Lan architecture Architecture et couleur
La couleur est-elle nécessaire au Projet d’architecture ?

Entretien avec LAN Architecture
Comment ne jamais être charette ?
Horoscope
Quel serait l’intérêt d’une Architecture sans couleurs ? Tout comme l’architecture, la couleur prend vie par la lumière. La couleur traverse l’histoire de l’architecture depuis les périodes antiques (rouge pompéien) jusqu’à notre époque contemporaine (centre Pompidou). Animant et vivifiant les bâtiments, la couleur confère une harmonie propre aux villes, en passant par les maisons de multicolores de Burano, au bleu de Chefchaouen au Maroc, ou au rose de Strasbourg...
Cependant, notre société actuelle tend vers une certaine neutralité envers la couleur. Notamment en France, on observe dans la majorité des villes, un ensemble encore timide envers les couleurs vives, privilégiant des tonalités plus neutres (gris, blanc, marron...). Il est vrai que historiquement, la couleur a connu ses périodes de rejet, notamment par une partie de l’Architecture moderniste en faveur d’une architecture blanche.
Toutefois, la couleur présente bien des avantages dans la conception d’un projet architectural. Elle permet entre autres de renforcer le dialogue avec l’existant, modifier la perception des volumes et des espaces ou encore impacter le poids visuel d’un bâtiment. Si l’on ne peut remettre en doute les apports bénéfiques de la couleur au projet architectural, est-elle pour autant nécessaire à celui-ci ?






Aujourd’hui nous partons à la rencontre de l’agence LAN Architectes, dont le processus conception de plusieurs de leurs projets prend appui sur la couleur. Nous évoquerons notamment leur projet de logements mixtes à Strasbourg. Également dans ce numéro, un débat portant sur la place de la couleur dans le projet architectural, la présentation d’un Mémoire sur la couleur en Architecture et bien d’autres !




Architecture et couleur SOMMAIRE
DOSSIER
Introduction Couleurs et Architecture p.4

Débat : La couleur estelle nécessaire au Projet Architectural ?

Entretien avec LAN architecture
VIE ÉTUDIANTE
La galerie de Artem de l’agence ANMA
Extrait
« Je trouve que le mot doublehauteur est d’une tristesse infinie pour être sincère parce que ça voudrait dire qu’il y aurait une hauteur.»
p.7-11
Actualités
Article : Ne jamais être charrette
BD Théo van Doesburg vs Piet Mondrian
p.13-14 p.24
Lors du dernier numéro, nous nous sommes intéressés à l’architecture thérapeutique, nous avions interviewé Emmanuel Negroni, architecte spécialisé dans la construction de bâtiments dédiés aux personnes souffrantes de troubles mentaux. Durant cette interview, il nous avait expliqués que les couleurs pouvaient avoir un impact direct sur les usagers, ainsi ce numéro portera sur la question de la couleur.
Du côté de la rue, la couleur donne un caractère spécifique aux bâtiments et parfois à une échelle plus grande jusqu’à définir une ville, avec une couleur rattachée au nom d’une ville :
Qu'ils s’agissent des façades blanches à qui Alger doit le surnom d’Alger La Blanche, ou encore « Albi la rouge », ou la ville rouge, du nom de la brique rouge et orange (l’argile rouge du Tarn) avec laquelle de nombreux bâtiments ont été construits, notamment la cathédrale.
Aussi, les couleurs des bâtiments peuvent tout simplement donner une identité à une ville qu’on viendra associer à une couleur, comme les rues colorées de Cuba ou les ruelles bleues de Chefchaouen.
Mais l’importance de la couleur en architecture ne se limite pas à la seule fonction de décoration ou de signal d’un espace, elle peut avoir un impact sur de nombreux ressentis, et un choix de couleur plus qu’un autre peut considérablement modifier notre confort de vie :
L’exemple le plus connu est celui du ressenti thermique : nous avons tous l’image des nombreuses villes blanches qui bordent la côte méditerranéenne, car depuis longtemps, les bâtisseurs de cette région savent que peindre son toit en blanc permet de refroidir sa maison. Ce processus appelé “ cool roofing” a été mentionné par l’ex-secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon. Dans une ancienne interview accordée à la BBC, ce dernier vantait les mérites de cette technique : « La peinture blanche peut réduire la température du toit jusqu’à 30 degrés, et donc faire chuter la température intérieure d’un bâtiment d’environ 7 degrés. L’impact sur la consommation d’énergie est considérable. »
Nous évoquions plus tôt l’interview avec Emmanuel Negroni, dans laquelle il avait évoqué les impacts de la couleur sur notre comportement, nous retrouvons cette idée avec Izaskun Chinchilla, architecte espagnol ayant enseigné à l’École spéciale de Paris et à l’Université d’art et de design de Genève.
Cette dernière évoque l’effet que la couleur peut avoir sur nos humeurs, notre concentration ou encore nos relations aux autres, elle déclarait à connectionbyfinsa “ « La couleur modifie la vie des gens, elle leur permet de travailler en étant plus concentré et de se sentir bien à la maison. Elle améliore même l’état d’esprit des familles et réduit les disputes ».
Nous avons rencontré LAN architecture qui nous parlera plus en détail de la couleur dans ce numéro.
ILLUSTRATION PAR ZINGAN BEATRICE
La couleur est-elle nécessaire au Projet d’Architecture ?
La couleur a toujours occupé une place majeure dans l’architecture. Elle permet d’en mieux signifier ses contours et agit sur la perception de l’espace et des formes. Tout comme en Architecture la lumière est également indissociable de la couleur, car elle lui permet d’exister. Selon l’heure de la journée, les couleurs que nous percevrons d’un bâtiment seront différentes. Cependant, dans notre société actuelle, la culture urbaine semble tendre vers une certaine sobriété envers la couleur, privilégiant des bâtiments aux tonalités neutres. Bien que ce paradigme soit en train de changer avec de nombreux projets architecturaux ou la couleur occupe une place centrale (projet de Lan Architectures à Strasbourg, projets de l’agence MVRDV...), l’harmonie générale des villes tend à privilégier la neutralité. Pourtant, on ne peut nier les effets bénéfiques de la couleur sur l’humeur des gens, lui conférant une dimension réellement sociale dans certains lieux. Face à ces enjeux psychologiques et sociaux, nous sommes en droit de nous demander : La couleur est-elle nécessaire au Projet d’Architecture ?
Dans cette partie, nous explorerons les arguments favorables à l’usage de la couleur dans le projet architectural.
Tout d’abord, la couleur d’un espace peut impacter notre humeur. Il existe plusieurs interprétations de la signification des couleurs (le bleu faisant référence au sommeil, le vert à l’équilibre, le rouge est énergique et dynamise...). Ainsi, l’architecte peut jouer sur ses différentes couleurs pour concevoir des espaces plus adaptés au programme. Par exemple, des couleurs vives et éclatantes stimulant l’éveil seront à privilégier dans des programmes comportant un aspect ludique (école, bibliothèque...). La couleur permet également de rendre plus lisible un programme. De plus en plus utilisée de nos jours, la couleur prend une nouvelle ampleur avec le mouvement moderne.
Ainsi, en réaction envers une Architecture blanche, Bruno Taut défend l’utilisation de couleurs intenses (cf. Cité jardin de Falkenberg). Cette opinion est partagée par Walter Gropius et Le Corbusier qui cependant prônent un usage de la couleur seulement à l’intérieur des bâtiments. Pour Le Corbusier “ la couleur est apporteuse d’espace”. La couleur peut également renforcer le concept formel d’un bâtiment et le détacher de son environnement pour le mettre en avant. Elle permet d’établir un dialogue avec l’existant (en reprenant les couleurs de la palette chromatique d’une ville par exemple avec LAN Architectures à Strasbourg). Elle modifie la perception des volumes et des espaces (l’usage de couleur chaudes pour comprimer un espace, une couleur froide pour le dilater. Enfin, la couleur intervient sur le poids visuel d’un bâtiment, en le renforçant ou en l’allégeant.
Cependant, l’usage excessif de couleurs saturées pour démarquer un bâtiment, ou singulariser une Architecture comporte des dérives. Les marques comme Apple, Mcdonald, Microsoft utilisent elles aussi des couleurs vives dans leur logo dans une optique de les rendre attrayantes et de séduire le public. Cette démarche peut être appliquée à l’Architecture, on observe aujourd’hui de plus en plus l’émergence de bâtiments à l’allure de logos publicitaires (Cf. MVRDV, Studio Thonik). Par ailleurs, tous les programmes ne sont pas adaptés à recevoir de la couleur. Ainsi dans le logement, la couleur doit être plus mesurée pour contrôler l’excitation et l’énervement. La couleur doit être utilisée uniquement si elle est en adéquation avec le programme et non seulement afin de singulariser un bâtiment. Son usage se doit d’être justifié et plus que légitime, autrement la pérennité de l’architecture produite est plus que contestable.
Par exemple, le centre Pompidou de Richard Rogers et Renzo Piano est un bâtiment ou l’usage de la couleur est essentiel au projet. Ainsi, chaque couleur correspond à un élément de la structure du bâtiment (bleu : conduite d’air conditionnée, vert : conduite d’eau, jaune : circuits électriques, rouge : ascenseurs, blanc : conduite d’air souterraine). Il est indéniable que la couleur contribue à asseoir le concept formel d’un bâtiment. Elle permet de le singulariser, d’établir un dialogue avec son environnement, de modifier sa perception... Cependant son usage systématique pour détacher un objet et le rendre attrayant est un écueil risquant de produire une architecture à valeur publicitaire ou la couleur n’a pas de réels liens avec le programme et la nature des espaces qu’elle comporte. Nous serions donc tentés de dire que la couleur est nécessaire au projet d’architecture si elle est mise au diapason de l’intention initiale désirée par l’architecte ainsi que du programme.

