suivante, nous sommes prĂȘtes Ă  instaurer le changement.» De nombreux pros s’engagent en faveur de changements dans le foot fĂ©minin avec Anja Mittag.

son, la plupart en prime time, ce qui rapportera environ 12,5 millions de CHF Ă  la ligue. La WSL montre ce qui est possible pour le foot fĂ©minin. En tant que professionnelles, les footballeuses peuvent se concentrer entiĂšrement sur leur sport et n’ont pas Ă  poursuivre un apprentissage en parallĂšle ni exercer un autre emploi comme c’est le cas de nombreuses femmes en Bundesliga. Anja Mittag a   61


Dossier foot

Elle ne croit pas que les femmes

gagneront un jour autant que les hommes dans le football. Mais elle se prĂ©occupe Ă©galement des conditions dans lesquelles les femmes s’entraĂźnent et jouent : equal play en d’autres termes.

Les jeunes footballeuses doivent tout donner pour ressembler Ă  Pernille Harder ou Dzsenifer MarozsĂĄn, pas Messi
 Les modĂšles fĂ©minins sont essentiels pour l’avenir du football fĂ©minin, dĂ©clare Anja Mittag.

Et elle Ă©numĂšre ensuite ce qu’un club comme le RB Leipzig offre aux footballeuses Ă  cet Ă©gard. La qualitĂ© de l’entraĂźnement, de bons terrains, les sessions matinales qu’elle dirige elle-mĂȘme en tant qu’entraĂźneure, le simulateur ­SoccerBot360 pour un entraĂźnement cognitif, l’accĂšs Ă  un bus sponsorisĂ© pour les matches Ă  l’extĂ©rieur et la possibilitĂ© de dĂ©jeuner Ă  l’acadĂ©mie. « J’ai connu ça Ă  Wolfsburg ou Ă  Paris. Mais disposer de telles conditions dans un club de 2e division tĂ©moigne de l’évolution du football fĂ©minin. » Le football fĂ©minin serait-il en avance sur le football masculin Ă  certains Ă©gards, serait-il plus innovant ? On ne peut s’imaginer un footballeur qui, comme Lena GĂŒldenpfennig, jouerait en parallĂšle dans la Bundesliga d’esport, ­faisant ainsi office de modĂšle pour de nombreuses jeunes joueuses. Elle

Classe internationale : Anja Mittag (Ă  gauche) est ravie du but de Josephine Henning contre l’Italie lors du tour prĂ©liminaire de l’Euro 2020 aux Pays-Bas.

62

dĂ©montre que les deux sont possibles et qu’il n’est pas nĂ©cessaire de choisir. Ce qui ouvre peut-ĂȘtre des voies totalement nouvelles au moment oĂč l’esport est si populaire auprĂšs des jeunes. Anja Mittag dĂ©clare : « Lorsque les filles s’intĂ©ressent aux e-sports, elles comprennent aussi mieux le football. » En 1995, Sepp Blatter, alors prĂ©sident de la FIFA, a dĂ©clarĂ© que l’avenir du football Ă©tait fĂ©minin, se montrant ainsi Ă©tonnamment visionnaire. MĂȘme si cela a pris du temps et que le potentiel est loin d’ĂȘtre Ă©puisĂ©.

Surtout, la perception des médias

est en retard sur le dĂ©veloppement, du moins en Allemagne. En SuĂšde, la couverture mĂ©diatique du football fĂ©minin et masculin Ă©tait dĂ©jĂ  Ă©quitable il y a dix ans. « C’est vraiment une expĂ©rience trĂšs impressionnante que j’ai vĂ©cue lĂ -bas, se souvient Anja Mittag. En SuĂšde, j’ai rĂ©alisĂ© que c’était possible, qu’il suffisait de vouloir. » Elle raconte qu’elle a rĂ©cemment essayĂ© de regarder les temps forts de la demi-finale de la Ligue des champions entre le Bayern et Chelsea sur Internet et qu’elle ne savait mĂȘme pas oĂč regarder. En fait, il n’y a pas de marketing centralisĂ© du football fĂ©minin ou de service de streaming qui diffuse ou agrĂšge tous les matchs. « Il serait temps », estime Mittag qui, comme d’autres joueuses connues, est trĂšs engagĂ©e, entre autres, dans l’avenir du football fĂ©minin. Cette implication passe notamment par des prises de paroles comme sur le podcast qu’elle anime en compagnie de son ancienne coĂ©quipiĂšre, Josephine Henning. « Nous devons ĂȘtre les pionniĂšres de la gĂ©nĂ©ration qui vient aprĂšs nous, dĂ©clare Anja Mittag. Je pense que nous, les femmes, voyons cela comme une opportunitĂ©, nous sommes prĂȘtes Ă  amorcer le changement. » Elle poursuit en expliquant combien les modĂšles fĂ©minins sont importants pour l’avenir du football et que c’est une autre raison pour laquelle il faut une professionnalisation constante. Pour que les jeunes filles sachent qu’elles ont la possibilitĂ© de devenir des footballeuses professionnelles et qu’elles donnent tout pour devenir un jour aussi bonnes qu’une Pernille Harder ou qu’une D ­ zsenifer MarozsĂĄn et non pas Messi ou Ronaldo. « C’est ça que j’aimerais », conclut Anja Mittag. THE RED BULLETIN

GETTY IMAGES, MAKE-UP: ANDREAS BERNHARDT/BASICS

aussi connu cela, au dĂ©but de sa carriĂšre. Elle travaillait de 7 Ă  16 heures, puis rentrait rapidement, avalait un sandwich et partait s’entraĂźner Ă  17 heures. « C’est formidable que les footballeuses en ­Angleterre ne soient pas obligĂ©es d’avoir un emploi Ă  cĂŽtĂ© et qu’elles puissent s’entraĂźner dans les mĂȘmes conditions que les hommes. AprĂšs tout, ĂȘtre footballeuse est aussi un boulot dans lequel on veut s’investir Ă  100 %. En Allemagne, nous devrions prendre la WLS comme exemple, nourrir l’objectif d’arriver au mĂȘme niveau. » Ce serait la prochaine Ă©tape logique du dĂ©veloppement. Et il ne s’agit mĂȘme pas de « l’égalitĂ© des salaires » en premier lieu, mais plutĂŽt de « l’égalitĂ© des chances ». À ses dĂ©buts, Anja Mittag recevait encore son argent dans une enveloppe et il n’était pas question de primes Ă  la victoire ou aux points. Cela a changĂ© au fil des ans. Mittag dĂ©clare : « Quand je pense Ă  ce que j’obtenais lors de ma premiĂšre annĂ©e en Bundesliga et que je compare avec les rĂ©munĂ©rations actuelles, on peut dire qu’il y a eu une sacrĂ©e Ă©volution. »


« Les joueuses en Angleterre ne sont plus obligĂ©es d’avoir un travail pour vivre comme pro. Il y a des leçons Ă  en tirer. » Anja Mittag souhaite les mĂȘmes conditions que celles de la ligue anglaise WSL.

THE RED BULLETIN

63


Avec des virtuoses du coup franc comme LIONEL MESSI qui pulvĂ©risent les murs dĂ©fensifs, ça se dĂ©chaĂźne pour bĂątir le mur idĂ©al : les dĂ©fenseurs se jettent Ă  terre ; sprintent vers les buts
 sans succĂšs. Place Ă  des solutions originales.

DES MURS D’INGÉNIOSITÉ

ÇA N’EST PAS GAGNÉ CE QUI N’A PAS MARCHÉ JUSQU’À PRÉSENT


Mur qui saute le plus haut

StratĂ©gie : FRAPPE ENROULÉE RĂ©sultat : BUT Barcelone – Liverpool, huitiĂšmes de finale de la Ligue des Champions 2019. Distance : 29 mĂštres. On peut lire RESPECT pour Messi sur les visages de Gomez, Matip, Fabinho et Firmino.

StratĂ©gie : FRAPPE À RAS DE TERRE RĂ©sultat : BUT Barcelone – GĂ©rone, Liga 2018 : une frappe audacieuse que Messi a piquĂ©e Ă  son mentor Ronaldinho. Il avait dĂ©jĂ  marquĂ© le mĂȘme but contre le Werder BrĂȘme en 2006.

Mur qui saute le plus haut possible + joueur allongé au sol

Mur qui saute le plus haut possible + joueur allongé au sol + joueur qui sprinte vers le but

64

StratĂ©gie : TIR ENCORE PLUS PRÉCIS RĂ©sultat : BUT (ou but du dĂ©fenseur contre son camp) Barcelone – SĂ©ville, Liga 2019 : la balle atterrit dans les filets plus rapidement que le dĂ©fenseur Carriço sur la ligne. Il y a mĂȘme but contre son camp, le tir de Messi ayant Ă©tĂ© dĂ©viĂ©.

THE RED BULLETIN

GETTY IMAGES

StratĂ©gie : TIR EN PLEINE LUCARNE RĂ©sultat : BUT Barcelone – Bilbao, Liga 2021 : pour bloquer le tir sous le mur, Muniain (n°10) s’allonge au sol, ce qui lui offre une bonne vue plongeante sur le 1:0.

CHRISTIAN EBERLE ABASOLO

STEFAN STRATIL

Mur classique


Dossier foot

CE QUI POURRAIT MARCHER À L’AVENIR

Engager des joueurs trĂšs grands Les footballeurs mesurent en moyenne 1 mĂštre 81, pas top. Les Chicago Bulls, quant Ă  eux, mesurent 2,06 mĂštres en moyenne. Conclusion : il est temps d’engager des joueurs de basket. INCONVÉNIENT : les talents foot­ ballistiques des joueurs de basket sont assez limitĂ©s.

Garer le bus de l’équipe devant les buts UtilisĂ© depuis des annĂ©es comme mĂ©ta­ phore des irrĂ©vĂ©rencieuses tactiques dĂ©fensives du cĂ©lĂšbre entraĂźneur JosĂ© Mourinho, le bus de l’équipe est peutĂȘtre la solution miracle pour un mur infranchissable. INCONVÉNIENT : nĂ©cessite un change­ ment de rĂšgle. Bien qu’il ne soit Ă©crit dans aucun rĂšglement que « les bus sont inter­ dits sur le terrain ».

Pas de mur, donc uun meilleur champ de vision pour le gardien Beaucoup de tireurs de coups francs se servent du mur comme d’un panneau indicateur pour marquer. « Il suffit de tirer au-dessus et ça rentre. » Donc : pas de mur, pas de viseur, pas de but. CQFD. Sans compter que le gardien a enfin une vue bien dĂ©gagĂ©e sur le terrain. INCONVÉNIENT : plus d’obstacles pour le tireur (voir page de gauche).

THE RED BULLETIN

65


De timides joueurs Ă  prĂ©tendants au titre : l’étonnante transformation d’une ligue de papys en une usine Ă  talents basĂ©e sur le modĂšle europĂ©en, et le plan quinquennal secret des États-Unis jusqu’à la Coupe du monde qui se tiendra chez eux.

LES USA SERONT CHAMPIONS DU MONDE

LA START-UP DU FOOT Texte : JĂŒrgen Schmieder

Les États-Unis pourraient remporter la Coupe du monde en 2026

66

nous. » Berhalter parle de Christian P ­ ulisic (22 ans, Chelsea FC), Gio Reyna (18 ans, Borussia Dortmund), Weston McKennie (22 ans, Juventus de Turin), Sergiño Dest (20 ans, FC Barcelone), ­Yunus Musah (18 ans, Valence CF), Brenden Aaronson (20 ans, Red Bull Salzbourg), et bien sĂ»r de Tyler Adams. Le milieu de terrain du RB Leipzig, ĂągĂ© de 22 ans, est le meilleur exemple de ce que fait cette start-up du football en ce moment. L’équipe nationale de foot des États-Unis Ă  l’entraĂźnement Ă  Bradenton, Floride.

GETTY IMAGES

Bien sĂ»r, ça semble du dĂ©lire. Surtout lorsque cette annonce vient d’un pays qui n’a encore jamais dĂ©passĂ© les quarts de finale, dont l’équipe nationale a ratĂ© de maniĂšre embarrassante la qualification pour la derniĂšre Coupe du monde et dont les U23 viennent d’échouer face au Honduras lors des qualifications pour les Jeux olympiques. En outre, la MLS (Ligue majeure de soccer) est toujours considĂ©rĂ©e comme une ligue de seconde zone par rapport aux grandes ligues europĂ©ennes. Mais ceux qui sont suffisamment fous pour penser qu’ils peuvent changer le monde ne sont-ils pas ceux qui finissent justement par rĂ©ussir ? Ce qui, soit dit en passant, Ă©tait justement le slogan de la publicitĂ© d’Apple en 1997 : Think Different. Et c’est exactement ce qui est finalement en train de se passer aux États-Unis, aprĂšs des annĂ©es et des annĂ©es de bĂ©vues Ă  grande Ă©chelle. Et si, pour une fois, on cessait de considĂ©rer le football amĂ©ricain comme une fĂ©dĂ©ration, la MLS comme une ligue, et les Red Bulls de New York comme un simple club, mais qu’on voyait plutĂŽt tout cela comme une start-up gĂ©ante ? Et la Coupe du Monde dans cinq ans comme une introduction en bourse ? Quel prospectus cette start-up du foot pourrait-elle actuellement prĂ©senter aux investisseurs ? « Nous n’avons jamais eu autant de joueurs talentueux qu’aujourd’hui, dĂ©clare Gregg Berhalter, l’entraĂźneur de l’équipe nationale. L’équipe est extrĂȘmement jeune, beaucoup de joueurs seront au sommet de leur carriĂšre lors de la Coupe du monde qui se tiendra chez

« Je ne me suis pas vraiment concentrĂ© sur le foot avant d’entrer Ă  l’acadĂ©mie Red Bull Ă  12 ans », explique Adams, et cette observation est plus significative qu’il n’y paraĂźt au premier abord. Il est originaire de la petite ville de Wappinger, Ă  environ une heure et demie de route au nord de New York. S’il Ă©tait nĂ© 15 ans plus tĂŽt, il serait peut-ĂȘtre aujourd’hui basketteur professionnel (son deuxiĂšme sport prĂ©fĂ©rĂ© quand il Ă©tait enfant), car quelqu’un comme lui n’aurait tout simplement pas Ă©tĂ© pressenti pour le football et surtout, il n’aurait pas Ă©tĂ© soutenu de la sorte. La MLS remplissait alors les Ă©quipes avec des stars vieillissantes

THE RED BULLETIN


Dossier foot ­ ’Europe au lieu de talents locaux. Cela d s’explique par le fait que l’entraĂźnement des jeunes athlĂštes aux États-Unis fonctionne d’une maniĂšre complĂštement diffĂ©rente de l’Europe. Les organisations professionnelles comme le club de basket-ball des Lakers de Los Angeles ne s’occupent pas des jeunes talents. Cela incombe d’abord aux organisations telles que l’AAU (Amateur Athletic Union) puis aux Ă©coles et aux universitĂ©s. Les clubs profitent du repĂȘchage annuel (un recrutement de jeunes joueurs) Ă  partir de la rĂ©serve de talents. Par exemple, selon les rĂšgles du systĂšme europĂ©en, la superstar

du basket Kobe Bryant, qui a grandi Ă  Philadelphie, aurait commencĂ© sa carriĂšre avec les 76ers de Philadelphie. Dans le monde du sport amĂ©ricain, les Lakers l’ont repĂȘchĂ© et ont remportĂ© cinq championnats avec lui.

Trois millions de stars potentielles

La croissance dont toute start-up a dĂ©sespĂ©rĂ©ment besoin dans un premier temps a sans aucun doute Ă©tĂ© au rendez-vous : actuellement, prĂšs de trois millions d’enfants ĂągĂ©s de six Ă  douze ans jouent au football aux États-Unis. Ce qui manquait jusqu’à prĂ©sent, c’était la maniĂšre de devenir une terre de football – ce qui est toujours le cas de l’Europe et de l’AmĂ©rique du Sud. Cela aussi irritait les AmĂ©ricains. AprĂšs tout, ils ont l’habitude de faire partie des meilleurs dans tous les sports, d’avoir les meilleures ligues et

donc les titres les plus importants . Ce que des clubs comme les Red Bulls de New York ont apportĂ© est Ă©norme, et c’est exactement la raison pour laquelle les AmĂ©ricains seront compĂ©titifs lors de la Coupe du monde 2026. « C’était l’environnement parfait pour devenir un joueur de foot professionnel », dĂ©clare Tyler Adams Ă  propos de l’acadĂ©mie Red Bull fondĂ©e en 2005, juste avant que Red Bull n’acquiert le club newyorkais. Le fait que les fruits de cet engagement soient apparus des annĂ©es plus tard s’inscrit dans l’esprit des start-ups. L’acadĂ©mie forme des footballeurs dĂšs

Les supporteurs amĂ©ricains au stade de San Jose (Californie) : lors de la CM 2026 Ă  domicile, les USA auront le plus grand nombre de joueurs talentueux de leur histoire. THE RED BULLETIN

67


l’ñge de douze ans et n’a pas Ă  se cacher derriĂšre le travail auprĂšs des jeunes des grands clubs europĂ©ens. « Environ 40 000 jeunes par an sont intĂ©ressĂ©s par notre projet, explique le directeur de l’acadĂ©mie, Sean McCafferty. Nous cherchons des talents vraiment partout, nous formons des entraĂźneurs et je pense que ce n’est pas une coĂŻncidence si nous voyons maintenant des professionnels amĂ©ricains mieux formĂ©s sur le plan stratĂ©gique. » Comme Tyler Adams, qui peut ĂȘtre utilisĂ© Ă  plusieurs positions. À l’ñge de 16 ans, il a dĂ» prendre une dĂ©cision difficile, une dĂ©cision Ă  laquelle la plupart des AmĂ©ricains ne sont pas confrontĂ©s. Les Red Bulls lui ont offert un contrat pro en mars 2015, ce qui serait normal en Europe, mais se rĂ©vĂšle problĂ©matique aux Etats-Unis, car si vous gagnez de l’argent en faisant du sport Ă  l’adolescence, vous ne pouvez recevoir de bourses pour vos Ă©tudes universitaires. C’est pourtant le but de nombreux jeunes : financer par le sport leurs Ă©tudes trĂšs onĂ©reuses (dans les universitĂ©s amĂ©ricaines d’élite, quatre ans, tous frais compris, peuvent coĂ»ter jusqu’à 300 000 dollars, ce que la facultĂ© de sport prend entiĂšrement en charge pour les Ă©tudiants talentueux). Signer un contrat de pro constituait un risque pour Adams : « Ma mĂšre voulait en fait que je fasse des Ă©tudes universitaires, mais elle a compris que c’était la bonne voie pour moi. »

« Les AmĂ©ricains veulent toujours ĂȘtre les meilleurs tout de suite sans penser au long processus vers le succĂšs. » Jesse Marsch, 47 ans, EntraĂźneur Red Bull Salzbourg, et Ă  partir de l’étĂ© de RB Leipzig

alors co-entraĂźneur Ă  Leipzig, dans la Bundesliga. Ce que le directeur de l’acadĂ©mie McCafferty dit Ă  propos du transfert est Ă  souligner : « Nous avons tirĂ© avantage de lui, il a tirĂ© avantage de nous, et maintenant Leipzig et l’équipe nationale amĂ©ricaine en profitent. Pour nous, c’est un succĂšs sur toute la ligne. »

Patience Ă  l’épreuve

Il est Ă©tonnant de voir Ă  quel point le football amĂ©ricain a Ă©tĂ© repensĂ©, et personne ne peut mieux en juger que Jesse Marsch. En tant que joueur, il a suivi la trajectoire traditionnelle de l’athlĂšte amĂ©ricain : bourse d’études Ă  l’universitĂ© de Princeton dans le New Jersey, 14 ans en tant que professionnel dans la MLS. Il a ensuite Ă©tĂ© entraĂźneur pour la FĂ©dĂ©ration amĂ©ricaine de football et Ă  Princeton, puis des Red Bulls de New York, du RB Leipzig et du Red Bull Salzbourg. « Aux États-Unis, nous voulons toujours ĂȘtre les meilleurs tout de suite et nous ne pensons pas au fait qu’un long processus prĂ©cĂšde souvent ce succĂšs, dit-il. Nous rĂ©coltons maintenant les premiers rĂ©sultats d’un systĂšme que nous avons mis en place il y a plus de quinze ans. » Il est plus facile aujourd’hui de convaincre les joueurs talentueux (et surtout leurs parents, habituĂ©s Ă  un systĂšme

Une ligue de formation ? !

C’est un autre aspect que les clubs de football amĂ©ricains ont fini par comprendre : offrir des perspectives aux talents qu’ils forment. Pour Adams, l’argument des Red Bulls Ă©tait clair. « Mon mentor, Jesse Marsch, m’a montrĂ© comment faire pour que cela fonctionne avec le football professionnel », explique Adams. Le plan ressemblait Ă  ça : du temps de jeu avec les Red Bulls II, entraĂźnement avec les pros exactement ce que Thomas Mueller, par exemple, a vĂ©cu avec le FC Bayern. Adams n’a pas eu Ă  dĂ©mĂ©nager en Europe Ă  l’adolescence, comme a dĂ» le faire Christian Pulisic, et a pu prendre son temps parce qu’il savait qu’il pouvait acquĂ©rir une certaine maturitĂ© aux États-Unis, « également en tant que personne ». Il pouvait obtenir son diplĂŽme tout en Ă©tant footballeur professionnel. Il a fait ses dĂ©buts dans la MLS en 2016, Ă  l’ñge de 17 ans. Deux ans plus tard, il faisait partie de la formation de dĂ©part rĂ©guliĂšre des Red Bulls puis, en janvier 2019, New York lui a offert la cerise sur le gĂąteau : un transfert en Europe grĂące aux connexions avec Salzbourg et Leipzig. Il a suivi son mentor Marsch, 68

Pool de talents : une Ă©quipe junior des New York Red Bulls prĂȘte serment pour le match. Il faudra peut-ĂȘtre attendre un certain temps avant de pouvoir garder les meilleurs joueurs pour la ligue amĂ©ricaine.

THE RED BULLETIN


Dossier foot

« Environ 40 000 jeunes par an entrent en contact avec notre projet d’acadĂ©mie. » Sean McCafferty, 44 ans, Chef de l’équipe de New York Red Bulls Academy

GEPA-PICTURES.COM, NEW YORK RED BULLS(2), GETTY IMAGES, MOTIVIO/THOMAS EISENHUTH

Le visage de l’équipe nationale amĂ©ricaine : Christian Pulisic, 22 ans, portant ici le numĂ©ro 10 lors d’un match amical contre l’Italie.

sportif diffĂ©rent) de se joindre aux acadĂ©mies de foot lorsqu’il existe des modĂšles comme Tyler Adams et que la MLS nationale n’est pas une ligue de papys mais une ligue de talents : « Les jeunes peuvent dĂ©sormais rĂȘver de devenir des stars internationales. Cela a changĂ©, mais il ne faut pas oublier que la route est longue. » MalgrĂ© la joie de la rĂ©ussite, chacun sait qu’il n’en est qu’aux premiers kilomĂštres d’un marathon. « Prochaine Ă©tape : des entraĂźneurs qualifiĂ©s, capables d’enseigner les bases aux enfants des Ă©coles primaires. Pas seulement la technique, mais aussi l’enthousiasme pour le jeu, la tactique, la psychologie, etc. tout ce qui est nĂ©cessaire Ă  leur Ăąge, dĂ©clare Marsch. Nous ne devons pas attendre les acadĂ©mies pour faire Ă©clore les talents, mais veiller Ă  ce qu’ils intĂ©riorisent cette culture sur les terrains de foot. » Dit clairement : s’assurer qu’un joueur talentueux ne passe pas au basket-ball ou au baseball parce que l’entraĂźneur de foot manque d’idĂ©es alors que celui de l’autre discipline est un ancien pro ou hautement qualifiĂ©. Ce qui manque encore : une formation adĂ©quate en dehors des acadĂ©mies de la MLS, une structure de ligues comme en Europe, peut-ĂȘtre mĂȘme avec promotion et relĂ©gation, et des Ă©quipes semi-professionnelles dans les zones rurales, ce qui permettrait une prospection encore plus en profondeur. La possibilitĂ© de signer un contrat professionnel Ă  l’adolescence, et ensuite, si votre carriĂšre n’aboutit pas, de pouvoir accepter une bourse d’études dans une universitĂ©. Tous ces problĂšmes ont Ă©tĂ© identifiĂ©s : le pro Adams, l’entraĂźneur Marsch et le directeur de l’acadĂ©mie THE RED BULLETIN

dans le dĂ©veloppement du systĂšme n’est, encore une fois, pas typiquement amĂ©ricaine. L’objectif est de crĂ©er une culture du foot qui permette de rivaliser avec les sports amĂ©ricains traditionnels pour attirer les talents. Plus besoin d’aller chercher David Beckham ou Zlatan, les enfants amĂ©ricains ont maintenant Tyler Adams sur les murs de leur chambre. Le maillot de Christian Pulisic est le plus vendu dans le pays aprĂšs celui de Messi.