Entretien Avec :
LAN ARCHITECTURE, UMBERTO NAPOLITANO

Dans DMC architecture la couleur dans le projet “Color block” est dites utilisée comme une “donnée constructive et atmosphérique”, qu’est-ce cela signifie pour vous ?
Le projet de Strasbourg pose fondamentalement la question de comment fabriquer une identité dans un ensemble assez grand pour faire quartier et en même temps déconnecté physiquement de la continuité de la ville. Ce quartier est pris dans un système infrastructurel avec une sorte de grande artère urbaine, un parc, autre chose qui le coupe entre un quartier du centre et un autre. On s’est demandé alors comment donner une identité très forte, immédiate, qui fasse écho à la mémoire et aux formes urbaines de Strasbourg. C’est là où la couleur a émergé comme instrument presque au même titre que la forme pour fabriquer une relation forte entre formes bâties et habitants. Strasbourg est caractérisée par un centre de différentes couleurs qui raconte un autre rapport à la propriété, chaque famille décidait de sa couleur concernant le quartier de la petite France.
Le fait que cela existe nous a donné une identité et une identité d’ensemble par rapport à l’espace public. On peut le résumer dans un monde : une fenêtre, une façade et un ensemble de couleurs.
Quels éléments ont été déterminants dans le choix des couleurs des projets de Charleroi et Strasbourg ?
Plus largement comment s’opère le choix des couleurs ? Comme une “donnée constructive et atmosphérique”, qu’est-ce cela signifie pour vous ?
Pour Strasbourg c’était le tirer par une correspondance visuelle. On ne vient pas du monde de la couleur, notre expérience vient de la matière et de la finition. Cette fois nous nous sommes confronté à la couleur comme une thématique de recherche. Quand on entre dans le monde de la couleur on embrasse cette grande théorie qui est plus proche des arts plastiques ou de la peinture. La couleur c’est relatif, elle existe parce qu’il y a une autre couleur à côté qui va la révéler. C’est beau. En architecture les choses existent parce qu’il y a du contexte. Les architectes sans ancrages n’ont pas beaucoup d’intérêts pour moi. Nous avons alors analyser le territoire et ses couleurs, et jouer avec les couleurs du site pour en quelque sorte créer des appels entre ces deux quartiers. On a fait une palette en se disant que pour Neurdof il y avait par exemple le rose, qui est une couleur très atypique en architecture qui s’utilise beaucoup pour la maison individuelle mais en réalité c’est très peu utilisé en général. On s’est donné le rose comme première contrainte.
Ensuite, il y avait une petite maison près du cimetière qui était une maison céleste, et le conservatoire à côté qui était bordeaux. On a donc formé le projet avec un contexte colorimétrique sur lequel nous avons fabriqué toute la palette dans l’ensemble et aussi les contraintes techniques avec l’idée que le bâtiment soit totalement coloré. Ce qui veut dire qu’il aurait fallu trouver toujours dans une économie de moyens raisonnables une couleur qui est adaptable à une menuiserie et une couleur qui pouvait devenir une lasure pour le béton. C’est presque alors une opération très fine entre ce qui est disponible à un certain prix, ce qui est en lien avec l’objectif visé entre les couleurs existantes et ce qui est techniquement possible. Ça nous a pris un an pour in fine arriver à cette succession de couleurs. De façon à ce que selon l’angle d’où l’on voit, on va toujours trouver un ancrage chromatique avec une relation très forte.
Ensuite il y avait une deuxième chose, les couleurs internes. Il y a des percées, des bâtiments où l’on met les couleurs plus froides aux bords, les couleurs plus chaudes sont plutôt à l’intérieur. Chacun se regarde de façon à voir l’opposé de sa couleur. On a à la fois une sensation d’unicité et de singularité et à la fois quelque part de continuité avec le paysage autour.
Pour Charleroi par contre, c’est un projet très différent parce qu’on utilise la couleur dans sa technique de construction. Tout le projet est en parpaing mais coloré. A partir des pigments qui fabriquent le parpaing, nous voulions utiliser la couleur pour recréer un ensemble plutôt cette fois dans l’ordre du monument dans une ville qui est en train de changer d’échelle. C’est une ville fabriquée par des maisons individuelles avec une certaine colorimétrie et là, on introduit des maisons à une autre échelle par rapport au contexte. L’idée était vraiment de savoir quel genre de bâtiment on sait faire avec une couleur, quel genre de chrome cela fabrique pour un bâtiment en cohérence avec l’existant et comment les utiliser.

Quel est votre rapport à la couleur en architecture ?
J’ai du mal à me dire qu’il y a des dogmes, des règles ou des pensées ou des théories à suivre. Pourtant j’ai du mal aussi à me dire que le champ d’un architecte doit se limiter qu’à certains domaines. J’ai le même rapport à la couleur que je peux avoir à la matière ou à la forme. C’est-à-dire qu’il y a à la fois une envie d’explorer et de connaitre. Les projets sont des sources d’enrichissements personnels. Je me souviens de nos premiers projets, on acceptait l’erreur dans le chemin de l’apprentissage. On a beaucoup appris car le panel de nos constructions au départ était très large. On se ne posait pas de freins sur les champs à explorer. La couleur entre dans ce champslà. Il y a quelque chose d’assez mystérieux et comme dans tout projet d’architecture c’est comment faire. Notre métier relève un peu de l’archéologie. Je ne crois pas à l’invention d’une forme, je crois plutôt dans le fait qu’en cherchant on se confronte souvent à des endroits déjà urbanisés qui ont déjà une identité formelle affirmée et architecturale forte comme la ville urbaine.
Dans chaque projet on se dit que nous allons chercher la forme manquante qui met en résonnance presque comme une pièce qui aurait du être là depuis toujours avec ce qui il y avait autour. Dans cette idée de la forme manquante s’inscrit aussi la logique de la matière, de la couleur et la logique de l’usage. Tout est relatif à cette envie d’avoir presque l’impression que le projet a toujours été là et que le projet arrive à canaliser toutes les énergies de ce qu’il y avait autour. On est donc proche d’un travail archéologique parce qu’on va presque creuser pour trouver quelque chose qui serait là pour résoudre les étapes inaccomplies d’urbanisation précédentes.
J’aime cette idée qui s’applique à tout ce que j’estime être l’architecture du langage, jusqu’aux volumes en passant par les programmes. En réalité, chaque projet est autant une destruction qu’une révélation de quelque chose qui n’était pas vu précédemment mais qui a toujours été là. J’insère la couleur dans cette logique.
Pensez-vous que la couleur est nécessaire au projet d’Architecture ?
La couleur est plus que nécessaire. Les villes ont des couleurs. Les bâtiments ont des couleurs et que ce soit en contradiction ou en accompagnement d’une histoire qui est déjà écrite. Notre héritage moderne est une approche extrêmement fonctionnelle ayant fait que l’on a perdu l’apprentissage de la lecture de l’architecture comme une sorte de couleur quelle qu’elle soit. On s’est toujours focalisé aujourd’hui sur la structure, avant c’était la transparence. Chaque verre a une couleur, vert, bleuté, là nous faisons un projet où l’on est en train de devenir fou pour trouver un verre pas bleuté, un peu gris, le bon pourcentage de réflexion. Tout a une couleur. Moi ? En tant qu’étudiant, je n’ai pas fait assez d’exercices pour savoir lire la relation entre matière et couleur et de me dire que cela fait partie des connaissances totalement nécessaires à la pratique, au fait de maîtriser autant qu’un peintre la couleur, sa complexité.
Chaque architecture n’est pas forcément une peinture mais ça peut devenir une matière ou même une réflexion, avec par exemple une couleur qui n’existe que lorsque la lumière arrive d’une certaine façon dessus. Tout ce chemin de pensée et ce rapport poétique mais pas seulement, aussi scientifique entre cette relation entre chromie et architecture est devenue tabou comme l’idée de la beauté.
On a besoin en tant que corps de métier de rationaliser nos actions, ce qui est d’ailleurs un des mauvais héritage qu’on s’impose du modernisme. Et dire je fais ça « parce que », « parce que mon projet est comme ça » sachant que le «parce que» est totalement subjectif où chacun lui donnera une raison différente pour la même approche. Il y a soit ceux qui exagèrent dans cette explosion de chromies, il y a ceux qui en ont peur et qui en tendance à aller vers le minimum comme s’il y a avait un chemin classique qui nous amènerait à « non-choisir ». Et il y a ceux comme nous qui se disent que c’est une thématique comme une autre et de toute manière il faut la traiter. Quand on la traite il y a des manières où on l’embrasse totalement, comme on embrasse la puissance tectonique d’un bâtiment, il y a certains moments ou l’on a vraiment voulu embrasser la matière, dans d’autres contextes on s’est dit qu’il fallait être silencieux, d’autres moments où on ne faisait pas le choix de répliquer la matière sur place. C’est la même chose pour la couleur qu’avec la matière et je n’arrive pas à distinguer. C’est indissociable de la matière. C’est minéralisant. C’est une matière que l’on vient appliquer et décliner.
Je voudrais revenir sur le lien entre la couleur et le dialogue avec l’existant. Dans la présentation du Projet de Strasbourg, vous parlez de la théorie des couleurs de Albers selon laquelle la perception des couleurs serait déterminée par les couleurs voisines.
En d’autres termes, pensez-vous que la couleur permet d’établir un dialogue avec l’existant ? Pourrait-on imaginer un bâtiment dont la couleur serait en complète opposition avec son environnement ?
Oui. C’est lucide. On est en train de le faire gris, bleu. Ce sont des choix. Si c’est un choix conscient, je ne dis pas que c’est le bon, on peut tout imaginer en architecture. Il n’y a pas de limites.