« J’ai pu ĂȘtre pro et en mĂȘme temps, finir mes Ă©tudes et Ă©voluer en tant que personne. » Tyler Adams, 22 ans, Milieu de terrain RB Leipzig

McCafferty les abordent de front. Ils ont fait au football amĂ©ricain ce que les startups technologiques font tout le temps : ils ont chamboulĂ© un secteur. Ici, il s’agissait de secouer l’univers du sport chez les jeunes AmĂ©ricains. Comme une entreprise naissante, ils ont observĂ© le monde, adoptĂ© quelques idĂ©es-clĂ©s et les ont combinĂ©es avec la culture amĂ©ricaine. Les clubs professionnels sĂ©lectionnent euxmĂȘmes les talents et les forment. Ils acceptent pour le moment de servir de tremplin vers l’Europe pour leurs meilleurs joueurs : ce genre d’humilitĂ© n’est pas une vertu amĂ©ricaine. La patience

Coupe du monde Ă  domicile comme moteur

Le succĂšs rĂ©el d’une Coupe du monde ne peut ĂȘtre planifiĂ© que dans une certaine mesure ; les Allemands, par exemple, oublient souvent, dans leurs souvenirs victorieux du titre de champion du monde 2014, que leur Ă©quipe a dangereusement frĂŽlĂ© l’échec en huitiĂšme de finale contre l’AlgĂ©rie. Ce que les AmĂ©ricains savent, en revanche, c’est qu’ils sont susceptibles d’aligner l’équipe la plus talentueuse de leur histoire lors de la Coupe du monde 2026. Comme on a pu le constater lors des Ă©ditions prĂ©cĂ©dentes, le soutien de la foule pousse souvent l’équipe du payshĂŽte au-delĂ  de ce que son potentiel laissait entrevoir. Le fait d’ĂȘtre l’hĂŽte de la CM aura peut-ĂȘtre le mĂȘme effet que pour l’Allemagne en 2006 : s’avĂ©rer le point de dĂ©part de succĂšs Ă  venir. Les supporteurs amĂ©ricains ne sont plus fous de croire aux chances de leur Ă©quipe nationale d’aller loin lors de la Coupe du monde 2026 chez eux. Ils rugiront leur cri de guerre, mais derriĂšre celui-ci se cachera une saine confiance en soi plutĂŽt que la folie des grandeurs : « Je crois que nous allons gagner ! »   69


CryothĂ©rapie, lunettes filtrantes, rĂ©gimes spĂ©ciaux, entraĂźnement cĂ©rĂ©bral, sommeil chronomĂ©trĂ©, piano : les Ă©tonnantes mĂ©thodes des grandes stars du foot pour plus de vitesse, un meilleur physique et un semblant d’immortalitĂ©.

LE BIOHACKING SERA LA NORME

LE FOOTEUX OPTIMISÉ Texte : Stefan Wagner  Illustration : Stuart Patience

R

obert Lewandowski est officiellement le meilleur joueur au monde. Cristiano Ronaldo, lui, est officiellement le deuxiĂšme meilleur joueur au monde, ce qui, compte tenu de ses performances toujours hors du commun, peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme discutable, et pas seulement de son point de vue. Quant Ă  Zlatan Ibrahimović, non content de sauver la sĂ©lection suĂ©doise, il fait trembler la Serie A italienne. Lewandowski a 32 ans, Ronaldo 36, Ibrahimovic 39. Que se passe-t-il dans le football international ? Les bons joueurs deviennent-ils de plus en plus vieux ? Ou bien est-ce que ce sont les plus vieux qui sont de plus en plus performants ? Et tout cela n’est-il qu’un simple hasard ? Ou bien le dĂ©but d’une tendance destinĂ©e Ă  transformer le football pour toujours ? DĂ©jĂ , il est peu probable que le hasard y soit pour quelque chose. Ce qui est trĂšs probable, en revanche, c’est que les carriĂšres des joueurs, mĂȘme au plus haut ­niveau, sont amenĂ©es Ă  durer bien plus longtemps qu’avant. Et tout cela n’est certainement pas sans lien avec un concept dont on entend de plus en plus parler : le « biohacking ». Pour faire bref, le biohacking, c’est tout ce que les gens entreprennent de leur propre chef afin d’optimiser leur santĂ©, leurs performances, leur qualitĂ© de vie et leur longĂ©vitĂ©. Ils transpirent dans des saunas infrarouges, font de la mĂ©ditation, mesurent les variations de 70

leur frĂ©quence cardiaque et la durĂ©e de leur sommeil profond, engloutissent des complĂ©ments alimentaires et rĂ©servent parfois mĂȘme de mystĂ©rieuses retraites Ă  la dĂ©couverte d’eux-mĂȘmes dans le delta de l’Amazone. Les stars de cette scĂšne mondiale en pleine expansion, ce sont les AmĂ©ricains Dave Asprey, Ben Greenfield et Tim Ferriss. En Allemagne, le plus cĂ©lĂšbre des biohackers, c’est Andreas Breitfeld. Dans son laboratoire de Munich, il met Ă  la disposition de tout un chacun certains des gadgets et des outils les plus incroyables qui soient : caissons hyperbares, bandeaux mesurant les ondes cĂ©rĂ©brales pendant la mĂ©ditation, panneaux de lumiĂšre rouge aux plages nanomĂ©triques spĂ©cifiques ou encore inhalateurs d’eau de la « zone d’exclusion ». Le football professionnel a dĂ©sormais aussi son lot de biohackers – et leur succĂšs leur donne raison : outre Lewandowski, Ronaldo et Ibrahimovic, on peut notamment citer Erling Haaland, 20 ans, ou Serge Gnabry, 25 ans, comme adeptes de ces nouvelles mĂ©thodes d’auto-­ optimisation. Dans le cas de Gnabry, son agent n’y est pas pour rien : Hannes Winzer, cofondateur de ROOF, l’une des cinq plus grandes agences de joueurs au monde,

Robert Lewandowski Le gĂąteau et la soupe Anna Lewandowska, coach sportive, a modifiĂ© le r­ Ă©gime alimentaire de son mari : pas de produits Ă  base de lait de vache, pas de blĂ©, peu de sucre. « Et pour faciliter la digestion, je mange le dessert en premier, puis l’entrĂ©e et enfin le plat », explique le footballeur international. Le gĂąteau avant la soupe ? « Oui. Les glucides sont ­digĂ©rĂ©s plus rapidement que les protĂ©ines. » Pourquoi un amateur peut suivre la mĂȘme diĂšte que Robert. Manger le gĂąteau avant la soupe n’est pas indispensable, mais peut ĂȘtre utile. À deux conditions : brĂ»ler des calories comme un athlĂšte de haut niveau et manger juste aprĂšs l’entraĂźnement. Alors, les rĂ©serves de glycogĂšne sont vides dans le foie et les muscles. Ces derniĂšres absorbent tous les types de glucides, y compris ceux Ă  chaĂźne courte comme le sucre, ce qui permet de s’offrir quelques douceurs de temps en temps. Et d’enchaĂźner ensuite tranquillement sur de bonnes graisses et des protĂ©ines de meilleure qualitĂ©. THE RED BULLETIN


Un gĂąteau pour le buteur : Robert Lewandowski, 32 ans, mange son dessert en entrĂ©e pour une meilleure digestion.

THE RED BULLETIN

71


est lui-mĂȘme un biohacker ambitieux. Selon Winzer, le biohacking dans le monde du football professionnel serait « le meilleur moyen d’obtenir ces “gains marginaux” que tout le monde recherche, ces 1 ou 2 % d’amĂ©lioration qui font tout la diffĂ©rence au final, ce duel remportĂ© pendant la prolongation, ce pas plus ­rapide devant le but. Tous ces dĂ©tails qui permettent de dĂ©crocher plus de ­victoires et plus de titres. » InspirĂ© par les travaux de Breitfeld dans son laboratoire de Munich, Winzer teste lui aussi les appareils les plus expĂ©rimentaux. « Mais quand je conseille mes joueurs, je le fais toujours en fonction de leur façon de vivre et de leur ressenti. Pas question de faire les choses Ă  la ­va-vite. Autant en termes de rĂ©flexion que de structures, le football est un sport traditionnel et conservateur qui ne tolĂšre les innovations qu’à trĂšs petites doses. » Il n’empĂȘche que pour Winzer, les ­mĂ©thodes de biohacking seraient imparables Ă  long terme dans le football de haut niveau. « Dans certains domaines, comme la rĂ©cupĂ©ration, c’est une Ă©vidence. Les chiffres sont clairs, les recherches sont unanimes et les rĂ©sultats sont formels. Le fait qu’un joueur pro protĂšge ses yeux de la lumiĂšre bleue le soir afin de mieux dormir, ce ne sera plus une exception dans quelques annĂ©es, ce sera la rĂšgle. »

Erling Haaland Passage Ă  l’orange L’optimisation des performances commence par le sommeil, et les athlĂštes de haut niveau en sont de plus en plus conscients. Erling Haaland est l’un des premiers footballeurs professionnels Ă  s’ĂȘtre mis aux lunettes anti-lumiĂšre bleue. TeintĂ©es en orange, elles protĂšgent les yeux de la gamme de frĂ©quences de la lumiĂšre bleue (Ă©cran de tĂ©lĂ©phone portable, moniteur, tĂ©lĂ©vision, Ă©clairage LED...) 72

le soir. En effet, la lumiĂšre bleue inhibe la sĂ©crĂ©tion de mĂ©latonine, l’hormone du sommeil, et si l’on en manque, impossible de bien se reposer.

Erling Haaland, 20 ans, porte des lunettes contre la lumiùre bleue le soir qui l’aident à s’endormir et à dormir toute la nuit.