Il faut juste arriver à fabriquer les choses, c’est-à-dire réussir à convaincre un certain nombre de personnes autour notamment d’abord à les financer, deuxièmement à les accepter, troisièmement à les habiter et quatrièmement à les identifier comme partie prenante de leur mémoire. « D’où vous venez ?
D’à côté de Paris, Paris ». Vous me dites votre origine ce n’est pas le ventre de votre mère mais un ensemble de pierres où vous vous reconnaissez. C’est extraordinaire si on réfléchit à la manière dont nous nous définissons par l’apport des matériaux, des couleurs, des ensembles construits, fait avec les mains pour les hommes par les hommes. Ce rapport incroyable entre l’homme et l’identité, la mémoire, l’histoire, et donc sa personnalité et donc l’espace construit est aussi complexe que celui entre les hommes et les hommes. Il n’y a donc pas vraiment de règles, il y a juste un moment où pour que les choses existent il y a eu un moment précis où elles ont été accepté. Donc quelque chose en contradiction avec le contexte bâti, cela veut dire qu’il y a eu un moment quand même où il y a eu un engouement parce qu’on n’est pas en dictature. Avant c’était plus facile en quelque sorte. Ici le bâtiment de l’agence ne respecte pas les couleurs autour, cependant on a eu un permis de la ville de Paris. La ville ou la communauté de la ville ont donc accepté qu’une couleur soit différente qu’une autre parce qu’on a argumenté d’une certaine manière. Je ne sais pas si dans la démocratie, il existe vraiment la notion de contradiction dans l’espace bâti. Les choses prennent des formes qui sont des contre poids à des moments d’urbanisation, à des moments d’histoire. C’est difficile de faire des choix tout seul, presque qu’impossible.
D’un point de vue plus pratique, sur le projet de Strasbourg, comment êtesvous parvenu à obtenir à une harmonie de teintes entre l’enveloppe béton et les menuiseries des fenêtres ?
Cela a été un grand défi technique. Les teintes ne sont pas les mêmes, elles sont harmonisées. On est parti de ce qu’il y avait en commun entre les différentes techniques et matériaux utilisés pour fabriquer une palette qui aurait pu in fine se décliner sur les différents supports.
On a déjà ces palettes qui peuvent se décliner sur différents supports, ça s’appelle les RAL ou les pantone. Ce sont des codes universels. Ce fut un grand travail sur cela comme nous même nous n’avions pas beaucoup d’expériences dans ce domaine.
L’espace de la maison, de la famille regarde vers l’espace qui est censé être public, social, sociétale qui est la ville qui est dehors. La fenêtre est aussi l’interface de changement climatique avec l’extérieur : je fais rentrer le froid, le chaud, le vent, c’est mon point faible thermique. Il y a donc quelque chose de magnifique dans le dessin de la fenêtre. Quand on enlève la fenêtre comme ici, ça révèle le cadrage : comment j’ai envie de voir, comment j’ai envie d’être vu, quel type de climat je vais fabriquer, quel type d’espace je vais avoir à l’intérieur et à l’extérieur.
C’est une hérésie ce que je vais dire mais il y a un fond de vérité, dans une ville il y a une grande monochromie des fenêtres, on marche dans Paris on a un même module haussmannien partout de façon stéréotypé. A Strasbourg aussi la fenêtre joue un rôle fondamentale pour moi dans la définition de l’espace urbain surtout dans le centre. Ce qui serait intéressant alors ça serait une fenêtre qui puisse jouer plusieurs rôles.
Dans le projet de Strasbourg, on constate une répétition d’un type architectural, la fenêtre sur tous les blocs. Cet usage de la grille pour unifier la façade est-elle une manière de neutraliser l’espace ou y’a-til une volonté de hiérarchie ?
La fenêtre n’est pas un type mais un élément. Le type est probablement la fenêtre en croix dans le cadre de Strasbourg.
Pour moi l’architecture c’est l’art de définir les limites. Si je trace une ligne autour de moi vous allez vous confronter à cela, je vais instaurer une sorte de hiérarchie. Si tu veux entrer, tu demandes la permission. Quand on dessine une maison on décide alors ce qu’est la famille, et qui n’en fait pas partie. Quand on dessine un quartier, on décide qui sont les voisins, qu’estce que la rue, où démarre le quartier suivant. Tout acte architectural est la définition d’une limite. Il y a des éléments comme les fenêtres qui sont splendides car ils sont la manifestation totale de cette intersection entre plusieurs statuts d’espaces et plusieurs limites.
Le projet de Strasbourg est issu de quinze ans de logements avant. On a du social, du bureau donc une grande variété. Les fenêtres de Strasbourg évoque plutôt en terme de granulométrie et de succession des univers qui ne sont pas français. Quand vous regardez en maquette on dirait une petite ville américaine. Il y a l’idée que la répétition fausse l’échelle et annule le dessin parce que ça devient une trame. Quand j’annule le dessin probablement la couleur va se révéler un peu plus parce que ça devient l’élément à travers lequel je vais lire les formes parce que le reste est répétition. Je mets un carré, c’est un carré, j’en mets quinze ce n’est plus un carré, c’est un motif. La fenêtre joue le rôle de motif pour annuler toutes les lectures fonctionnelles des ensembles car ce qui nous intéressait c’était de faire jouer les volumes et les couleurs tout en gardant la qualité nécessaire pour chaque programme et donc la relation à chaque individu qui habiterait cet ensemble. Dans ce jeu d’échelle j’aime beaucoup ce projet parmi les expériences que l’on a eu.

Une lecture qui vous a marqué que vous conseillerez pour un étudiant en Architecture ?
Plein.
L’architecture de la ville d’Aldo Rossi qui m’a personnellement marqué parce que c’est une vision extrêmement simpliste de la lecture urbaine qui aide à quiconque à considérer la ville comme un artefact, comme quelque chose d’artisanal dont on puisse sentir l’odeur, regarder les choses. Dans ce livre il nous dit aussi en même temps que la ville est un acte culturel. La ville est la ville parce qu’une certaine culture, une certaine histoire l’habite, un certain fait la définisse et qu’enfin l’architecture agit autant sur la plan physique que sur le plan culturel donc ce livre est incroyable de ce point de vue.

Forme et couleur d’Albers, c’est aussi toute une théorisation de la proximité des couleurs qui fonctionne par voisinage
Les livres de Koolhaas ont été absolument marquant, en bien et en mal mais fondamental comme les classiques qui ne sont pas intéressants mais fondamentaux.
Il y a aussi des livres qui ne sont pas d’architecture mais qui marque autant comme Woman qui raconte l’histoire d’un japonais qui allait étudier dans l’école fondée par Vlaerte et dans ce décalage culturel s’inscrivait une grande leçon d’architecture : comment les mêmes choses pouvaient être lues de manière très différentes si on était japonais ou américain.
Ça m’évoque une qualité spatiale. Déjà ça n’existe pas en italien, j’étais en train de me demander ce que ça m’évoquerait dans une langue qui ne serait pas le français et donc ma langue. Je trouve que le mot double hauteur est d’une tristesse infinie pour être sincère parce que ça voudrait dire qu’il y aurait une hauteur. Pour moi c’est incompréhensible parce que je viens d’une autre culture. La double hauteur ça m’évoque déjà une standardisation de l’architecture qui me dirait qu’il existe une hauteur qui est une valeur. La hauteur ne peut pas être double mais plus grande, plus petite. Le fait de dire qu’il y a une double hauteur ça veut dire qu’il y aurait une hauteur à laquelle j’associe une valeur numérique standard depuis l’après-guerre. Ça me fait penser à quelque chose où je norme la hauteur qui est un champ de mesure et cette question de la normalisation me dérange en architecture. C’est fondamentalement nécessaire de normer mais pas de standardiser. Je pense qu’aujourd’hui la clé de notre nouveau rapport à la production, à la matière est de considérer des situations spécifiques locales, des cycles courts, de penser les éléments et de ne plus standardiser. Moi la double hauteur me rappelle les standards.
Et pour finir avec la traditionnelle question en lien avec le titre de notre journal : Que vous évoque la double hauteur ?
De architectura
PAR AGATHE-PALOMA PASTRÉ ILLUSTRATION PAR MINJAE LEELa galerie Artem de l’agence ANMA
La Galerie Artem, entre innovations et identité ?

Le campus Artem-Nancy amena l’architecte Nicolas Michelin, fondateur de l’agence ANMA, à rassembler art et technologie aussi bien en termes d’architecture que de programme. Effectivement, après un concours en 2006, la galerie et l’ENSMN sont livrés en août 2012. Sous l’appellation Artem renvoyant à l’étymologie latine ars, artis pour mettre en valeur ainsi savoir-faire et science, le nouveau campus a alors pour toile de fond de réunir en un même lieu et par des ateliers communs les managers, les ingénieurs et les créateurs des Mines Nancy (ENSMN), de l’Ecole nationale supérieure d’art et de design de Nancy et de l’ICN Business School. Cette reconversion d’une ancienne friche militaire a pour objectif le dialogue et le décloisonnement entre les disciplines. Le chantier amène également en ce sens un « esprit ARTEM »1.
Ce trait d’union entre plusieurs disciplines et plusieurs espaces se concrétise également dans son intégration urbaine. La galerie Artem est en réalité une longue promenade publique qui dialogue avec le quartier. Elle fait écho aux grands tracés typiques qui composent la ville avec ses places et cours symboles d’échanges et d’ouvertures. Le tracé de la galerie tournée vers le centre-ville représente également une nouvelle forme d’espace public. En effet, le lieu, couvert d’une verrière colorée la protégeant des intempéries, est accessible par tous et non pas exclusivement aux usagers du campus. Elle est pensée comme une rue, gérée par la ville et où chaque école qui occupe un des ilots est connectée à la galerie par leur propre adresse donnant sur cette forme particulière d’espace public.

Outre cette volonté de transversalité programmatique comme de dialogue entre le bâtiment et l’environnement urbain nancéen, c’est aussi une quête d’identité entre le futur et le passé pour cette ancienne caserne devenu un nouveau campus. Son inspiration provient directement de l’Ecole de Nancy. Ce mouvement pensé comme un art total avait pour inspiration des formes végétales et animales. Ce pan artistique, de l’histoire de la ville d’origine de Jean Prouvé, cherchait à unir tous les métiers pour l’intérêt industriel comme artistique pour promouvoir les arts décoratifs pour le plus grand nombre. On retrouve avec cet « origami d’acier » que forme la galerie cette même veine de synergie nouvelle et de décloisonnement entre différents domaines. On peut le percevoir concrètement dans des éléments tels que la présence d’acier et verres colorés dans le projet. Ses formes et structures qui évoquent un univers végétal en alliant matériaux et techniques avec les îles-jardins variés en sont aussi un rappel. De même, les colonnes en palmes à trois ou cinq branches rendent hommage à l’essence artistique et innovante de l’Ecole de Nancy.