Andreas Breitfeld, si on est un sportif amateur, que peut-on apprendre de Erling Haaland ? « Les lunettes anti-lumiĂšre bleue sont un biohack de dĂ©butant extrĂȘmement efficace. RĂ©sultats garantis, surtout chez les jeunes, car la production naturelle de mĂ©latonine commence Ă  dĂ©cliner vers 45 ans. L’idĂ©al

est de porter des lunettes Ă  verres orange deux Ă  trois heures avant d’aller se coucher et d’enchaĂźner avec des lunettes Ă  verres rouges pour la derniĂšre heure. Nous avons rĂ©alisĂ© un test des produits disponibles sur le marchĂ© et les marques performantes sont TrueDark, Innovative Eyewear, Ra Optics et BLUblox. » THE RED BULLETIN


Dossier foot

Zlatan Ibrahimović Ice-Zlatan Éternellement jeune, notre vĂ©tĂ©ran est un pratiquant convaincu de la cryothĂ©rapie. Comme beaucoup d’autres (tels Cristiano Ronaldo ou le club anglais de Leicester City), c’est un fervent adepte des chambres de cryothĂ©rapie. Il s’agit d’une sorte de sauna domestique inversĂ©, dont la tempĂ©rature peut descendre jusqu’à – 82 °C. Le principe est de rester environ trois minutes par jour dans cette cabine ­frigorifique. Le froid met le corps en Ă©tat de choc, les vaisseaux sanguins se contractent, pour se dilater Ă  nouveau plus tard et irriguer le corps de sang rempli de substances anti-inflammatoires.

rĂ©cupĂ©rer plus rapidement, en revanche, c’est l’idĂ©al. Prendre une douche froide d’au moins trois minutes le matin, c’est excellent pour la santĂ© Ă  plus d’un titre. Les dĂ©butants peuvent opter pour des douches moins longues, ou bien alterner entre chaud et froid. »

Zlatan Ibrahimović, 39 ans, mise sur sa chambre cryogĂ©nique, une chambre congĂ©lo, pour se rĂ©gĂ©nĂ©rer.

Andreas Breitfeld, si on est un sportif amateur, que peut-on apprendre de Zlatan ? « Le froid, c’est gĂ©nial. En principe, ça peut ĂȘtre bĂ©nĂ©fique pour tout le monde ou presque de s’y mettre. Une parfaite entrĂ©e en matiĂšre, c’est le livre de Josephine Worseck, Die Heilkraft der KĂ€lte (trad. Les vertus curatives du froid). Pour les sportifs, le timing est essentiel. Pour faire simple : dans un objectif de prise de muscle, il ne faut pas s’exposer au froid juste aprĂšs l’entraĂźnement. Pour

THE RED BULLETIN

73


Serge Gnabry L'attaquantpianiste Gnabry travaille Ă©normĂ©ment avec Lars Lienhard, coach en neuro-training sportif. Les sessions d’entraĂźnement peuvent paraĂźtre Ă©tranges – il secoue la tĂȘte, fait des exercices spĂ©ciaux avec les doigts, les mains et les yeux – mais ça fonctionne : la discipline innovante du neuro-­training sportif amĂ©liore la coordination, la perception spatiale et l’habiletĂ©. Gnabry veille Ă  la qualitĂ© de son sommeil, s’inspire des biographies de personnalitĂ©s ayant rĂ©ussi et prend des cours de piano. Son conseiller, Hannes Winzer : « Avant, Serge avait tendance Ă  se blesser. Aujourd’hui, il joue entre 40 et 50 matches par saison et il est rarement forfait. Mais Serge est un bosseur. Il a appris Ă  considĂ©rer son corps comme un temple. » Et la pratique du piano ? Winzer : « Apprendre Ă  jouer du piano, ça amĂ©liore le sens du rythme, et ça crĂ©e de nouvelles maniĂšres de connecter et de contrĂŽler les synapses. Et c’est ce qui fait de Serge un meilleur joueur. »

Hannes Winzer. Faire de la musique favorise la connexion entre les diffĂ©rentes zones du cerveau. En pratique, cela contribue Ă  amĂ©liorer l’équilibre et la coordination gauche-droite, et Ă  faire un rĂ©Ă©quilibrage entre pied fort et pied faible. Jouer du piano est une ­approche exigeante du neuro-­training sportif.  »

Serge Gnabry, 25 ans, ­améliore son équilibre et sa coordination gauche-droite en jouant du piano.

NORMAN KONRAD

Andreas Breitfeld, si on est un sportif amateur, que peut-on apprendre de Serge Gnabry ? « C’est vraiment une super approche du biohacking que propose

74

THE RED BULLETIN


Dossier foot

Cristiano Ronaldo L’homme qui dort six fois par jour Le rythme de sommeil de Ronaldo avant un gros match est mythique : il fait six siestes de 90 minutes rĂ©parties sur 24 heures (avec un pyjama propre Ă  chaque sieste). Et ces jours-lĂ , il prend six repas : un petit-dĂ©jeuner, deux dĂ©jeuners, une collation et deux dĂźners. Bien sĂ»r, en bon perfectionniste, il ne se prive pas des bienfaits de la cryothĂ©rapie. Ronaldo s’est fait installer un cryosauna d’une valeur de 55 000 dollars chez lui. Andreas Breitfeld, si on est un sportif amateur, que peut-on apprendre de Cristiano Ronaldo ? « Le sommeil polyphasique est super efficace. Ça ne fait aucun doute, il y a eu de nombreuses recherches sur le sujet. L’inconvĂ©nient, c’est que, pour le commun des mortels, c’est infaisable. S’endormir six fois par jour Ă  heures fixes, ce n’est compatible ni avec un travail un tant soit peu normal ni avec une vie de famille raisonnablement agrĂ©able. Sept Ă  huit heures d’un bon sommeil nocturne suffisent ­largement. L’idĂ©al est de dormir dans une chambre fraĂźche complĂštement dans le noir. »

Sommeil idĂ©al : Cristiano Ronaldo, 36 ans, fait six siestes de 90 minutes avant les grands matches.

ANDREAS BREITFELD, Profession : biohacker ; scannez le QR code et dĂ©couvrez son labo THE RED BULLETIN

75


MĂ©decins robots, tirs au but virtuels, protĂšge-tibias numĂ©riques : comment les gadgets high-tech des acadĂ©mies Red Bull et du reste du monde rendent les footballeurs de demain plus en forme, plus intelligents et moins fragiles des nerfs.

L’ORDI PREND LE CONTRÔLE DU COACHING

JEU DE TECH Texte : Marc Baumann

Sur le siĂšge ddrobotec, les athlĂštes entraĂźnent leurs jambes Ă  l’aide de pneumatiques sensibles (air comprimĂ©).

blessure, le record de Gerd MĂŒller (40 buts en championnat) qui est dans les tĂȘtes. MĂ©decins et physiothĂ©rapeutes sont les hĂ©ros de l’ombre de ces courses contre le temps. Leurs noms restent mĂ©connus si ce n’est celui du lĂ©gendaire Dr MĂŒllerWohlfahrt auquel il faut dĂ©sormais en ajouter un autre : « ddrobotec », nom du robot d’entraĂźnement personnel. Similaire Ă  une presse Ă  cuisses avec un moniteur en plus, cette machine sollicite les muscles d’un athlĂšte blessĂ© en douceur, ou jusqu’à leurs limites, si ce dernier est en bonne santĂ©. De plus, l’aspect ludique des exercices attĂ©nue la pĂ©nibilitĂ© de la sĂ©ance d’entraĂźnement. ddrobotec.com

Personaltrainer numérique

Le Robo-Doc

En football, la rĂ©Ă©ducation est souvent un sujet d’inquiĂ©tude. En 2006, la participation incertaine de Philipp Lahm Ă  la Coupe du monde Ă  domicile prĂ©occupait toute l’Allemagne. Aujourd’hui, c’est l’incertitude concernant la capacitĂ© de Robert Lewandowski Ă  battre, malgrĂ© sa 76

Presse Ă  jambes avec moniteur : session adaptĂ©e aux limites de performance individuelles sous forme de jeux.

THE RED BULLETIN


Dossier foot

Smartball

Le ballon intelligent À quoi ressemblera le ballon du futur ? Pour le savoir, il faudra manger des chips. Se procurer le « Smartball » de l’entreprise hanovrienne Sport Technology Systems ne sera d’abord possible qu’en fournissant un code gagnant issu des boĂźtes Pringles, et ce durant tout l’Euro. La commercialisation du ballon connectĂ© et dotĂ© d’intelligence artificielle est prĂ©vue pour la fin de l’annĂ©e. « Beaucoup de jeunes dĂ©laissent ce sport au profit des jeux vidĂ©o. La console est devenue ainsi notre principal ennemi », explique le fondateur de l’entreprise, Lennardt Hachmeister. Avec son cofondateur Fabian Ernst, ex-joueur de Bundesliga (HSV, Schalke, BrĂȘme), il s’inspire largement du mĂ©canisme de jeu en alliant sĂ©ances d’entraĂźnement et dĂ©fis amusants. Le Smartball est censĂ©, dans un deuxiĂšme temps, ĂȘtre adoptĂ© par les clubs et aider, par exemple, les Ă©quipes amateurs Ă  disposer des donnĂ©es performance n’exigeant pas un gros investissement technique. « L’aspect et le toucher du Smartball ne prĂ©sentent aucune diffĂ©rence avec un ballon classique », prĂ©cise Hachmeister. La ­question de savoir si les autres fabricants

se chargeront eux-mĂȘmes d’intĂ©grer la technologie Smartball Ă  leurs ballons ou si la sociĂ©tĂ© fabriquera les ballons pour eux reste quant Ă  elle ouverte. Quel que soit le scĂ©nario, la Smartball dĂ©terminera la ­vitesse, l’effet, la hauteur de trajectoire et ainsi la prĂ©cision du toucher de balle. L’entraĂźneur suisse Lucien Favre est connu pour insister sur l’importance d’une prise de balle prĂ©cise. La consommation de chips chez les Favre devrait donc exploser prochainement. sporttechnology.systems

BientÎt, le ballon fournira des données sur sa vitesse, sa rotation ou son altitude de vol. THE RED BULLETIN

77


Simulateur à 360°

Le foot en mode Ă©cran gĂ©ant Les soirs de dĂ©faite, les joueurs revivent inlassablement les actions qui ont scellĂ© le sort du match et trouver le sommeil devient difficile. Et ce n’est pas l’insomnie qui amĂ©liorera leurs performances. Pour cela, il y a Soccerbot 360. Ce dispositif simule les actions de jeu en appuyant sur un simple bouton. Le joueur se tient au centre de la zone d’entraĂźnement en gazon artificiel, entourĂ© d’écrans sur lesquels adversaires, coĂ©quipiers et buts sont projetĂ©s. Il doit transmettre un ballon rĂ©el Ă  ses partenaires virtuels de maniĂšre rapide et prĂ©cise. Qu’il s’agisse du Soccerbot 360, utilisĂ© par le RB Leipzig et la Red Bull Fußball Akademie, ou des systĂšmes similaires comme le Footbonaut prĂ©fĂ©rĂ© par Dortmund ou le Skills.Lab du FC Bayern, le principe est le mĂȘme : mesurer et amĂ©liorer la rĂ©activitĂ©, la concentration et la vision du jeu du joueur. La tĂąche peut devenir vite Ă©prouvante lorsque, par

GrĂące Ă  la rĂ©alitĂ© virtuelle, les porteurs de ces lunettes peuvent vivre un match de foot sans avoir Ă  s’exposer Ă  de vĂ©ritables duels.

exemple, dix coĂ©quipiers et adversaires apparaissent sur les Ă©crans du Skills.Lab et qu’il faut en un clin d’Ɠil passer le ballon au partenaire dĂ©marquĂ©. Pour les penalties virtuels, le joueur est soumis aux huĂ©es des supporteurs afin de dĂ©velopper le sang-froid. soccerbot360.de

Sur mesure : dans le Soccerbot, les joueurs peuvent notamment entraĂźner leur prĂ©cision de passe dans l’espace virtuel.

Terrain virtuel

Foot sans ballon Demandez aux coachs de l’acadĂ©mie Red Bull Ă  Liefering quel est, selon eux, le progrĂšs technique le plus fascinant. Leur rĂ©ponse ? RĂ©alitĂ© virtuelle. Il sera possible, dans un avenir proche, de simuler de façon rĂ©aliste des situations de jeu rĂ©elles, avec adversaires, supporteurs et mĂ©tĂ©o inclus. En attendant, il y a Rezzil. GrĂące aux lunettes et aux protĂšge-­ tibias numĂ©riques, vous pouvez fouler un terrain virtuel et choisir diffĂ©rents exercices : enchaĂźner amorti et passe millimĂ©trĂ©e, par exemple, la reprise de volĂ©e ou encore le jeu de tĂȘte avec un coĂ©quipier virtuel. Tout y est, mĂȘme le bruit du ballon. Les actions peuvent ĂȘtre visionnĂ©es du point de vue de chaque joueur. Un entraĂźnement virtuel oĂč l’absence de ballon rĂ©el peut mĂȘme s’avĂ©rer avantageuse, notamment pour des joueurs revenus de blessures. Ceux-ci pourront travailler les automatismes sans l’apprĂ©hension de t­ aper dans le ballon. rezzil.com

78

THE RED BULLETIN


Dossier foot Big Data

DĂ©construire le jeu

Le track dans le tee-shirt parle avec des Ă©metteurs au bord du terrain, cent fois par seconde !

DĂ©fendre face Ă  Kingsley Coman ou Serge Gnabry est un immense dĂ©fi. Leur vitesse et leur habiletĂ© balle aux pieds en font de redoutables clients. Comment les neutraliser ? La technologie de suivi et d’analyse d’activitĂ© de Kinexon Sports peut aider. « Durant un match, un dĂ©fenseur latĂ©ral vivra dix ou douze situations de jeu face Ă  Coman, oĂč il devra dĂšs les premiers mĂštres, sprinter Ă  22 ou 23 km/h », explique Maximilian Schmidt, cofondateur de Kinexon. Muni de ces donnĂ©es, l’ar-

UMBRELLA SOFTWARE DEVELOPMENT GMBH

Protecht

Pour ne pas perdre la tĂȘte Lors de la finale de la Coupe du monde 2014, le milieu de terrain allemand Christoph Kramer demande Ă  l’arbitre si le match en cours est bien la finale. Il venait de subir un choc avec un joueur argentin. Depuis cet Ă©pisode, le monde du football prend les commotions cĂ©rĂ©brales trĂšs au sĂ©rieux. Les combats aĂ©riens sont trop souvent violents et peuvent laisser des sĂ©quelles Ă  vie. Afin de minimiser ce THE RED BULLETIN

La protection buccale se porte sur la rangée supérieure des dents, comme un boxer, et mesure les vibrations.

riĂšre peut prĂ©parer ces duels avec prĂ©cision, en simulant les dĂ©placements de ­Coman pour comparer sa vitesse de course. L’entreprise de Schmidt a dotĂ© dix terrains d’entraĂźnement de la Red Bull Fußball Akademie de la technologie LPS. Kinexon n’utilise pas de donnĂ©es GPS, ­insuffisamment prĂ©cises, mais installe ses propres Ă©metteurs autour du terrain. Ceux-ci Ă©changent des donnĂ©es avec les capteurs des joueurs jusqu’à 100 fois par seconde. Les donnĂ©es obtenues permettent bien sĂ»r d’enregistrer la vitesse de course et la distance parcourue, mais aussi la position exacte de chaque joueur, ce qui permet d’évaluer leurs dĂ©placements en phase d’attaque et en phase de dĂ©fense. Toujours plus nombreuses, les donnĂ©es de suivi permettent aux clubs de dĂ©terminer les paramĂštres clĂ©s de leur propre philosophie de jeu. Le « Big Data » figure dĂ©jĂ  dans les cursus universitaires liĂ©s au sport et dans la formation des entraĂźneurs. Et de plus en plus de joueurs professionnels prennent conscience de l’utilitĂ© de ces donnĂ©es pour travailler sur leurs points faibles de maniĂšre ciblĂ©e. Ils s’en servent d’ailleurs comme argument lorsqu’ils nĂ©gocient leur contrat, Ă  l’instar du milieu de terrain de Manchester City Kevin De Bruyne lors de sa rĂ©cente prolongation de contrat de deux ans, soit jusqu’en 2025. kinexon.de

risque, la sociĂ©tĂ© SWA teste actuellement son nouveau protĂšge-­dents hi-tech PROTECHT chez les U23 du Liverpool FC, les U18 fĂ©minines de Manchester City et – pour ĂȘtre sĂ»r – l’équipe de rugby anglaise Leicester T ­ igers. Enveloppant la mĂąchoire supĂ©rieure laquelle est soudĂ©e au crĂąne, la gouttiĂšre sur mesure permet de mesurer l’intensitĂ© des chocs subis par la tĂȘte. Les donnĂ©es collectĂ©es sont envoyĂ©es en temps rĂ©el Ă  l’équipe mĂ©dicale prĂ©sente aux abords du terrain, pour intervenir si nĂ©cessaire. Dans le cas de Christoph Kramer, la dĂ©cision de le remplacer aurait Ă©tĂ© immĂ©diate et non quinze minutes aprĂšs la collision. swa.one

79


Le NorvĂ©gien ERLING HAALAND est l’attaquant le plus convoitĂ© au monde. Sauf par les journalistes. Il est aussi laconique qu’IVAN DRAGO dans le cultissime Rocky IV (Dolph Lundgren y prononce neuf rĂ©pliques). Duel d’orateurs taciturnes.

QUIZ

QUI A DIT?

Savez-vous lequel des deux est Ă  l’origine des dĂ©clarations suivantes ? «I fight to win.» 2. «Work hard.» 3. «It’s shit.» 4. «I must break you.» 5. «Yes.» 6. «I feel very good.» 7. «To the end.» 8. «You will lose.»

Il fait parler ses poings : Dolph Lundgren, incarnant le boxeur Ivan ­Drago, son rîle culte.

RÉPONSES 1. Ivan Drago, aprĂšs que son manager l’a traitĂ© d’idiot. 2. Erling Haaland Ă  la question sur la recette de son incroyable compteur de buts en Ligue des champions (Ă  ce jour, 20 buts en 16 matches). 3. Erling Haaland sur le fait de devoir jouer sans supporteurs dans les tribunes. 4. Ivan Drago avant le dĂ©but du match contre Rocky Balboa. 5. Erling Haaland Ă  propos de sa cĂ©lĂ©bration de but devant les tribunes vides en guise de message Ă  ses fans. 6. Erling Haaland au sujet de ce qu’il Ă©prouve par rapport au fait d’ĂȘtre le plus jeune joueur Ă  avoir marquĂ© un triplĂ© en Ligue des champions. 7. Ivan Drago avant le dernier round du combat contre Rocky Balboa. 8. Ivan Drago avant le combat contre Apollo Creed.

80

THE RED BULLETIN

IMAGO IMAGES, GETTY IMAGES

Ses buts parlent pour lui : Erling Haaland, 20 ans, Ă©toile montante des attaquants vedettes.

CHRISTIAN EBERLE ABASOLO

1.



PRO M OT IO N

must-haves

1

2

3

4

1 PHILIPPS BROSSE LES POMPES

VoilĂ  un accessoire indispensable pour les amoureux de leurs pompes : le Philips Sneaker Cleaner nettoie tes baskets en douceur et en profondeur avec sa brosse rotative (env. 500 rotations par minute). Disponible avec trois brosses, chacune adaptĂ©e Ă  diffĂ©rents matĂ©riaux. En l’espace de quelques minutes, tes sneakers ‘redeviennent comme neuves ! philips.ch

2 CORNETTO PAR MICHELE RONDELLI

La collection de serviettes de plage de Michele Rondelli est un hommage Ă  l’étĂ© sur la Riviera avec des motifs
 ­allĂ©chants. Un goĂ»t de rĂ©tro, gai et ­colorĂ©, qui rappelle l’étĂ© en Italie avec ces cornets glacĂ©s, ambiance annĂ©es 60. ZigZagZurich travaille autant avec des artistes reconnus qu’avec de jeunes concepteurs sur des collections uniques. zigzagzurich.com

3 POUR TOUS LES DÉFIS SPORTIFS

Le nouveau Daylongℱ Sport a Ă©tĂ© spĂ©cialement dĂ©veloppĂ© pour les besoins des personnes actives et sportives. La crĂšme protĂšge mĂȘme dans des conditions extrĂȘmes. La version hydrogel ­lĂ©gĂšre est extra rĂ©sistante Ă  l’eau et Ă  la sueur, pĂ©nĂštre rapidement et ­garantit une protection optimale grĂące Ă  la technologie Fast Absorber et au SPF 50+. daylong.ch

4 MASKPOD, L’ALLIÉ FIDÈLE

L’objet indispensable pour faciliter la pose de ton masque sanitaire sur ton casque lors de tes sorties en bike, Ă  ski ou en snowboard. Easy-to-use, Reusable & Removable. Cette invention suisse est fabriquĂ©e Ă  partir de matĂ©riaux biosourcĂ©s issus d’extraits de graines de ricin. Conjuguer confort et efficacitĂ© est l’un des nombreux atouts de Maskpod. maskpod.ch


PERSPECTIVES Expériences et équipements pour une vie améliorée

VU D’EN HAUT, ENCORE PLUS BEAU

SEBASTIAN MARKO/RED BULL CONTENT POOL

HANNES KROPIK

En parapente avec Paul Guschlbauer lors des Red Bull X-Alps.

Paul Guschlbauer en vol plané, tout prÚs du massif du Mont-Blanc.

83


PERSPECTIVES voyage

«LĂ  oĂč tu atterris, tu prends appui pour voler Ă  nouveau. » Paul Guschlbauer Ă  propos du principe des Red Bull X-Alps

L

es Red Bull X-Alps sont une aventure XXL : un parcours comprenant douze points de passage dissĂ©minĂ©s dans cinq pays, et un grand nombre de situations imprĂ©visibles. En thĂ©orie, la rotation entre Salzbourg et le massif du MontBlanc, depuis la frontiĂšre italo-suisse, peut s’effectuer d’une traite sans enfreindre les rĂšgles de vol. Mais en pratique, les lois de la nature en dĂ©cident autrement, notamment lorsque les courants thermiques retombent et vous obligent Ă  atterrir. AprĂšs quoi, il vous faut rejoindre Ă  pied un autre sommet d’oĂč vous pouvez Ă  nouveau dĂ©coller. Par mauvais temps, il est possible aussi de longer une vallĂ©e. En 2021, les Red Bull X-Alps fĂȘtent leur dixiĂšme Ă©dition. Lors de la prĂ©paration en ski de randonnĂ©e, je me suis brisĂ© la cheville droite, mais je reste optimiste quant Ă  ma sixiĂšme participation Ă  la course. Cette fois, je ferai plus attention Ă  la partie vol. Le principe de la course « marche et vole » est simple : vous volez avec le parapente ou vous marchez en le portant. Toutefois, ne participe pas Ă  la course qui veut. Cette annĂ©e, seuls les 33 athlĂštes sĂ©lectionnĂ©s prendront le dĂ©part d’une compĂ©tition qui ne distingue pas les hommes et les femmes dans son classement. Mais les rĂ©gions que nous parcourrons aussi vite que possible offrent Ă©galement quantitĂ© de possibilitĂ©s aux sportifs amateurs dĂ©sireux de se dĂ©penser activement. En voici quelques beaux exemples issus de ma propre expĂ©rience. Wagrain-Kleinarl prĂšs de Salzbourg, thĂ©Ăątre du prologue des Red Bull X-Alps le 17 juin. Par ailleurs, j’y organise moimĂȘme un triathlon de montagne Ă  la fin

84

Guschlbauer dans la course : voler est plus beau.

du mois d’aoĂ»t, l’Aerothlon, avec au menu course en montagne, parapente et VTT. Si, en vol, nous sommes livrĂ©s Ă  nous mĂȘme, les Red Bull X-Alps restent cependant une course d’équipe. Werner Strittl est mon coĂ©quipier. Il me suit Ă  travers l’Autriche, l’Allemagne, la Suisse, la France, l’Italie et Ă  nouveau en Autriche. La pause nocturne dĂ©bute Ă  22 h 30 tapantes, notre camping-­car doit alors couper son moteur lĂ  oĂč il se trouve. Je le rejoins pour y passer la nuit et en repars Ă  5 heures le lendemain matin. Cette annĂ©e, nous survolons Ă  nouveau la rĂ©gion de Chiemgau en BaviĂšre oĂč j’ai vĂ©cu par le passĂ©. Une rĂ©gion idĂ©ale pour le parapente, mais aussi pour la course de fond. Des sentiers de tout THE RED BULLETIN