Toutefois, la préoccupation du projet fut également tournée vers l’avenir dans son souci environnemental. Une attention particulière fut accordée aux économies d’énergies avec des toitures végétalisés, l’utilisation d’énergies renouvelables, la réutilisation des matériaux, son système de puits canadiens qui ont réunis les îles-jardins, les techniques et les espaces partagés. Les déperditions énergétiques des façades des bâtiments à proximité immédiate sont par exemple limitées grâce à la galerie en contrôlant l’ambiance hygrothermique intérieure. Le chauffage ou le rafraîchissement de l’air est assuré par un système de cinq puits canadiens enterrés sous la galerie pour les écoles et la galerie. La verrière a également des capteurs photovoltaïques pour son éclairage et un système de récupération et stockage de l’eau de pluie pour ses plantes.
1 discours de la maitrise d’ouvrage représentée par la Communauté Urbaine du Grand Nancy 2 Elioth, groupe Egis

Actualité
DENIS-MARTIN MASSING BEBAY
Prix Pritzker 2023
Cette année, le lauréat de cette édition nous provient du Sud-ouest de l’Angleterre. Il s’agit de David Chipperfield (Sir David Alan Chipperfield). Ayant travaillé sous la direction de Norman Foster (lauréat du Prix Pritzker de 1999) et de Richard Rogers, (lauréat du Prix Pritzker en 2007) il ouvrit sa première agence en 1985 à Londres au travers de laquelle il produisit pendant près de quatre décennies plus d’une centaine de projets aux programmes divers et variés, allant de la résidence à des réalisations à l’échelle urbaine, en Asie, en Europe et en Amérique du Nord. La rencontre de l’histoire et du monde contemporain caractérise son langage architectural. Un mélange reposant à la fois sur la culture locale du lieu d’implantation et les principes fondamentaux qui régissent le domaine du design. Sa force résiderait dans la discrétion et la sobriété qu’il concède à ses réalisations, leur octroyant un statut dans le temps marqué par sa durabilité.
Le Monde devient-il de plus en plus gris ?
C’est un rapport réalisé par le “Science Museum Group” sur la base d’objets réalisé à des périodes différentes de l’histoire britannique qu’un constat se présente, celui de voir les couleurs vibrantes s’éloigner au profit de nuances de gris. Un constat touchant à la fois l’industrie que l’univers de la culture dans son sens le plus large. Une problématique qui tend “lentement mais sûrement” à s’inverser ces récentes années, la génération Z y étant pour quelque chose au travers de ses designs minimalistes aux teintes de blanc, de beige et de marron.
WoW 2023
Comme chaque année, le magazine AD nous présente une sélection de ses 20 œuvres les plus emblématiques (Work of Wonder) réalisées au courant de l’année. Dans ce numéro du mois de mars, on y retrouve parmi elles la Biosphère à Treehotel de l’agence BIG-Bjarke Ingels Group présenté dans le numéro 13 de notre rédaction. Y figure par la même occasion des projets comme “City” par l’artiste Michael Heizer, élaboré en volume de terre compactée et de béton dans le paysage désertique américain du Nevada ou encore le Musée Munch à Oslo avec son revêtement en aluminium recyclé et perforé, préservant “l’espace muséal du capricieux soleil nordique”.

Comment ne jamais être charrette ?
BALMY PAR
LÉA
Être charrette, déf : Être en retard ou très proche du délai imposé pour rendre un projet ; origine : expression apparue au XIXe siècle, où les étudiants architectes des Beaux-Arts qui devaient remettre des projets se rendaient dans leur salle de classe avec une charrette sur laquelle ils les transportaient et finissaient leurs dessins et leurs plans en cours de route.
On connait tous cette personne qui nous énerve parce qu’elle n’est jamais charrette. Cette personne qui termine toujours en avance, qui sait gérer parfaitement son temps lorsque nous sommes qu’au tiers de ce que l’on est censé rendre pour le lendemain.

Dans cet article, plutôt qu’exposer ouvertement ma jalousie, j’ai décidé de rencontrer ces personnes de mon entourage, ces génies du temps, et de leur poser la question : Comment ne jamais être charrette ?
Etudiante en M1. Organisation et prévoyance.
Cela étant dit, il est possible de se lancer dans la production en veillant à se tenir tant que faire se peut à l’emploi du temps qu’on s’est fixé. Il faut vraiment se mettre des limites de réalisation et s’y tenir. Dans tous les cas notre projet ne sera jamais parfait… Il faut choisir ses priorités, les pièces graphiques que l’on aime faire et qui renseigne le mieux notre projet ! Et on peut toujours perfectionner un document à la fin si le cœur nous en dit ! Bien sûr, cette organisation nécessite un peu de rigueur et ne convient pas à tout le monde, mais j’espère qu’elle pourra t’éclairer. Et surtout n'oublions pas que notre travail ne nous définit pas et il y a plein de choses à faire en dehors de l’école… Il faut aussi qu’on cultive nos centres d'intérêt, et qu’on veuille à notre santé et notre moral ! »
Etudiant en M2. Améliorer ses documents chaque semaine.
« En fait, il faut suivre ce qu’attend ton prof chaque semaine, et parfois c’est un handicap car tu ne peux pas passer autant de temps sur chaque document. Donc le mieux c’est de se focaliser sur un ou deux points précis, ça peut être le plan masse et une coupe, par exemple, c’est tout. Tu les bosses à fond, et le reste tu les précises moins, avec juste des esquisses, des schémas... ça fait l’affaire ! La semaine qui suit, tu utilises ta correction pour améliorer les docs que tu avais bien préparés puis tu te focalises sur un autre point, disons la modélisation 3D, par exemple. Puis petit à petit ton projet se précise, avec des documents de mieux en mieux préparés. Tout document que tu produis doit être utile pour ton rendu final, tu ne fais qu’améliorer tes documents. L’idée après c’est de s’organiser pour déterminer les priorités, et ne pas commencer par la fin alors que le projet, avec sa forme, n’est pas fixé. »
Etudiant diplômé en 2022. La mise en page avant tout.
« Je pense qu’il existe plusieurs façons d’éviter les charrettes. Certaines petites astuces comme bien organiser son dossier projet et préparer les mises en page à l’avance peuvent permettre de gagner un temps précieux quand il s’agit de terminer le rendu de projet. Mais globalement je pense que ce qui est important c’est de se fixer ses propres objectifs de rendu pour toujours garder du temps en cas d’imprévus. Dans la dernière ligne droite, quand je vois que le temps commence à être compté je fais le tri dans ce qu’il reste à faire et je mets de côté ce qui n’est pas fondamentalement nécessaire. A mon avis, mieux vaut passer du temps sur un document plutôt que d’en bâcler deux. Je me dis toujours que les profs ne verront pas les documents qui n’ont pas été faits (puisqu’ils n’existent pas par définition) et qu’il vaut mieux leur proposer un beau contenu. La mise en page est primordiale pour présenter convenablement un projet et elle mérite vraiment d’être pensée en amont afin que les documents s’adaptent à elle et pas l’inverse… Si fondamentalement le fait d’être organisé est un point positif je dirai que ce n’est pas nécessaire. Je peux même te dire que je procrastine beaucoup et pourtant je n’ai pas fait une seule charrette en 5 ans d’études. »