L’itinĂ©raire 2021 Il s’agit du parcours le plus long de l’histoire des Red Bull X-Alps : les athlĂštes doivent parcourir 1 238 km. Le dĂ©part est Ă  Salzbourg, l’arrivĂ©e Ă  Zell am See, avec douze points de contrĂŽle Ă  passer entre les deux. 17 juin 2021 : prologue : Wagrain-Kleinarl (AUT) 20 juin 2021 : dĂ©part : Mozartplatz, Salzbourg, 432 m (AUT)

GER SUI

06

07 08

05 10

09 FRA

04 03

AUT 01 02

12 11

ITA

POINTS DE CONTRÔLE 01 Gaisberg (AUT) : 1 275 m 02 Wagrain-Kleinarl (AUT) : 1 009 m 03 KitzbĂŒhel Hahnenkamm (AUT) : 1 633 m 04 Chiemgau Achental (GER) : 521 m 05 Lermoos – Tiroler Zugspitz Arena (AUT) : 990 m 06 SĂ€ntis (SUI) : 2 500 m 07 Fiesch – Aletsch ­Arena (SUI) : 1 057 m 08 Dent D’Oche (FRA) : 2 079 m 09 Mont Blanc (FRA) : 4 714 m 10 Piz PalĂŒ (SUI) : 3 901 m 11 Kronplatz (ITA) : 2 258 m 12 Schmittenhöhe (AUT) : 1 950 m ArrivĂ©e : Zell am See (AUT) : 751 m

NICOLAS HOLTZMEYER/RED BULL CONTENT POOL, MIRJA GEH/ RED BULL CONTENT POOL, PHILIPP REITER/RED BULL CONTENT POOL

Paul Guschlbauer pratique le vol Ă  voile dans la rĂ©gion de l’Alpe d’Huez en France.

Sur la corde raide : Guschlbauer lors des Red Bull X-Alps 2019, oĂč il a terminĂ© troisiĂšme. THE RED BULLETIN

niveau de difficultĂ© serpentent le long des montagnes Ă  partir de Marquart­stein. Les participants auront le choix entre une boucle de dix kilomĂštres pour dĂ©butant avec de belles sections en forĂȘt, un semi-marathon aux distances plus ambitieuses jusqu’au sommet du Hochplatte, ou encore un itinĂ©raire de 42km avec une vue magnifique sur le lac Chiemsee depuis le sommet du Hochgern. La victoire aux Red Bull X-Alps se joue gĂ©nĂ©ralement dans les airs. La diffĂ©rence du niveau athlĂ©tique entre les concurrents est nĂ©gligeable, chacun est capable si nĂ©cessaire de courir plus de 100 kilomĂštres sans s’arrĂȘter. Mais ceux qui nĂ©gocient le mieux la progression dans les airs seront plus rapides. Une bonne connaissance des Alpes, des courants thermiques de chaque vallĂ©e et la prise de dĂ©cisions tactiques opportunes sont autant de facteurs critiques. Est-il plus judicieux, en cas de mauvais temps par exemple, d’atterrir et de rejoindre Ă  pied   85


PERSPECTIVES voyage

Le paradis des randonneurs : vue de la station de Bettmeralp dans la rĂ©gion du glacier d’Aletsch.

redbullxalps.com ; paulguschlbauer.at

86

Red Bull X-Alps : le grand jubilĂ© Cette annĂ©e, l’évĂ©nement alpin fĂȘte ses dix ans d’existence. LancĂ©s en 2003, les Red Bull X-Alps ont lieu tous les deux ans. AprĂšs le prologue, la 10e Ă©dition dĂ©bute le 20 juin Ă  Salzbourg pour s’achever Ă  Zell am See Ă©galement dans le land de ­Salzbourg.

« En vol, vous pouvez remuer les bras, mais jamais relĂącher l’attention. » Paul Guschlbauer doit toujours ­rester concentrĂ© lorsqu’il vole.

1 238 KM À VOL D’OISEAU Aux douze points de contrĂŽle rĂ©partis entre l’Autriche, l’Allemagne, la Suisse, la France et l’Italie, les participants volent Ă  proximitĂ© d’un repĂšre placĂ© spĂ©cialement sur les sommets Ă©levĂ©s, comme le mont Blanc. 33 PARTICIPANTS 30 hommes et 3 femmes de 17 nationalitĂ©s diffĂ©rentes au dĂ©part ; toutes les 48 heures, le dernier athlĂšte est Ă©liminĂ©.

LES 6 DERNIÈRES Ă©ditions ont Ă©tĂ© une dĂ©monstration de puissance du Suisse Christian « Chrigel » Maurer, qui les a outrageusement dominĂ©es. 2011, 2015, 2017 & 2019 Paul Guschlbauer, originaire de Styrie, a terminĂ© quatre fois Ă  la troisiĂšme place. DOUBLE RAISON DE JUBILER Le Roumain Toma Coconea, 46 ans, fĂȘtera aussi sa dĂ©cennie Ă  Salzbourg. Il est le seul athlĂšte Ă  avoir participĂ© Ă  toutes les Ă©ditions depuis la crĂ©ation de la compĂ©tition. Suivez les Red Bull X-Alps en live en scannant le QR code

DE 6 À 21 HEURES Les vols sont autorisĂ©s ; la marche l’est de 5 Ă  22 h 30.

THE RED BULLETIN

GETTY IMAGES, NICOLAS HOLTZMEYER/RED BULL CONTENT POOL

la montagne suivante, ou d’attendre une heure pour ensuite profiter d’un meilleur courant thermique  ? Plus la course progresse vers l’ouest, plus les montagnes sont Ă©levĂ©es. Et plus les difficultĂ©s de vol augmentent, les changements de vent se faisant alors plus frĂ©quents et plus violents. La tension est constante. Sur le plancher des vaches, vous pouvez, en cas de fatigue, vous asseoir et reprendre votre souffle, mais en vol, le rĂ©pit n’est pas permis. Vous pouvez remuer vos mains et vos bras, mais jamais relĂącher l’attention. L’un des points de passage se trouve en Suisse, au glacier de l’Aletsch Arena, le plus vaste des Alpes. Pour qui a du temps, les randos y sont magnifiques. On peut s’y rendre en train de montagne au dĂ©part de Fiesch, mais dans le cadre des Red Bull X-Alps, la distance s’effectue Ă  pied sans avoir le temps de profiter de la vue magique sur les Alpes bernoises, et leurs 4 000 m d’altitude. Ce site, classĂ© au patrimoine mondial de l’UNESCO, compte plus de 300 km de sentiers de randonnĂ©e. Dans mon cas, la marche durant les Red Bull X-Alps n’est qu’un moyen d’atteindre l’objectif. Rallier la montagne suivante pour redĂ©coller. Voler, toujours voler.


DES AIIILES POUR L’ÉTÉ.

AU GOÛT DE FRUIT DU DRAGON.

U A E V U O N

STIMULE LE CORPS ET L’ESPRIT.


APPEL AU DÉCOLLAGE RED BULL FLUGTAG DĂ©filĂ© de machines volantes fait maison, plus spectaculaires les unes que les autres, vouĂ©es Ă  s’écraser dans l’eau. Fous rires et bonne humeur garantis ! Le 19 septembre, Ă  BellerivePlage, Lausanne. Inscriptions : redbull.ch/flugtag

LÉGÈRETÉ DE L’ÊTRE LE HAMAC PAR QNUX Contractez, relĂąchez ! Avant de s’installer dans ce hamac, un peu d’action est requise : montĂ© en sept Ă©tapes simples, il ne pĂšse que 9 kilos, et en supporte 200. qnux.eu

Que du bon ! LUMINEUSE Elle brille en vert vif la nuit. Le compteur 30 minutes (à gauche) s’allume, lui, en bleu.

LA REINE DE LA NUIT VINTAGE BR V2-94 FULL LUM PAR BELL & ROSS Redoutablement brillante de précision le jour, cette montre de Bell & Ross dévoile sa vraie beauté la nuit venue, grùce à son cadran luminescent. bellross.com

88

FREERUNNING À ATHÈNES DE L’ACTION SPECTACULAIRE : RED BULL ART OF MOTION Dans le port de Mikrolimano au PirĂ©e, en GrĂšce, les freerunners (sur notre photo, Dimitris Kyrsanidis et Silke Sollfrank) montrent que les bateaux ne sont pas un obstacle mais un dĂ©fi. Rendez-vous lors de Red Bull Art of Motion, le 10 juillet sur Red Bull TV. redbull.com

THE RED BULLETIN

DAMIAN KRAMSKI/RED BULL CONTENT POOL, ALEX GRYMANIS/RED BULL CONTENT POOL, ALAN MAAG/CYCLE WEEK

TantĂŽt hamac, tantĂŽt action : les bons plans du mois chaudement recommandĂ©s par la rĂ©daction.  Texte WOLFGANG WIESER


PERSPECTIVES tendances TOUT, TOUT, TOUT SUR LE VÉLO LA CYCLE WEEK À ZURICH Le plus grand festival de vĂ©lo de Suisse aura lieu du 4 au 8 aoĂ»t. Qu’il s’agisse de VTT, d’e-bike ou de vĂ©lo de course : les amateurs de vĂ©lo peuvent tester les derniers produits, suivre des cours ou participer Ă  des ateliers. cycleweek.ch

COMMENT ­GARDER LE CAP ? UN JEU D’ENFANT En aluminium lĂ©ger, le hamac s’érige en tirant sur la corde.

UNE LÉGENDE DE LA VOILE Ce n’est pas une belle histoire, mais elle se termine de maniĂšre impressionnante : un an aprĂšs son opĂ©ration du cancer, Santiago Lange remporte l’or aux JO de Rio de Janeiro : un triomphe de combativitĂ© incomparable. pantauro.com

TOUJOURS PRÊT Ce couteau ne vous dĂ©cevra pas dans vos virĂ©es outdoor, entre feu de camp et rando.

PRATIQUE ET DISCRET RANGER GRIP 55 PAR VICTORINOX Voici la derniĂšre version du ­cĂ©lĂšbre couteau de l’armĂ©e suisse : il a des outils Ă  revendre et son look est fantastique. Cette merveilleuse couleur s’appelle Onyx Black. victorinox.com THE RED BULLETIN

89


PERSPECTIVES calendrier

Les meilleurs vĂ©tĂ©tistes freeride au monde (en photo, Gee Atherton) s’affrontent pour le titre de champion du monde de slopestyle. Le dĂ©part du Crankworx World Tour a lieu Ă  Innsbruck. Du 17 au 20 juin, les participants montreront leurs compĂ©tences dans diverses disciplines. Regardez en direct sur Red Bull TV.

11 et 12 juin RED BULL CLIFF DIVING EST DE RETOUR Des lieux pittoresques, des athlĂštes intrĂ©pides et des sauts Ă  couper le souffle depuis des hauteurs vertigineuses, le Red Bull Cliff Diving revient en force en 2021 aprĂšs l’annulation des World Series l’an dernier. Vingt-quatre des meilleurs plongeurs au monde, 12 hommes et 12 femmes ( en photo, l’Australienne Rhiannan Iffland), fĂȘteront le retour des World Series les 11 et 12 juin Ă  Saint-RaphaĂ«l, en France. L’évĂ©nement sera diffusĂ© en direct et en exclusivitĂ© sur Red Bull TV.

Exploration sous-marine SPECTACULAIRE DÉCOUVERTE Dans le documentaire Underwater Explorer, The Red Bulletin accompagne le spĂ©lĂ©ologue et explorateur danois Klaus Thymann dans une grotte sous-marine du Mexique oĂč se trouvent des squelettes humains datant de la prĂ©histoire. L’emplacement exact de la dĂ©couverte reste secret afin de protĂ©ger les ossements des pilleurs. redbull.com 90

24 au 27 juin COMEBACK Le lĂ©gendaire Rallye Safari au Kenya est de retour aprĂšs une longue pause du calendrier WRC. La sixiĂšme manche du championnat du monde des rallyes se dĂ©roulera du 24 au 27 juin et sera diffusĂ©e en direct sur Red Bull TV. D’ailleurs, le dernier vainqueur en 2002 Ă©tait le champion du monde de 1995, le Britannique Colin McRae. THE RED BULLETIN

REDBULLCLIFFDIVING.COM, BORIS BEYER/RED BULL CONTENT POOL, JAANUS REE/RED BULL CONTENT POOL, KLAUS THYMANN

17 au 20 juin SAUTS DE HAUT NIVEAU


CH A E B O T E C A THE PL

GSTAAD / 06 – 11 JULY 2021 beachworldtour.ch


B O U L E VARD DES HÉRO S

MARLENE DIETRICH

DIÈTE À LA DIETRICH

MICHAEL KÖHLMEIER raconte les destins de personnages inspirants – dans

le respect des faits et de sa libertĂ© d’écrivain. Ce mois-ci : comment la VĂ©nus blonde tailla en piĂšces une journaliste aux formes un peu trop gĂ©nĂ©reuses.

T

husnelda Harris avait tout juste Harris vint supplier le rĂ©dacteur de LIFE vingt ans lorsque Henry R. Luce, de l’aider – au nom des nombreux services autrefois rendus. AprĂšs tout, quel rĂ©dacteur en chef du cĂ©lĂšbre magazine amĂ©ricain LIFE, lui donna meilleur exercice, pour une apprentie la dĂ©licate mission d’aller interĂ©crivaine, que de rĂ©ussir Ă  interviewer viewer Marlene Dietrich. Henry Luce et le l’inapprochable Marlene Dietrich ? pĂšre de la jeune femme se connaissaient actrice Ă©tait alors Ă  l’apogĂ©e de sa depuis leurs Ă©tudes : ce dernier avait deMICHAEL KÖHLMEIER mandĂ© Ă  son ancien camarade de donner L’écrivain autrichien est carriĂšre : son spectacle de music-hall, considĂ©rĂ© comme l’un un petit coup de pouce Ă  la carriĂšre de sa qu’elle donnait dans les plus luxueux des meilleurs conteurs fille qui, selon ses mots, « n’avait aucune hĂŽtels de Las Vegas, faisait salle comble germanophone. Derchance de finir reine de beauté ». tous les soirs et le public amĂ©ricain Ă©tait niĂšre parution en franNous Ă©tions en 1958. L’AmĂ©rique se çais : La petite fille au dĂ© fou d’elle. « L’apothĂ©ose d’une diva », posait comme l’ultime modĂšle Ă  suivre, avait Ă©crit l’AmĂ©ricain Gore Vidal : ce Ă  coudre, Éditions Jacqueline Chambon, 2017. affichant avec fiertĂ© ses idĂ©aux politerme serait, aprĂšs Marlene Dietrich, tiques, Ă©conomiques, militaires
 et son Ă  tout jamais vidĂ© de son sens. L’annĂ©e mode de vie. Faisant Ă©cho aux avertissements des prĂ©cĂ©dente, elle avait triomphĂ© dans le film de Billy mĂ©decins, qui constataient avec inquiĂ©tude que la Wilder, TĂ©moin Ă  charge, superbe adaptation du jeunesse amĂ©ricaine grossissait chaque annĂ©e un roman d’Agatha Christie et dans lequel elle donnait peu plus, l’AmĂ©rique n’avait que ce mot d’ordre Ă  la toute la mesure de son jeu dramatique. bouche : faites du sport et gardez la ligne ! Elle y interprĂ©tait Christine Vole, l’épouse froide, Thusnelda Harris avait terminĂ© major de sa proinsondable et calculatrice d’un homme – jouĂ© par motion Ă  l’universitĂ© de Hartford (Connecticut) et Tyrone Power – accusĂ© de meurtre. Glaciale et hautaine, elle incarnait soudain une version nouvelle avait Ă©tĂ© admise de suite Ă  la prestigieuse universitĂ© de la femme fatale : avec son visage Ă©maciĂ© de chat de Columbia (New York). C’était une jeune femme et sa voix grave, son corps androgyne et anguleux, brillante, au physique hors norme : son visage masculine jusque dans son attitude puisqu’elle ne Ă©tait en effet aussi ravissant que son corps Ă©tait laissait rien paraĂźtre de ses sentiments, Marlene Ă©norme. Jolie et obĂšse, Thusnelda rĂȘvait de devenir ­Dietrich Ă©tait l’antithĂšse de la pin-up et pourtant, Ă©crivaine, au grand dam de son conservateur de quel sex-appeal ! D’une complexitĂ© inĂ©dite, son perpĂšre, empĂȘtrĂ© dans des clichĂ©s d’un autre Ăąge. Les sonnage se rĂ©vĂ©lait, scĂšne aprĂšs scĂšne, passionnĂ©, femmes de plume – disait-il – ne peuvent ĂȘtre que courageux, fidĂšle et d’une intelligence qui dĂ©sardeux choses : soit particuliĂšrement vilaines, soit sublimes
 mais jamais entre les deux ! çonnait le plus aguerri des hommes. Jamais encore Ils Ă©taient nombreux, Ă  l’époque, Ă  partager cette un rĂŽle fĂ©minin n’avait Ă©tĂ© si Ă©nigmatique, et Billy opinion, et Henry Luce n’y faisait pas exception. Wilder semblait, en choisissant Marlene Dietrich, Alors, par amour pour sa fille et pour l’aider dans sa avoir trouvĂ© la seule actrice capable, Ă  l’époque, folle entreprise de devenir femme de lettres, Papa d’interprĂ©ter une telle ambiguĂŻtĂ©.

92

THE RED BULLETIN

MICHAEL KÖHLMEIER

BENE ROHLMANN, CLAUDIA MEITERT

GETTY IMAGES

L


THE RED BULLETIN

93


B O U L E VARD DES HÉRO S

Une critique parue dans le quotidien allemand FAZ et qui faisait allusion au premier grand succĂšs de l’actrice – L’Ange bleu, de Josef von Sternberg sorti en 1930 – rĂ©sume bien la mĂ©tamorphose : « L’ange bleu est maintenant devenu l’ange noir. » Certains disaient mĂȘme que ce film avait rĂ©ussi Ă  relĂ©guer Marilyn Monroe et Mae West au rang de pin-up pour ados. Marlene Dietrich fut le premier, et sans doute le seul sex-symbol vĂ©ritablement « adulte », si tant est que l’appellation ait encore une quelconque pertinence.

É

videmment, cette lĂ©gende vivante ne se laissait pas approcher facilement, mĂȘme par le rĂ©dacteur en chef d’un cĂ©lĂšbre hebdomadaire : il fallut donc l’entremise de nombreuses personnes pour arriver, par le biais de son compositeur Burt Bacharach, Ă  atteindre la star. L’interview ne fut accordĂ©e que pour une seule raison : « Le physique ambigu d’une jeune journaliste qui rĂȘvait de devenir Ă©crivaine. » Lorsque Thusnelda Harris parut devant Marlene Dietrich, celle-ci s’esclaffa : « Vous ĂȘtes encore plus grosse et encore plus jolie que tout ce qu’on m’avait promis ! À vous voir, je ne vois pas ce qui pourrait vous empĂȘcher de devenir une grande Ă©crivaine. » Miss Harris ne se dĂ©monta pas et commença l’entretien : « Quelle a Ă©tĂ© la chose la plus importante Ă  ­laquelle vous avez dĂ» renoncer, dans votre vie ? » La star rĂ©flĂ©chit un long moment, avant de lancer : « Que voulez-vous dire par “important” ? » « Je veux dire : quelle est la chose que l’on ne ­devrait faire sous aucun prĂ©texte ? » Encore un long silence. Puis sa rĂ©ponse, catĂ©gorique : « Manger du sucre. » La jeune journaliste la regarda innocemment : « C’est Ă  moi que vous pensez, en disant cela ? Vous pensez que je suis trop grosse parce que je mange trop de sucre, c’est ça ? » « Montrez-moi vos dents ! », rĂ©pondit la diva. Elle Ă©tait assise Ă  quelque distance de Miss Harris et portait une tenue qui rappelait justement son rĂŽle de Christine Vole dans le film de Billy Wilder. La rĂ©daction du LIFE avait en effet annoncĂ© la venue d’un des meilleurs photographes de leur Ă©quipe, ce que la star comptait bien mettre Ă  profit pour polir son image de vamp auprĂšs des lecteurs du magazine. « Approchez-­ vous », fit-elle Ă  la jeune femme. Miss Harris se leva pour se rapprocher lĂ©gĂšrement. « Plus prĂšs ! » La jeune femme obtempĂ©ra et vient se mettre face Ă  l’actrice.

« Vous vous moquez de moi, Madame Dietrich, mais ça ne fait rien. » 94

« Encore plus prĂšs ! Et maintenant, penchez-vous vers moi et ouvrez la bouche ! » Miss Harris regarda Marlene Dietrich et ouvrit la bouche : les doigts de la diva s’y engouffrĂšrent alors, Ă©cartant les joues, fouillant les incisives, tĂątant les ­canines
 Une fois cet examen dentaire – certes quelque peu embarrassant – terminĂ©, une seule question fusa, en guise de diagnostic : « Vous ne mangez pas beaucoup de sucre, n’est-ce pas ? À moins que vous ne vous brossiez les dents quatre fois par jour ? » « Effectivement, je n’aime pas le sucre », rĂ©pondit Miss Harris. À ces mots, Marlene Dietrich abaissa les bras et se mit Ă  soupirer en secouant la tĂȘte : « C’est donc bien le gras. Ce n’est pas possible, murmurait-elle tout bas comme si elle se parlait. Ce n’est pas possible, je ne veux pas le croire  » « Je ne comprends pas. » « Vous ne comprenez pas ? Vraiment ? Pourtant, vous devriez ĂȘtre en mesure de me comprendre. Je viens d’Allemagne et je suis partie en AmĂ©rique pour ne rien avoir Ă  faire avec Hitler et les fous de son espĂšce. Je n’ai pas appris Ă  voir le monde comme les nazis le voyaient, parce que je suis devenue amĂ©ricaine. Une des vĂŽtres. Et puis Hitler est entrĂ© en guerre contre l’Angleterre, l’AmĂ©rique s’est rangĂ©e du cĂŽtĂ© des Anglais et nous avons vaincu Hitler. À prĂ©sent, il y a une querelle entre l’Angleterre et l’AmĂ©rique, entre l’Europe et les États-Unis. Vous ne saviez pas ? » « Non, je l’ignorais. » « C’est la guerre du sucre contre le gras, murmura alors Marlene Dietrich Ă  la jeune journaliste, en lui faisant signe de s’approcher encore. Les Anglais affirment que c’est le sucre qui fait grossir, alors que les AmĂ©ricains assurent que c’est le gras. Alors, est-ce le sucre ou le gras ? C’est toute la question. »

A

ssises dans une jolie piĂšce isolĂ©e du Waldorf-­ Astoria de New York, les deux femmes se faisaient face, ne semblant pas faire attention aux personnes qui les entouraient. « Vous vous moquez de moi, Madame Dietrich, mais ça ne fait rien. C’est tout de mĂȘme un honneur que d’ĂȘtre l’objet de vos plaisanteries », finit par rĂ©pondre la jeune femme. Mais la diva la rabroua aussi sec : « Ne dites pas de sottises ! Le pays qui remportera cette guerre, que ce soit l’AmĂ©rique ou la vieille Europe, aura son avenir assurĂ©. Parce que l’avenir appartient aux gens minces, aux beaux corps musclĂ©s. L’avenir sera peuplĂ© de retraitĂ©s qui auront tous l’air d’avoir Ă  peine quarante ans, et pourquoi ? Parce qu’ils sauront rester minces. Tu pourras ĂȘtre la plus jolie des femmes, tu n’arriveras Ă  rien si tes cuisses et tes bras restent flasques. Je voulais juste ĂȘtre gentille avec toi, ma petite. Tu peux entendre la vĂ©rité ? Oui, tu peux. La voici : les femmes grosses ne deviennent pas Ă©crivaines. Et je vais te dire