Architecture et couleur
Mémoire mention recherche, c’est quoi ?
Le mémoire de fin d’études peut être soutenu avec une mention dite « Recherche ». Destinée aux étudiants souhaitant approfondir leur travail de mémoire, la mention recherche correspond à des exigences plus élevées que pour un mémoire conventionnel. Cette mention permet de s’appliquer au Projet de fin d’études (PFE) et d’articuler les deux sujets par une présentation du mémoire d’environ 20min avant la soutenance de PFE. En plus d’un mémoire conventionnel, la mention recherche demande un travail sur un sujet innovant, une méthodologie très claire, un travail critique, et de porter sa réflexion dans un cadre plus élargi (stage, entretien, conférences), ce qui engendre un nombre de pages plus important pour la rédaction du mémoire, et oblige à avoir un titulaire d’une habilitation à diriger les recherches (HDR) dans son jury lors de l’entretien. Cette mention permet notamment de faciliter l’inscription en doctorat ou dans des formations post-diplôme. Pour s’inscrire, il suffit de s’adresser à son directeur de mémoire.
ETUDIANTE : LÉA BALMY
Année 2023
Introduction
Ce mémoire a pour objet de comprendre, de contextualiser et d’envisager la couleur en architecture, dans un contexte de crise écologique et sociale, en allant au-delà de sa condition d’ornement.
La couleur est un concept fascinant qui a été étudié et défini différemment dans diverses disciplines. La première définition de la couleur est généralement scientifique. En physique, la couleur est une propriété de la lumière visible qui peut être décrite en longueurs d’ondes.
Cependant, chaque discipline a sa propre définition de la couleur. En neurosciences, la couleur est une propriété de la perception visuelle, qui dépend de la façon dont le système visuel traite la lumière entrant dans l’oeil. En philosophie, la couleur est une propriété subjective de l’expérience visuelle qui dépend de la perception de l’observateur. En psychologie, la couleur est un stimulus visuel qui peut affecter les émotions, les attitudes et les comportements des individus. En art, la couleur est un élément visuel important qui peut influencer les émotions, les sentiments et la signification d’une oeuvre.
En architecture, la couleur, à l’origine, est considérée comme un élément d’ornementation. Dans l’architecture contemporaine, la couleur est devenue un élément qui peut influencer notre perception de l’espace. Les architectes utilisent des couleurs vives pour créer des atmosphères englobantes, comme le pensent Dominique Coulon ou Rem Koolhaas. Mais la couleur est aussi déterminée par les matériaux tels que la pierre, le bois, le métal. Cette association entre la couleur et les matériaux est en grande partie définie par la texture et la couleur naturelle de sa matière. Par exemple, le bois peut donner une tonalité de couleurs marron, tandis que le métal est souvent utilisé avec des tonalités grises ou noires, tout comme le béton ou la pierre. Les architectes ne portent pas de « véritable réflexion sur la couleur, mais plutôt une réflexion sur la matérialité »1.
Ainsi, l’utilisation de matériaux naturels réduirait la palette de couleurs à des teintes ternes. Suite à un sondage mené auprès d’architectes, d’étudiants et d’amateurs d’architecture qui pose la question « Pensez-vous que la couleur a disparu du champ architectural ces dernières années ? »2, 49,7 % d’entre eux pensent que oui, 40,7 % pensent que non, tandis que 9,9 % sont partagés. Ce sondage rendrait compte d’un manque d’intérêt pour la couleur en architecture. Pour les coloristes Dominique et Jean-Philippe Lenclos, cela s’explique par l’« interaction étroite de l’utilisation des matériaux trouvés sur place et de l’application de certaines couleurs dictée par les traditions locales »3.
Donc les paysages en France seraient plus ternes, car l’architecture dépend des ressources trouvées sur place, qui sont en l’occurrence de couleur terne (pierre, bois). La volonté d’intégration plus que de contraste pour une nouvelle architecture dans un environnement, rural ou urbain, témoigne du cercle vicieux des couleurs ternes dans le paysage. Pourtant, nous avons besoin de couleur en architecture d’après des collectifs d’architectes comme le New London Fabulous ou la French Touch, et des jeunes agences européennes comme Fala Atelier, Spacon & X ou Office S&M, qui revendiquent le besoin de joie et d’optimisme dans un contexte difficile. Pour l’architecte portugais Filipe Magalhães de Fala atelier, la couleur n’est malheureusement pas considérée comme le sujet principal en architecture, face aux crises sociales et écologiques, mais plutôt comme un sujet superficiel.

« Nous sommes dans une transition politique, une transition sociale, une transition écologique. Aujourd’hui, vous devez avoir un agenda social, vous devez sauver le monde [...]. Et je dirais que la couleur en tant que sujet, du moins à première vue, n’est pas un sujet “pour sauver le monde”. C’est un sujet superficiel. [...] C’est donc difficile, mais je pense que, dans les prochaines années, ce sera encore pire. »4
En effet, au regard des chiffres actuels de la crise écologique, 45 % de l’énergie finale mondiale est consommée par le domaine du bâtiment, 25 % des émissions de gaz à effet de serre proviennent du secteur du bâtiment et 40 millions de tonnes de déchets sont créés chaque année dans le domaine du bâtiment en France5. Le rapport du GIEC présente des solutions possibles pour freiner le réchauffement climatique. Dans le secteur de la construction, il faut rénover les bâtiments pour diminuer leur consommation d’énergie, il est préférable de réhabiliter un bâtiment plutôt que de le démolir pour faire du neuf, il est conseillé de réemployer, réutiliser ou recycler les déchets de chantiers et, enfin, il vaut mieux utiliser des matériaux biosourcés pour les nouvelles constructions.6
Problématique et hypothèses
À travers ces préoccupations, la question posée est la suivante: Quel est l’avenir de la couleur face aux enjeux contemporains : insertion dans le paysage, réhabilitation, transformation ? Et aussi, quel est le rôle de la couleur en architecture, et comment pourrait-il évoluer en réponse à la crise écologique et sociale ?
Pour répondre à cette question, nous partons des hypothèses
suivantes :
- La couleur est en train de disparaître du champ architectural, car on l’envisage uniquement comme un ornement inutile face à la crise écologique. - La couleur est un élément-clé dans l’architecture face aux enjeux contemporains.

Méthodologie et corpus
Pour ce mémoire de terrain, la méthode de travail se déploie en trois temps. Dans un premier temps, j’établis une liste de projets livrés au maximum dans les dix dernières années en France et en Europe. Ces projets sont fondamentalement liés à des architectes reconnus à la fois pour leur discours sur la couleur et pour leur production architecturale colorée (Dominique Coulon, Charles-Henri Tachon, l’Atelier Construire, Fala Atelier, Flores y Prats, Graal, Office S&M, Spacon & X). Deux agences seulement seront sélectionnées comme contre-exemples : elles ne sont pas reconnues comme utilisant la couleur dans leurs productions (Atelier PNG, Encore Heureux). Pour certains architectes, je n’ai pas pu obtenir d’entretien, mais j’ai quand même décidé de conserver les exemples sélectionnés. J’ai décidé délibérément de ne pas faire appel aux designers ou architectes d’intérieur, afin de privilégier le rapport au bâtiment.
Dans un second temps, je contacte les architectes afin de les rencontrer (la plupart en visioconférence), pour discuter avec eux de manière ouverte sur le sujet de la couleur en architecture. Les entretiens, ou « discussions », sont volontairement peu préparés afin de rester ouverts à toute possibilité avec uniquement une liste de questions générales sur la couleur, et une liste de projets de leur production, que je peux utiliser en cas de besoin pour relancer la conversation. Je retranscris mes notes et enregistrements. En plus des entretiens, j’ai créé un sondage à compléter en ligne, destiné aux architectes, aux étudiants et toute autre personne intéressée par le sujet.
Dans un troisième temps, je m’appuie sur un corpus de textes, d’articles, mais aussi de conférences, de vidéos et de podcasts, dans l’optique de saisir les informations fondamentales inhérentes à ce sujet. De cette compréhension séparée et spécifique, je peux croiser les raisonnements et les mettre en relation avec les paroles recueillies lors des entretiens. Mes lectures me permettent tout particulièrement de rédiger la première partie théorique et historique de ce mémoire.
Voici quelques éléments clés :
- Europe : nouvelle génération. (2022, mars). L’Architecture d’Aujourd’hui N. 447.
- Lluch, S. J. (2020). Utiliser la couleur dans un projet d’architecture. Le Moniteur.
- Romano, C. (2020). De la couleur. Éditions Gallimard, collection Folio essais.
- Wigginton, S. (s. d.). The Zealous Suppression Of Colour. Saturated Space. https://en.calameo. com/

read/005989922b6bd44117c6e
Enfin, durant toute la rédaction du mémoire, j’enrichis ma réflexion avec des recherches sur la polychromie que je mène parallèlement en enseignement de projet.
Annonce du plan
Dans ce mémoire, j’aborderais dans un premier temps l’histoire de la couleur en architecture, en examinant les premières applications et théories de la couleur, les grands débats autour de la couleur en architecture et l’influence du XXe siècle sur l’architecture contemporaine. Puis, dans un second temps, je me pencherais sur le projet d’architecture et son rapport à la couleur à l’échelle du contexte, du bâtiment et des matériaux avec des études de cas ancrées dans l’actualité. Pour enfin déterminer l’avenir de la couleur en architecture contemporaine en explorant les défis actuels liés à son utilisation.
Horoscope



Bataille- G1
Vous avez été aux premiers rangs pour proposer une « école idéale » pendant la lutte étudiante. Il serait temps de proposer une « maquette idéale » à votre prochaine correction.
LAURENT- G2
Vous venez de perdre un cutter, un critérium et un réglé. Ça arrive à des centaines d’étudiants en architecture en France, chaque jour, et personne n’en parle. C’est révoltant.
CMAU - G3
Vous avez décidé d’envoyer un mail à votre enseignant pour lui demander si une porte de garage (de votre grand-père qui veut tout foutre à la benne) peut se réemployer en brise-soleil (il fait vraiment chaud en 212).
MDM- G4
Si vous êtes en couple, vous ferez une sortie culturelle à la friche urbaine la plus proche, abattoir, moulin, ou entrepôt. C’est bobo, c’est urbex, c’est intime, c’est architectural. Sinon, vous pouvez rester à l’école et aller visiter l’escalier de service en face de la salle d’impression.
TABET - G5
Vous allez mettre feu à une maquette en terre-paille comme acte politique et artistique de votre projet. « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs »
LAROCHE - G6
Un visiteur du futur vous préviendra de terribles nouvelles : le distributeur automatique de cutter et de tesa de la COOP ne sera toujours pas en fonctionnement les 5 prochaines années, et les Fuze Tea seront remplacé par des Ice Tea. Désolé.
BE - G7
Vous allez devoir faire un choix très important … entre un plan, une coupe ou une maquette. Le timing est trop serré pour tout faire. Mais l'interview de Jeff Bezos vous rassure "Si vous voulez être inventif, il faut être prêt à échouer."
ATELIER X - G8
Vous venez d’apprendre que le terme « charrette » est interdit (oui vous apprenez toujours tout en retard). Vous avez décidé d’employer dorénavant le terme « coyote ». Personne ne vous comprend.

ATELIER D - G9
Si vous n’arrivez pas à utiliser ces p***** de logiciels en BIM alors abandonnez et faites tout à la main. Avec un peu de chance et un crash énergétique, la chance vous sourira.
Après avoir regardé une vidéo sur des briques en crottin de cheval, vous êtes d’autant plus motivé. Pourquoi pas en crottin de vache, de bique ou d’humain ? Après, faudrait pas que les habitants aient l’impression de vivre dans la merde.
STUDIO - G11
Reconversion prévue, déguisée en année de césure dans un chantier d’auto-construction. Objectif : devenir charpentière dans les HautesAlpes.
STUDIO - G12
Vous lancerez un podcast sur l’architecture pour parler de la charrette pour au final arrêter au bout du 2e épisode parce que vous êtes trop charrette.
LA DEF - G13
Vous découvrez que Le Corbusier s'appelle en verité Charles-Édouard Jeanneret. Et ensuite vous le confondez avec son cousin et architecte, Pierre Jeanneret. C'est compliqué.

MASSENA - G14
Vous venez d'apprendre, en avant-première, parce que vous êtes au CA, à la CFVE, à la FED, et au BDE, que l'école a prévu de faire réparer quelque chose de cassé dans l'école.