THE RED BULLETIN


pourquoi : parce que les gens, et surtout les gros, n’aiment pas les Ă©crivaines qui sont grosses. Les gros ne veulent voir que des gens minces, mais parce qu’il y en a de moins de moins, et qu’il y a de plus en plus de gros, les gens commencent Ă  se dĂ©tester. Ce sont les gros qui attrapent le plus de maladies, qui sont l’objet de moqueries, ce sont eux qui meurent avant les autres. Alors la grande question, c’est : le sucre ou le gras. Dis-moi maintenant, ma petite : tu ne manges vraiment jamais de sucre ? Allez, je ne le rĂ©pĂ©terai pas. Dis-moi la vĂ©ritĂ©, dis-le-moi dans le creux de l’oreille. La vĂ©ritĂ© et rien que la vĂ©rité ! » Et Thusnelda Harris se pencha tout contre l’oreille de Marlene Dietrich : « J’adore le sucre. J’en mange en secret. Je vous ai menti, et je mens tout le temps. Mes parents croient que je n’aime pas le sucre, mais j’en raffole, je suis vĂ©ritablement accro au sucre. Je ne peux pas m’arrĂȘter d’en manger. Je n’en peux plus. Aidez-moi. Par pitiĂ©, aidez-moi ! » Marlene Dietrich soupira et hocha la tĂȘte. Pendant un long moment. « Nous devrions faire la paix avec les Anglais, dit-elle finalement. Mange du gras, ma petite, et arrĂȘte le sucre ! Le sucre est la chose la plus

« Le sucre est la chose la plus importante Ă  laquelle j’ai dĂ» renoncer dans ma vie. » importante Ă  laquelle j’ai dĂ» renoncer dans ma vie. » Sur ces mots, la star se leva et se tourna encore une fois vers le photographe – Richard Avedon, qui Ă©tait Ă  l’époque le plus cĂ©lĂšbre des photographes de mode de la scĂšne new-yorkaise : paupiĂšres baissĂ©es, joues creusĂ©es avec force, elle tendit Ă  l’objectif son Ă©ternel visage de chat Ă©maciĂ©. L’instant d’aprĂšs, elle avait disparu. L’interview entre Thusnelda Harris et Marlene Dietrich n’a ­jamais vu le jour. Dans les annĂ©es qui suivirent, la jeune journaliste perdit trente kilos et devint une Ă©crivaine reconnue. Un de ses romans relate l’étrange rencontre entre une jeune journaliste un peu trop forte et une star de cinĂ©ma.

HORS DU COMMUN theredbulletin.com

RICARDO NASCIMENTO / RED BULL CONTENT POOL


MENTIONS LÉGALES

THE RED BULLETIN WORLDWIDE

The Red ­Bulletin est ­actuellement distribuĂ© dans six pays. Vous dĂ©couvrez ici la couverture de l’édition britannique dĂ©diĂ©e au footballeur anglais Trent Alexander-Arnold. Le plein d’histoires hors du commun sur redbulletin.com

96

Direction gĂ©nĂ©rale Alexander MĂŒller-Macheck, Sara Car-Varming (adj.) RĂ©dacteurs en chef Andreas Rottenschlager, Andreas Wollinger (adj.) Direction crĂ©ative Erik Turek, Kasimir Reimann (adj.) Direction artistique Marion Bernert-Thomann, Miles English, Tara Thompson Maquette Martina de Carvalho-Hutter, Cornelia Gleichweit, Kevin Goll RĂ©daction photo Eva Kerschbaum (dir.), Marion Batty (adj.), Susie Forman, Tahira Mirza, Rudi Übelhör RĂ©daction web Christian Eberle-Abasolo (dir.), Marie-Maxime Dricot, Melissa Gordon, Lisa Hechenberger, Elena Rodriguez Angelina, Benjamin Sullivan Responsable des contenus audios Florian Obkircher Projets spĂ©cifiques Arkadiusz Piatek Gestion de la rĂ©daction Ulrich Corazza, Marion Lukas-Wildmann Gestion de l’édition Ivona Glibusic, Bernhard Schmied, Anna Wilczek Directeur exĂ©cutif Stefan Ebner Directeur Ventes mĂ©dias & Partenariat Lukas Scharmbacher Directrice de Co-Ă©dition Susanne Degn-Pfleger Gestion de projet Co-Ă©dition, Marketing & Communication B2B Katrin Sigl (dir.), Mathias Blaha, Katrin Dollenz, Thomas Hammerschmied, Teresa Kronreif (B2B), Eva Pech, Valentina Pierer, Stefan Portenkirchner (communication), Jennifer Silberschneider Solutions crĂ©atives Verena Schörkhuber-Zöhrer (dir.), Sara Wonka, Julia Bianca Zmek, Edith Zöchling-Marchart Gestion commerciale Co-Ă©dition Alexandra Ita RĂ©daction Co-Ă©dition Raffael Fritz (dir.), Gundi Bittermann, Mariella Reithoffer, Wolfgang Wieser Directeur exĂ©cutif de la crĂ©ation Markus Kietreiber Gestion de projet crĂ©ation Elisabeth Kopanz Direction artistique Co-Ă©dition Peter Knehtl (dir.), Erwin Edtmaier, Andreea Parvu, Dominik Uhl Design commercial Simone Fischer, Martina Maier, Alexandra Schendl, Julia Schinzel, Florian Solly, ­S tephan Zenz Abonnements & Distribution Peter Schiffer (dir.), Marija Althajm, Nicole Glaser, Victoria SchwĂ€rzler, YoldaƟ Yarar Service de publicitĂ© Manuela BrandstĂ€tter, Monika Spitaler Fabrication & Production Veronika Felder (dir.), Friedrich Indich, Walter O. SĂĄdaba, Sabine Wessig Lithographie Clemens Ragotzky (dir.), Claudia Heis, Nenad Isailović, Sandra Maiko Krutz, Josef MĂŒhlbacher Finances Mariia Gerutska (dir.), Klaus Pleninger MIT Christoph Kocsisek, Michael Thaler OpĂ©rations Melanie Grasserbauer, Alexander Peham, Yvonne Tremmel Gestion de projet Dominik Debriacher, Gabriela-Teresa Humer Assistante du Management gĂ©nĂ©ral Sandra Artacker Éditeur et directeur gĂ©nĂ©ral Andreas Kornhofer Adresse Heinrich-Collin-Straße 1, 1140 Vienne, Autriche TĂ©lĂ©phone +43 1 90221-0 Fax +43 1 90221-28809 Web redbulletin.com PropriĂ©taire, Ă©diteur et rĂ©daction MĂ©dias Red Bull Media House GmbH, Oberst-Lepperdinger-Straße 11–15, 5071 Wals bei Salzburg, Autriche, FN 297115i, Landesgericht Salzburg, ATU63611700 Directeurs gĂ©nĂ©raux Dietrich Mateschitz, Dietmar Otti, Christopher Reindl, Marcus Weber

THE RED BULLETIN Suisse, ISSN 2308-5886 Country Editors Stefania Telesca, Wolfgang Wieser Country Coordinator Christine Vitel Country Channel Management Meike Koch Media Sales & Brand Partnerships Stefan BrĂŒtsch (dir.), stefan.bruetsch@redbull.com Marcel Bannwart, marcel.bannwart@redbull.com Christian BĂŒrgi, christian.buergi@redbull.com Jessica PĂŒnchera, jessica.puenchera@redbull.com Goldbach Publishing Marco Nicoli, marco.nicoli@goldbach.com Traductions Willy Bottemer, Fred & Susanne ­Fortas, Suzanne K ­ Ć™Ă­ĆŸeneckĂœ, Claire Schieffer, Jean-­Pascal Vachon, ­Gwendolyn de Vries Relecture Lucie DonzĂ© Impression Quad/Graphics Europe Sp. z o.o., PuƂtuska 120, 07-200 WyszkĂłw, Pologne Abonnements Service des lecteurs, 6002 Lucerne getredbulletin.com, abo@ch.redbulletin.com

THE RED BULLETIN Allemagne, ISSN 2079-4258 Country Editor David Mayer RĂ©vision Hans Fleißner (dir.), Petra Hannert, Monika Hasleder, Billy Kirnbauer-Walek Country Project Management Natascha Djodat PublicitĂ© Thomas Hutterer (dir.), Alfred Vrej Minassian, Franz Fellner, Ines Gruber, Thomas Gubier, Daniela GĂŒpner, Wolfgang Kröll, Gabriele Matijevic-Beisteiner, Nicole Okasek-Lang, Britta Pucher, Jennifer Sabejew, Johannes Wahrmann-SchĂ€r, Ellen WittmannSochor, Ute Wolker, Christian Wörndle, Sabine Zölß

THE RED BULLETIN France, ISSN 2225-4722 Country Editor Pierre-Henri Camy Country Coordinator Christine Vitel Country Project M ­ anagement Alexis Bulteau, Alexis.Bulteau@redbull.com Traductions, relecture Willy Bottemer, FrĂ©dĂ©ric & Susanne Fortas, Suzanne ­K Ć™Ă­ĆŸeneckĂœ, Audrey Plaza, Claire ­Schieffer, Jean-Pascal Vachon, Gwendolyn de Vries

THE RED BULLETIN Royaume-Uni, ISSN 2308-5894 Country Editor Tom Guise (dir.), Lou Boyd Révision Davydd Chong (dir.), Nick Mee Publishing Management Ollie Stretton Publicité Mark Bishop, mark.bishop@redbull.com Fabienne Peters, fabienne.peters@redbull.com

THE RED BULLETIN USA, ISSN 2308-586X RĂ©dacteur en chef Peter Flax RĂ©dactrice adjointe Nora O’Donnell RĂ©vision David Caplan Publishing Management Branden Peters Media Network Communications & Marketing Manager Brandon Peters PublicitĂ© Todd Peters, todd.peters@redbull.com Dave Szych, dave.szych@redbull.com Tanya Foster, tanya.foster@redbull.com

THE RED BULLETIN Autriche, ISSN 1995-8838 Country Editor Wolfgang Wieser RĂ©vision Hans Fleißner (dir.), Petra Hannert, Monika Hasleder, Billy Kirnbauer-Walek Publishing Management Bernhard Schmied PublicitĂ© Thomas Hutterer (dir.), Alfred Vrej Minassian, Franz Fellner, Ines Gruber, Thomas Gubier, Daniela GĂŒpner, Wolfgang Kröll, Gabriele Matijevic-Beisteiner, Nicole Okasek-Lang, Britta Pucher, Jennifer Sabejew, Johannes Wahrmann-SchĂ€r, Ellen WittmannSochor, Ute Wolker, Christian Wörndle, Sabine Zölß

THE RED BULLETIN


TROIS NOUVELLES SAVEURS.


NICOLAS MAHLER

L A GA L ERIE DE P O RT R A I TS D E NIC O L AS M A HL ER

Le prochain THE RED BULLETIN sortira le 8 août 2021.

98

THE RED BULLETIN



omegawatches.com

SEAMASTER DIVER 300M Conçue en titane ultraléger, la Seamaster

a séduit le plus célÚbre

des agents secrets. CertifiĂ©e Master ChronomĂštre, elle atteint un niveau inĂ©galĂ© de prĂ©cision et de rĂ©sistance aux champs magnĂ©tiques. Elle bĂ©nĂ©ficie Ă©galement d’une garantie de 5 ans qui offre Ă  son propriĂ©taire un maximum de temps pour mener Ă  bien ses propres missions.


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.